claude monet - le pont de l'europe
L'Europe
" Nations, je vous offre et l'ordre et la beauté
Des ruines qui ont la grâce des jeunes filles
Et mes fleuves semblables aux vers des grands poètes
Et tous mes esclavages, toutes mes royautés,
Tous mes dieux charmants qui sont ma foi, qui sont mon art,
Tous ces peuples querelleurs et des fleurs odorantes.
Vous, Églises, où tes aïeules et tes croyants venaient
,s'agenouiller,
O vieilles maisons, nourrices du progrès,
Carrefours où les âges choisirent leur route
et s'en allèrent,
Patries, Patries, Patries dont les drapeaux me vêtent, david
d'homme,
Forêt qui marches à reculons sans que tu t'éloignes,
Je suis tous les fantômes, tous lesombrages,
Les patries, les villes, les champs de bataille,
Amérique, ô ma fille et celle de Colomb. "
L'Amérique
" Hommes qui souffrez, ô femmes qui aimez, et vous enfants
venez
Puiser l'eau du second baptême
Dans le petit lac bleu où le Mississipi puise son onde.
Je suis l'espoir aux grands espaces et l'avenir sans souvenirs.
Parmi les troupes de chevaux sauvages issus des chevaux d'Europe
Gambadent les troupeaux de jeunes pensées issues de
pensées d'Europe
Et de nouvelles vérités sont révélées à ceux qui sont las
des anciennes.
Elles chantent ou pleurent, ou prient ou éclatent de rire
Et préparent de nouveaux travaux.
Un dieu nouveau se dresse dans le canot d'écorce,
Une déesse se peigne en chantant dans les prairies
où mûrit le riz sauvage
C'est aussi l'arrivée d'un vaisseau.
Écoutez danser là-bas des voyageurs équivoques dans un
bal de quarteronnes,
Écoutez aussi au loin derrière les horizons, la plainte,La plainte de ceux qui meurent en Europe en se rappelant
Des prairies où le riz sauvage mûrit au bord du Mississipi
Et les noires cyprières drapées dans la tillandzia argentée ! "
L'Europe et l'Amérique se prirent par la main et, en choeur, chantèrent.
La mer sépare les deux époux
Ce sont les noces énormes de deux continents.
De l'un jaillit un vaisseau à travers l'océan,
L'Europe, nom viril dans le langage diplomatique,
C'est-à-dire international qui est le français,
Et l'on entend distinctement l'article masculin,
Tandis que l'article féminin marque bien Dans la langue des Nations ou langue française,
Le sexe de l'Amérique,
L'Europe étend frénétiquement la rigide péninsule
d'Armor
Et l'Amérique s'étale, largement ouverte,
Où l'isthme humide tressaille aux tropiques.
Amour sublime des nations naissent du couple
démesuré
Dont les éléments favorisent les épousailles.
Le vaisseau poursuit son voyage fécondateur,
Les vents gonflent les voiles, ils gémissent,
Et crient la volupté des géants qui s'entr'aident. "
Apollinaire
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