vendredi 7 septembre 2018

Mon Salon Emile Zola ( Ecrits sur l'art )


en.wikipedia.org
cézanne
                                                Correspondance
                                                                              A M.F. Magnard, rédacteur du Figaro

                                                                                                                 Avril 1867

            Mon cher confrère,
            Ayez l'obligeance, je vous prie; de faire insérer ces quelques lignes de rectification. Il s'agit d'un de mes amis d'enfance, d'un jeune peintre dont j'estime singulièrement le talent vigoureux et personnel.
            Vous avez coupé dans l'Europe un lambeau de prose où il est question d'un M. Sésame qui aurait exposé, en 1863, au Salon des Refusés, " deux pieds de cochon en croix ", et qui, cette année, se serait fait refuser une autre toile intitulée Le Grog au vin.
            Je vous avoue que j'ai eu quelque peine à reconnaître sous le masque qu'on lui a collé au visage, un de mes camarades de collège, M. Paul Cézanne, qui n'a pas le moindre pied de cochon dans son bagage artistique, jusqu'à présent du moins. Je fais cette restriction car je ne vois pas pourquoi on ne peindrait pas de pieds de cochon comme on peint des melons et des carottes.
            P. Paul Cézanne a eu effectivement, en belle et nombreuse et compagnie, deux toiles refusées cette année : Le Grog au vin et Ivresse. Il a plu à M. Arnold Mortier de s'égayer au sujet de ces tableaux et de les décrire avec des efforts d'imagination qui lui font grand honneur. Je sais bien que tout cela est une agréable plaisanterie dont on ne doit pas se soucier. Mais, que voulez-vous ? Je n'ai jamais pu comprendre cette singulière méthode de critique qui consiste à se moquer de confiance, à condamner et à ridiculiser ce qu'on n'a pas même vu. Je tiens tout au moins à dire que les descriptions données par M. Arnold Mortier sont inexactes.
            Vous-même, mon cher confrère, vous ajoutez de bonne foi votre grain de sel, vous êtes convaincu     " que l'auteur peut avoir mis dans ses tableaux une idée philosophique ". Voilà de la conviction placée mal à propos. Si vous voulez trouver des artistes philosophes, adressez-vous aux Allemands, adressez-vous même à nos jolis rêveurs français. Mais croyez que les peintres analystes que la jeune école dont j'ai l'honneur de défendre la cause, se contente des larges réalités de la nature.
            D'ailleurs il ne tient qu'à M. de Nieuwerkerke que Le Grog au vin et Ivresse soient exposés. Vous devez savoir qu'un grand nombre de peintres viennent de signer une pétition demandant le rétablissement du Salon des Refusés. Peut-être M. Arnold Mortier verra-t-il un jour les toiles qu'il a si lestement jugées et décrites. Il arrive des choses si étranges.                                  
            Il est vrai que M. Paul Cézanne ne s'appellera jamais M. Sésame et que, quoiqu'il arrive, il ne sera jamais l'auteur de " deux pieds de cochon en croix ".
            Votre dévoué confrère,

                                                                                                    Émile Zola
                                                             Une Exposition
    la pie claude monet                                        
                                                Les peintres impressionnistes

                                                                                                               Paris 16 avril 1877

            Je ne vous ai point encore parlé de l'exposition des peintres impressionnistes. C'est la troisième fois que ces peintres soumettent leurs oeuvres au public, en dehors des Salons officiels. Leur désir a d'abord été de se soustraire au jugement du jury qui écarte du Salon toutes les tentatives originales. Ils se sont trouvés former ainsi un groupe homogène ayant les uns et les autres une vision à peu près semblable de la nature. Et ils ont alors ramassé comme un drapeau la qualification d'impressionnistes qu'on leur avait donnée. Impressionnistes on les a nommés pour les plaisanter, impressionnistes ils sont restés par crânerie.
            Maintenant je crois qu'il n'y a pas lieu de chercher exactement ce que ce mot veut dire. Il est une bonne étiquette, comme toutes les étiquettes. En France les écoles ne font leur chemin que lorsqu'on les a baptisées, même d'un mot baroque. Je crois qu'il faut entendre par des peintres impressionnistes des peintres qui peignent la réalité et qui se piquent de donner l'impression même de la nature, qu'ils n'étudient pas dans ses détails, mais dans son ensemble. Il est certain qu'à vingt pas on ne distingue nettement ni les yeux ni le nez d'un personnage. Pour le rendre tel qu'on le voit il ne faut pas le peindre avec les rides de la peau, mais dans la vie de son attitude, avec l'air vibrant qui l'entoure. De là une peinture d'impression, et non une peinture de détails. Mais, heureusement, en dehors de ces théories, il y a autre chose dans le groupe, je veux dire qu'il y a de véritables peintres, des artistes doués du plus grand mérite.
            Ce qu'il y a de commun entre eux, je l'ai dit, c'est une parenté de vision. Ils voient toute la nature claire et gaie, sans le jus de bitume et de terre de Sienne des peintres romantiques. Ils peignent le plein air, révolution dont les conséquences seront immenses. Ils ont des colorations blondes, une harmonie de tons extraordinaire, une originalité d'aspect très grande. D'ailleurs ils ont chacun un tempérament très différent et très accentué.
            Je ne puis, dans cette correspondance, leur accorder à chacun l'étude qu'ils mériteraient. Je me contenterai de les nommer.
            M. Claude Monet est la personnalité la plus accentuée du groupe. Il a exposé cette année des intérieurs de gare superbes. On y entend le grondement des trains qui s'engouffrent, on y voit des débordements de fumée qui roulent sous les vastes hangars. Là est aujourd'hui la peinture dans ces cadres modernes d'une si belle largeur. Nos artistes doivent trouver la poésie des gares, comme leurs pères ont trouvé celle des forêts et des fleuves.
            Je citerai ensuite M. Paul Cézanne qui est à coup sûr le plus grand coloriste du groupe. Il y a de lui à l'exposition des paysages de Provence du plus beau caractère. Les toiles si fortes et si vécues de ce peintre peuvent faire sourire les bourgeois, elles n'en indiquent pas moins les éléments d'un très grand peintre. Le jour où M. Paul Cézanne se possédera tout entier il produira des oeuvres tout à fait supérieures.
            M. Renoir a envoyé des portraits de femmes charmants. Le succès de l'exposition est la tête de Mlle Samary, la pensionnaire de la Comédie Française, une tête toute blonde et rieuse. Mais je préfère les portraits de Mme G. C. et de Mme A. D. qui me paraissent beaucoup plus solides et d'une qualité de peinture supérieure. M. Renoir expose également un Bal du Moulin de la Galette, grande toile d'une intensité de vie extraordinaire.
            Je ne puis également donner que quelques lignes à Mlle Berthe Morisot dont les toiles sont d'une couleur si fine et si juste. Cette année La Psyché et Jeune femme à la toilette sont deux véritables perles où les gris et les blancs jouent une symphonie très délicate. J'ai aussi remarqué des aquarelles délicieuses de l'artiste.
            La place va me manquer et il faut que je passe rapidement sur M. Degas dont les aquarelles sont si belles. Il y a des danseuses prodigieuses, surprises dans leur élan, des café-concerts d'une vérité étonnante avec divas qui se penchent au-dessus des quinquets fumeux, la bouche ouverte. M. Degas est un dessinateur d'une précision admirable et ses moindres figures prennent un relief saisissant.                                       

            Je ne range pas ici les peintres impressionnistes par rang de mérite, car j'aurais dans ce cas parlé déjà de M. Pissaro et de M. Sisley deux paysagistes du plus grand talent. Ils exposent chacun dans des notes différentes, des coins de nature d'une vérité frappante. Enfin je nomme M. Caillebotte, un jeune peintre du plus beau courage et qui ne recule pas devant les sujets moderne grandeur nature. Sa Rue de Paris par un temps de pluie montre des passants, surtout un monsieur et une dame au premier plan qui sont d'une belle vérité. Lorsque son talent se sera un peu assoupli encore M. Caillebotte sera certainement un des plus hardis du groupe.                                                                     
            Et maintenant les peintres impressionnistes peuvent laisser le public sourire, leur triomphe est à ce prix. Toujours le public a souri devant les tableaux originaux. Lorsque Delacroix et Decamps ont paru la foule s'est fâchée et a voulu crever leurs toiles. Le privilège des artistes de tempérament est d'ameuter et de passionner leur époque. Ce qu'il y a de certain c'est qu'il sortira forcément quelque chose  du mouvement que déterminent aujourd'hui les peintres impressionnistes. Avant quelques années on verra leur influence se produire sur les Salons officiels eux-mêmes. L'avenir de notre école est là. Le branle est donné, les maîtres n'ont plus qu'à réaliser la note nouvelle.
            La preuve que les peintres impressionnistes déterminent un mouvement c'est que le public tout en riant va voir en foule leur exposition. On y compte par jour plus de cinq cents visiteurs. C'est un succès pour qui connaît les choses. Non seulement les frais de l'exposition seront couverts, mais il y aura peut-être des bénéfices. Bon courage et bon succès aux peintres impressionnistes !


Caillebotte
                                                             Émile Zola



                                                                M. Manet

                                                                                                                 Mai 1866

            Si nous aimons à rire en France, nous avons à l'occasion une exquise courtoisie et un tact parfait. Nous respectons les persécutés, nous défendons de toute notre puissance la cause des hommes qui luttent seuls contre une foule.                                                                
            Je viens aujourd'hui tendre une main sympathique à l'artiste qu'un groupe de ses confrères a mis à la porte du Salon. Si je n'avais pour le louer sans réserve la grande admiration que fait naître en moi son talent, j'aurais encore la position qu'on lui a créée de paria, de peintre impopulaire et grotesque.
            Avant de parler de ceux que tout le monde peut voir, de ceux qui étalent leur médiocrité en pleine lumière, je me fais un devoir de consacrer la plus large possible à celui dont on a volontairement écarté les oeuvres et que l'on n'a pas jugé digne de figurer parmi quinze cents à deux mille impuissants qui ont été reçus à bras ouverts.
            Et je lui dis : " Consolez-vous. On vous a mis à part et vous méritez de vivre à part. Vous ne pensez pas comme toutes ces gens-là, vous peignez selon votre coeur et selon votre chair, vous êtes une personnalité qui s'affirme carrément. Vos toiles sont mal à l'aise parmi les niaiseries et les sentimentalités du temps. Restez dans votre atelier. C'est là que je vais vous chercher et vous admirer. "

            Je m'expliquerai le plus nettement possible sur M. Manet. Je ne veux point qu'il y ait de malentendu entre le public et moi. Je n'admettrai pas et je n'admettrai jamais qu'un jury ait eu le pouvoir de défendre à la foule la vue d'une des individualités les plus vivantes de notre époque. Comme mes sympathies sont en dehors du Salon je n'y entrerai que lorsque j'aurai contenté ailleurs mes besoins d'admiration.
            Il paraît que je suis le premier à louer sans restriction M. Manet. C'est que je me soucie peu de toutes ces peintures de boudoir, de ces images coloriées, de ces misérables toiles où je ne trouve rien de vivant. J'ai déjà déclaré que le tempérament seul m'intéressait.
            On m'aborde dans les rues et on me dit :
            - Ce n'est pas sérieux, n'est-ce pas  ? Vous débutez à peine, vous voulez couper la queue de votre chien. Mais, puisqu'on ne vous voit pas, rions un peu ensemble du haut comique du Dîner sur l'herbe, de l'Olympia, du Joueur de fifre.
            Ainsi nous en sommes à ce point en art, nous n'avons plus même la liberté de nos admirations. Voilà que je passe pour un garçon qui se ment à lui-même par calcul. Et mon crime est de vouloir enfin dire la vérité sur un artiste qu'on feint de ne pas comprendre et qu'on chasse comme un lépreux du petit monde des peintres.
            L'opinion de la majorité sur M. Manet est celle-ci : - M. Manet est un jeune rapin qui s'enferme pour fumer et boire avec des galopins de son âge. Alors, lorsqu'on a vidé des tonnes de bière, le rapin décide qu'il va peindre des caricatures et les exposer pour que la foule se moque de lui et retienne son nom. Il se met à l'oeuvre, il fait des choses inouïes, il se tient lui-même les côtes devant son tableau, il ne rêve que de se moquer du public et de se faire une réputation d'homme grotesque... -
            Bonnes gens !
            Je puis placer ici une anecdote qui rend admirablement le sentiment de la foule. Un jour, M. Manet et un littérateur très connu étaient assis devant un café des boulevards. Arrive un journaliste auquel le littérateur présente le jeune maître :
            - M. Manet, dit-il. Le journaliste se hausse sur ses pieds, cherche à droite, cherche à gauche, puis il finit par apercevoir devant lui l'artiste, modestement assis et tenant une toute petite place. Ah ! Pardon, s'écrie-t-il, je vous croyais colossal et je cherchais partout un visage grimaçant et patibulaire.
            Voilà tout le public.                                                                  
            Les artistes eux-mêmes, les confrères, ceux qui devraient voir clair dans la question, n'osent se décider. Les uns, je parle des sots, rient sans regarder, font des gorges chaudes sur ces toiles fortes et convaincues. Les autres parlent de talent incomplet, de brutalités voulues, de violences systématiques. En somme, ils laissent plaisanter le public sans songer seulement à lui dire :
            - Ne riez pas si fort, vous ne voulez passer pour des imbéciles. Il n'y a pas le plus petit mot pour rire dans tout ceci. Il n'y a qu'un artiste sincère, qui obéit à sa nature, qui cherche le vrai avec fièvre, qui se donne entier et qui n'a aucune de nos lâchetés.
            Puisque personne ne dit cela, je vais le dire, moi, je vais le crier. Je suis tellement certain que M. Manet sera un des maîtres de demain que je croirais conclure une bonne affaire, si j'avais de la fortune, en achetant aujourd'hui toutes ses toiles. Dans cinquante ans elles se vendront quinze et vingt fois plus cher, et c'est alors que certains tableaux de quarante mille francs ne vaudront pas quarante francs.
            Il ne faut pourtant pas avoir beaucoup d'intelligence pour prophétiser de pareils événements.
            On a d'un côté des succès de mode, des succès de salons et de coteries, on a des artistes qui se créent une petite spécialité, qui exploitent un des goûts passagers du public, on a des messieurs rêveurs et élégants qui, du bout de leurs pinceaux, peignent des images mauvais teint que quelques gouttes de pluie effaceraient.
            D'un autre côté, au contraire, on a un homme s'attaquant directement à la nature, ayant remis en question l'art entier, cherchant à créer de lui-même et à ne rien cacher de sa personnalité. Est-ce que vous croyez que des tableaux peints d'une main puissante et convaincue ne sont pas plus solides que de ridicules gravures d'Epinal ?
            Nous irons rire, si vous le voulez, devant les gens qui se moquent d'eux-mêmes et du public en exposant sans honte des toiles qui ont perdu leur valeur première depuis qu'elles sont barbouillées de jaune et de rouge. Si la foule avait reçue une forte éducation artistique, si elle savait admirer seulement les talents individuels et nouveaux, je vous assure que le Salon serait un lieu de réjouissance publique, car les visiteurs ne pourraient parcourir deux salles sans se rendre malades de gaieté. Ce qu'il y a de prodigieusement comique à l'Exposition ce sont toutes ces oeuvres banales et impudentes qui s'étalent montrant leur misère et leur sottise.
            Pour un observateur désintéressé c'était un spectacle navrant que ces attroupements bêtes devant les toiles de M. Manet. J'ai entendu là bien des platitudes. Je me disait : " Serons-nous donc toujours si enfants et nous croirons-nous donc toujours obligés de tenir boutique d'esprit ? Voilà des individus qui rient, la bouche ouverte, sans savoir pourquoi, parce qu'ils sont blessés dans leurs habitudes et dans leurs croyances. Ils trouvent cela drôle et ils rient. Ils rient comme un bossu rirait d'un autre homme, parce que cet homme n'aurait pas de bosse. "

            Je ne suis allé qu'une fois dans l'atelier de M. Manet. L'artiste est de taille moyenne, plutôt petite que grande, blond de cheveux et de visage légèrement coloré. Il paraît avoir une trentaine d'années, l'oeil vif et intelligent, la bouche mobile un peu railleuse par instants, la face entière irrégulière et expressive a je ne sais quelle expression de finesse et d'énergie. Au demeurant l'homme, dans ses gestes et dans sa voix, a la plus grande modestie et la plus grande douceur.
            Celui que la foule traite de rapin gouailleur vit retiré en famille. Il est marié et a l'existence réglée d'un bourgeois. Il travaille d'ailleurs avec acharnement, cherchant toujours, étudiant la nature, s'interrogeant et marchant dans sa voie.                                                          
            Nous avons causé ensemble de l'attitude du public à son égard. Il n'en plaisante pas mais il n'en paraît pas non plus découragé. Il a foi en lui, il laisse passer tranquillement sur sa tête la tempête des rires, certain que les applaudissements viendront.
            J'étais en face d'un lutteur convaincu, en face d'un homme impopulaire qui ne tremblait pas devant le public, qui ne cherchait pas à apprivoiser la bête mais qui s'essayait plutôt à la dompter, à lui imposer son tempérament.
            C'est dans cet atelier que j'ai compris complètement M. Manet. Je l'avais aimé d'instinct. Dès lors j'ai pénétré son talent, ce talent que je vais tâcher d'analyser. Au Salon ses toile criaient sous la lumière crue, au milieu des images à un sou qu'on avait collées au mur autour d'elles. Je les voyais enfin à part ainsi que tout tableau doit être vu, dans le lieu même où elles avaient été peintes.
            Le talent de M. Manet est fait de simplicité et de justesse. Sans doute, devant la nature incroyable de certains de ses confrères, il se sera décidé à interroger la réalité seul à seule. Il aura refusé toute la science acquise, toute l'expérience ancienne, il aura voulu prendre l'art au commencement, c'est-à-dire à l'observation exacte des objets.

            Il s'est donc mis courageusement en face d'un sujet, il a vu ce sujet par larges taches, par oppositions vigoureuses, et il a peint chaque chose telle qu'il la voyait. Qui ose parler ici de calcul mesquin, qui ose accuser un artiste consciencieux de se moquer de l'art et de lui-même ? Il faudrait punir les railleurs car ils insultent un homme qui sera une de nos gloires, et ils l'insultent misérablement, riant de lui qui ne daigne même pas rire d'eux. Je vous assure que vos grimaces et que vos ricanements l'inquiètent peu.

            J'ai revu Le Dîner sur l'herbe, ce chef-d'oeuvre exposé au Salon des Refusés et je défie nos peintres en vogue de nous donner un horizon plus large et plus empli d'air et de lumière. Oui, vous riez encore parce que les ciels violets de M. Nazon vous ont gâtés. Il y a ici une nature bien bâtie qui doit vous déplaire. Puis nous n'avons ni la Cléopâtre en plâtre de M. Gérome, ni les jolies personnes roses et blanches de M. Dubufe. Nous ne trouvons malheureusement là que des personnages de tous les jours qui ont le tort d'avoir des muscles et des os, comme tout le monde. Je comprends votre désappointement et votre gaieté en face de cette toile. Il aurait fallu chatouiller votre regard avec des images de boîtes à gants.
            J'ai revu également l'Olympia qui a le défaut grave de ressembler à beaucoup de demoiselles que vous connaissez. Puis, n'est-ce pas ? quelle étrange manie que de peindre autrement que  les autres ! Si au moins M. Manet avait emprunté la houppe à poudre de riz de M. Cabanel et s'il avait un peu fardé les joues et les seins d'Olympia, la jeune fille aurait été présentable. Il y a là aussi un chat qui a bien amusé le public. Il est vrai que ce chat est d'un haut comique, n'est-ce pas ? et qu'il faut être insensé pour avoir mis un chat dans ce tableau. Un chat, vous imaginez-vous cela... Un chat noir, qui plus est. C'est très drôle... O mes pauvres concitoyens, avouez que vous avez l'esprit facile. Le chat légendaire d'Olympia est un indice certain du but que vous vous proposez en vous rendant au Salon.Vous allez y chercher des chats, avouez-le, et vous n'avez pas perdu votre journée lorsque vous trouvez un chat noir qui vous égaye.
            Mais l'oeuvre que je préfère est certainement Le joueur de fifre, toile refusée cette année. Sur un fond gris et lumineux se détache le jeune musicien, en petite tenue, pantalon rouge et bonnet de police. Il souffle dans son instrument se présentant de face. J'ai dit plus haut que le talent de M. Manet était fait de justesse et de simplicité, me souvenant surtout de l'impression que m'a laissée cette toile. Je ne crois pas qu'il soit possible d'obtenir un effet plus puissant avec des moyens moins compliqués.
            Le tempérament de M. Manet est un tempérament sec, emportant le morceau. Il arrête vivement ses figures. Il ne recule pas devant les brusqueries de la nature, il rend dans leur vigueur les différents objets se détachant les uns sur les autres. Tout son être le porte à voir par tâches, par morceaux simples et énergiques. On peut dire de lui qu'il se contente de chercher des tons justes et de les juxtaposer ensuite sur une toile. Il arrive que la toile se couvre ainsi d'une peinture solide et forte. Je retrouve dans le tableau un homme qui a la curiosité du vrai et qui tire de lui un monde vivant d'une vie particulière et puissante.
            Vous savez quel effet produisent les toiles de M. Manet au Salon. Elles crèvent le mur, tout simplement. Tout autour d'elles s'étalent les douceurs des confiseurs artistiques à la mode, les arbres en sucre candi et les maisons en croûte de pâté, les bonshommes en pain d'épices et les bonnes femmes faites de crème à la vanille. La boutique de bonbons devient plus rose et plus douce et les toiles vivantes de l'artiste semblent prendre une certaine amertume au milieu de ce fleuve de lait. Aussi faut-il voir les grimaces des grands enfants qui passent dans la salle. Jamais vous ne leur ferez avaler deux sous de véritable chair ayant la réalité de la vie. Mais ils se gorgent comme des malheureux de toutes les sucrettes écoeurantes qu'on leur sert.
             Ne regardez plus les tableaux voisins. Regardez les personnes vivantes qui sont dans la salle. Étudiez les oppositions de leurs corps sur le parquet et sur les murs. Puis regardez les toiles de M. Manet, vous verrez que là est la vérité et la puissance. Regardez maintenant les autres toiles, celles qui sourient bêtement autour de vous : vous éclatez de rire, n'est-ce pas ?
            La place de M. Manet est marquée au Louvre, comme celle de Courbet, comme celle de tout artiste d'un tempérament original et fort. D'ailleurs il n'y a pas la moindre ressemblance entre Courbet et M. Manet, et ces artistes, s'ils sont logiques, doivent se nier l'un l'autre. C'est justement parce qu'ils n'ont rien de semblable qu'ils peuvent vivre chacun d'une vie particulière.
            Je n'ai pas de parallèle à établir entre eux, j'obéis à ma façon de voir en ne mesurant pas les artistes d'après un idéal absolu et en n'acceptant que les individualités uniques, celles qui s'affirment dans la vérité et dans la puissance.
            Je connais la réponse : " Vous prenez l'étrangeté pour l'originalité, vous admettez donc qu'il suffit de faire autrement que les autres pour faire bien. " Allez dans l'atelier de M. Manet, messieurs, puis revenez dans le vôtre et tâchez de faire ce qu'il fait, amusez-vous à imiter ce peintre qui, selon vous, a pris en fermage l'hilarité publique. Vous verrez alors qu'il n'est pas si facile de faire rire le monde.
            J'ai tâché de rendre à M. Manet la place qui lui appartient, une des premières. On rira peut-être du panégyrique comme on a ri du peintre. Un jour, nous serons vengé tous deux. Il y a une vérité éternelle qui me soutient en critique : c'est que les tempéraments seuls vivent et dominent les âges. Il est impossible, impossible, entendez-vous, que M. Manet n'ait pas son jour de triomphe, et qu'il n'écrase pas les médiocrités timides qui l'entourent.
            Ceux qui doivent trembler ce sont les faiseurs, les hommes qui ont volé un semblant d'originalité aux maîtres du passé. Ce sont ceux qui calligraphient des arbres et des personnages, qui ne savent ni ce qu'ils sont ni ce que sont ceux dont ils rient. Ceux-là seront les morts de demain. Il y en a qui sont morts depuis dix ans lorsqu'on les enterre et qui se survivent en criant qu'on offense la dignité de l'art si l'on introduit une toile vivante dans cette grande fosse commune du Salon


                                                                                         Émile Zola

           




jeudi 6 septembre 2018

Dans le murmure des feuilles qui dansent Agnès Ledig ( Roman France )

.
amazon.fr


                                               Dans le murmure
                                                                  des feuilles qui dansent

            Destins parallèles qui se rejoindront. Des arbres et des forêts. Un petit garçon malade, très, hospitalisé en milieu stérile, joyeux, aimé, tellement par son grand demi-frère Thomas qui lui raconte l'histoire du hêtre, de l'écureuil et de sa hotte. Puis d'un chapitre l'autre, un 2 février le Procureur de Strasbourg reçoit une lettre, simple demande de renseignements pour la poursuite de l'écriture d'un roman policier. Elle s'appelle Anaëlle, lui Hervé, entre eux la secrétaire qui porte le courrier, Jocelyne, maladroite, jalouse. De la réponse de l'un au remerciement de l'autre le courant passe. Le Procureur a une quarantaine dépassée, une femme et deux enfants, il l'écrira un peu plus tard, elle est secrétaire médicale dans un cabinet de gynécologues, elle n'a pu terminer ses études de pharmacologie à la suite d'un très grave accident de voiture. Elle habite Sélestat, comme Thomas menuisier quand il abandonne quelques heures Simon, remplacé par son père souvent absent, il travaille à la Commission Européenne, et sa fragile maman. C'est l'histoire très bien racontée de quelques personnages, cabossés de la vie. Les séquelles de l'accident sont suffisamment graves pour que Anaëlle hésite à poursuivre cette correspondance, mondaine au départ, mais : " .... ( Hervé ) Je serai là pour toutes vos questions. Et même vos non-réponses..... " Mais comment rendre compte de l'immense tendresse que partagent les deux frères. La nature racontée par un abonné à " la hulotte ". Hervé raconte sa vie au Palais de Justice "...... Dans mon travail je ne m'ennuie pas......  mais ce dont mes journées sont remplies est assez déprimant : meurtres, vols....... violence conjugale..... " Thomas cache son angoisse et parle du coucou avec Simon "....... Ils commencent à chanter dans la forêt....... Ils devaient se battre pour un territoire, c'était agressif ! - Ou pour une femelle. - Oh ! tu sais les coucous ne sont pas des exemples de fidélité, comme les oies sauvages. Ils ont plusieurs femelles,et les femelles plusieurs mâles..... Les oies choisissent un mari ou une femme et restent fidèles jusqu'à la mort........ " De leur côté Anaëlle et Hervé sont en but à la féroce jalousie de Jocelyne qui veut, pense-t-elle défendre le bonheur conjugal de l'épouse de son patron. "........ L'être humain est probablement le seul animal à être capable de se faire du mal par la simple pensée. Jocelyne en est la preuve vivante.... " Le printemps et l'été, La jeune secrétaire médicale achète une vieille maison au pied des Vosges. Installer un nouvel escalier, un chien-assis, un plancher, un menuisier lui prépare un devis, Thomas recommandé par des amis. Les sentiments s'épanouissent mal, le Procureur est fortement allergique aux chats. Nougat est le chat de Anaëlle. L'été, les vacances, août, septembre. Six mois de transe, d'incertitude et d'actions pourtant. Un bon et beau livre, très bien écrit, des personnages vivants. Quatrième livre pour l'auteur, sage-femme en Alsace, qui connaît bien le sujet. Livre où la mélancolie est remplacée par l'humour, espoir, angoisse. Simon, " Penser à Simon..... " Belle lecture.

lundi 3 septembre 2018

Gérard Cinq années dans les pattes de Depardieu Mathieu Sapin ( BD France )


amazon.fr


                                                      GERARD

                                    Cinq années dans les pattes de

                                                     DEPARDIEU 

            En 2011 Mathieu Sapin propose à Gérard Depardieu de le dessiner dans ses activités, ce que le comédien accepte et se révèle un genre de road-movie lorsque Depardieu se rend en Russie, Ouzbékistan, Kazakstan et ailleurs. Cinq années durant dessinant le comédien dans sa tenue habituelle lorsqu'il est chez lui, quel que soit le pays, des suites en général, et lui-même dans le rôle de l'innocent, il note les réflexions de l'homme, à peine caricaturé tant il s'était épanché dans la presse lors de la présidence de Hollande et des impôts si lourds qu'il quitta la France pour la Belgique, puis devint Russe, avec un passeport russe, émouvant dans ses perpétuels déplacements. Gérard Depardieu : " ..... Parce que le seul endroit où j'aime être c'est ailleurs......  " Il trouve la France et les Français
tristes. Ses morts ne sont pas morts, il est avec eux, douleur dépassée. Alors il tourne, beaucoup, des publicités en Russie où il projette d'ouvrir des rôtisseries, extrêmement gourmand, de viande beaucoup, il apprécie les couilles de mouton. " ........ Il n'y a rien que tu aimes en Amérique ? - J'aime bien  leurs hot-dogs avec des oignons, là c'est bon, même si tu mets deux jours à les digérer...... " Les eaux-de-vie à la cerise, plus exactement " .......  Il en a à la cerise ? J'aime bien la cerise, à cause des décoctions aux queues de cerises, ça me rappelle ma mère........ " Gérard Depardieu a peu fréquenté l'école de la république, mais très tôt celle de la vie : "......... Quoi !? Tu as aidé à l'accouchement de tes frères !!! - Trois...... " Reconnu par les touristes aussi bien que par les gens des pays qu'il traverse. Depardieu et son amitié pour Poutine et d'autres dirigeants. Gérard Depardieu est cultivé, il a joué tous les classiques, et partage avec Dumas qu'il aime beaucoup, le poids ce dernier 135 kilos, Depardieu 140, le premier avait un château, Gérard en a deux, où il ne se rend guère de même dans son vignoble. En voyage où il est accompagné par une équipe où dans ses diverses activités d'homme d'affaires, beaucoup de gens vivent grâce à Gérard Depardieu, aujourd'hui âgé de 69 ans, il ne souhaite pas vivre au-delà de 74/75ans. Sa maison vaste à Paris remplie d'oeuvres tels ceux de Germaine Richier, Brancusi, Camille Claudel et tant d'autres, des tableaux à même le sol, il n'aime pas les accrocher. A la tête de sociétés, "...... C'est pas facile d'être banquier aujourd'hui. - Yes, but... - C'est rien, je n'ai besoin de rien. L'argent ne m'intéresse pas........ " Mais il concrétise des projets,
" Faire de la pomme de terre en Biélorussie, la Pomme de terre Prince Gérard...... " Gérard Depardieu star internationale, mais Gérard Depardieu bien français, ses idées, sa vie, son environnement, et chacun trouve ce qu'il veut dans cette bonne BD, assez lourde à porter et très sympathique à lire, comme le héros.



vendredi 31 août 2018

Lettre à une jeune gymnaste Nadia Comaneci ( Biographie EtatsUnis ( Roumanie ) )


amazon.fr


                           Lettres à une jeune gymnase

            En 1976 le 18 juillet aux Jeux Olympiques de Montréal Nadia Comaneci obtient un 10.0, note parfaite,  trois médailles d'or, elle a quinze ans ( née en novembre 1961).entraînée par Béla Karolyi
Née à Onesti à l'est de la Roumanie, à 4 heures de Bucarest, petite ville où sont entraînés dans un gymnase soutenu par l'Etat les meilleurs gymnastes choisis par Karolyi un peu partout dans le pays, pays sous la coupe alors de l'URSS, et dirigé par Ceausescu. Elle rejoint alors le gymnase officiel de Bucarest et semble satisfaite de sa vie de groupe. Les règles du parti communiste sont pourtant dures pour le peuple. Et dans ce livre composé de réponses à une admiratrice qui n'apparaît jamais, Nadia Comaneci raconte, sa vie d'athlète de très haut niveau, son exploitation dont elle n'est guère consciente avant la fin de sa carrière de gymnaste absolument exceptionnelle, son retour à une vie de famille qu'elle soutient, des restrictions alimentaires, le peuple réduit à échanger un morceau de fromage, ou de poisson, la Securitate qui partout suit, surveille tout et tout le monde.
            " .......  Belà pensait que le soutien excessif de la nation éroderait davantage les vies disciplinées de ses gymnastes. Je pense en revanche que cette érosion était le sous-produit de notre âge. Nous étions plus âgées, plus intelligentes et nous avions compris que la vie et la compétition n'étaient jamais justes...... " Les compétitions se suivent, avec parfois des chutes " ........ C'était très étrange de penser que le chef de mon pays regardait la gymnastique...... Il est encore plus curieux de se dire qu'il croyait que mes aptitudes reflétaient notre système gouvernemental........ " Si Nadia Comaneci connaît la discipline très stricte elle écrit " ....... J'ai fait quelque chose de ma vie et j'ai appris ce qu'étaient la force, la détermination et la volonté...... " Karolyi leur apprend surtout la concentration, à visualiser leurs mouvements avant la compétition, et Comaneci revient à plusieurs reprises sur le fait de suivre un petit fil, ténu certes, qui guide vers le meilleur choix possible. Les détails des Saltos, l'un d'eux porte son nom Salto Comaneci, le Tsukahara, saut à rotations multiples, et bien d'autres sont décrits, avis aux amateurs " ...... les dégâts physiques de la gymnastique...... fractures de fatigue........ Des psychologues de l'équipe nous entraînaient à réaliser nos enchaînements à maintes reprises dans nos têtes......... " Certains entraîneur et gymnaste tenteront de fuir le régime. Nadia Comaneci, nous savons dès les premières pages qu'elle habite l'Oklaoma, quitte le pays dans des circonstances pénibles, trois mois avant la chute de Nicolae et Elena Ceausescu, en 1989. Attachée à son pays où elle a épousé un gymnaste américain Bart Conner. Sa vie est un roman, quelque part historique, vivant, joyeux tant l'athlète a de volonté et de force forgées dans une lutte très dure contre des difficultés quotidiennes. L'écriture est simple, le livre à lire.

              

            

lundi 27 août 2018

Le Président a disparu Bill Clinton James Patterson ( Roman Policier EtatsUnis )


amazon.fr


                                                    Le Président a disparu

            Un jeudi 10 mai Duncan, Président des EtatsUnis, est un président en grande difficulté, accusé d'avoir rencontré en secret un terroriste recherché par tous les services secrets, il doit rendre des comptes sous peine d'un vote d'empeachment. Par ailleurs les six plus proches conseillers du Président et la Vice Présidente reçoivent le nom de code d'une action très grave prévue deux jours plus tard, ce nom a été confié à la fille du Président, étudiante à la Sorbonne et nullement mêlée aux affaires politiques. Une attaque imminente qui mènera le pays au bord du gouffre. Une menace annoncée sans demande de rançon ou autre. Le Président ne peut que suivre les directives qu'il reçoit par SMS et seul avec le Secret Service se rendre au rendez-vous fixé. Le Président s'interroge, bien déguisé, dans un stade alors que se déroule un match de baseball. Le public est bruyant et n'entendra pas les éventuels tirs, s'agit-il de "...... la religion, l'immigration, l'identité sexuelle. Parfois, ce rejet de la différence est une simple drogue pour alimenter le monstre en chacun de nous........ " Mais au fil des pages on apprend que le Président redoute une taupe au sein de son conseil restreint, et qu'en accord avec le Secret Service les principaux ministres de certains pays , Allemagne, Israël, Russie, se rendent dans une résidence privée, secrète pas très éloignée de Washington. Qui derrière les hackers qui défient les EtatsUnis. Un jeune Turc, une Georgienne dissidente qui aime l'Abkhazie. Tout cela parait un peu compliqué pourtant la lecture, passées les toutes premières pages, prend son rythme.
" .......... Je préconise simplement de rester ouvert à toutes possibilités. Selon mon expérience ces gens sont de brillants stratèges...... " L'un des contacts, Augie, Ukrainien, est un brillant mathématicien.
" ......... Les spéculations vont bon train, allant du plausible à l'improbable........ " Le Président est atteint d'une maladie du sang. Soigné tant bien que mal, il poursuit sa recherche de renseignements, pour sauver son peuple, trois cents millions d'américains. Seuls deux membres de son cabinet savent où il se trouve afin de préserver ce contact, le Président a disparu " ....... Les spéculations vont bon train. Il a fait une rechute........ il a quitté la ville pour préparer son audience devant la Commission d'Enquête......... II s'est sauvé avec l'argent que lui a donné Suliman Cindoruk....... " Vendredi 11 mai puis arrive le samedi 12 et les heures, les minutes, les secondes seront comptées. Si un certain code n'est pas découvert tout le pays sera dans le noir, déconnecté d'internet, plus d'électricité, plus d'argent, plus de transactions dans les banques, plus d'eau potable, Les meilleurs spécialistes d'internet travaillent pour déconnecter ce malware, virus qui se réveille sous certaines actions et se rendort, et détruira tout à une certaine heure, et une tueuse, heureusement enceinte, amateur de musique classique. " ......... La moitié de nos effectifs opère du Pentagone et s'emploie à limiter l'impact de cette attaque imminente sur nos systèmes. Les protocoles de mitigation dont parlait Augie....... " Enfin dans son discours devant les membres du congrès le Président réapparu "....... Nous avons besoin de rêveurs et de travailleurs, de spécialistes et d'entrepreneurs pour doper l'emploi et l'économie........... " Et les auteurs de cet assez gros bouquin sont Bill Clinton et James Patterson, l'ancien président démocrate des EtatsUnis et le plus riche des auteurs de romans policiers américains.

            

samedi 25 août 2018

Rue Cambon Place Vendôme in Le Piéton de Paris ( extraits ) Léon-Paul Fargue ( Nouvelles France )

février | 2014 | Valais Libre | Page 2
vslibre.wordpress.com/


                                                       Rue Cambon
                                                                               Place Vendôme

            On ne sait guère que le fondateur de l'hôtel Ritz fut un homme comme vous ou moi, et qui s'appelait réellement et tout simplement M. Ritz, comme Flaubert s'appelait Flaubert et M. Thiers M. Thiers.
            On crut volontiers, loin de Paris, là où le Ritz recrute justement le plus étincelant de sa clientèle, que Ritz serait plutôt un mot comme Obélisque, Tour Eiffel......... Ce point de vue se défend.
            Je disais un soir à Marcel Proust; qui venait précisément de commander pour nous, à minuit, un melon frais au Ritz, que je rêvais de composer un catéchisme à l'usage des belles voyageuses ornées de valises plus belles encore. Catéchisme dont l'idée m'avait été fournie par une conversation que j'avais eue dans un salon avec les plus beaux yeux du Chili :
            - A quoi rêvent les jeunes filles fortunées ?
            - A la vie d'hôtel.
            - Quels sont leurs hôtels préférés ?
            - Elles préfèrent toutes le même : le Ritz.
            - Qu'est-ce que le Ritz ?
            - C'est Paris.
            - Et qu'est-ce que Paris ?
            - Le Ritz.
            " On ne saurait mieux dire ", murmurait Proust, qui eut toujours pour cet établissement une tendresse mêlée de curiosité. Il aimait, lui si expansif, qu'on y observât très sérieusement la première et la plus noble règle des hôtels  : la discrétion. Discrétion absolue, obturée au ciment armé, et du type " rien à faire ". Il avait été profondément intéressé aussi, un soir, par le métier d'hôtelier, qu'il trouvait l'un des plus humains de tous et le mieux fait pour recueillir, palpitant, sincère et précis, le secret des êtres. On ne dit la vérité, paraît-il, qu'au médecin et à l'avocat. La Sagesse des Nations aurait pu ajouter : et à l'hôtelier.
            Tout comme les premiers directeurs du Grand Hôtel, M. Ritz, lorsqu'il lança son établissement, révolutionna l'industrie hôtelière européenne. C'était en effet la première fois, depuis qu'il y a des hommes et qui ne couchent pas chez eux, que chaque appartement fut pourvu d'une salle de bains. Au premier abord, le Ritz est un palais tranquille dont le cérémonial n'est troublé que par des erreurs de couverts ou des chutes de fourchettes. De grandes dames, dont la fortune assurerait  l'aisance de plusieurs générations, y boivent un thé précieux avec une distinction de fantômes.
            No man's land presque bouddhique où les maîtres d'hôtel glissent, pareils aux prêtres perfectionnés d'une religion tout à fait supérieure.            dispatchesfrompangaea.wordpress.com
Image associée
                            Personnalités de premier plan

            La clientèle y est inévitablement composée de personnalités de premier plan. Tout récemment, comme je parlais de Proust avec Olivier, le maître des maîtres d'hôtel, un des pivots du mécanisme parisien, on me désigna rapidement, au passage, le comte et la comtesse Haugwitz-Reventlow, c'est-à-dire toute l'Allemagne wilhelminienne et toute l'aristocratie de l'aventure mondaine, car la comtesse Haugwitz-Reventlow n'est autre que Barbara Hutton, l'ex'épouse de M. Mdivani.............tout un aréopage dont la disparition entraînerait de l'anémie en Europe.............

.........................

.........................

                         L'humilité du grand Carnegie

            Citons au badaud que troublent les manies de la cliente milliardaire un acte de modestie qui vaut aussi son pesant d'or. Un jour, Carnegie, le vrai, et qui était tout petit, se présente timidement au Ritz. Aussitôt le personnel, au grand complet, de mettre les plus somptueux appartements de la maison à sa disposition, à commencer par le célèbre appartement Empire du premier étage. Or, Carnegie, ne se trouvait pas " à l'échelle ". Il se regardait dans les glaces, courait aux fenêtres, s'évaluait devant la colonne Vendôme et ne se montrait pas le moins du monde enthousiasmé. Finalement, sur sa prière, on lui donna la chambre la plus petite du Ritz, qui était sur les jardins, et il se mit à sautiller de bonheur.
            Bel exemple de simplicité et même d'humilité que l'on pourrait faire imprimer sur papier couché.............
            On m'a cité le cas d'un couple qui n'eût pas manqué d'inspirer à Maupassant une de ses nouvelles courtes et sombres dont il avait le secret.
            Descendent un jour place Vendôme un Anglais et une Espagnole. Mariés et tous deux de haute aristocratie. Ils prennent un appartement luxueux....... et ne sortent plus de ce décor. C'étaient, comme la Dona Bella, des maniaques de la tenture noire, de l'ombre, des rideaux tirés et des stores baissés. Ils exigèrent de la direction que le service fut absolument muet. Comme ils ne toléraient aucune question de la part du personnel, celui-ci avait l'oeil à tout, tout deviner et tout comprendre. On chuchotait un peu dans les couloirs sur ce couple singulier qui semblait mimer une histoire d'Edgar Poe.
            On se demandait ce que cachait ces deux visages pâles, mélancoliques et comprimés, qui parfois s'éclairaient d'un grave sourire. Ils prenaient tous leurs repas à l'hôtel et se montraient chaque soir, lui en habit, elle en toilette de soirée, dans une attitude noblement voûtée, chargée, ténébreuse. N'y tenant plus, un maître d'hôtel, que tant de dignité funèbre empêchait de dormir, s'en fut aux renseignements, et il revint pour apprendre à ses collègues que l'Anglais et l'Espagnole pensaient nuit et jour à un fils très beau tué à la guerre.
            Ce Ritz si tranquille, si respectable, si bien conçu pour le sommeil psychologique des grands de la terre, est en vérité tout sonore de romans, tout orné de biographies pathétiques. On croit que certains êtres recherchent le plaisir. En réalité, ils se réfugient dans les hôtels et fuient les hommes parmi les hommes. Ce qui faisait dire à un directeur à qui je demandais quelle était à son avis la première qualité de l'hôtelier : " Le coeur !... " 

 pinterest.com                                                           Avenue George V
Image associée
            On compare volontiers les paquebots à des hôtels flottants. On pourrait aussi heureusement comparer les hôtels à des paquebots immobiles, en commençant par le George V, qui s'est ancré, pareil à un transatlantique soigné et poudré, dans l'avenue la plus aristocratique de Paris, autrefois bout de campagne où s'étalaient des chaumières, aujourd'hui bras de mer d'un luxe calme.. 
            Murailles fines, presque fragiles, de pierre et de marbre, plans successifs de jardins fleuris, de terrasses, le George V n'a rien de la machine à habiter, selon le mot qui fut probablement inventé par de vieilles dames mal adaptées à une époque de machines précises et d'habitations enfin confortables.
            Le George V n'a rien non plus du palace monumental et mélancolique où le luxe et l'ennui se confondent. C'est exactement l'hôtel qui est destiné à une clientèle que rien ne rattache à l'avant-guerre, une clientèle sentimentale liée au jazz, à la vitesse, aux fluctuations des changes, et pour laquelle la direction avait créé, bien avant le pays légal, comme on dit aujourd'hui, un service d'avions-taxis qui cueillaient le touriste à la descente des paquebots.
            Mêlé aux malaises et à l'euphorie de ces dernières années, le George V a été lancé par la signature du plan Young, qui eut lieu dans le salon bleu, appelé depuis des experts, en présence de 
MM. Moreau, Montagu Norman, Pierpont Morgan, Strong, Schacht et Luther. M. Young emporta aux EtatsUnis la chaise qui avait été la sienne et le tapis vert sur lequel s'étaient appuyés tant de coudes illustres. Sur ce même tapis, devenu relique, un banquet-souvenir fut servi en Amérique en 1930.
            La même année, trois nouvelles signatures contribuaient, à Paris, à rendre célèbre Easter Wood, et de Costes et de Bellonte, à l'occasion de la première traversée française de l'Atlantique, qui fut décidée, ou plutôt pariée, au bar. Puis ce sont les statuts de la Banque des Règlements Internationaux de Bâle qui voyaient le jour dans le salon Young. Enfin, Roosevelt, alors gouverneur de l'Etat de NewYork et candidat du parti démocrate à la présidence, vint rendre visite à sa mère souffrante qui séjournait au George V à cette époque.

                              Le visage d'une époque

            Ainsi, l'hôtel est entré dans l'histoire compliquée de 1920 à 1935, et il sera certainement cité dans les ouvrages destinés à l'Enseignement Secondaire des collégiens du XXIè siècle, comme un monument. Cette immortalité ne sera pourtant pas uniquement faite de souvenirs officiels ou monétaires propres à faire bâiller les enfants de nos enfants.
            Car les professeurs de petite histoire ajouteront au texte abstrait des manuels que, vers la même époque, chefs d'Etat, argentiers et ministres chargés de régler le sort de l'Europe rencontraient dans les ascenseurs ou le restaurant du George V d'autres célébrités qui entretenaient dans ce lieu une atmosphère de sommets : Chevalier, Tilden, Yvonne Pritemps, Brigitte Helm, Jeannette Mac Donald, le célèbre escroc Factor, ou Rossof, roi du métro new-yorkais, prince du métro moscovite. Et 
George V, ainsi nommé parce que les rois ont une grande attraction sur les voyageurs, passera pour avoir été un hôtel infiniment important et pittoresque, qui avait encore la coquetterie de s'accorder avec les travers et les manies du couple ou de l'isolé des années 25 à 35.
            Voyant un jour entrer un des clients de l'Etablissement complètement ivre à la tête de l'orchestre de l'Abbaye au grand complet, le veilleur de nuit sourit gracieusement à cette tribu et laissa passer saxophones et violons sans leur opposer la moindre résistance. Le client invita les musiciens à le suivre dans sa chambre, s'étendit sur son lit, et se fit donner une aubade américano-slave pour lui seul. Il alla même jusqu'à réclamer ce qu'on appelle des claquettes, en style dancing, car il ne pouvait plus s'arracher à l'enchantement montmartrois. Vers 11 heures du matin, sous le regard respectueux d'un des personnels les plus aimables de Paris, l'orchestre quitta doucement l'original qui s'était endormi. Il lui arrivait de boire trois semaines d'affilée, et de réclamer du whisky à l'hôpital où il fallut bien le recommander un jour.       


                                   Avion ou paquebot

            Si l'original fait la joie des chefs de réception, gouvernantes, nurses, sommeliers et grooms, il les affole aussi parfois, mais uniquement parce qu'il oublie de " prévenir ", comme cet explorateur qui pria le bureau de l'hôtel de bien vouloir lui garder deux lions en cage. On dut les mettre en pension au zoo.
            Comme ses confrères dans l'art de loger et de recevoir, le George V accueille volontiers les mariages, championnats ou manifestations élégantes de la société parisienne. C'est dans ses salons, qui se prêtent aux exigences les plus inattendues, qu'eut lieu l'inoubliable lunch de mariage de Paul-Louis Weiller, ainsi que le fameux match de bridge au cours duquel mille curieux se sont presque battus pour approcher de tout près un roi de pique ou un sept de carreau particulièrement chargés d'avenir ce jour-là...
            Ce n'est pas impunément que j'ai comparé le George V à un paquebot. Il supporte admirablement la visite.......... Entrer dans les profondeurs du George V, c'est descendre dans les anciennes carrières du village de Chaillot d'où fut extraite la pierre qui servit à édifier l'Arc de Triomphe. Dans cette cave modèle, d'un silence de désert, s'empilent aujourd'hui des bouteilles aussi précieuses, pour quelques fous, que des vies d'hommes. Aussi la ville de Paris l'a-t-elle classée au premier rang des abris pour Parisiens de luxe, en cas d'attaque aérienne. A vingt mètres sous terre, gardé à vue par des batteries de Haut-Brion ou de Chambertin, on imagine plus facilement encore un avion qu'un hôtel, me fait remarquer l'administrateur qui m'accompagne. Je me sens, en effet, sur le chemin du ventre de la terre, et je fais effort pour penser à un tapis, à un Manhattan cocktail, à un gigot, à une langouste, à un taxi.
            Nous remontons d'un pas géognostique vers les cuisines. Au passage nous apercevons l'artillerie de forge de la chaufferie, où l'illusion d'être en mer, de chercher à échapper à un typhon, est complète. Enfin, au sortir des grottes, des familles de casseroles nous sourient. J'ai envie de crier : 
" Terre ! " Dans une cabine, j'aperçois un ami : c'est Pierre Benoît. Ainsi, il était aussi du voyage ?
Mais non. C'est la photographie de Pierre Benoît, en bonne place dans le poste de commandement du chef Montfaucon, que l'auteur du Déjeuner de Souceyrac ne manque jamais de venir féliciter chaque fois qu'il prend un repas au George V.
Résultat de recherche d'images pour "hotel george v"            C'est Jules Romains, je crois, qui prétend que le bonheur ne s'éprouve violemment que dans une cuisine. Qu'il vienne serrer la main de l'llustre Montfaucon, dans sa cabane décorée de vingt et un diplômes et de onze médailles d'or, de cartes gastronomiques et de notes de service péremptoires !
104 lunchs assis, 350 sandwichs, etc. Il respirera de la félicité à pleins poumons.




villaschweppes.com
                                         Une innovation : le Repas-Disque !

            - Il ne suffit pas de bien manger, me dit-on dans cet endroit où déjà je rêve de ballets de gâte-sauces, il faudrait pouvoir retenir ce que l'on dit à table. Que de promesses oubliées, que de renseignements perdus, que de mots d'esprit envolés ! On dîne et l'on se quitte après avoir échangé parfois les propos les plus denses. Pour remédier à cette frivolité, le George V lancera en 1938 le repas-disque ! A la demande des clients, toutes les conversations seront enregistrées entre le hors-d'oeuvre et le café. Une " mémoire " fonctionnera sous la table sans déranger personne, et lorsqu'on retirera son vestiaire, on pourra emporter avec soi le procès-verbal du déjeuner ou du dîner auquel on assistait, et se constituer ainsi chez soi des bibliothèques de conversation qui seront utiles pour rappeler aux personnes importantes qu'elles ont promis de s'occuper de vous, aux femmes qu'elles vous aiment, et aux amis qu'ils mentent.
            Une des joies du George V, ce sont ses appartements, meublés ou vides, ornés de terrasses, clairs, parfumés de cinéma correct et dans lesquels se donne la forte satisfaction de s'américaniser un peu. Ces appartements, dont les fenêtres donnent sur ce qui fut soit le bal Mabille, soit le Château des Fleurs, soit les jardins d'Italie, sont malheureusement occupés, à de très rares exceptions près, par de richissimes Français, parfaitement........... pour échapper au fisc, à condition de pouvoir se faire un peu de cuisine et d'avaler un yogourt en cachette.

                          Moscou - Paris

            Le George V leur installa des cuisines électriques et des frigidaires ravissants qui semblent provenir de quelque joaillerie. Pour gagner cette colonie charmante, nous repassons par la lingerie, claire et appliquée, où l'odeur de la première communion se mêle à celle du drame d'amour. Nous longerons la réserve des bagages oubliés, et parfois laissés pour compte par les clients qui sont partis sans payer. Et l'on ne peut se faire justice soi-même, car les trésors de cette réserve, véritable dock, ne peuvent être fracturés avant trente ans... Dans la chaufferie qui bat lentement comme un coeur, je tâte le pouls de l'hôtel, et j'aperçois en passant, un peu plus loin, la mise en bouteilles du vin des courriers, que l'on soigne comme des princes, ou des policiers secrets, car les courriers ne sont autres que les domestiques personnels de la clientèle, c'est-à-dire qu'ils sont plus puissants que les puissants qu'ils servent, ces derniers seraient-ils les vrais Kapurthala...
                                                                                            101hotels.ru
Image associée            Sur le seuil des appartements, nous sommes accueillis par la voix douce et prête à tout de la gouvernante. Un pur silence entoure la vie privée des grands oisifs de ce monde. Les ascenseurs s'élèvent sans tousser, sans se plaindre de varices... Des boîtes aux lettres sillonnent le trajet vertical. Des toilettes ravissantes et silencieuses courent entre les étages, très vite, comme en rêve. On n'a plus besoin de sortir. Toute la vie est là, sans la moindre bavure. On comprend cet Anglais qui, au retour d'un voyage en URSS, et comme on lui demandait ses impressions, se borna à coller, côte à côte, deux échantillons d'un papier très spécial provenant respectivement d'un Hôtel Rouge et du George V, et sur lequel il écrivit ces deux seuls mots : Moscou, Paris...

                         
                           Aux alentours de la Concorde

            De tous les hôtels, le Crillon est celui qui ressemble le moins à un hôtel. Je l'ai entendu traiter de ministère, de banque ou de musée. Et de fait, le plus en vue, le plus historique des hôtels est aussi le moins connu de l'oeil du Français, et même du touriste moyen, qui cependant n'ignorent plus que la place Louis XV, au féminin Concorde, n'a pas d'égal dans le monde entier. C'est sans doute pour cette raison que le Crillon est devenu l'hôtel de l'incognito. On y est magnifiquement obscur. On m'a répété qu'un roi, s'y sentant enfin et parfaitement libre, disait à un de ses familiers, en contemplant le plus bourgeoisement du monde l'obélisque de Louqsor :
            - Le jour où les faiseurs de potins apprendraient que je descends au Crillon, je n'aurais plus qu'à aller loger dans l'une des Pyramides !
           
            Construit en 1758 par les soins de l'architecte Gabriel, sur l'ordre du roi Louis XV, qui tenait à compléter par un chef-d'oeuvre la décoration de la place, l'hôtel de Crillon demeura cent cinquante ans résidence privée. En 1908 la famille de Polignac l'acheta pour le transformer en hôtel.
            Ouvert au printemps de 1909, il offrit aux Parisiens une réalisation exceptionnellement brillante et qui méritait un coup de chapeau. Aussitôt, la critique officielle fut d'accord avec le monde pour apprécier les perfectionnements qui étaient apportés à l'ancienne demeure et la magnificence des salons créés sous Louis XV et conservés intacts. C'est sur ce plan que le Crillon peut être confondu avec un musée. Comment ne pas envier toutes ces cheminées de style, et ces admirables vestiges de l'époque que sont les plafonds sculptés des trois grands salons du premier étage : salon des Aigles, salon des Batailles, salon Louis XIV ?
            Solidement lié à l'Histoire par toutes ses pierres et par tous ses parquets, le Crillon avait toutes les chances, sinon le devoir, d'accompagner la marche des événements historiques. Un heureux mélange de moderne et d'ancien allait en faire, dès son ouverture, la demeure d'élection des Cours Royales de l'Europe, qui ont droit aux hôtels comme le commun des Hommes, de la Diplomatie et de l'Aristocratie. On y rencontrait S.M. le sultan du Maroc.........., S.M. George V le prince de Galles, qui occupèrent à tour de rôle les appartements du premier étage.

                                                                   De brillants états de service
            capital.fr
Image associée            Pendant la guerre, le Crillon porta successivement le nom de Grand Quartier Général de l'Etat Major anglais, puis de Quartier Général des officiers du corps expéditionnaire américain au moment de l'entrée en campagne des Etats-Unis. Le président Wilson y habita tout le temps que durèrent les séances mémorables qui aboutirent au Traité de Versailles et à la Société des Nations. Tels sont les états de service d'une maison qui, grâce au voisinage de l'Ambassade des Etats-Unis, n'a jamais cessé d'être le quartier général des diplomates du Nouveau Monde.
            J'ai eu affaire un jour, dans un bar de la rue Boissy-d'Anglas, à un journaliste allemand qui, je crois, rêvait de se livrer à l'espionnage pour satisfaire à ses goûts d'aventure. Sans rien avouer de précis, il ne cachait pas qu'il cherchait à entrer dans le secret des choses parisiennes, et avait un mot à lui pour exprimer son désir :
            " - Vivre les événements qui ne sont pas dans les journaux. "
            Chaque soir, il faisait longuement à pied le tour de cet énorme pâté de maisons que bordent la Place de la Concorde, la rue Royale, la rue du Faubourg-Saint-Honoré et la rue Boissy-d'Anglas. Ayant émis, pour ma part, quelques doutes sur l'efficacité de ce sport, il me répondit que c'était à son avis dans ce quartier de Paris que gisaient les plus belles énigmes...
            Et, pour appuyer ce point de vue, il déclarait que la présence, en un même point de la capitale, de l'Automobile-Club, de l'Ambassade des Etats-Unis, de la Chambre des Députés, de bars célèbres, de la National Surety Corporation, des " Ambassadeurs ", du Ministère de la Marine, de l'ancien mur du rempart des Tuileries, de couturiers, modistes, selliers, de Maxim's, du vin de Porto et d'une nuée de coiffeurs élégants, ne pouvait être due à l'effet du hasard... C'était trop saisissant. Il y avait là, il l'affirmait, un centre d'attraction d'une singulière éloquence.
            Son rêve était de s'installer au Crillon, de prendre d'assez mystérieux repas dans la Salle de Marbre, et d'entrer peu à peu dans l'intimité de la clientèle de cet établissement, qu'il considérait comme un des rouages du mécanisme de l'Europe civilisée. Plusieurs soirs de suite, je le surpris méditant devant les soubassements percés d'arcades de l'hôtel, examinant de son oeil inquiet et jaunâtre l'entablement des colonnades que surmontent des terrasses à l'italienne. Mais il ne se résignait pas à entrer............

                                Une tête à faire
                                              des trous dans les portes

            Surpris par la timidité dans l'action de celui qui se montrait si lyrique dans ses propos, je l'entraînai un soir dans un tabac voisin, et je constatai, au moment de l'interroger, qu'il avait une tête à faire des trous dans les portes, une prunelle habituée à se coller aux serrures, et un pantalon luisant et frippé qui prouvait assez que l'homme passait une partie de sa vie à genoux... Il ne tarda pas à avouer qu'il avait derrière lui une longue carrière de " voyeur ", et exhiba bientôt un petit attirail d'instruments où dominait la vrille...
            Nous bûmes chacun deux doigts d'Anjou, assez gênés l'un et l'autre, mon interlocuteur s'étant aperçu qu'il n'appartenait pas à mon genre de relations. Il me tendit pourtant une main molle où se devinaient des préoccupations monétaires assurément très graves, autant qu'un tourment d'aventurier orâté. Puis, je le vis s'éloigner dans la rue Boissy-d'Anglas d'un pas de noctambule aigri. A quelque temps de là, je devais apprendre qu'il s'était tué en Pologne dans un petit bouiboui tenu par un marchand de soupe.                                                                                        ianus.co
Image associée            Il y a en effet, dans tous les grands hôtels, des clients, et non des moindres, qui font des trous dans les portes. L'expérience prouve que cette clientèle est composée en grande partie de maniaques, quelquefois de faux médecins, experts dans l'art de tirbouchonner les lambris, cloisons, etc..., et qui jugent, au spectacle, s'ils ont des chances de faire inviter. A quoi ils parviennent souvent. Il s'agit, pour le directeur de l'hôtel de gêner les voyageurs, sans toutefois les prendre sur le fait. Tâche délicate, et qui doit amplement renseigner l'hôtelier sur la mauvaise qualité de l'article appelé " l'Homme "... Il s'en console pourtant en songeant que le charme et le danger de son métier consistent justement à recevoir des rois authentiques et des régicides éventuels, des civilisés et des barbares...
            ......................

                                      Pour devenir roi des Palaces
            Mais il en est de l'hôtel comme de la politique et de l'art : ce ne sont pas les mieux diplômés qui arrivent aux sommets. C'est une chose que d'apprendre tous les services d'une maison ; éplucher les pommes de terre, répondre en anglais, découper un canard..........C'en est une autre de plaire, d'établir le crédit d'une maison..................
            On sait comment, il y a quelques années, la France s'enthousiasma pour l'Italie. Tout ce qui était italien provoqua du jour au lendemain l'admiration : spaghetti, tranches et romances napolitaines, peintures et cartes postales, fascisme, solfatares, saucisson de Milan, etc. Or, le Français eut beau se mettre l'esprit à la torture, il n'arriva pas à assumer, à charmer l'Italien...
            Assommés de discours, de réceptions, de représentations, savez-vous à qui les Italiens demandèrent conseil pour passer agréablement leur séjour chez nous ? Aux hôteliers. Et ils s'en trouvèrent bien. Quel est donc cet humoriste qui disait :
            " - La France est un grand hôtel . "........


                                                       Léon-Paul Fargue
                                                                  in
                                                       Le Piéton de Paris           
                                                                       ( extraits )
       


mercredi 22 août 2018

Le coffre à rayures Arthur Conan Doyle ( Nouvelles Grande-Bretagne )





Résultat de recherche d'images pour "coffre de navire"
kryspassions.vefblog.net


                                               Le coffre à rayures

            - Qu'en pensez-vous, Allardyce ?
            Mon maître d'équipage à mes côtés, sur la plage arrière, pour rester droit, se tenait jambes courtes écartées, face à une forte houle, reste de tempête. Les deux canots suspendus à des portemanteaux à l'arrière, frôlaient l'eau à chaque coup de roulis.
            La lunette calée contre le hauban d'artimon il observa mieux le mystérieux et pitoyable navire quand il se posait en équilibre sur la crête d'une vague avant de retomber dans un creux, de l'autre côté. L'épave se trouvait si bas sur l'eau que je ne distinguais que par intermittence la ligne verte de sa lisse.
            Le grand-mât du brick s'était brisé à trois mètres au-dessus du pont, et je n'avais pas l'impression que l'équipage avait cherché à se débarrasser du gréement flottant à côté du bateau, avec ses voiles et ses vergues, comme l'aile inerte d'une mouette blessée. Le mât de misaine était encore debout, mais les voiles faseillaient, déployées en longs panaches blancs. Je n'avais jamais croisé un navire aussi maltraité.
            Comment nous serions-nous scandalisés, néanmoins, du triste spectacle qu'il nous offrait ? Au cours des trois derniers jours, nous nous étions plus d'une fois demandé si notre propre navire regagnerait jamais un port.
            Trente-six heures durant nous avions navigué à la Grâce de Dieu. Heureusement, la Mary Sinclair n'était pas comparable aux autres navires sortis des chantiers de la Clyde ! Nous étions sortis de la tempête n'ayant perdu que notre canot et une partie de la lisse tribord, mais que les autres bateaux aient eu moins de chance ne nous étonna pas.
            Ce brick mutilé, désemparé, sur une mer bleue et sous un ciel limpide, nous rappelait toute l'horreur des heures précédentes. Il ressemblait à un homme aveuglé par la foudre et qui poursuivrait sa route en titubant.
            Tandis que nos matelots s'accoudaient à la lisse ou grimpaient dans les haubans pour mieux voir, Allardyce, Écossais lent et méthodique, contemplait longuement l'inconnu.
            Vers 20° de latitude et 10° de longitude, les rencontres suscitent toujours de la curiosité. Comme la grande route commerciale à travers l'Atlantique passe plus au nord, depuis dix jour, nous n'avions pas aperçu une seule voile.
            - Je crois qu'il est abandonné, déclara le maître d'équipage.
            C'était aussi mon avis. Aucun signe de vie sur le pont et les appels amicaux lancés par nos hommes demeuraient vaines. L'équipage l'avait sans doute abandonné dans un moment de panique.
            - Il n'en a plus pour longtemps, poursuivit Allardyce de sa voix tranquille. A n'importe quel moment il peut chavirer, quille en l'air. L'eau lèche son plat-bord.
            - Quel est son pavillon ?
            - Pas facile à identifier. Il est tout enroulé et emmêlé dans les drisses. Voilà ! Je l'ai. C'est le pavillon brésilien, mais retourné, le bas en haut.
            Avant d'abandonner le bateau l'équipage avait donc hissé le signal de détresse. Quand l'avait-il abandonné ? Je saisis la lunette du maître d'équipage et je scrutai la surface agitée de l'Atlantique striée de multiples lignes blanches d'écume dansante. Je n'aperçus nulle part de formes humaines.
            - Il y a peut-être des survivants à bord.                                            hugolescargot.com
Résultat de recherche d'images pour "coffre de navire"            - Aussi bien des sauvages ! murmura le maître d'équipage.
           - Alors nous allons l'approcher par le côté sous le vent et prendre la cape.
           Lorsque nous fûmes à moins de cent mètres, nous contrebrassâmes notre vergue de misaine, et nous nous tînmes là, le brick et nous, faisant le bouchon avec des oscillations de culbutos.
            - Un canot à l'eau ! ordonnai-je. Prenez quatre hommes avec vous, monsieur Allardyce, et allez voir de quoi il retourne.
            A ce moment-là, mon second Mr Armstrong apparut sur le pont. La cloche venait de sonner et il se préparait à prendre son quart. Comme j'avais très envie d'inspecter moi-même, de près, ce bateau abandonné, je l'informai et me laissai glisser dans le canot.
            La distance à parcourir était dérisoire, mais la mer était si formée que lorsque nous tombions dans un creux de vague nous perdions de vue et le navire que nous venions de quitter et celui vers lequel nous nous dirigions. Dans ces moments-là les rayons du soleil couchant ne nous atteignaient plus. Entre les vagues il faisait froid et sombre, mais lorsque nous remontions nous retrouvions la lumière et la chaleur. Chaque fois que nous débouchions sur une crête coiffée d'écume j'apercevais le bastingage  vert feuille et le mât de misaine.
            Je gouvernai donc de sorte de contourner le brick par l'avant et de repérer le meilleur endroit pour monter à bord. En le longeant on put lire son nom peint sur le tableau arrière ruisselant : " Nossa Senhora da Vittoria ".
            - Par le côté au vent, monsieur, dit le maître d'équipage. Paré à la gaffe, charpentier ?
            Peu après nous avions sauté par-dessus le pavois légèrement plus élevé que celui de notre navire. Nous étions sur le pont du bateau abandonné.
            Notre premier réflexe fut d'assurer notre sécurité. Il nous fallait prévoir le cas, tout à fait probable, où le bateau sombrerait sous nos pieds. Deux de nos hommes tiendraient notre amarre à la main tout en maintenant le canot débordé, ce qui permettrait, le cas échéant, d'abandonner le bord en un instant. Le charpentier descendrait dans la cale pour évaluer la quantité d'eau qui s'y trouvait et déterminer s'il avait des chances de rester encore à flot. Pendant ce temps, l'autre matelot, Allardyce et moi-même ferions une inspection rapide du navire et de sa cargaison.
            Le pont était jonché de débris et de cages à poules où flottaient les volailles mortes. Il n'y avait plus de canots, sauf un, défoncé. L'équipage avait donc bien abandonné le bateau. La chambre du capitaine occupait un roof dont un côté avait été éventré par la violence de la mer. Allardyce et moi entrâmes. La table du capitaine était telle qu'il l'avait laissée, couverte de livres et de papiers, tous en espagnol ou en portugais. Il y avait aussi des cendres de cigarettes partout. Je cherchais le livre de bord mais ne pus le dénicher.
            - Le plus vraisemblable est qu'il n'en a jamais tenu, dit Allardyce. Tout se passe de manière très décontractée sur les navires de commerce sud-américains, on ne fait que l'indispensable. Et en admettant que le capitaine ait tenu un journal il a dû l'emporter sur son canot.
            - J'aimerais bien consulter tous ces livres et tous ces papiers. Demandez au charpentier de combien de temps nous disposons.
            Ce dernier nous rassura. Le bateau était plein d'eau mais comme une partie de la cargaison était flottable il n'y avait pas de danger immédiat. Sans doute ce navire ne sombrerait-il jamais, il partirait plutôt à la dérive et deviendrait aussi dangereux pour la navigation que ces terribles bancs de roches qui ne figurent pas sur les cartes, mais qui envoient par le fond quantité de navires.
            - Dans ce cas, vous ne courez aucun risque en descendant, dis-je au maître d'équipage. Voyez si la cargaison peut être sauvée. Pendant ce temps je jetterai un coup d'oeil sur ces papiers.
Image associée*           Les connaissements, quelques factures et des lettres qui traînaient sur le bureau du capitaine m'apprirent que le brick brésilien " Senhora da Vittoria " avait quitté Bahia un mois plus tôt. Le capitaine se nommait Texeira, mais je ne découvris aucune information sur l'équipage. Le bateau faisait route vers Londres. Un rapide examen des connaissements m'indiqua que nous ne tirerions pas grand profit de notre sauvetage. En effet la cargaison se composait de noix de coco, de gingembre et de bois. Le bois se présentait sous la forme de grosses billes, spécimens intéressants des essences tropicales. C'étaient elles qui avaient empêché le navire de sombrer, mais leur taille nous interdisait de les extraire des cales. Il y avait aussi quelques marchandises de fantaisie : des oiseaux empaillés et une centaine de caisses de fruits en conserve. Et enfin, relisant les papiers, je tombai sur une courte note rédigée en anglais, qui retint mon attention.
            - On est prié, disait la note, de veiller à ce que les divers bibelots anciens espagnols et indiens retirés de la collection de Santarem et destinés à Prontfoot & Newmann, Oxford Street, à Londres, soient placés dans un endroit où ces objets uniques et d'une grande valeur ne puissent subir aucun dégât. Cette recommandation s'adresse en particulier au coffre-trésor de don Ramirez di Leyra, que personne ne devra toucher.
            Le coffre-trésor de don Ramirez ! Des objets uniques et d'une grande valeur ! Je tenais là ma chance de toucher une prime de sauvetage ! Je m'étais levé, le papier à la main, lorsque mon maître d'équipage écossais apparut sur le seuil.
             - Je pense que tout n'est pas vraiment normal à bord de ce bateau, monsieur.
             Il avait des traits rudes, cependant l'étonnement se lisait sur son visage fermé.
            - Qu'est-ce qui ne va pas ?                                                                  
            - Il y a eu un meurtre, monsieur. Je viens de trouver un homme avec la cervelle en bouillie.
            - Tué par la tempête ?
            - Ça se pourrait, monsieur. Mais je crois que vous changerez d'avis après l'avoir vu.
            - Où est-il ?
            - Par ici, monsieur, dans le grand roof.
            En fait de logements ce brick ne comportait que trois roofs : un pour le capitaine, un autre, près de la principale écoutille, pour la cuisine et les repas, et un troisième à l'avant pour les hommes.
            Le maître d'équipage me conduisit dans le roof du milieu. En entrant on trouvait la cuisine à droite, à gauche une petite cabine avec deux couchettes pour les officiers. Derrière une cabine d'environ douze pieds au carré. Le sol était jonché de toile à voile de réserve et de pavillons. Sur toute la longueur des cloisons des paquets enveloppés dans un tissu grossier étaient soigneusement amarrés à la charpente. Au fond de la cabine, un coffre à rayures blanches et rouges se dressait. Les bandes rouges étaient si passées et les blanches si sales qu'on ne distinguait les couleurs que lorsque la lumière tombait directement sur elles. Beaucoup plus volumineux qu'un coffre de matelot, il faisait un mètre vingt-cinq de largeur, un mètre dix de hauteur et à peine moins d'un mètre de profondeur.
            Lorsque j'entrai mon regard ne fut pas attiré par le coffre, ne concentra pas mes réflexions. Sur le plancher, dans un désordre de pavillons, était étendu un homme brun, de petite taille, le visage ourlé d'une barbe courte et bouclée. Il gisait la tête tournée vers le coffre et les pieds à l'opposé. Sur le tissu blanc où reposait sa tête une tâche rouge et de petits sillons écarlates couraient autour de son cou hâlé, avant de se prolonger au sol. Je ne voyais pourtant aucune blessure apparente. Sa figure était aussi sereine que celle d'un enfant endormi.
            C'est seulement en me penchant sur lui que je découvris la plaie. Je me détournai en poussant une exclamation horrifiée. Il avait été terrassé comme une bête dans un abattoir d'un coup de merlin probablement, par quelqu'un qui l'avait surpris par derrière. Le coup terrible avait défoncé le haut de la tête et le fer avait profondément pénétré dans le cerveau. L'homme pouvait bien avoir un visage calme, la mort avait dû être instantanée et, d'après l'emplacement de la blessure, il n'avait pas vu son agresseur.
            - S'agit-il d'un coup en traître ou d'un accident, capitaine Barclay ? me demanda le maître d'équipage.
            - Vous avez tout à fait raison, monsieur Allardyce, cet homme a été assassiné, abattu à l'aide d'une arme lourde et tranchante. Mais qui était-ce, et pourquoi l'a-t-on assassiné ?
            - C'était un simple matelot, monsieur, regardez ses doigts !
            Tout en parlant il retournait les poches, découvrait un jeu de cartes, de la ficelle goudronnée et un paquet de tabac brésilien.
   .tourisme-sete.com                                            - Hola ! regardez ceci ! fit-il.
Image associée            C'était un grand couteau ouvert, doté d'une lame à ressort. Il l'avait ramassé sur le plancher. L'acier était net et luisant, il n'avait donc rien à voir avec le crime, et pourtant, le mort le tenait en main lorsqu'il avait été assommé, puisque ses doigts s'étaient refermés sur le manche.
            - J'ai l'impression, monsieur, qu'il se savait en danger et qu'il gardait son couteau pour se défendre, me dit le maître d'équipage. Mais nous ne pouvons plus rien pour ce pauvre diable. Je me demande ce que contiennent ces paquets amarrés aux cloisons. On dirait des idoles, des armes, des curios ou je ne sais quoi emballés dans de vieux sacs.
            - C'est bien ça. Et ce sont même les seuls objets de valeur que nous récupérerons sur la cargaison. Hélez le navire et commandez un autre canot pour que nous puissions monter cette marchandise à
            Durant son absence je passai en revue le curieux butin dont nous venions d'hériter.
            Les bibelots avaient été si bien enveloppés que je ne pus m'en faire qu'une idée générale, mais le coffre à rayures était suffisamment éclairé pour autoriser une inspection attentive de son extérieur. Sur le couvercle garni de clous et de coins métalliques étaient gravées des armoiries compliquées sous lesquelles était écrite une ligne en espagnol et que je traduisis ainsi : " Coffre-trésor de don Ramirez di Leyra, chevalier de l'ordre de Saint-Jacques, gouverneur et capitaine général de Terra Firma et de la province de Veraquas. " Dans un coin je lus une date " 1606 " Et à l'opposé une grande étiquette blanche qui portait ces mots rédigés en anglais : " Vous êtes instamment prié de n'ouvrir ce coffre en aucun cas. " Le même avertissement était répété en-dessous en espagnol. Quant à la serrure elle était solide et très ouvragée avec une devise latine dont la traduction dépassait la compétence d'un marin.
            Je venais de terminer l'examen du coffre lorsque l'autre canot qui avait à bord mon second, monsieur Armstrong, s'amarra parallèlement au bateau. On le chargea des divers bibelots et autres curiosités sud-américaines qui semblaient les seuls objets dignes d'être emportés. Quand le canot fut plein je le renvoyai, puis Allardyce et moi, aidés par le charpentier et un matelot, nous soulevâmes le coffre à rayures et le fîmes passer dans notre canot, le posant en équilibre sur les bancs de nage du milieu. Il était si lourd que, placé à l'une ou l'autre des extrémités de l'embarcation, celle-ci aurait pris une assiette dangereuse. Nous avions laissé le cadavre à l'endroit où nous l'avions trouvé.
            Le maître d'équipage développa une théorie : au moment d'abandonner le navire le matelot avait commencé à piller. Le capitaine afin de préserver un minimum de discipline l'aurait alors abattu d'un coup de hachette ou autre arme lourde. Elle paraissait plus conforme aux faits que toute autre explication, cependant, elle ne me satisfaisait pas complètement.
             Mais l'océan est rempli de mystères et nous nous contentâmes d'ajouter le destin de ce matelot brésilien à la longue liste d'interrogations qu'un marin garde toujours en mémoire.
            Le coffre fut hissé au palan sur le pont de la Mary Sinclair, puis porté par quatre hommes d'équipage jusqu'au carré où il tenait tout juste entre la table et les caissons. Il resta là pendant le dîner. Après le repas, mes officiers restèrent avec moi pour discuter de l'événement du jour devant un verre de grog.
            Grand, mince, M. Armstrong avait des allures de vautour. Excellent marin il avait la réputation d'être avare et cupide. Notre découverte l'avait grandement excité. Déjà, tout en contemplant le coffre avec des yeux brillants, il calculait la part qui reviendrait à
 chacun de nous lorsqu'on partagerait la prime de sauvetage.                   tripadvisor.se
Image associée            - Puisque le papier affirme qu'il s'agit de pièces uniques, monsieur Barclay, elles peuvent valoir un prix extravagant ! Vous n'avez pas idée des sommes que les riches collectionneurs sont prêts à payer. Mille livres, ce n'est rien pour eux. Ou je me trompe fort, ou ce voyage nous rapportera quelque chose.
            - Je ne partage pas votre avis, dis-je. Pour autant que j'aie pu m'en rendre compte, ces pièce ne me semblent pas différer beaucoup des autres curios sud-américains qu'on trouve partout aujourd'hui.
            - Hé bien, monsieur, moi, j'en suis à mon quatorzième voyage là-bas, et je n'ai jamais vu un coffre pareil. Il vaut une fortune, tel qu'il est. Et puis, vu son poids, il contient sûrement des objets précieux. Vous ne pensez pas que nous devrions l'ouvrir pour l'inventorier ?
            - Si vous en forcez l'ouverture, vous abîmerez forcément le coffre... fit observer le maître d'équipage.
            Armstrong s'accroupit devant le coffre, pencha la tête, son long nez crochu proche de la serrure, jusqu'à la toucher.
            - C'est du chêne, dit-il. Du chêne qui, avec les années, s'est légèrement contracté. Si j'avais un ciseau à froid ou un couteau à lame solide, je pourrais forcer la serrure sans provoquer le moindre dégât.
            Entendant les mots " couteau à lame solide " je songeai au matelot tué sur le brick.
            - Je me demande s'il n'essayait pas de l'ouvrir quand quelqu'un est intervenu, dis-je.
            - Ça, je n'en sais rien, monsieur, mais je suis cependant certain de pouvoir ouvrir ce coffre. Dans le caisson il y a un tournevis. Éclairez-moi avec la lampe, Allardyce, il ne résistera pas à un ou deux petits coups.
            - Un instant, dis-je, alors que déjà, les yeux brillants de cupidité, il était penché au-dessus du couvercle. Je ne vois pas ce qui presse. Vous avez lu l'étiquette ? Elle nous met en garde et nous recommande de ne pas l'ouvrir. A tort ou à raison, je n'en sais rien, mais de toute façon je préfère m'y tenir. D'ailleurs, quel que soit le contenu du coffre, en admettant qu'il ait de la valeur, ça ne changera rien si nous l'ouvrons dans les bureaux du destinataire plutôt que dans la cabine de la Mary Sinclair.
            Je crois que ma décision fut une déception pour le second. Il eut un ricanement amer.
            - Je ne pense pas, monsieur, que vous soyez à ce point superstitieux ? Si le coffre échappe à notre surveillance, si nous ne vérifions pas nous-mêmes ce qu'il contient, nous risquons de perdre nos droits. Et puis...
            - Cela suffit, monsieur Armstrong, interrompis-je sèchement. Vous pouvez me faire confiance, vos droits seront sauvegardés. Mais je ne veux pas que le coffre soit ouvert ce soir.
            - L'étiquette prouve, d'ailleurs, que le coffre a été examiné par des Européens, ajouta Allardyce. Un coffre-fort n'est pas forcément un coffre qui contient un trésor. Plusieurs personnes l'ont déjà sûrement inspecté depuis le temps du vieux gouverneur de Terra Firma !
            Armstrong laissa tomber le tournevis sur la table en haussant les épaules.
            - Comme vous voudrez !
            Mais, durant toute la soirée, alors que nous abordions d'autres sujets, je remarquai son regard, il revenait toujours et avec la même expression de convoitise vers l'antique coffre à rayures.
            J'en arrive maintenant à un épisode qui me fait encore frissonner chaque fois que j'y pense.
            Les cabines des officiers étaient disposées autour du carré, la mienne était au bout du petit couloir qui donnait sur la descente, la plus éloignée. Sauf dans les situations sérieuses j'étais hors quart, les autres officiers se partageaient la veille. Armstrong avait le quart de minuit et devait être relevé à quatre heures du matin par Allardyce. J'avais le sommeil très lourd, il ne me fallait généralement rien de moins qu'une main ferme sur mon épaule pour me réveiller.
            Pourtant, cette nuit-là je me réveillai, ou plutôt aux premières lueurs grises de l'aube. Il était quatre heures et demie précises à mon chronomètre lorsqu'un bruit me fit dresser dans ma couchette, l'esprit clair, les sens en alerte, quelque chose comme une chute prolongée par un cri humain. Je l'avais encore dans les oreilles. Je demeurai assis à écouter, mais tout était redevenu silencieux. Je n'avais pourtant pas rêvé ce cri d'épouvante qui résonnait encore dans ma tête, tout proche. Je sautai à bas de ma couchette, m'habillai à la hâte et me dirigeai vers le carré.             myloview.fr
Image associée            Je ne vis d'abord rien d'anormal. Dans la froide lumière grise je repérai la table au tapis rouge, les six chaises pivotantes, les caissons de noyer, le baromètre qui se balançait sur son cadran et, dans le fond, le grand coffre à rayures. J'allais faire demi-tour pour monter sur le pont demander au maître d'équipage s'il avait entendu quelque chose, quand mes yeux s'arrêtèrent brusquement sur un objet qui dépassait dessous la table. C'était une jambe, une jambe terminée par une haute botte de marin. Je me penchai. Un corps était étendu, face à terre, les bras rejetés et le corps contorsionné. Au premier coup d'oeil je compris que c'était Armstrong, mon second. Il était mort. Je demeurai bouche bée. Je me précipitai alors sur le pont, appelai Allardyce et redescendis avec lui dans le carré.
            Unissant nos efforts on tira le malheureux de dessous la table. Lorsque nous vîmes sa tête qui dégouttait de sang nos regards se croisèrent. Je ne sais pas lequel des deux était le plus pâle.
            - La même blessure que celle du matelot espagnol ! haletai-je.
            - Exactement ! Que Dieu nous protège ! C'est ce coffre infernal ! Regardez la main d'Armstrong !
            Il souleva la main droite d'Armstrong, elle tenait le tournevis dont il avait voulu se servir la veille au soir.
            - Il s'est attaqué au coffre, monsieur. Il savait que j'étais sur le pont et que vous dormiez. Il s'est agenouillé devant le coffre et a poussé le pêne de la serrure avec cet outil. Puis il lui est arrivé quelque chose, et il a hurlé, comme vous l'avez entendu.
            - Allardyce, murmurai-je, que lui est-il arrivé ?
            Le maître d'équipage posa une main sur ma manche et m'entraîna dans sa cabine.
            - Ici nous pouvons parler, monsieur, mais là-bas nous ne savons pas qui peut nous écouter. A votre avis, capitaine Barclay, qu'y a-t-il dans ce coffre ?
            - Je vous donne ma parole, Allardyce, que je n'en ai pas la moindre idée.
            - Moi, je ne vois qu'une théorie qui corresponde à tout ce que nous savons de l'affaire. Vous voyez la taille du coffre ? Et les décorations gravées dans le métal ? Elles peuvent dissimuler des trous d'aération. Et songez à son poids. Il a fallu quatre hommes pour le porter, et là-dessus souvenez-vous que deux hommes ont essayé de l'ouvrir, et que tous deux ont perdu la vie. Alors, monsieur, tout cela ne peut signifier qu'une seule chose...
            - Vous voulez dire qu'il y a un homme dedans ?
            - Bien sûr qu'il y a un homme dedans, monsieur. Vous savez comment cela se passe en Amérique du Sud, un homme peut très bien être président une semaine et la suivante, traqué comme du gibier. Là-bas ils n'arrêtent pas de courir pour sauver leur peau. Mon idée est qu'à l'intérieur se cache quelqu'un, armé et prêt à tout, qui se ferait tuer plutôt que de se laisser prendre.
            - Mais comment mange-t-il, que boit-il ?
            - Le coffre est spacieux, monsieur, suffisamment pour contenir quelques provisions. Pour la boisson, il devait avoir sur le brick un complice qui veillait sur lui.
Image associée   **      - Et donc, l'étiquette recommandant de ne pas ouvrir le coffre n'aurait pas d'autre utilité que de protéger l'homme qui est caché à l'intérieur ?
            - C'est bien ce que je pense, monsieur, à moins que vous ne puissiez expliquer les choses autrement.
            Je dus avouer que non.
            - La question est : qu'allons-nous faire, dis-je ?
            - L'homme est un dangereux ruffian qui ne reculera devant rien. Je pense qu'il ne serait pas mauvais de passer des cordages autour du coffre et de le prendre en remorque pendant une demi-heure. Nous pourrions ensuite l'ouvrir tranquillement. Ou bien... Si nous ficelions le coffre et si nous empêchions l'homme d'avoir de quoi boire, ce serait aussi bien. Ou encore le charpentier pourrait passer une couche de vernis qui boucherait tous les trous d'aération.
            - Allons, Allardyce ! m'écriai-je emporté. Vous ne voulez quand même pas dire qu'un équipage entier va se laisser terroriser par un seul homme, et qui plus est, enfermé dans une boîte ? S'il y en a un, je m'engage à le faire sortir !
            Je me rendis dans ma cabine et revins revolver au poing.
            - Maintenant, Allardyce forcez la serrure. Moi je veille et suis paré à tout.
            - Pour l'amour de Dieu, cria le maître d'équipage, pensez à ce que vous faites ! Deux hommes sont morts à cause de ce coffre et le sang de l'un d'eux n'a pas encore fini de sécher sur le tapis !
            - Raison de plus pour que nous le vengions !
            - Au moins, monsieur, laissez-moi appeler le charpentier. Trois hommes valent mieux que deux, et c'est un costaud.
            Il partit le chercher et je demeurai seul avec le coffre dans le carré. Je ne pense pas être très impressionnable, mais je restai séparé, de cette relique du vieux savoir-faire espagnol, par la table. Avec la lumière du matin les bandes rouges et blanches commençaient à se différencier. Les ferronneries étranges et les fines gravures du métal attestaient du soin amoureux dont l'avaient entouré d'habiles artisans.
            Bientôt le maître d'équipage revint avec le charpentier armé d'un marteau.
            - C'est une sale affaire, monsieur ! dit-il en hochant la tête devant le cadavre de mon second. Et vous pensez que quelqu'un se cache dans ce coffre ?
            - Sans aucun doute, répondit Alladyce. Il ramassa le tournevis, mâchoires crispées, comme un homme qui a besoin de courage. Tenez-vous tous les deux derrière moi. Je vais repousser le pêne. Charpentier, s'il se lève, un coup de marteau sur la tête ! Monsieur, tirez immédiatement s'il lève la main ! On y va !
            Il s'était agenouillé face au coffre à rayures pour engager l'outil sous le couvercle. Dans un grincement aigu la serrure joua.
            - Tenez-vous prêts ! cria le maître d'équipage.
            Et, à la volée, il releva entièrement le massif couvercle du coffre. Nous fîmes tous un bond en arrière, moi avec mon revolver en joue et le charpentier avec le marteau levé au-dessus de sa tête.
            Mais rien ne se produisit. Alors nous nous avançâmes d'un pas et portâmes notre regard à l'intérieur du coffre. Il était vide.
            En fait, pas tout à fait vide, puisque dans un coin, était couché un vieux chandelier doré, orné de ciselures complexes, de toute évidence aussi ancien que le coffre lui-même. Son éclat et sa belle façon laissaient imaginer que c'était un objet de valeur. A part lui, dans le vieux coffre-trésor à rayures, on ne voyait rien que de la poussière.                                           dofus.com
Image associée            - Eh bien ça ! s'écria Allardyce qui regardait partout à l'intérieur, médusé. Comment se fait-il, alors, qu'il pèse si lourd ?
            - Regardez l'épaisseur des côtés, voyez le couvercle. Cela fait bien cinq pouces d'épaisseur. Et qu'est-ce que ce grand ressort métallique en travers ?
            - Ça veut dire qu'il a été fabriqué par un certain Johann Rothstein, d'Augsbourd, en 1606.
            - Ah, c'est du solide ! mais nous ne sommes pas plus avancés à propos de ce qui s'est passé, n'est-ce pas capitaine Barclay ? Le chandelier brille comme de l'or. Nous aurons tout de même trouvé de quoi nous payer de notre peine.
            Il se pencha pour le prendre et depuis cet instant, je n'ai plus jamais douté de l'existence de l'inspiration divine. Car, immédiatement, je l'attrapai par le col pour l'écarter rapidement.
            Peut-être une vieille histoire du Moyen-Âge m'était-elle revenue à la mémoire ? Peut-être avais-je distingué, sur la partie supérieure de la serrure, un peu de rouge qui n'était pas de la rouille ?
Mais pour lui, comme pour moi, seule une intervention du Ciel avait pu inspirer mon geste soudain et rapide.
            - Il y a une diablerie là-dedans, dis-je. Passez-moi la canne qui se trouve dans le coin du carré.
            C'était une canne de marche ordinaire, avec une poignée recourbée. Je la fis passer derrière le chandelier pour l'amener à moi. Alors, dans un éclair, une rangée de crocs en acier poli jaillit de dessous le bord du couvercle, et le gros coffre à rayures chercha à nous mordre, comme une bête sauvage. Le grand couvercle se referma d'un coup, dans un claquement terrible qui fit chanter les verres posés sur la desserte anti-roulis.
            Le maître d'équipage tomba assis sur le bord de la table, tremblant comme un cheval effrayé.
            - Vous m'avez sauvé la vie, capitaine Barclay ! balbutia-t-il.
            Tel était donc le secret du coffre à rayures qui avait appartenu au vieux Don Ramirez di Leyra. C'est donc ainsi qu'il gardait à l'abri les gains malhonnêtes arrachés à la Terra Firma et à la province du Veraquas. Le plus méfiant des voleurs ne pouvait pas distinguer ce chandelier en or des autres objets de valeur que contenait le coffre. Mais, dès qu'il posait la main dessus, le ressort terrible se détendait. Alors les pointes d'acier lui transperçaient la cervelle tandis que sous le choc la victime basculait en arrière, permettant au coffre de se refermer automatiquement.
              Combien de personnes, me demandai-je, avaient succomber, victimes du génial mécanisme d'Augsbourg ? Lorsque j'eus imaginé l'histoire probable de ce sinistre coffre à rayures rouges et blanches, ma décision fut vite prise.
            - Charpentier, prenez trois hommes et portez le sur le pont.
            - Pour le jeter par-dessus bord, monsieur ?
            - Oui, monsieur Allardyce. Je ne suis pas vraiment superstitieux, mais il existe des choses qu'on ne peut pas demander à un marin de supporter.                                monacruises.com
Image associée            - Avec pareil objet de malheur à bord il ne faut pas s'étonner que le brick ait été si éprouvé par le mauvais temps, capitaine Barclay. Le baromètre baisse à toute vitesse, monsieur, Nous avons juste le temps.
            On n'attendit même pas les trois matelots. Le charpentier, le maître d'équipage et moi nous le hâlâmes sur le pont. On le fit basculer par-dessus la lisse. Dans une grande giclée d'écume blanche, il fit son trou dans l'eau.
             Et maintenant, il gît par là, le coffre à rayures, par mille brasses de fond. Et si, comme certains l'affirment, la mer s'assèche un jour pour laisser place à la terre ferme, je plains qui découvrira ce vieux coffre.


*            tisoleil.canalblog.com
**          tattoome.com
                                                                    in
                                                      Contes de l'eau bleue