dimanche 17 novembre 2019

Anecdotes d'hier pour aujourd'hui 102 Samuel Pepys ( Journal Angleterre )

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                                            Informations sur certains détails de quelques jours du journal qui peuvent choquer.
                                    l'éd, écrit en notes : " Une des descriptions les plus détaillées que l'on ait jamais écrites sur les                                                flatulences...... "
                                                                                                                        1er Octobre 1663

            Lever et de bonne heure à mon bureau, réunion..... il y a bien longtemps que nous n'avions été si nombreux au conseil, en raison du voyage du roi, de l'absence du Duc, de la mienne et des récents versements de soldes.
            La réunion se prolongea tard, puis à la maison pour dîner. Me rendis ensuite en barque à Deptford pour une petite affaire, au retour m'arrêtai pour acheter deux bonnes anguilles, et après avoir écrit mon courrier à la maison pour voir le peintre qui travaille jusqu'à une heure avancée dans le petit salon de ma femme, puis souper et, au lit. J'ai passé un fort joyeux moment avec le peintre tandis qu'il travaillait.
            Le roi et la Cour sont rentrés aujourd'hui de leur voyage en province.


                                                                                                                              2 Octobre

            Levé de bonne heure et en barque à St James où fis à Mr Coventry une visite de courtoisie en raison de son récent retour en ville, mais je ne parlai guère avec lui car il était fort occupé. Rentrai à pied par les rues de Londres et fis quelques courses. Rencontrai Mr Cutler à la Bourse et nous entrâmes dans un café pour causer. Il m'assure que la probabilité est grande d'une guerre avec la Hollande, mais j'espère que nous serons bien préparés avant qu'elle ne vienne à éclater. Je prise fort sa compagnie et il me sera fort utile de le fréquenter.
            Dîner à la maison avec ma femme tout entière absorbée par le rangement de sa maison. Puis au bureau où examinai jusque tard, avec Mr Lewis, certains anciens comptes d'entrepreneurs des subsistances, puis à la maison pour souper et au lit, à l'étage, dans notre chambre rouge, où nous avons l'intention de coucher dorénavant. J'ai reçu aujourd'hui une lettre de Mr Barlow accompagnée d'une sphère magnétique, que j'espérais m'être destinée, mais j'ai le déplaisir d'apprendre pour que j'en fasse présent de sa part à milord Sandwich. Je vais cependant m'en servir un peu et la lui donnerai ensuite.


                                                                                                                   3 Octobre
                                                                                                                    impressionniste.net
Résultat de recherche d'images pour "turner peintre portrait""            Lever, fort satisfait du nouvel agencement de mon logis et de la commodité d'avoir nos servantes et personne d'autre près de nous, car Will couche en bas. Puis au bureau, fort occupé toute la matinée. A midi rentrai dîner chez moi puis sortis acheter une sonnette que nous accrocherons à la porte de notre chambre pour appeler les servantes. Au bureau trouvai Mr Blackborne venu savoir pourquoi son parent, mon commis Will, paraît à ses amis si abattu depuis quelque temps. Je lui dis que j'étais fort mécontent de lui et lui en donnai les raisons, ce dont il fut fort chagriné, mais pourtant satisfait que je me soucie de lui et comprenant que tout ce que je lui ai dit est pour le bien de ce garçon. Il va prendre le temps de l'interroger sur tout cela, et me demanda quel était mon bon plaisir à son sujet. Je lui dis qu'il devrait devenir un meilleur domestique ou alors nous ne voudrions plus de lui sous mon toit pour causer du désordre. Il me dit qu'il reviendrait me voir dans quelques jours et que nous conviendrions alors de ce qu'il faudrait faire. Rentrai à la maison et contai tout à ma femme. Je suis fâche de vois que mes domestiques et d'autres personnes sont le plus grand souci que j'ai au monde, et que je m'occupe d'eux davantage que de moi. Puis nous fîmes poser notre sonnette par un ferronnier qui s'en acquitta fort bien, puis au bureau jusque tard, et à la maison, souper et, au lit.


                                                                                                                      4 Octobre
                                                                                                     Jour du Seigneur
            Lever et à l'office. Ma maison a été affreusement inondée par la pluie hier soir. Ce qui me fait enrager. - Mon grand accès de colique - A la maison pour dîner avec ma femme, causâmes, puis derechef à l'office et à la maison. Passai une excellente soirée à causer fort agréablement de notre fortune et de notre famille, jusqu'au souper. Puis, au lit, avec mal au ventre, parce que j'ai pris froid.


                                                                                                                        5 Octobre

            Douleur quand me levai. En voiture dans le quartier du Temple avec sir John Mennes, puis allai voir mon frère et ici et là pour affaires. Ensuite à la nouvelle Bourse où rencontrai Creed, Promenade deux ou trois heures en causant de nombreuses affaires, surtout de Tanger et des comptes de milord Teviot, qui portent sur des sommes fort élevées et qui, pourtant, fussent-elles encore plus élevées ont toutes les chances d'être acceptées sans conditions. Puis parlâmes du messager que milord Sandwich a envoyé pour savoir si le roi a l'intention de venir à Newmarket comme il en est question, afin qu'il puisse être prêt à le recevoir à Hinchinghrooke.
            A la maison pour dîner. Ma femme a passé toute la matinée à tendre de tissu les murs de son petit salon, et elle s'en acquitte fort bien, toute seule et de ses propres mains, ce qui me fait grand plaisir.
            Au bureau jusqu'au soir pour différentes affaires. Puis j'allai passer une ou deux heures avec sir William Penn, à causer longuement de la sottise de l'irrésolution de sir John Mennes et des menées suspectes de sir William Batten. Je parlai ouvertement et lui aussi, de sorte que je ne crains point qu'il aille le répéter, car il en a dit autant que moi. Quoiqu'il en soit je n'ai rien dit dont je ne sois convaincu à son sujet. Puis à la maison et, au lit, souffrant beaucoup.


                                                                                                                      6 Octobre
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Résultat de recherche d'images pour "turner peintre portrait""            Assez bien dormi. Ma femme se réveilla pour sonner et appeler nos servantes pour la lessive vers 4 heures, et ma femme et moi sommes mécontents que notre sonnette ne les ait point réveillées plus tôt, mais je vais en acheter une plus grosse. Nous nous rendormîmes jusqu'à 8 heures et je me levai me sentant assez bien et au bureau, réunion au complet. Nous examinâmes les seconds comptes de Cocke. Mr Turner avait préparé un billet à ordre pour le paiement immédiat du solde, comme le demande Mr Cocke. Et sir John Mennes eut l'audace d'affirmer leur exactitude et qu'il les avait examinés, alors que c'est entièrement faux, et qu'à l'examen l'on vit qu'il manquait des pièces justificatives. Nous rejetâmes pour de bonnes raisons plusieurs de ses demandes et diminuâmes sa commission de 5 à 3%. Ainsi allons-nous épargner pour le roi de l'argent dont le contrôleur et son commis avaient véritablement fait cadeau à Cocke. Il y eut aussi deux autres occasions de querelles à la table du conseil : la première fut l'établissement d'un billet à ordre au nom du capitaine Smith pour son salaire de commandant en chef en Méditerranée. Sir John Mennes exigea une augmentation de son salaire de vice-amiral dans les Downs, car il n'avait reçu que 40 shillings sans augmentation, alors que sir John Lawson, pour le même voyage avait obtenu 3 livres, et d'autre avaient aussi eu une augmentation. Seulement lui, parce qu'il était officier du Conseil de la marine, avait été traité plus mal que n'importe qui d'autre. Il dit, en particulier, à sir William Batten, que c'était lui qui s'était autrefois opposé à ce qu'il reçut une augmentation. Cela m'étonna beaucoup de l'entendre l'accuser de manière si hardie. Nous apaisâmes donc cette dispute et proposâmes, s'il le désirait, d'examiner des précédents et de les présenter au Duc s'ils lui étaient favorables en quelque façon que ce fût.
            Le second incident survint lorsque Mr Christopher Pett et Deane, mandés pour l'occasion, vinrent nous exposer l'affaire de certaines courbes (  nte de l'éd. : pièces de bois courbes ) que Pett avait déclarées mauvaises, et qui devaient être livrées par sir William Warren. Mais nous avions indiqué dans le contrat que seules devaient être livrées celles qui seraient approuvées par nos officiers.............. Cette querelle s'apaisa aussi, et nous passâmes à d'autres affaires.
            A midi Llewellyn vint me voir, et je l'invitai, ainsi que Deane, et chez moi je retrouvai mon oncle Thomas, et nous dînâmes tous ensemble. Mais je fus fâché, ce jour étant celui de la lessive, que nous n'eussions rien de prêt à manger. J'envoyai quelqu'un chez le traiteur, et mes gens furent assez bêtes pour nous apporter le repas dans les plats du traiteur, avec son nom écrit dessus. A cela, s'ils le remarquaient, mes invités pouvaient voir que ce dîner ne venait pas de chez moi.
            Nous nous quittâmes après le repas et je pris un fiacre, laissai Llewellyn à Cheapside, puis à Whitehall j'assistai à la commission de Tanger. Mais Seigneur, comme cela me contraria de voir tous les comptes de milord Teviot, 10 000 livres, être acceptés de cette manière ! J'aurais 1000 fois préféré ne pas être là.
            Puis la séance fut levée et j'allai avec sir George Carteret dans ses appartements, où nous nous entretînmes de nos querelles de ce matin.......... Je déclarai que ces affaires étaient honnêtes, et que je n'avais donc pas besoin que quiconque fît un rapport favorable ou donnât sa parole, et que je lui en apporterais des preuves s'il le désirait. Ce qu'il me demanda et que je vais faire.
            Retour à la maison par le fleuve, souffrant beaucoup. Un moment à mon bureau, puis un moment chez sir William Penn, et à la maison et, au lit. Comme je commence à être incommodé par des vents, ce qui m'arrive souvent, et des douleurs lorsque j'urine, je pris deux pilules de Mr Hollier que j'avais chez moi.


                                                                                                               7 Octobre 1663 Mes
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Certains les appellent une horreur, d'autres disent qu'ils sont beaux - les fans, les fans ...            Elles firent de l'effet dans la matinée et je gardai le lit. Mes douleurs continuèrent très fortes, me forçant à rester à la maison toute la journée, fort incommodé, et je ne pus lâcher de vents ni faire la moindre selle après que ma médecine eut fait effet. Puis tard dans la soirée je pris un fiacre et me rendis chez Mr Hollier, mais il n'était pas chez lui, retournai donc à la maison. Était-ce le fiacre qui me fit du bien, je ne sais, mais dans ma chambre où brûlait un bon feu je lâchai six ou sept pets, petits et gros. Puis au lit et passai une nuit paisible, et pissai assez bien le matin, mais après que j'eus commencé à lâcher des vents, cela s'arrêta, alors que d'habitude j'en lâche


                                                                                                                    8 Octobre

en abondance, et pas la moindre envie d'aller à la selle. Puis, me tenant bien au chaud, au bureau, à midi dîner à la maison, ma douleur revenant comme je ne lâchais point de vents ni n'allai à la selle.
            J'allai chez Mr Hollier et, suivant ses instructions ( il m'assura que cela n'avait rien à voir avec la maladie de la pierre, mais que cela venait que je suis de constitution constipée et que cela, ajouté au temps froid, produisait et retenait les vents), je pris dans du vin blanc une poudre qu'il m'avait donnée, et veillai tard, jusqu'à 11 heures du soir passées, ma femme avec moi dans ma chambre, jusqu'à ce qu'elle eût fait effet, ce qu'elle fit si faiblement que je pus à peine dire si elle avait fait effet. Mes servantes qui, à ce moment, étaient fort sales, car elles s'occupent de laver toute ma maison, lasses, et qui auront bien du travail pour tout nettoyer demain et après-demain, étaient allées au lit avant nous, qui couchons nous aussi dans notre chambre davantage comme des bêtes que comme des chrétiens. Mais c'est seulement pour que la maison soit bientôt plus propre, ou plutôt parfaitement propre.
            Je me sentis assez bien aussi longtemps que, sous l'effet de ma médecine, mon ventre resta relâché, et je dormis bien.


                                                                                                                       9 Octobre 1663

            Gardai le lit la plus grande partie de la matinée, toujours constipé, et lâchai plus de vents, et mes douleurs revinrent donc, quoique moins fortes, mais je restai le corps bien au chaud, m'emmitouflant et parvins ainsi à les endurer. A midi je fis savoir à Mr Hollier dans quel état j'étais, c'est-à-dire que je ne pouvais aller à la selle naturellement, ni lâcher de vents et souffrais donc toujours avant de fréquentes envie d'uriner. Il m'envoya donc deux bouteilles de potion avec du sirop, l'une à prendre maintenant et l'autre demain matin.
            Le soir, le commissaire Pett vint me visiter avant de rentrer à Chatham, mais il me semble qu'il me parle d'une toute autre manière qu'avant, mal assurée et timide, comme un étranger.
            Après son départ je bus une des bouteilles, mais c'était une boisson tout à fait répugnante. Je me tins au chaud et l'après-midi je fis quand même une ou deux selles, mais peu abondantes ne laissant presque pas échapper de vents, puis au lit. Douleurs légères, mais je ne pense pas que je puisse de nouveau me sentir bien, avant de pouvoir librement aller à la selle et lâcher des vents.
            Ma femme et moi avons passé la plus grande partie de la journée ensemble, à arranger des choses et mettre de l'ordre dans son petit salon qui est assurément, et deviendra plus encore, quand je pourrai lui acheter davantage d'objets, une pièce fort agréable, et il est maintenant fort joli et j'espère qu'elle s'y plaira beaucoup. Puis, au lit.


                                                                                                                 10 Octobre

            Lever. Je suis toujours incommodé et j'ai mal en urinant. Je vois que pour me rétablir il me faut trouver un moyen, en plus de me tenir au chaud, pour lâcher des vents et aller librement à la selle. Je ne peux toujours faire ni l'un ni l'autre, bien que j'aie bu en me forçant la seconde bouteille ce matin.
            Cependant, je parvins à me rendre au bureau. Réunion. Sir John Mennes et sir William Batten me conseillèrent de prendre de l'eau de genièvre que sir William Batten fit demander à sa femme de m'en envoyer. C'est une eau-de-vie. Est-ce cela, ou ma boisson de ce matin, je ne puis le dire, mais après avoir pris cette eau de genièvre, j'évacuai deux selles et lâchai un ou deux vents. Cela va-t-il améliorer mon état, je ne puis le dire.
            Dînai à la maison à midi. Jamais, ou presque, ma femme et ma maison n'ont été dans un tel état de saleté, mais j'espère que ce soir tout sera très propre.
            Au bureau tout l'après-midi examinai une affaire de subsistances et, après avoir écrit une lettre à mon père, rentrai à la maison.
            Ce soir, Mr Hollier m'envoie un électuaire dont je dois prendre la valeur d'une noix en me couchant, ce que je fis. Et c'est vrai, je dormis bien et me levai un peu plus à l'aise le lendemains matin.


                                                                                                                          11 Octobre
 youtube.com                                                                                                        Jour du Seigneur
Résultat de recherche d'images pour "chambre rouge peinture""           Fort content de trouver ma maison propre et en ordre. Mais soudain ma femme et moi nous souvînmes qu'il fallait encore transporter le lit vert, plus beau que le rouge, dans notre chambre, quoiqu'il ne soit pas de la couleur de nos tentures, et ma femme se garda de se faire propre aujourd'hui et resta comme une souillon jusqu'au lendemain. Quant à moi, je suis toujours dans le même état et passe toute la journée sans sortir. Je ne puis ni péter ni aller à la selle après celle de ce matin effet de l'électuaire d'hier soir. Il m'apparaît que les douleurs les plus vives viennent quand je pousse pour évacuer par le bas, ce qui tire sur ma verge et mes couilles et me cause des douleurs aiguës et persistantes, et j'ai des envies fréquentes et pénibles d'uriner, je dois donc me retenir.
            Néanmoins je mange de fort bon appétit et autant qu'à l'accoutumée, et c'est ce que j'ai fait ce midi. Je restai à la maison, à causer et à m'occuper dans mon cabinet de travail. Je transportai les chaises de mon cabinet dans la chambre rouge, car elles sont recouvertes de tapisserie turque ( nte de l'éd. jaune et rouge ). Puis je mis leurs housses vertes sur celles qui étaient en haut et ne sont pas si belles.
            Le soir je lus l'Histoire de l'Église de Fuller, particulièrement la lettre de Crammer à la reine Elisabeth, qui me plaît beaucoup pour son zèle, son obéissance et sa hardiesse au service de la religion.
            Après souper, au lit, dans le même état, je souffre et ne peux lâcher de vent ni plus.


                                                                                                                      12 Octobre

            Lever , bien dormi et urinai comme à l'accoutumée. Cependant une petite douleur revint qui me donna des craintes, mais comme j'étais obligé de me rendre chez le Duc à St James, je pris un fiacre et en chemin m'arrêtai chez Mr Hollier qui me conseilla de prendre un clystère.
            Tous présents à St James et nous mîmes au service du Duc. Et là, Mr Coventry, de son propre chef, entreprit de dire au Duc qu'il lui semblait que couraient des rumeurs dommageables pour lui, selon lesquelles il prenait des honoraires, vendait des offices et d'autres choses encore. Il désirait donc faire appel à son Altesse et lui demandait s'il faisait quoi que ce fût de plus que ses prédécesseurs, et il nous en faisait tous juges. Alors sir George Carteret lui répondit que certains honoraires avaient été demandés par le passé, mais qu'ils ne savaient pas lesquels. Quant à la vente de places, cette pratique n'avait jamais été tolérée ni ne devrait l'être. Sur ce, Mr Coventry répondit avec véhémence à sir George Carteret et lui demanda s'il n'était pas un des premiers à l'avoir incité à rechercher ces honoraires................ Sir George Carteret nia........... Mr Coventry cita une autre affaire dans laquelle sir George Carteret l'avait conseillé quant à la vente de la place de comptable des magasins, quand il avait été question, eu début, de créer cet office. Ce qu'il admit mais en amoindrissant ce qu'avait dit Mr Coventry,........
            Pour finir, Mr Coventry remit au Duc une liste de plus de 250 charges qu'il avait attribuées sans recevoir un farthing de plus que ses honoraires habituels. Il le jurait sur sa vie et son honneur......
            Après cela milord Berkeley dit d'un ton joyeux qu'il aurait souhaité que ses profits fussent plus grands qu'ils ne l'étaient........... Sur ce Mr Coventry déclara ouvertement que Sa Seigneurie ou n'importe lequel d'entre nous, devrait avoir non seulement tout ce qu'il avait gagné, mais aussi tout ce qu'il possédait au monde ( et pourtant il n'était pas entré pauvre au bureau de la Marine, et ne voulait pas que l'on vît dans ses paroles le moindre mépris pour la générosité de Son Altesse royale ), et devrait avoir une année pour y réfléchir, pour 25 000 livres.
            La réponse du Duc fut qu'il aurait souhaité que nous eussions tous tiré davantage de profit de nos charges que lui et que nous eussions tous gagné autant qu'un certain courtisan, qui logeait en-dessous, qu'il ne tarda point à nommer, sir George Lane. Une fois la question close et la liste entre les mains du Duc, nous nous quittâmes, allai avec sir George Carteret, sir George Mennes et sir William Batten en voiture à la Bourse, restai un moment puis rentrai à la maison. Étaient-ce les secousses ou parce que j'avais l'esprit occupé, ce qui est fort important à mon avis, mais je pisse avec beaucoup moins de gêne maintenant, et je me sens bien tout à coup, ou à tout le moins mieux qu'avant.
            Puis me rendis à l'ancienne Bourse en fiacre, où marchandai des dentelles pour ma femme, puis chez le grand marchand de dentelles de Cheapside, et en achetai une qui me coûta 4 livres 20 shillings de plus que je n'avais prévu de dépenser, mais quand je la vis je décidai d'en acheter une qui ferait honneur à celle qui la porterait. Ensuite à la nouvelle Bourse où je la donnai à faire. Puis nous nous rendîmes aux appartements de milord où je laissai ma femme. J'allai à la commission de Tanger et retournai tard à la maison en fiacre avec ma femme, commençant à me sentir fort bien. Cependant quand j'arrivai chez moi et essayai de me dégager, le très léger effort que je fis, qui ne m'avait pas paru en être un sur le moment, me causa un peu plus tard une douleur qui persista un bon moment.
            Vers 8 heures ma femme me donna un clystère ordonné par Mr Hollier, à savoir une pinte de bière forte, quatre ounces de sucre et deux ounces de beurre. Je le gardai tandis que je restai allongé plus d'une heure, sinon deux. Alors pensant que cela n'avait servi à rien, je me levai, et peu après du fait que j'avais marché il commença à faire de l'effet, et me donna trois ou quatre selles parfaites et
 me fit évacuer des vents. Je me sentis tout à fait bien. Je pris comme d'habitude la valeur d'une noix de mon électuaire au moment de me coucher, et je fis environ deux selles au cours de la nuit et pissai sans difficulté. Évacuai quelques vents.


                                                                                                                 13 Octobre

            Et me levai donc le matin me sentant parfaitement bien, mais je me ressentais de l'effort excessif que j'avais fourni pour évacuer. Toute le matinée je me sentis bien et dans l'après-midi j'eus naturellement et facilement une selle sèche, la première depuis cinq ou six jours, que Dieu en soit loué ! Il est donc probable que je continuerai à me sentir bien si, à l'avenir, dès que réapparaîtra cette sorte de douleur, je veille :
            Règles à suivre pour ma santé. -
     
            1 - Éviter les refroidissements autant que faire se peut.
            2 - Pousser le moins possible par derrière, me ressouvenant que la douleur apparaîtra peu après, quoiqu'elle ne soit pas sensible au moment de l'effort.
            3 - Que ce soit à l'aide d'une purge par en haut ou d'un clystère par en bas, ou des deux, faire en sorte que j'aille beaucoup et facilement et que je lâche des vents.
            4 - M'inquiéter de ma santé dès que je commence à être constipé et faire en sorte, par tous les moyens, que je garde le ventre relâché et obtienne vite ce résultat, dès que je vois qu'il en va autrement.
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            Ce matin au bureau et à midi à la Bourse avec Creed, où beaucoup d'affaires. Mais Seigneur, quelle crainte envahit mon coeur, quoique je ne visse pas de raison pour cela, lorsque j'aperçois Stint, l'avoué borgne de Field ! Je n'ai, pourtant, pas connaissance qu'ils fassent ni ne tentent quoi que ce soit de plus contre nous dans cette affaire avant les prochaines sessions.
            A midi dîner à la maison, avec Creed. Après John Cole, mon vieil ami, vint me voir pour me parler d'un ami. Je le trouve intelligent, mais je perçois de plus en plus chez lui la pédanterie du bourgeois de la Cité. Je vais, cependant, tâcher de le voir de temps en temps, car il connaît bien l'humeur de la Cité et peut m'en informer au moins aussi bien que la plupart des jeunes gens, car il a de nombreuses connaissances, et il est lui-même, je crois, quelque peu mécontent de l'état présent de la Cour et de l'Église.
            Puis travaillai au bureau jusqu'à une heure avancée. Retour à la maison auprès de ma femme, avec aise et plaisir, de sorte que j'espère être capable de m'occuper de nouveau de mes affaires. Si Dieu le permet, je suis résolu à y retourner avec une ardeur croissante. A la Cour, il me semble que le Roi craint quelque soulèvement, soit il voudrait le faire croire ( et j'ai quelque raison d'espérer que ce n'est rien de plus ), car il a donné l'ordre à tous les commandants de châteaux etc., de rejoindre leur poste. L'autre jour il a lui-même réuni les gardes et fait l'appel. Ce qui lui a fourni plusieurs raisons de se plaindre de l'état de sa garde auprès de milord Gerard, car nombre d'hommes étaient absents, ou morts et toujours portés sur les rôles.
            Milady Castlemaine, me dit-on, jouit toujours d'une aussi grande faveur, et le roi a soupé avec elle le soir même de son retour de Bath.
            Hier soir et le soir précédent il a aussi soupé avec elle. Il fallait rôtir une échine de boeuf, et comme la marée montait dans sa cuisine, cela ne pouvait se faire. Quand la cuisinière le lui dit, elle répondit " palsambleu ! qu'elle mettrait le feu à la maison s'il le fallait, mais que la viande serait rôtie" et elle fut donc transportée chez le mari de Mrs Sarah, et fut rôtie.
            Souper à la maison et, au lit. Je suis extrêmement satisfait de toute la maison et de ma chambre rouge où ma femme et moi avons l'intention de coucher tous les jours, et de la proximité de notre cabinet de toilette et de nos servantes, sans aucune gêne ni désordre.


                                                                                                                    14 Octobre 1663

            Lever et à mon bureau toute la matinée, avec un moment sir John Mennes qui passa son temps ainsi qu'il fait tout le reste, comme un benêt, à me lire l'anatomie du corps humain, mais de si sotte façon que je ne compris rien, tant j'étais las de l'entendre. Puis me dirigeai vers la Bourse et rencontrai Mr Graunt. Nous entrâmes dans un café où il me dit que sir William Petty et son vaisseau sont en route et que le roi a l'intention de se rendre à Portsmouth pour le voir.
            A la maison et après dîner, Mr Rawlison nous conduisit, ma femme et moi, à la synagogue juive. Les hommes et les jeunes garçons portent des voiles, et les femmes sont cachées derrière un grillage. Il y a des choses posées debout, je crois que c'est leur loi, dans une armoire, devant laquelle chacun s'incline en entrant. En mettant son voile le nouvel arrivant dit quelque chose, à quoi d'autres qui l'entendent répondent Amen, puis il baise son voile. Tout le service est chanté, et en hébreu. Bientôt leurs lois sont sorties de l'armoire et portées par plusieurs hommes, quatre ou cinq, car il y a plusieurs rouleaux et ils s'entraident, ou peut-être que chacun veut avoir l'honneur de les porter, je ne puis le dire. Ils les portèrent de cette manière tout autour de la salle tandis qu'on chantait l'office. A la fin ils dirent une prière pour le roi, dont ils prononcèrent le nom en portugais, mais la prière, comme le reste, était en hébreu. ( nte de l'éd : cérémonie moins stricte ce jour-là car fête de la fin d'étude d'une année de la Torah )
            Mais Seigneur, il fallait voir ce désordre, ces rires, cet enjouement ! Point de recueillement, mais de la confusion tout le long de l'office, comme s'ils étaient des bêtes plutôt que des gens qui connaissent le vrai Dieu, de quoi jurer de ne plus jamais poser les yeux sur eux. Assurément je n'ai jamais vu pareille chose, ni n'aurais jamais imaginé qu'il existât au monde une religion pratiquée d'aussi absurde manière.
            Je partis de là en voiture, l'esprit fort troublé par ce que j'avais vu, et laissai ma femme au palais de Westminster, tandis que je me rendais à Whitehall, à la réunion de la commission de Tanger. Mais comme le Duc et la commission d'Afrique occupaient notre salle, sir George Carteret, sir William Compton et d'autres nous réunîmes dans une autre pièce où des chaises avaient été disposées en cercle, mais point de table. On parla de fort intéressante façon de l'opportunité de contrôler Salli, et des conditions selon lesquelles notre roi allait dédommager les Portugais qui avaient quitté leurs maisons à Tanger, ce qui me plut fort.
            J'allai ensuite chercher ma femme et à la nouvelle Bourse pour ses affaires. Je m'arrêtai chez Thomas Pepys, le tourneur, et achetai certaines choses chez lui. Puis à la maison pour souper et, au lit, après avoir passé un long moment avec sir William Penn à pester contre sir John Mennes et sir William Batten et dire librement ce que nous pensions d'eux. Mais rien de plus que ce que méritent la sottise du premier et la friponnerie du second.


                                                                                                                   15 Octobre
                                                                                                                                                                                           surlaroutedejostein.wordpress.com
Résultat de recherche d'images pour "dessins peinture turner""            Lever, Dieu soit loué ! je me sens assez bien, mais ne puis toujours pas aller à la selle normalement, et alors que j'allais jouir de ma femme ce matin, je sentis une très vive douleur à l'extrémité de ma verge quand elle se fit raide, comme si j'avais froissé quelque nerf ou une veine, et cela me fit très mal.
            Ensuite lever et au bureau, réunion toute la matinée. A midi je dînai à la maison, l'esprit tout occupé par le travail. Après être sorti acheter une chose ou deux, un compas et des mouchettes pour ma femme, je retournai au bureau où, fort occupé jusqu'à une heure avancée, puis à la maison bien content du travail que j'ai fait cet après-midi, et souper et, au lit.


                                                                                                               16 Octobre

            Lever et à mon bureau où passai toute la matinée, à travailler. A midi, dîner à la maison puis montai mon coffre et mes habits à l'étage dans notre nouvelle garde-robe, afin d'avoir tous mes effets à l'étage où je couche. Sortis en fiacre avec ma femme, que je laissai chez milord tandis que je me rendais à la commission de Tanger où l'on parla fort bien des articles du traité de paix qui doit être reconduit avec Gayland. Ensuite allai chercher ma femme et l'accompagnai chez son tailleur, puis à la Bourse et en d'autres endroits, et à la maison et à mon bureau, puis à la maison pour souper et, au lit.


                                                                   à suivre...........

                                                                                                                    17 Octobre 1663

            Lever et à.........

         
         





            

samedi 16 novembre 2019

A la Première Personne Alain Finkielkraut ( Document France )


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                                                 A la Première Personne

            Polémiste, philosophe, tant affublé ".... d'épithètes inamicales..... ", et l'âge venant Finkielkraut décide de se découvrir un peu. Agrégé de lettres modernes il poursuit d'autres études et aborde ses rapports avec les philosophes, certains ses professeurs, qui l'ont entraîné dans sa réflexion et il explique sa dédicace à Milan Kundéra. Il tente de présenter son point de vue sans qu'interviennent son passé, ses liens familiaux. Et citant Kierkegaard " Penser est une chose, exister dans ce qu'on pense est autre chose. " En sept chapitres il développe
            - Le Pathétique de l'amour - Joies, plaisirs et désastres de Mai 68. A gauche de la gauche, absorbé par la nouvelle pensée, il se retrouve et sa réflexion le ramène à de nouvelles constations, Mai 68 n'est pas vraiment l'amour, grâce à un texte de Rousseau où le jeune homme " ...... obtient, pour toute privauté, de baiser une seule fois la main de Mlle....... - Pour les libertins qui tiennent alors le haut du pavé, ce délice furtif...... un véritable fiasco....... " Et à ce texte détaillé, Alain Finkielkraut
ajoute avec Pascal Brukner " ...... et grâce à lui...."  Le Nouveau désordre amoureux....... " Brukner déjà romancier alors que lui étudiait encore " Je rendais, tout tremblant ma copie à Barthes, à l'Ecole pratique des Hautes Études....... " A Rousseau, l'auteur ajoute Levinas. Et "..... Quand tout le monde se prosternait devant la Sexe-Roi, j'étais reconnaissant à Rousseau de donner droit de cité à la volupté sentimentale........ La volupté...... n'est pas seulement intensité, mais révélation...... " Mais aujourd'hui d'autres thèmes s'ajoutent tel "....... les études de genre qui triomphent aujourd'hui......"
            - L'interminable question juive - Applaudi par Sartre pour sa décision d'aller au-devant des attaques sur sa judéité, Finkielkraut se cherche. Au long du chapitre, le philosophe démontre l'antisémitisme de certains écrivains affiché avec arrogance. Son regret de ne pas avoir suffisamment interrogés ses parents dont la famille avait été en grande partie " engloutie " dans les camps et morts, alors que jeune homme il était absorbé par ses études, entre autres à Berkeley.
            Si la lecture de Kundera ouvre des horizons qu'il explique longuement, la découverte de Heidegger, malgré sa proximité avec le nazisme, éclaire sa réflexion. " La métaphysique, m'apprenait Heidegger, ne se situe pas au-delà mais au fondement de la pensée courante. Elle est nichée dans la prose de tout un chacun, Elle façonne nos attitudes quotidiennes........... " De son côté René Char écrit " L'histoire des hommes est la longue succession des synonymes d'un même vocable. Y contredire est un devoir.......... " Et Finkielkraut poursuit " Qu'est-ce qu'un sol pour la métaphysique qui nous gouverne ? Un entrepôt de minerais.........."
            - Le Scandale - " Il vécut, il travailla, il mourut " Ainsi Heidegger définit Aristote. Chapitre consacré aux idées du philosophe allemand.
            Enfin dans un tout dernier chapitre Alain Finkielkraut rappelle " ....... Lessing, un des auteurs du panthéon arendtien, a écrit : " Je trouve un peu excessive l'aversion du public actuel pour tout ce qui s'appelle polémique ou paraît l'être........ " Et, alors que l'auteur se laisse parfois dépasser par la polémique, comme récemment il termine ainsi " ....... Le climat est lourd, tendu, oppressant, et il asphyxie, au moment où on en aurait le plus besoin, la vie intellectuelle. " Résumer ce très court ouvrage alors que chaque ligne demande riposte et, ou, réflexion, difficile pour ceux qui l'apprécient, beaucoup plus facile pour ceux qu'il nomme la société ouaf-ouaf. Bonne lecture.











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vendredi 8 novembre 2019

Guerlain Saint Dizier Li An ( BD France )

Sa
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                                                           Guerlain

                                                Le Prince des Parfums

                                                      Première époque

                                           Pierre-François Pascal ( 1798 - 1864)

            Pierre-François-Pascal Guerlain ne reprendra pas la boutique paternelle, mélange d'épicerie, de vaisselle. Intelligent très jeune il se passionne pour les plantes, son odorat développé au-delà de la norme, il reconnaît facilement les plantes et travaille "..... J'ai encore besoin de travailler ma mémoire des odeurs.... " Et en bon Picard il use le terme d'Abbeville pour exprimer sa détermination " Quand j'ai une idée en tête je fais en " allant "....... " Et il le prouvera dès 1817 décidant se former au métier de parfumeur, il décide de se rendre à Paris, avec l'accord de ses parents. En plus de ses cours il trouve rapidement un emploi de représentant de la maison Briard " Fabricant de parfums ". Quelques années durant il parcourt l'Europe et se forme à la partie commerciale, puis décide de poursuivre ses études en Angleterre alors " .... à l'avant-garde de la parfumerie.... " Quelles études choisit Guerlain
" .... étudier la chimie, les molécules et les plantes. Mme de Staël n'avait pas tort en affirmant que la parfumerie moderne est la rencontre de la mode, de la chimie et du commerce........ " Il revient à Paris parfumeur accompli et, bien que prudent, décide d'ouvrir une boutique " .... un local situé au rez-de-chaussée de l'Hôtel Meurice.... " Ce sera un succès. Ses projets vont évoluer ".... il veut créer un empire..... " Outre les parfums, les eaux de Cologne, les pommades, plus tard la graisse d'ours censée faire repousser les cheveux, il ouvre rue de la Paix, alors encore en chantier entourée des percées et des travaux du baron Haussmann, boutique élégante qui attire toutes les coquettes de Paris. En 1857 il devient fournisseur de la maison du tsar de Russie. Sa notoriété est bien installée, il est heureusement marié, a déjà quatre enfants, mais la naissance du cinquième bébé est problématique. Et à ce moment les chagrins personnels pèsent sur l'homme brillant. Mais il avance, construit sa propre usine et prépare deux de ses fils à prendre sa succession. Histoire d'un succès, d'une réussite matérielle exceptionnelle, mais endeuillée et douloureuse par ailleurs, bien que le sujet ne soit qu'effleuré par l'auteur, on le présume. Cette bonne bande dessinée est le premier tome de l'histoire survolée de cette saga familiale-industrielle. Les dessins sont modestes, le scénario et le texte plus conséquents. Bonne lecture, pour qui ? pour tous de 10/11 ans à 107 ans et plus.

vendredi 1 novembre 2019

Lappin et Lapinova Virginia Woolf ( Nouvelle Grande Bretagne )


letemps.ch
                           















                                                        Lappin et Lapinova

             Ils étaient mariés.
             La marche nuptiale retentissait.
             Les pigeons voletaient.
             Des petits garçons avec leurs uniformes d'Eton lançaient du riz, un fox terrier bondissait dans l'allée et Ernest Thorburn conduisait son épouse jusqu'à la voiture, se frayant un passage parmi ces badauds londoniens totalement inconnus, mais que ne manquent jamais d'attirer le bonheur ou le malheur d'autrui.
            Pas de doute, il était beau et elle avait l'air timide.
            On jeta encore du riz et la voiture démarra.
            Cela se passait le mardi. On était maintenant le samedi. Rosalind devait encore s'habituer à être Mrs Ernest Thorburn.
            Peut-être ne s'habituerait-elle jamais à être Mrs Ernest Qui-que-ce soit, pensait-elle, assise devant la baie vitrée de l'hôtel qui donnait sur les montagnes de l'autre côté du lac, attendant que son mari descende prendre son déjeuner.
            Ernest est un nom auquel il fallait un certain temps pour s'habituer. Pas le nom qu'elle eût choisi. Elle aurait préféré Thimothy, Antony ou Peter. Lui non plus n'aimait pas Ernest. Ce nom lui faisait penser au mémorial du prince Albert, à des buffets d'acajou, à des chalcographies du prince consort avec sa famille. Bref, la salle à manger de sa belle-mère à Porchester Terrace.
            Enfin le voilà. Dieu merci il n'avait pas l'air d'un Ernest. Mais de quoi avait-il l'air ? Elle le regarda à la dérobée. Eh bien, en mangeant son pain grillé, il avait l'air d'un rabbit.
            Personne d'autre n'aurait perçu une ressemblance avec un animal aussi chétif et si timide chez ce jeune homme si net et si musclé, avec son nez rectiligne, ses yeux bleus et sa bouche volontaire. Mais ce n'en était que plus amusant. En mangeant il fronçait imperceptiblement le nez, comme le petit rabbit de Rosalind. Ce froncement de nez la fascinait et, quand il la surprit l'observant, elle dut lui expliquer pourquoi elle riait.                                                              pixabay.com
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            - C'est parce que tu as l'air d'un rabbit, Ernest, d'un rabbit de garenne, ajouta-t-elle en le regardant. Un rabbit chasseur. Un rabbit royal, un rabbit qui fait la loi à tous les autres.
            Ernest ne voyait aucun inconvénient à être un rabbit de cette sorte, et si cela amusait Rosalind de le voir froncer le nez ( il n'avait jamais su qu'il fronçait le nez), il le fit exprès.
            Elle rit à gorge déployée, et il rit aussi, si bien que les vieilles demoiselles et le pêcheur et le serveur suisse à la veste noire toute graisseuse, devinèrent juste : ils étaient très heureux.
             Mais, ce bonheur-là, se demandaient-ils, il y en a pour combien de temps ? Et chacun répondait selon son expérience personnelle.
            A l'heure du déjeuner, assise sur une touffe de bruyère près du lac :
            -  Laitue, rabbit ? demanda Rosalind en présentant la laitue destinée à accompagner les œufs durs. Viens la manger dans ma main, ajouta-t-elle, et Ernest tendit le cou pour grignoter la laitue en fronçant le nez.
            - Gentil, gentil rabbit, dit-elle en le tapotant comme elle tapotait son rabbit apprivoisé chez elle. Mais c'était un geste absurde. De toute façon, il n'était pas un rabbit apprivoisé. Elle résolut de le franciser et de l'appeler " lapin ".
            Mais de toute façon ce n'était pas un rabbit français. Il était anglais de la tête aux pieds, né à Porchester Terrace, ancien élève de rugby, et maintenant fonctionnaire au service de Sa Majesté.
            Alors elle essaya Bunny. Mais c'était pire.
            - Bunny était une personne dodue, douce et enjouée. Lui était mince, dur et grave. Quand même il fronçait du nez. " Lapin ", s'écria-t-elle tout à coup, et elle poussa un petit cri, comme si elle venait de tomber juste sur le mot qu'elle cherchait.
            - Lappin, Lappin, Roi Lappin, répondit-elle. Cela lui allait comme un gant : il n'était pas Ernest, il était Roi Lappin. Pourquoi ? Elle n'en savait rien.
            Quand ils n'avaient pas de nouveau sujet de conversation au cours de leurs longues promenades solitaires, qu'il pleuvait, tout le monde les avait prévenus qu'il pleuvrait, ou le soir, quand ils se tenaient près du feu, car il faisait froid et les vieilles demoiselles étaient parties, le pêcheur aussi, et le serveur ne venait que si on le sonnait, alors son imagination jouait avec l'histoire de la tribu Lappiren. damstime.com
Résultat de recherche d'images pour "images lapins animés""            Sous ses mains, elle cousait et Ernest lisait, ils devenaient très réels, très colorés, très amusants. Ernest posa son journal pour l'aider.
            Il y avait les lapins noirs et rouges : les ennemis et les amis. Il y avait le bois où ils vivaient, les prairies environnantes et le marécage. Surtout, il y avait Roi Lappin qui, loin de n'avoir pour seul signe particulier son froncement de nez, acquit au fil des jours une très forte personnalité. Rosalind ne cessait de le doter de nouvelles qualités. C'était avant tout un grand chasseur.
            - Et, demanda Rosalind le dernier jour de leur lune de miel, qu'est-ce que le roi a fait aujourd'hui ?
            En réalité ils avaient passé toute la journée en montagne et elle avait une ampoule au talon. Mais ce n'était pas de cela qu'elle parlait.
            - Aujourd'hui, répondit Ernest qui fronçait le nez en tranchant des dents l'extrémité de son cigare, il a poursuivi un lièvre. Il se tut, craqua une allumette et fronça de nouveau. Un lièvre femme, précisa-t-il.
            - Un lièvre blanc, s'écria Rosalind, comme si elle s'attendait à cette nouvelle. Plutôt petit, gris argenté, de grands yeux brillants ?
            - Oui, dit Ernest en la regardant de la même façon qu'elle l'avait regardé, un animal de taille modeste avec des yeux protubérants et deux petites pattes de devant qui pendillent.
            Rosalind était assise exactement ainsi, son ouvrage pendillant entre ses mains, et ses yeux, si grands et si brillants, étaient effectivement un peu protubérants.
            - Ah, murmura Rosalind-Lapinova.
            - C'est ainsi qu'on l'appelle ? demanda Ernest. La véritable Rosalind ? Il la regarda, il était vraiment très amoureux.
            - Oui, dit Rosalind, c'est ainsi qu'on l'appelle, Lapinova.
            Et ce soir-là, avant d'aller se coucher, ils avaient réglé la question.
            Il était Roi Lappin et elle Reine Lapinova. Ils étaient tout le contraire l'un de l'autre : lui téméraire et volontaire, elle prudente et capricieuse. Il dirigeait les activités du monde des lapins, elle vivait dans un monde désert, mystérieux, qu'elle visitait surtout au clair de lune. Néanmoins leurs territoires se touchaient, ils étaient roi et reine.                                                   pinterest.it                       
Résultat de recherche d'images pour "PEYNET"            Ainsi, au retour de leur lune de miel, ils possédaient un univers privé, entièrement peuplé de lapins, à la seule exception d'un lièvre blanc. Personne n'en soupçonnait l'existence, ce qui n'en était que plus amusant. Grâce à cela, plus encore que la plupart des jeunes couples, ils se sentaient solidaires contre le reste du monde. Ils échangeaient souvent un regard complice quand on parlait autour d'eux de lapins, de bois, de pièges et de chasse. A table ils échangeaient un clin d'oeil furtif quand la tante Mary déclarait qu'elle ne pourrait pas souffrir de voir un lièvre dans un plat, il ressemblait tant à un bébé, ou quand le frère d'Ernest, John le chasseur, leur disait les prix qu'atteignaient les lapins cet automne-là dans le Wiltshire, viande et peaux comprises. Parfois, quand ils avaient besoin d'un garde-chasse, ou d'un braconnier, ou encore d'un châtelain, ils s'amusaient à distribuer les rôles à leurs amis. Le rôle du squire, par exemple, allait comme un gant à Mrs Reginald Thorburn, la mère d'Ernest. Mais tout cela demeurait secret, c'est cela qui comptait, personne en-dehors d'eux ne savait qu'un tel monde existait.
            Rosalind se demandait souvent comment, sans ce monde-là, elle aurait pu passer l'hiver. Ainsi, il y avait eu la réception des noces d'or, quand tous les Thorburn s'étaient retrouvés à Porchester Terrace pour fêter le cinquantième anniversaire de cette union tellement bénie, n'avait-elle produit Ernest Thorburn, et tellement féconde, n'avait-elle pas produit neuf autres fils et filles par-dessus le marché, dont la plupart étaient mariés et féconds eux aussi ?
             Elle avait redouté cette réception. Mais elle n'avait pas pu s'y soustraire. En gravissant l'escalier elle songea, non sans amertume, qu'elle était fille unique, orpheline par surcroît. Une goutte d'eau parmi tous ces Thorburn dans le grand salon tapissé d'un brillant papier satiné, tout reluisant de portraits de famille. Les Thorburn vivants ressemblaient beaucoup aux Thorburn peints, à ceci près qu'ils n'avaient pas des lèvres peintes, mais de vraies lèvres, qu'ils rappelaient des plaisanteries, des plaisanteries d'écoliers. La fois où l'on avait ôté la chaise quand la gouvernante s'asseyait. La fois où l'on avait glissé des grenouilles entre les draps virginaux des vieilles filles. Pour sa part Rosalind n'avait même jamais fait un lit en portefeuille.
            Son cadeau à la main elle s'avança vers sa belle-mère somptueusement vêtue de satin jaune, et de son beau-père dont la boutonnière était ornée d'un œillet jaune foncé. Sur les tables et sur les fauteuils étaient déposées des offrandes d'or, les unes nichées dans du coton, d'autres déployant leur rutilance : bougeoirs, étuis à cigares, chaînes, toutes dûment estampillées par l'orfèvre, pour preuve qu'il s'agissait d'or massif, poinçonné, authentique.
            Mais le cadeau de Rosalind était seulement une petite boîte de pacotille percée de trous : un vieux sablier, une relique du XVIIIè siècle que l'on utilisait pour sécher l'encre sur le papier. Un cadeau plutôt absurde, pensa-t-elle, à une époque où l'on se sert du buvard. Et en le présentant, elle revit devant elle, comme au temps de ses fiançailles, l'écriture hérissée et noire de sa belle-mère formulant " l'espoir que mon fils vous rendra heureuse ".
            Non, elle n'était pas heureuse. Pas heureuse du tout. Elle regarda Ernest, raide comme un piquet, avec un nez pareil à tous les nez des portraits de famille, un nez qui ne se fronçait jamais.
Résultat de recherche d'images pour "lapin yeux roses""            Ensuite on descendit dîner. Rosalind était à moitié cachée par les grands chrysanthèmes qui ourlaient leurs pétales rouges et or en grosses boules serrées. Tout était de l'or. Un carton doré sur tranche avec des initiales dorées entrelacées détaillait la liste de tous les plats qui leur seraient successivement servis. Elle plongea sa cuillère dans une assiette emplie d'un liquide clair et doré. A la lumière des lampes la blancheur crue du brouillard au-dehors devenait une résille dorée qui estompait le rebord des plats et rendait l'écorce des ananas rugueuse et dorée. Elle seule, dans la robe blanche de son mariage, regardait loin devant elle, de ses yeux à fleur de tête, semblait aussi peu soluble qu'un glaçon.
            Pourtant, au cours du dîner, une vapeur chaude envahit la salle. La sueur perlait au front des hommes. Rosalind sentit le glaçon se liquéfier. On la faisait fondre, se répandre, se dissoudre dans le néant, au bord de l'évanouissement. C'est alors que, à travers la houle dans sa tête et le vacarme dans ses oreilles, elle entendit une femme s'écrier :
            - Mais ils sont si prolifiques !
            Elle fit écho à la remarque. Les Thorburn, en effet, ils sont prolifiques, et elle regardait ces faces rubicondes que son vertige lui faisait voir deux fois plus grosses, et agrandies par la brume dorée qui leur faisait un halo. " Ils sont prolifiques. " Alors John brailla :
            - Ces petits démons !... Tirez-les ! Écrasez-les avec de grosses bottes ! C'est le seul moyen avec ces foutus lapins !
            A ce mot, ce mot magique, elle revint à la vie. Jetant un œil entre les chrysanthèmes, elle vit se froncer le nez d'Ernest. Il frémissait en froncements répétés. Et c'est alors qu'une mystérieuse catastrophe s'abattit sur les Thorburn. La table dorée se métamorphosa en une lande couverte d'ajoncs en fleur, le vacarme des voix fut changé en une trille d'alouette cascadant du haut du ciel. Un ciel d'azur où lentement passaient des nuages. Et les Thorburn, ils étaient tous transformés. Rosalind regarda son beau-père, un petit homme furtif, aux moustaches teintes. Il avait le goût des collections, cachets, boîtes émaillées, bibelots de coiffeuses du XVIIIè siècle qu'il cachait à sa femme dans les tiroirs de son bureau. Rosalind le vit maintenant tel qu'il était : un  braconnier qui se sauvait, son manteau bourré de faisans et de perdrix qu'il irait, en cachette, enfourner dans un pot à trois pieds au fond de sa chaumière enfumée. Voilà ce qu'était vraiment son beau-père : un braconnier. Et Célia, la fille célibataire, qui fourrait toujours son nez dans les secrets d'autrui, dans les petites choses qu'ils désiraient cacher, c'était un furet blanc, aux yeux roses et au museau tout crotté à cause de son horrible manie de fouiller dans la boue et d'en tripoter. Dans un filet, jetée en travers des épaules des hommes et balancée dans un trou quelle existence pitoyable que celle de Célia. Ce n'était pas sa faute. C'est ainsi qu'elle voyait Célia. Puis elle regarda sa belle-mère que l'on surnommait le " squire ". Cramoisie, grossière, tyrannique, elle était tout cela, tandis que, debout, elle adressait des remerciements, mais maintenant que Rosalind, ou plutôt Lapinova la voyait, elle aperçut derrière cette femme la décrépitude de sa demeure familiale, le plâtre qui s'écaillait des murs, et elle l'entendit adresser avec des sanglots dans la voix, à ses enfants qui la détestaient, des remerciements pour un monde qui avait cessé d'exister. Il y eut un brusque silence. Tous étaient debout, leur verre levé. Tous burent, c'était fini.
             - Oh, Roi Lappin, s'écria-t-elle, comme ils rentraient ensemble chez eux dans le brouillard, si tu n'avais pas froncé le nez à ce moment précis, j'étais prise au piège.
            - Mais tu es saine et sauve, répondit Roi Lappin en lui étreignant la patte.
            - Oui, saine et sauve.                                                                      
            Et le fiacre les ramena en traversant Hyde Park, roi et reine du marais, de la brume et de la lande qui sentait bon les ajoncs.
            Ainsi le temps passa. Une année, deux années de temps. Et un soir d'hiver qui, par coïncidence était le jour anniversaire des noces d'or, mais Mrs Reginald Thorburn était morte, la maison à louer et seul un gardien l'habitait, Ernest revint du bureau. Ils avaient un gentil petit intérieur, la moitié d'une maison au-dessus d'une boutique de sellerie dans South Kensington, à proximité du métro. Il faisait froid, du brouillard dans l'air, et Rosalind cousait, assise près du feu.
            - Devine ce qui m'est arrivé aujourd'hui, commença-t-elle sitôt qu'Ernest se fut installé, les jambes allongées vers le feu. Je traversais le ruisseau quand...
            - Quel ruisseau ? interrompit Ernest.
            - Le ruisseau du fond à la limite de notre bois et du bois noir, expliqua Rosalind.
            Un instant Ernest eut l'air complètement ahuri.
            - Mais, que me chantes-tu là ?
            - Ernest chéri ! s'écria-t-elle consternée. Roi Lappin, ajouta-t-elle en ballottant ses petites pattes de devant à la lueur du feu.
            Mais le nez d'Ernest ne se fronça pas. Les mains de Rosalind, c'était redevenu des mains, s'agrippèrent sur l'étoffe. Ses yeux sortaient presque des orbites. Quant à Ernest il lui fallut au moins cinq minutes pour redevenir Roi Lappin et, dans cette attente, Rosalind sentit un poids sur sa nuque, comme si on allait lui tordre le cou. Enfin Roi Lappin apparut, son nez se fronça, tous deux passèrent la soirée à errer dans les bois, comme à l'accoutumée.
            Mais elle dormit mal. Au milieu de la nuit elle s'éveilla avec l'impression qu'il lui arrivait quelque chose de bizarre. Elle était raide et avait froid. Elle finit par allumer et regarda Ernest, allongé à ses côtés. Il dormait profondément, il ronflait. Mais même en ronflant son nez restait parfaitement immobile. On aurait dit qu'il ne s'était jamais froncé.
            Était-ce vraiment Ernest ? Était-elle vraiment mariée à Ernest ? La vision de la salle à manger de sa belle-mère surgit devant elle : ils étaient assis là, tous les deux, Ernest et elle, vieux, sous les gravures, devant le buffet... Le jour de leurs noces d'or. Vision insupportable.
            - Lappin, chuchota-t-elle, Roi Lappin !
            Et un instant il eut l'air de froncer le nez spontanément. Mais il dormait toujours.
            - Réveille-toi Lappin, réveille-toi, s'écria Rosalind.
            Ernest s'éveilla et, la voyant assise toute droite près de lui, il demanda :
            - Que se passe-t-il ?
            - J'ai cru que mon lapin était mort ! dit-elle d'un ton pleurnichard.
            Ernest était furieux.
            - Arrête de dire ces idioties, Rosalind. Allonge-toi et dors.             youtube.com
Résultat de recherche d'images pour "peynet animaux""            Il se retourna. Un instant plus tard il ronflait, profondément endormi.
            Mais elle ne pouvait pas dormir. Recroquevillée dans son coin de lit, elle reposait comme un lièvre en son gîte. Elle avait éteint, mais au plafond sur le faible reflet du lampadaire de la rue, se dessinaient comme un réseau de dentelle les ombres du feuillage au-dehors, un bosquet au plafond dans lequel elle errait, faisait mille tours et détours, tantôt chassait ou était poursuivie, entendait les mugissements de la meute et des cors, fuyant, s'échappant... jusqu'à l'heure où la femme de chambre vint ouvrir les volets et leur porter leur première tasse de thé.
            Le lendemain elle ne put se mettre à rien. Comme si elle avait perdu quelque chose. Comme si son corps s'était ratatiné, avait rapetissé, noirci, durci. Ses articulations lui semblaient raidies et en se regardant dans la glace, ce qu'elle fit à plusieurs reprises en errant dans l'appartement, elle eut l'impression que ses yeux lui sortaient de la tête, comme les raisins d'un petit pain. Les pièces semblaient pareillement rétrécies. Elle se heurtait à tous les angles contre d'énormes meubles. Elle finit par mettre son chapeau et sortit.
            Elle descendit Cromwell Road, et quand elle jetait un coup d'oeil à l'intérieur des maisons devant lesquelles elle passait, il lui semblait toujours voir une salle à manger avec de lourds rideaux de dentelle jaune, des buffets d'acajou, et où des gens étaient à table sous les chalcographies accrochées au mur. Elle arriva au Muséum d'histoire naturelle. Enfant elle aimait y aller. Mais en entrant le premier objet qu'elle vit était un lièvre empaillé avec des yeux de verre roses, dressé sur de la fausse neige. Elle en trembla de tous ses membres. Peut-être les choses iraient-elles mieux à la nuit tombante.
            Elle rentra chez elle, s'assit devant le feu sans allumer la moindre lumière. Elle tenta d'imaginer qu'elle se trouvait seule sur la lande, et qu'il y avait un ruisseau rapide, et plus loin un bois obscur. Mais elle ne put pas aller plus loin que ce ruisseau. Elle finit par s'accroupir sur la berge, sur l'herbe mouillée et resta recroquevillée dans son fauteuil, les mains ballantes, vide, et ses yeux brillaient comme du verre à la lueur des flammes. Puis un coup de feu retentit... Elle sursauta comme si elle avait été touchée.
            C'était simplement Ernest faisant tourner sa clé dans la serrure de l'entrée. Rosalind attendait en tremblant. Il entra, alluma la lumière. Resta debout bien droit et bien bâti, se frottant les mains rougies par le froid.
            - Assise dans le noir ?
            - Oh, Ernest, Ernest ! s'écria-t-elle en se redressant brusquement.
            - Eh bien, qu'est-ce donc maintenant ? demanda-t-il d'un ton bref, en se réchauffant les mains au feu.
            - C'est Lapinova... bredouilla Rosalind. Ses grands yeux lui jetaient un regard affolé. Elle est partie, Ernest, je l'ai perdue.
           Ernest fronça les sourcils. Serra les lèvres
           - C'est donc cela ? dit-il, décochant à sa femme un sourire sardonique. Il resta là, debout et silencieux dix bonnes secondes. Elle attendait, éprouvant la sensation de doigts qui lui étreignaient la nuque.
            - Oui, dit-il enfin, pauvre Lapinova...
            Il ajusta sa cravate devant le miroir au-dessus de la cheminée.
            - Prise dans un piège, dit-il, tuée.
            Et il s'assit pour lire le journal.
            Et ce fut la fin de ce mariage-là.

raymond-peynet-gravure 

                                                                    Virginia Woolf

                                           ( in Romans et Nouvelles - La Pochothèque )
            

mardi 29 octobre 2019

Vie et Opinions philosophiques d'un chat 7 et fin Taine ( Nouvelles France )

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                                          Vie et Opinions philosophiques d'un Chat
              
                                                                         7

            Peu à peu l'esprit se dégage des préjugés dans lesquels on l'a nourri, la lumière se fait. Il pense par lui-même. C'est ainsi que j'ai atteint la véritable explication des choses.
            Nos premiers ancêtres ( et les chats de gouttière ont gardé cette croyance ) disaient que le ciel est un grenier extrêmement élevé, bien couvert, où le soleil ne fait jamais mal aux yeux.
            " - Dans ce grenier, disait ma tante, il y a un troupeau de rats si gras qu'ils marchent à peine, et plus on en mange, plus il en revient. "
            Mais il est évident que ceci est une opinion de pauvres hères, lesquels, n'ayant jamais mangé que du rat, n'imaginaient pas une meilleure cuisine. Puis les greniers sont couleur de bois ou gris, et le ciel est bleu, ce qui achève de les confondre.                                             lapresse.ca
Résultat de recherche d'images pour "chats et rats""            A la vérité ils appuyaient leur opinion d'une remarque assez fine.
            " - Il est visible, disaient-ils, que le ciel est un grenier à paille ou à farine, car il en sort très souvent des nuages blonds, comme lorsqu'on vanne le blé, ou blancs, comme lorsqu'on saupoudre le pain dans la huche. "
            Mais je leur réponds que les nuages ne sont point formés par les écailles de grain ou par une poussière de farine. Car, lorsqu'ils tombent, c'est de l'eau qu'on reçoit.
            D'autres, plus policés, ont prétendu que la rôtissoire était Dieu, disant qu'elle est la source de toutes les bonnes choses, qu'elle tourne toujours, elle va au feu sans se brûler, et qu'il suffit de la regarder pour tomber en extase.
            A mon avis, ils n'ont erré ainsi que parce qu'ils la voyaient à travers la fenêtre, de loin, dans une fumée poétique, colorée, étincelante, aussi belle que le soleil du soir. Mais moi qui me suis assis près d'elle pendant des heures entières, je sais qu'on l'éponge, qu'on la raccommode, qu'on la torchonne, et j'ai perdu en acquérant la science les naïves illusions de l'estomac et du coeur.
            Il faut ouvrir son esprit à des conceptions plus vastes et raisonner par des voies plus certaines.
            La nature se ressemble partout à elle-même, et offre dans les petites choses l'image des grandes.                                                                                                          atlantico.fr
Résultat de recherche d'images pour "chats savants rats""            De quoi sortent tous les animaux ? D'un oeuf. La terre est donc un très grand oeuf cassé.
            On s'en convaincra si on examine la forme et les limites de cette vallée qui est le monde visible. Elle est concave, comme un oeuf, et les bords aigus par lesquels elle rejoint le ciel sont dentelés, tranchants et blancs, comme ceux d'une coquille cassée.
            Le blanc et le jaune s'étant resserrés en grumeaux ont fait des blocs de pierre, ces maisons et toute la terre solide. Plusieurs parties sont restées molles, et font la couche que les hommes labourent. Le reste coule en eau et forme les mares, les rivières. Chaque printemps il en coule un peu de nouvelle.
Résultat de recherche d'images pour "chats oeufs"" *         Quant au soleil, personne ne peut douter de son emploi : c'est un grand brandon rouge qu'on promène au-dessus de l'oeuf pour le cuire doucement. On a cassé l'oeuf exprès, pour qu'il s'imprègne mieux de la chaleur. La cuisinière fait toujours ainsi.
            Le monde est un grand oeuf brouillé.
            Arrivé à ce degré de sagesse, je n'ai plus rien à demander à la nature, ni aux hommes, ni à personne, excepté peut-être quelques petits gueuletons à la rôtissoire. Je n'ai plus qu'à m'endormir dans ma sagesse. Car ma perfection est sublime, et nul chat pensant n'a pénétré dans le secret des choses aussi avant que moi.

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                                                         Fin

                                              Hippolyte Taine

Correspondance André Gide Léon Blum

                                                

                                          Correspondance André Gide  Léon Blum 1890 - 1951

                                         (établie, présentée, annotée Pierre Lachasse éd. PULFrance )

            Octobre 1888 Léon Blum et André Gide se rencontrent devant le Lycée HenrI IV. L'élève venu de la rive droite, lycée Condorcet termine brillamment sa scolarité avant de suivre les cours de la faculté de droit à la Sorbonne, de Sciences PO. Gide, scolarité chaotique, passe par l'Ecole Alsacienne ne pense déjà qu'à sa future oeuvre.
            La littérature réunit deux hommes exceptionnels. 57 lettres et 14 enveloppes rapprochées et commentées racontent leur parcours, leurs différends. Gide ne comprend pas l'entrée en politique de son ami, sceptique sur la défense de Dreyfus, alors que Zola écrit " J'accuse ", blesse Blum dans une lettre. Blum entré au Conseil d'Etat, esthète et mondain participe à la vie culturelle à travers des revues, la Revue Blanche, critique théâtral et littéraire.
            Gide publie le Voyage d'Urien, en juillet 1892 Blum écrit sur " l'Apolitique en France ", puis " Interrogation  sur la quête du Bonheur, l'Action pour réaliser son Idéal, sur l'amitié".
             Gide poursuit son journal, les Cahiers d'André Walter. Gide éternel nomade voyage, Blum suivra quelques fois le même parcours que l'écrivain, tous deux à la poursuite de Stendhal, Goëthe, Nietzsche, en Allemagne, Suisse, Italie. Polémique avec Barres, la guerre de 1914, Correspondance croisée de deux intellectuels.
            Importance de la vie française et évolution de deux hommes aux caractères bien différents.                  Gide et l'Afrique.
             Blum écrit sur le Socialisme,
             1920. L'amitié des deux hommes distendue, surtout de la part de Gide, se resserrera lors que ce dernier appréciera le député Blum et ira l'écouter à la Chambre. De plus après " le Voyage au Congo ", très impressionné par ce qu'il voit il écrit à Blum "... le pays ne pourra guérir aussi longtemps qu'on ne l'aura pas délivré de ces sangsues que sont les grandes compagnies concessionnaires... " Puis arrivent le Front Populaire et la guerre de 1940. Blum, juif arrêté, emprisonné et déporté à Buchenwald, Gide réfugié à Cabris, et leur retour à Paris annoncent les dernières années de deux grands hommes.























dimanche 27 octobre 2019

La pyramide de boue Andrea Camilleri ( Roman Italie )

La Pyramide de boue par [CAMILLERI, Andrea]
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                                           La Pyramide de boue

            Sous le ciel sicilien, bruyant de tonnerre, Salvo Montalbano, commissaire vieillissant, doit chausser des bottes et quitter sa maison du bord de mer pour se rendre dans une campagne un peu éloignée de Vigata où son adjoint Fazio le conduit sur un chantier peut-être abandonné. La pluie continue sur la terre molle et un monticule, une pyramide de boue s'est formée. Un peu plus loin un tunnel abandonné, à l'extrémité le corps d'un homme vêtu de ses seuls sous-vêtements, le visage dans la boue, un vélo jeté à terre sur le chemin. Et débute l'enquête. Et le plaisir du lecteur à la lecture de la traduction de l'italien en France par Serge Quadruppani du texte de Camilleri : premières syllabes avalées, répliques de Caracalla toujours embrouillées. Mais meurtre il y a et les motivations des uns, partage des travaux sur différents chantier, écroulement de quelques bâtiments en raison d'emplois de matériaux non conformes ou avariés, ouvriers payés en espèces car les enquêteurs le démontrent si la Région accorde subventions et droits de construire et de les refuser, les deux familles qui se partagent les chantiers ont les personnes à tous les niveaux introduites auprès soit des ministres, soit des services comptables, et blanchiment d'argent probable car un très gros coffre a été découvert et plus tard des traces de billets, et cela chez l'homme en sous-vêtements, qui s'avère être l'honnête comptable de l'une ou l'autre société. Certains pensent que c'est une histoire de mari trompé, car marié à Inge jolie femme sulfureuse, et disent-ils en Sicile, les meurtres sont toujours " une histoire de cocus ". Pas ce jour-là, un drôle de personnage, grand, gros, fort, craint les ordres de sa mère, pleure la disparition d'Inge. L'enquête suit un cours un peu brumeux, mais toujours plaisant, le robuste " 'pétit " de Montalbano, les exactions immobilières sensibles partout, ( l'auteur précise qu'il s'agit d'une fiction bien sûr ), on ne se lasse pas des livres et des sujets de Camilleri.

            

            

Anecdotes et Réflexions d'hier pour aujourd'hui 101 Samuel Pepys ( Journal Angleterre )

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                                                                                                                       16 septembre 1663

            Levé de bonne heure et emmenai ma femme à Hinchingbrooke voir milady qui doit rejoindre milord ce matin. Je rebroussai chemin et au tribunal. Entendis sir Robert Bernard énoncer les chefs d'accusation à la cour baron et à la cour lete ( nte de l'éd. juridiction civile et juridiction criminelle ) ce qui dura jusqu'à midi et valait la peine d'être entendu. Après avoir engagé mon affaire, retrouvai mon père pour dîner.
            Après le repas, au tribunal où sir Robert et son fils ne tardèrent pas à revenir et l'on attaqua notre affaire. Mon père et moi lui ayant remis un billet à ordre pour les 21 livres que Pigott lui devait, mon oncle Thomas accepta sans difficulté d'abandonner à notre profit les terres hypothéquées pour la somme totale de notre créance, et sir Robert ajouta les intérêts, ce qui fait 209 livres à payer dans les six mois. Mais quand je vins à mentionner d'autres terres qui devaient nous être cédées, qui avaient à voir avec la femme de Pigott présente pour donner son consentement, sir Robert ne voulut point en entendre parler, mais dit avec véhémence que nous étions fort cruels et que nous avions une caution suffisante pour notre argent et, qu'en conscience il ne pouvait laisser cette femme y consentir, et il reprocha à mon oncle et à mon cousin de tirer des intérêts excessifs de cette créance.
            Je répondis à tous ces arguments, et parlai si bien et lui donnai tant de fils à retordre que le tribunal tout entier se tut pour nous écouter. Et, à ce qu'on m'a rapporté depuis, tous reconnaissent n'avoir jamais rien entendu de tel en ce lieu. Mais mon oncle nous ayant habilement soutiré un billet à ordre, je me contentai d'obtenir autant que je le pouvais, même s'il ne m'était pas possible de tout avoir, et j'acceptai donc la cession de Pigott sans la caution de sa femme et avec le consentement de sir Robert, déclarai à la cour que si l'argent n'était pas versé à temps et si les garanties se révélaient insuffisantes, j'en conclurais que sir Robert m'avait causé du tort. Et il m'accorda que je serais fondé à le faire.
            Cela nous occupa jusqu'au soir, mais je suis profondément heureux que cela se soit si bien terminé du côté de mon oncle qui a très volontiers consenti à cela et à l'affaire de la petite maison de Prior. La séance levée, mon père, Mr Shipley et moi allâmes chez la mère Gorham boire quelque chose, puis je les quittai et me rendis à l'auberge du Taureau où se trouvait mon oncle, pour entendre ce que lui et les gens disaient de notre affaire, et je n'entendis rien qui ne me fût fort agréable.
            Peu après à la maison et souper et, l'esprit tout à fait détendu, au lit.


                                                                                                           17 septembre

            Lever et, comme mon père s'était couché malade hier soir et l'était toujours ce matin, je fus forcé pour la première fois de me poser la question de savoir s'il convenait ou non de laisser mon oncle et son fils se rendre seuls à Wisbech au sujet de l'héritage de mon oncle Day. Je conclus que ce n'était pas souhaitable et décidai de les accompagner. Je laissai ma femme à Brampton et partis avec eux.
            Avec bien des difficultés nous traversâmes les marais, longeâmes des fossés où parfois nos chevaux manquaient s'enfoncer jusqu'au ventre, et en nous démenant comme de beaux diables et en pressant nos montures, arrivâmes à la nuit à Parson Drove, un endroit perdu où je trouvai ma tante et mon oncle Perkin, ainsi que leurs filles, les malheureuses créatures dans une misérable chaumière, pareille à une méchante grange ou une écurie, occupés à tailler du chanvre, pauvrement vêtus. Nous les emmenâmes à notre misérable auberge où, après une longue attente, nous écoutâmes leur fils Frank, le meunier, jouer de sa gambe, comme il l'appelle, grâce à laquelle il gagne en partie sa vie, et chanter une chanson paillarde de la campagne, nous nous mîmes à table pour souper. La compagnie au complet, avec la femme et les enfants de Frank, piètres commensaux dont j'avais honte, soupa avec nous.
            Après le repas, je causai avec ma tante de ses déclarations concernant le testament et l'acte de cession de mon oncle Day. Mais elle me dit des choses si différentes de ce qu'elle écrit et affirme à d'autres, et qui déçoivent tant mon attente, que je crains qu'il ne sorte de tout cela presque rien qui en vaille la peine.
            Sur ces entrefaites on nous annonça qu'un de nos chevaux avait été volé dans l'écurie. Il semble que c'était celui de mon oncle, ce dont je me réjouis dans mon for intérieur. Je veux dire de ce que ce n'était pas le mien. Nous ne savions que faire en cette occasion. Comme on soupçonnait une personne qui logeait dans la maison voisine, un Londonien, quelque clerc d'avoué, nous le fîmes arrêter dans son lit et fîmes prendre des mesures pour mettre la main sur le cheval. Vers minuit, peut-être un peu passé, au lit dans un méchante chambre, triste et froide. Heureusement la servante était passablement jolie et je lui pris un ou deux baisers, puis me couchai.
            Peu après que je me fus endormi on me réveilla pour me dire que le cheval était retrouvé, ce qui était une bonne nouvelle. Me rendormis jusqu'au matin. Mais je fus cruellement piqué et, ce qui m'étonne, aucun des autres ne le fut, par les moustiques.


                                                                                                              18 septembre
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"Le passé", huile sur toile de Thomas Cole (1801-1848, United Kingdom)            Lever et rassemblai mes compagnons le plus vite possible et, après avoir mangé un plat de crème froide, qui fut également mon souper d'hier soir, nous prîmes congé de nos hôtes dépenaillés, qui ont pourtant l'air d'être aussi de braves gens. Nous traversâmes de bien tristes marais, et tout le chemin nous observâmes quelle triste vie mènent les gens de cette région ( s'ils sont natifs d'ici sont appelés les " indigènes " de l'endroit ), allant d'un endroit à l'autre, parfois en barque, et ensuite en passant à gué, pour arriver à Wisbech, une jolie ville dotée d'une belle église et d'une bibliothèque où se trouvent divers manuscrits très anciens provenant d'abbayes, et un beau manoir construit par le secrétaire d'Etat Thurloe, sur les terres de l'église, et une belle galerie construite pour lui dans l'église. Mais maintenant tout cela est entre les mains de l'évêque d'Ely.
            Sortîmes de la ville après avoir visité l'église etc., sur les indications d'un inconnu, à la recherche d'un certain Blinkehorne, un meunier de qui nous espérions apprendre quelque chose de la façon dont le vieux Day avait partagé ses biens, et dans quelles mains ceux-ci se trouvaient à présent. Par un heureux hasard nous le rencontrâmes et l'emmenâmes à notre auberge pour dîner. Mais au lieu de nous informer sur les biens de l'oncle Day, l'homme nous apprit qu'il était le suivant dans l'ordre de succession, ce qui nous fit bien rire mon cousin Thomas et moi, de voir un tel homme nous couper l'herbe sous le pied. Car il est le fils de la fille du frère de Day, alors que nous sommes seulement fils et petits-fils de sa soeur. De sorte qu'en fin de compte nous fûmes bien forcés de lui exposer notre affaire, et d'obtenir de lui qu'il nous permît de nous en occuper. Il fut convenu qu'il aurait un tiers et nous les deux autres tiers de ce qui serait recouvré de l'héritage. Après avoir un peu causé et payé notre dû, nous nous remîmes en selle et chevauchâmes, riant fort de notre insuccès, jusqu'à Chatteris. Mon oncle était reclus de fatigue. Après le souper je contai trois histoires de fantômes qui leur plurent fort. Puis, tous trois dans une même chambre, nous nous mîmes au lit.


                                                                                                           19 septembre

            Levés de fort bonne heure et, après avoir mangé, nous nous mîmes en route. J'étais d'accord pour les accompagner, mais j'allai par erreur jusqu'à St Ives, et là, comme nous savions qu'ils pouvaient prendre la route la plus courte pour Londres, je pris congé d'eux et allai à Brampton. Je trouvai mon père toujours alité et Mrs Norbury ( j'eus honte de les baiser, elle, sa jolie fille et sa soeur, car j'avais la lèvre irritée par le vent du voyage et des piqûres de moustiques, mais je le fis quand même ) arrivée depuis peu à Huntingdon, qui était venue voir mon père et ma mère. Après une courte visite elles s'en furent, et je rendis compte à mon père du résultat de notre entreprise.
            Après dîner, ma femme et moi partîmes faire une promenade à cheval, et je passai une heure merveilleuse, la première et la seule heure agréable que j'eusse jamais passée dans cette propriété depuis que j'ai eu à m'en occuper. Nous allâmes jusqu'au bois de Brampton que nous traversâmes en ramassant des noisettes en chemin. Puis, à Grafham nous nous arrêtâmes boire quelque chose chez une vieille femme chez qui ma femme avait coutume d'aller.
            Alors que je chevauchais tout m'enchanta, la façon dont ma femme monte à cheval et l'agrément de sa compagnie. Je poursuivis ma route et elle me montra la rivière derrière la maison de mon père qui est fort agréable. Puis je la raccompagnai à la maison et me rendis directement à Huntingdon où je rencontrai Mr Shipley et à l'auberge de la Couronne ( ayant fait reconduire par Stankes mon cheval à la maison ), où un barbier vint me raser. De là à pied à Hinchingbrooke où milord et les dames viennent à l'instant de mettre pied à terre. Je me joignis à eux, et milord fut heureux de me voir, ainsi que tous les autres. Je restai souper avec eux et, après avoir longuement causé, remarquant toutefois que milord n'est pas tout aussi ravi de son séjour et de son entourage à la campagne que je m'y attendais et l'espérais, je pris congé d'eux. Me promenai dans la cour sans lumière avec William Howe qui me dit que milord ne se plaît ni ne s'amuse comme à l'accoutumée, mais veut se hâter de rentrer à Londres, et qu'il est résolu à retourner à Chelsea, ce dont nous sommes profondément affligés, et que nous sommes soucieux d'empêcher si c'est possible.
            Je remontai à cheval, car on m'en avait réservé un, et aussi un valet pour me servir, et à la maison où ma femme et ma soeur veillaient en attendant mon retour. Puis au lit, tourmenté par ce que l'on me dit de milord.


                                                                                                                  20 septembre 1663
                                                                                                    Jour du Seigneur
           Lever. Je trouve mon père un peu mieux et me rendis à pied à l'église Huntingdon. J'entendis le sermon assis sur le banc de milord, avec les jeunes demoiselles, milord m'ayant lui-même indiqué ma place. Puis à pied à Hinchingbrooke avec Mr Shipley et le Dr King qui passe ici pour un homme d'esprit ainsi qu'un bon médecin. Là, milord m'emmena, avec tous les autres, par les allées de son jardin et, en particulier, me demanda mon opinion sur la façon de redresser le mur tout de guingois, sur la colline. Ensuite dîner. Il y avait le colonel Williams et de nombreuses autres personnes, et le dîner fut splendide. Cependant, après avoir obtenu de milord la permission de voyager aujourd'hui, ce dont je fus fort content, car on avait lu hier à Huntingdon une proclamation s'y opposant, je pris congé et les quittai encore à table.
            Je revins seul à pied chez mon père, et après avoir échangé quelques mots avec lui et ma mère, ma femme et moi nous mîmes en selle, et accompagnés du petit valet de mon père, monté sur un cheval que j'avais emprunté au capitaine Ferrer, chevauchâmes jusqu'à Biggleswade, quoiqu'il commençât à faite très sombre, avec l'aide de deux paysans qui nous guidèrent à travers d'immenses étendues couvertes d'eau et dangereuses, à cause des fossés de chaque côté. Là nous soupâmes d'une bonne poitrine de mouton rôtie pour nous et, au lit.


                                                                                                                    21 septembre
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                        pxhere.com
maison ancienne escaliers le coucher du soleil ciel champ prairie nuage prairie zone rurale herbe Matin soir Aube Prairie paysage arbre lumière du soleil la tour Famille d'herbe plaine Phénomène météorologique Écorégion ferme Ordinateur, papier peint            Levés de très bonne heure, au point du jour, et fis lever ma femme découragée à la pensée du long voyage et, après avoir mangé quelque chose et changé une pièce d'or pour payer notre dû, nous nous mîmes en selle. Traversâmes Baldock où se tient aujourd'hui une foire fameuse pour ses fromages et autres denrées de cette sorte. Poursuivîmes jusqu'à Hartfield, le temps changeant de très curieuse façon entre le moment de notre départ et celui de notre arrivée chez nous. Nous parvînmes à midi à Hartfield où nous dînâmes. Comme ma femme était fort lasse et que je pensai qu'il serait difficile de la ramener à la maison ce soir, et qu'il me coûterait fort cher de prolonger notre voyage, je profitai de ce qu'une diligence vide  devait partir pour Londres et la laissai rentrer par ce moyen, pour une demi-couronne. Puis le petit valet et moi rentrâmes à la maison le plus vite que nous pûmes, et il faisait déjà nuit quand nous arrivâmes, de sorte que je considère comme une grande chance que nous ayons fait ce choix. Comme j'étais moi-même recru de fatigue, ma femme l'aurait été encore bien davantage. A la maison je trouvai tout le monde en bonne santé et ma maison bien en ordre.
            Allai voir sir William Penn qui se porte très bien, et sir John Mennes qui boite un peu d'une jambe. Tous les autres sont allés à Chatham, c'est-à-dire sir George Carteret et sir William Batten qui a, en mon absence, violemment attaqué le contrat que j'ai passé l'autre jour avec Warren pour l'achat de ses mâts. En cela sir William Batten est un gredin, et j'aurai de quoi triompher, mais cela me fâche un peu. Un peu plus tard ma femme arrive sans encombre en voiture. Nous avions préparé une bonne volaille en prévision de sa venue, et mangeâmes de bon appétit.
            Puis, bien contents et fort aises, nous couchâmes dans notre propre lit, et rien ne nous paraissait plus agréable que d'être dans notre propre maison après nous en être éloignés quelque temps.


                                                                                                           22 septembre

            Me levai bien reposé après mon voyage, et à mon bureau pour mettre certaines choses en ordre, puis réunion avec sir William Penn. A midi dîner à la maison, puis en barque avec ma femme jusqu'à Westminster. Elle alla voir son père et sa mère, puis nous nous retrouvâmes chez milord, et retour à la maison par le fleuve. Nous rencontrâmes à la porte sir William Penn et sa fille. Après leur visite j'allai à mon bureau et, après une conversation très satisfaisante avec sir William Warren à propos de notre commande de mâts, j'écrivis mon courrier, puis à la maison, souper et, au lit.
            Aujourd'hui ma femme m'a montré des affiches imprimées annonçant que son père, sir John Colladon et sir Edward Ford ont un brevet pour un procédé destiné à empêcher les cheminées de fumer. Je leur souhaite de faire de bonnes affaires, mais crains que leur projet ne s'avère boiteux.
            Aujourd'hui le roi et la reine doivent arriver à Oxford. J'ai entendu dire, comme une chose certaine, que milady Castlemaine est allée à Oxford le retrouver après être restée alitée ici, sans sortir de chez elle une ou deux semaines. On suppose qu'elle a fait une fausse couche. Mais il est certain qu'elle jouit d'une faveur aussi grande que par le passé, c'est du moins ce que dit Mrs Sarah, chez milord, car elle a toutes les nouvelles par les gens de milady Castlemaine.
            Chaque jour apporte des nouvelles de l'avancée des Turcs qui se sont emparés de la Hongrie, en Allemagne ( nte de l'éd. c'était l'Autriche ), réveillant tous les princes chrétiens des alentours
            Je m'occupe à présent de meubler le petit salon de ma femme et ma maison et de lui commander un manteau de velours, et pour moi un nouvel habit de drap noir, un manteau et une cape. Et aussi de faire mes comptes du mieux que je le pourrai en prévision du terme de la Saint-Michel, et j'espère malgré tout avoir un solde aussi important ou plus grand que je n'en ai jamais eu.


                                                                                                                    23 septembre
Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle
Résultat de recherche d'images pour "maison anglaise 18è siècle""            Levé de bonne heure et à mon bureau, rédigeai mon journal depuis mon départ à la campagne jusqu'à ce jour. A midi, par le fleuve, chez Mr Crew, dînai avec lui et sir Thomas pensant qu'ils allaient me questionner sur le retour de milord à Chelsea, ou quelque chose de ce  genre. Mais ils ne le firent pas et ne semblent pas s'en soucier. A leur guise, mais il serait peut-être meilleur pour milord et pour eux aussi, qu'il en fût autrement. De cette façon nous pourrions délibérer ensemble pour trouver la meilleure issue, ce qui ne peut se faire tant que nous feindrons l'ignorance, et il ne convient point que je parle le premier.
            Me rendis ensuite dans différents endroits pour affaires, puis à la Grand-Salle de Westminster, pour retrouver Mrs Lane. C'est là ma grande folie à présent. Mais je dois y mettre bon ordre. Elle n'était pas là.
            Retour en barque à la maison et à mon bureau. Peu après, mon frère John, qui doit retourner à Cambridge, vint me trouver, et je lui fis de très sévères réprimandes pour le piètre rapport qu'il me fait de ses études. Je le fis avec emportement et des paroles cinglantes, que je regrettai d'avoir à employer, mais je pense que c'est pour son bien. Je jurai de ne plus rien faire pour lui et que ce qu'il a reçu de moi jusqu'ici, et aujourd'hui, c'est à contrecoeur que je le lui ai donné, et qu'il en sera de même à l'avenir jusqu'à ce qu'il me rende meilleur compte de ses études. Je fus fâché qu'il ne me répondît pas, mais à ce que je vois il m'écouta sans grand ressentiment, et comme je l'aurais fait moi-même à sa place. Mais j'ai fait mon devoir, qu'il fasse le sien, car je suis résolu à tenir parole. Après nous être promenés deux heures dans le jardin, jusqu'après la tombée de la nuit, j'en finis avec lui. Puis à mon bureau où je mis des papiers en ordre, et souper, moi et ma pauvre femme qui a fort à faire à la maison pour arranger son petit salon et, au lit.


                                                                                                                    24 septembre 1663

            Levé de bonne heure et, après avoir fait mes adieux à mon frère, John, parti aujourd'hui chez mon père, j'allai en barque chez sir Philip Warwick, et passai un bon moment avec lui. Au cours de la conversation il me dit et me montra que le roi ne pouvait être redevable à la Marine, en ce moment, de 5 000 livres. Je suis d'avis que c'est plutôt George Carteret qui doit de l'argent au roi, et que toute la dette de la Marine est payée, et je le quittai, craignant de n'avoir point parlé avec la gravité et la persuasion nécessaires dans une si grande affaire. Mais j'espère qu'il ne s'agit que de mon manque de confiance en moi et du fait qu'il était pressé, car des personnes fort importantes l'attendaient dehors tandis qu'il était avec moi, de sorte qu'il était désireux de s'en aller. Retour en barque au bureau et réunion, mais nous fîmes fort peu de choses, maintenant que Mr Coventry n'est plus là. Cela ne servit qu'à m'irriter, de voir quels sots nous faisons quand il n'est pas là pour mener des affaires telles que les nôtres.
            L'après-midi, ayant dit à ma femme que je me rendais à Deptford, j'allai en barque au palais de Westminster. Je trouvai Mrs Lane, l'emmenai à Lambeth, au même endroit que naguère, et fis là ce que je voulais avec elle, sauf le principal, à quoi elle ne voulut consentir, Dieu soit loué ! et pourtant, j'en fus si près, j'étais si excité que j'éjaculai. Mais avec l'aide de Dieu je ne recommencerai jamais tant que je vivrai. Quand je fus las de sa compagnie je la ramenai à Whitehall.
            Puis à la maison et à mon bureau, écris des lettres, presque jusqu'à minuit. A la maison pour souper et me coucher et trouvai ma pauvre femme qui travaillait d'arrache-pied. J'eus le coeur navré d'abuser une si bonne créature, et Dieu est juste de la rendre méchante envers moi en punition du tort que je lui cause. Mais je suis résolu à ne jamais rien refaire de tel. Puis au lit.


                                                                                                                  25 septembre
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            Me levai assez tard puis à mon bureau toute la matinée jusqu'à ce que sir John Mennes et sir William Batten me vinssent appeler et je les accompagnai en barque à Deptford où tout d'un coup il se mit à tonner et faire des éclairs, et la pluie commença de tomber, de sorte que nous ne pûmes rien faire d'autre que rester chez Davies. Un peu plus tard sir John Mennes et moi retournâmes à la maison par le fleuve et j'allai chez moi pour dîner. Ensuite au bureau seul jusqu'au soir, car aucun de mes commis n'était là à travailler, puis à la maison et, au lit.


                                                                                                                    26 septembre

            Lever et à mon bureau jusqu'à midi, puis à la Bourse, mais fis peu de chose. Rencontrai Mr Rawlinson qui voulut m'inviter à dîner, et comme Mr Deane de Woolwich était avec moi, j'allai avec lui et nous dînâmes fort bien du repas préparé pour lui seul, l'invitation étant improvisée. Mais je pris peu de plaisir car je pensais à ma femme seule à la maison et je rentrai donc le plus vite que je pus, et fus obligé de dîner une seconde fois avec elle, car je ne veux point la négliger, ni qu'elle sache que je dîne dehors. Ce que j'avais fait dans le seul dessein que Deane dînât à la maison avec moi, car je ne savais pas ce qu'il y avait à manger. Ensuite au bureau où je demeurai jusqu'à une heure avancée de la nuit, puis à la maison, souper et, au lit, fort content de trouver ma femme si soigneuse de sa maison.


                                                                                                               27 septembre
                                                                                               Jour du Seigneur
            Restai un bon moment au lit à bavarder avec ma femme, puis me levai et m'habillai et à l'office sans mon domestique William que je n'ai pas vu aujourd'hui, ce dont je ne me soucie guère. Mais peut-être ne serais-je pas mécontent que par sa conduite il s'attirât assez de mon déplaisir pour ne pas être étonné si je le renvoyais. Puis dîner à la maison, un peu contrarié d'avoir vu Pembleton jeter un coup d'oeil dans l'église comme à son habitude et ressortir, ma femme n'étant pas là, mais je ne discerne pas chez ma femme le moindre souvenir de lui.
            Dînai puis un moment à mon bureau et derechef à l'office où entendis un sermon ennuyeux, puis à la maison pour passer la soirée avec ma pauvre femme. Nous nous consultâmes sur son petit salon, ses habits et d'autres choses. A la nuit tombée souper, mais fort incommodé, car ma tête et ma poitrine me faisaient très mal et, ce qui me tourmente le plus, je suis presque sourd de l'oreille droite. C'est un rhume que Dieu-tout-puissant m'a justement envoyé tandis que je me livrais l'autre jour à des ébats lubriques avec Mrs Lane, l'air m'arrivant sur la nuque par le carreau cassé. Je me mis au lit avec un posset, fort mélancolique à la pensée que j'ai perdu l'ouïe.


                                                                                                                    28 septembre
                                                                                                                       
Résultat de recherche d'images pour "posset 17è siècle""            Levé mais avec mal à la tête, à l'estomac et à l'oreille et tellement sourd qu'allant en voiture à Whitehall avec sir John Mennes je m'arrêtai chez Mr Hollier qui me donna des pilules et m'assura que j'allais recouvrer l'ouïe et la santé. Puis passai une heure à Whitehall avec sir John Mennes, dans la galerie, à regarder les tableaux, il s'y connaît assez bien.
            La commission de Tanger se réunit bientôt et milord Teviot et le capitaine Cuttance, le capitaine Evans et John Moore convoqués à cet effet, nous apportèrent une superbe épure du môle qui doit être construit là-bas, et nous disent que Tanger va sûrement devenir la place la plus importante que le roi d'Angleterre possède. Je suis enclin à le croire.
            Après avoir parlé de cela et de cavaliers supplémentaires pour la garnison, nous levâmes la séance. Sir John Mennes et moi retournâmes à la maison et trouvâmes la rue autour de notre bâtiment emplie de monde, car c'est aujourd'hui que sir Richard Ford prend ses fonctions de shérif. Avec sa maison et les nôtres qui viennent d'être repeintes, la rue commence à avoir bien meilleure apparence que par le passé, et elle est aussi plus élégante.
            A la maison où mangeâmes un morceau de viande, puis par le fleuve avec lui et sir William Batten à une vente d'anciens approvisionnements à Deptford, qui se tint chez le capitaine Badiley, et rapporta 6 ou 700 livres. Mais je ne suis pas satisfait des méthodes employées.
            Retour en barque à la maison et, après avoir passé un court moment à mon bureau et rendu visite à sir William Penn qui souffre de nouveau de ses anciennes douleurs, à la maison pour souper. J'avais faim et mon oreille et mon rhume vont mieux, je crois. Puis au lit après avoir pris une de mes pilules.
            On donne pour certain que le roi rentrera de province jeudi prochain.


                                                                                                                       29 septembre 1663

            Pris deux pillules de plus ce matin qui ont fait de l'effet toute la journée et je ne suis pas sorti. Dînai vers midi, puis transportai plusieurs choses fort lourdes avec ma femme par les escaliers, car nous allons installer notre chambre à coucher en haut et Will déménagera en bas dans la garde-robe. Cela me donna une violente suée, je fis donc allumer du feu. Quand je fus de nouveau sec, ma femme et moi accrochâmes de fort jolis dessins sur papier dans la chambre rouge où nous allons coucher, et la carte de Paris. Puis, dans la soirée vers la tombée de la nuit, il commença à tonner avec des éclairs et à pleuvoir avec une telle violence que ma maison fut tout inondée. Je montai sous l'averse voir les gouttières, m'affairai sous la pluie, tout trempé, une demi-heure, de quoi vous tuer un homme. Quand j'eus fini descendis pour me sécher de nouveau. Puis arriva Mr Simpson pour installer la cheminée de ma femme, qui me plaît bien, dans son petit salon. Quand il eut fini, je dînai et au lit, après m'être changé des pieds à la tête, et craignant d'avoir attrapé du mal.


                                                                                                                        30 septembre

            Je me lève me sentant fort bien, et j'entends de nouveau assez bien, puis à mon bureau. Un peu plus tard arriva Mr Hollier et m'examina l'oreille. J'espère que tout ira bien quoique je n'entende pas encore aussi bien qu'avant de mon oreille droite.
            A mon bureau jusqu'à midi et à la maison pour dîner. L'après-midi me rendis par le fleuve à Whitehall pour la réunion de la commission de Tanger. Milord Teviot apporta ses comptes.
            Je suis fâché de voir que, quoique nous soyons supposés les examiner, pas un des grands qui siègent à la commission, par civilité, ne veut trouver la moindre chose à redire à ses comptes et donc aucune des personnes de moindre importance ne s'y risque. Ainsi le roi est-il trompé.
            Retour à la maison par le fleuve avec sir William Rider, puis à mon bureau, restai tard à faire mes comptes de ce mois. Et, Dieu soit loué ! il m'apparaît que j'ai 760 livres à mon crédit, bien que j'aie dépensé en habits pour ma femme et moi, et en fournitures pour son petit salon, 47 livres ce mois-ci. Et je rentrai chez moi où je trouvai notre nouvelle cuisinière, Elizabeth, que ma femme n'avait jamais vue, et moi seulement une fois et de loin, mais elle est chaudement recommandée par Mr Creed. J'espère qu'elle sera une bonne servante. Puis souper, prières et, au lit.
            Ce soir Mr Coventry est resté à St James, mais je ne suis pas allé le voir. Et demain le roi, la reine, le Duc et la Duchesse, et la Cour tout entière rentreront de leur voyage.
            Moi et ma famille sommes en bonne santé, à part mon père qui est malade à la campagne.
            Il n'est bruit que de l'avancée des Turcs en Hongrie, etc.


                                                                                    à suivre...........

                                                                                                                   1er Octobre 1663

            Lever et...........