samedi 5 septembre 2015

Les cinq pépins d'orange Arthur Conan Doyle ( nouvelle Angleterre )


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                                         Les cinq pépins d'orange

            Quand je jette un coup d'oeil  sur les notes et les résumés qui ont trait aux enquêtes menées par Sherlock Holmes entre les années 1882 et 1890, j'en retrouve tellement dont les caractéristiques sont à la fois étranges et intéressantes qu'il n'est pas facile de savoir lesquelles choisir et lesquelles omettre. Quelques-unes pourtant ont déjà bénéficié d'une certaine publicité grâce aux journaux et d'autres n'ont pas fourni l'occasion à mon ami de déployer ces dons exceptionnels qu'il possédait à un si haut degré et que les présents écrits visent à mettre en lumière. Quelques-unes aussi ont mis en défaut l'habileté de son analyse et seraient en tant que récits, des exposés sans conclusion. D'autres enfin n'ayant été élucidées qu'en partie, leur explication se trouve établie par conjectures et hypothèses plutôt qu'au moyen de cette preuve logique absolue à quoi Holmes attachait tant de prix. Parmi ces dernières, il en est une pourtant qui fut si remarquable en ses détails, si étonnante en ses résultats, que je cède à la tentation de la relater, bien que certaines des énigmes qu'elle pose n'aient jamais été résolues et, selon toute probabilité ne le seront jamais entièrement.
            L'année 1887 nous a procuré une longue série d'enquêtes d'intérêt variable dont je conserve les résumés. Dans la nomenclature de cette année-là, je trouve une relation de l'entreprise de la Chambre Paradol, un exposé concernant la Société des Mendiants amateurs, un cercle dont les locaux somptueux se trouvaient dans le sous-sol voûté d'un grand magasin d'ameublement, des précisions sur la perte de la barque anglaise Sophie Anderson, sur les singulières aventures de Grace Patersons aux îles d'Uffa et enfin sur l'affaire des poisons de Camberwell. Au cours de cette enquête Sherlock Holmes, on ne l'a pas oublié,  parvint en remontant la montre du défunt à prouver qu'elle avait été remontée deux heures auparavant et que, par conséquent, la victime s'était couchée à un moment quelconque de ces deux heures-là. Déduction qui fut de la plus grande importance dans la solution de l'affaire. Il se peut qu'un jour je retrace toutes ces enquêtes, mais aucune ne présente des traits aussi singuliers que l'étrange suite d'incidents que j'ai l'intention de narrer.
            C'était dans les derniers jours de septembre et les vents d'équinoxe avaient commencé de souffler avec une rare violence. Toute la journée la bourrasque avait sifflé et la pluie avait battu les vitres de telle sorte que même en plein coeur de cet immense Londres, oeuvre des hommes, nous étions temporairement contraints de détourner nos esprits de la routine de la vie pour les hausser jusqu'à admettre l'existence de ces grandes forces élémentaires qui, tels des fauves indomptés dans une cage, rugissent contre l'humanité à travers les barreaux de la civilisation. A mesure que la soirée s'avançait, la tempête augmentait. Le vent pleurait en sanglotant dans la cheminée comme un enfant. Sherlock Holmes, pas très en train, était assis d'un côté de l'âtre feuilletant son répertoire criminel, tandis que de l'autre côté j'étais plongé dans un des beaux récits maritimes de Clark Russel, de telle sorte que les hurlements de la tempête au-dehors semblait faire corps avec mon texte, et que la pluie cinglante semblait se fondre dans le glapissement des vagues de la mer. Ma femme était en visite chez sa tante et, pour quelques jours, j'étais revenu habiter à Baker Street.
            - Eh mais ! dis-je en regardant mon compagnon, il n'y a pas de doute, c'est la sonnette ! Qui donc peux venir ce soir ? Un de vos amis, peut-être ?
            - En-dehors de vous, je n'en ai point, répondit-il, je n'encourage pas les visiteurs.
            - Un client alors ?
            - Si c'est un client l'affaire est sérieuse. Sans cela, on ne sortirait pas par un tel temps et à une telle heure. Mais c'est vraisemblablement une des commères de notre logeuse, j'imagine.
            Sherlock Holmes se trompait cependant, car nous entendîmes des pas dans le corridor et on frappa à notre porte. Sherlock étendit son long bras pour détourner de lui-même le faisceau lumineux de la lampe et le diriger sur la chaise libre où le nouvel arrivant s'assiérait.
            - Entrez ! dit-il.
            L'homme qui entra était jeune, vingt-deux ans peut-être, très soigné et mis avec élégance. Ses manières dénotaient une certaine recherche et une certaine délicatesse. Tout comme le parapluie ruisselant qu'il tenait à la main, son imperméable luisant disait le temps abominable qui l'avait accompagné. Dans la lumière éblouissante de la lampe, il regardait anxieusement autour de lui et je pus voir son visage pâle et ses yeux lourds, comme ceux d'un homme étreint d'une immense anxiété.
            - Je vous dois des excuses, dit-il tout en levant son lorgnon d'or vers ses yeux. J'espère que ça ne vous dérange pas, mais j'ai bien peur d'avoir apporté dans cette pièce confortable quelques traces de la tempête et de la pluie.
            - Donnez-moi votre manteau et votre parapluie, dit Holmes. Ils seront fort bien là sur le crochet et vous les retrouverez secs tout à l'heure. Vous venez du sud-ouest de Londres à ce que je vois.
            - Oui, de Horsham.
            - Ce mélange d'argile et de chaux que j'aperçois sur le bout de vos chaussures est tout à fait caractéristique.
            - Je suis venu chercher un conseil.
            - C'est chose facile à obtenir.
            - Et de l'aide.
            - Ce n'est pas toujours aussi facile.
            - J'ai entendu parler de vous, monsieur Holmes, j'ai entendu le commandant Prendergast assurer que vous l'avez sauvé dans le scandale du Tankerville Club.
            - Ah ! c'est vrai. On l'avait, à tort, accuser de tricher aux cartes.           
            - Il dit que vous êtes capable de résoudre n'importe quel problème.
            - C'est trop dire.
            - Que vous n'êtes jamais battu.
            - J'ai été battu quatre fois : trois fois par des hommes, et une fois par une femme.
            - Mais qu'est-ce que cela comparé au nombre de vos succès...
            - C'est vrai, d'une façon générale, j'ai réussi.
            - Vous pouvez donc réussir pour moi.
            - Je vous en prie, approchez votre chaise du feu et veuillez me donner quelques détails sur votre affaire.
            - Ce n'est pas une affaire ordinaire.                                       
            - Aucune de celles qu'on m'amène  ne l'est. Je suis la suprême cour d'appel.
            - Et pourtant je me demande, monsieur, si dans toute votre carrière vous avez jamais eu l'occasion d'entendre le récit d'une suite d'événements aussi mystérieux et inexplicables que ceux qui se sont produits dans ma famille.
            - Vous me passionnez, dit Holmes. Je vous en prie, contez-moi depuis le début les faits essentiels et je vous questionnerai ensuite pour les détails, les points qui me sembleront les plus importants.
            Le jeune homme approcha sa chaise du feu et allongea vers la flamme ses semelles détrempées.
            - Je m'appelle, dit-il, John Openshaw, mais ma personne n'a, si tant que je comprenne quoi que ce soit, rien à voir avec cette terrible affaire. Il s'agit d'une chose héréditaire, aussi, afin de vous donner une idée des faits, faut-il que je remonte au tout début.
            " Il faut que vous sachiez que mon grand-père avait deux fils. Mon oncle Élias et mon père Joseph. Mon père avait à Coventry une petite usine qu'il agrandit à l'époque de l'invention de la bicyclette. Il détenait le brevet du pneu increvable Openshaw et son affaire prospéra si bien qu'il put la vendre et se retirer avec une belle aisance.
            Mon oncle Élias émigra en Amérique dans sa jeunesse et devint planteur en Floride où, à ce qu'on apprit, il avait très bien réussi. Au moment de la guerre de Sécession, il combattit dans l'armée de Jackson puis, plus tard, sous les ordres de Hood, et conquit ses galons de colonel. Quand Lee eut déposé les armes mon oncle retourna à sa plantation où il resta encore trois ou quatre ans. Vers 1869 ou 1870 il revint en Europe et prit un petit domaine dans le Sussex, près de Horsham. Il avait fait fortune aux EtatsUnis mais il quitta ce pays en raison de son aversion pour les noirs et par dégoût de la politique républicaine qui leur accordait la liberté. C'était un homme singulier et farouche qui s'emportait facilement. Quand il était en colère il avait l'injure facile et devenait grossier. Avec cela il aimait la solitude. Durant toutes les années qu'il a vécues à Horsham je ne crois pas qu'il ait jamais mis le pied en ville. Il avait un jardin, deux ou trois champs autour de sa maison, et c'est là qu'il prenait de l'exercice. Très souvent pourtant, et pendant des semaines de suite, il ne sortait pas de sa chambre. Il buvait pas mal d'eau-de-vie, il fumait énormément et, n'ayant pas besoin d'amis, pas même de son frère, il ne voulait voir personne.
Résultat de recherche d'images pour "jeu tric trac"*            Il faisait une exception pour moi. En fait, il me prit en affection, car, lorsqu'il me vit pour la première fois, j'étais un gamin d'une douzaine d'années. Ce devait être en 1878, alors qu'il était en Angleterre depuis huit ou neuf ans. Il demanda à mon père de me permettre d'habiter chez lui et, à sa manière, il fut très bon avec moi. Quand il n'avait pas bu il aimait jouer avec moi au trictrac et aux dames, et il me confiait le soin de le représenter auprès des domestiques et des commerçants, de telle sorte qu'aux environs de ma seizième année j'étais tout à fait le maître de la maison. J'avais toutes les clés et je pouvais aller où je voulais et faire ce qu'il me plaisait, à condition de ne pas le déranger dans sa retraite. Cependant, il y avait une singulière exception qui portait sur une seule chambre, une chambre de débarras, en haut, dans les mansardes, qu'il gardait constamment fermée à clé, où il ne tolérait pas qu'on entrât, ni moi ni personne. Curieux comme tout enfant j'ai, un jour, regardé par le trou de la serrure, mais je n'ai rien vu d'autre que le ramassis de vieilles malles et de ballots qu'on peut s'attendre à trouver dans une pièce de ce genre.
            Un matin, au petit déjeuner, c'était en mars 1883, une lettre affranchie d'un timbre étranger se trouva devant l'assiette du colonel. Avec lui ce n'était pas chose courante que de recevoir des lettres, car il payait comptant toutes ses factures et n'avait aucun ami.
            - Des Indes ! dit-il en la prenant. Le cachet de Pondichéry ! Qu'est-ce que ça peut bien être ?
            Il l'ouvrit aussitôt et il en tomba cinq petits pépins d'orange desséchés qui sonnèrent sur son assiette. J'allais en rire, mais le rire se figea sur mes lèvres en voyant son visage. Sa lèvre pendait, ses yeux s'exorbitaient, sa peau avait la couleur du mastic et il regardait fixement l'enveloppe qu'il tenait toujours dans une main tremblante.
            - K.K.K., s'écria-t-il, puis : Seigneur ! mes péchés sont retombés sur moi !
           - Qu'est-ce donc, mon oncle, m'écriai-je ?
            - La mort, dit-il, et, se levant de table, il se retira dans sa chambre.
            Je demeurai seul, tout frémissant d'horreur.
            Je ramassai l'enveloppe et vis griffonnée à l'encre rouge sur le dedans du rabat, juste au-dessus de la gomme, la lettre K trois fois répétée. A part les cinq pépins desséchés, il n'y avait rien d'autre à l'intérieur. Quel motif pouvait avoir la terreur qui s'était emparée de mon oncle ?... Je quittai la table et, en montant l'escalier, je le rencontrai qui redescendait. Il tenait d'une main une vieille clé rouillée qui devait être celle de la mansarde, et de l'autre, une petite boîte en cuivre qui ressemblait à un petit coffret à argent.
            - Qu'ils fassent ce qu'ils veulent je les tiendrai bien encore en échec ! dit-il avec un juron. Dis à Marie qu'aujourd'hui je veux du feu dans ma chambre et envoie chercher Fordham le notaire de Horsham.
            Je fis ce qu'il me commandait et quand le notaire fut arrivé  on me fit dire de monter dans la chambre de mon oncle. Un feu ardent brûlait et la grille était pleine d'une masse de cendres noires et duveteuses, comme si l'on avait brûlé du papier. La boîte en cuivre était à côté, ouverte et vide. En y jetan7t un coup d'oeil j'eus un haut-le-corps, car j'aperçus inscrit en caractères d'imprimerie sur le couvercle, le triple K que j'avais vu le matin sur l'enveloppe.
            - Je veux John, dit mon oncle, que tu sois témoin de mon testament. Je laisse ma propriété avec tous ses avantages et ses désavantages, à mon frère, ton père, après qui, sans doute, elle te reviendra. Si tu peux en jouir en paix, tant mieux ! Si tu trouves que c'est impossible, suis mon conseil, mon garçon, et abandonne-la à ton plus terrible ennemi. Je suis désolé de te léguer ainsi une arme à deux tranchants, mais je ne saurais dire quelle tournure les choses vont prendre. Aie la bonté de signer ce papier-là à l'endroit où M Fordham te l'indique.                                                                                                    carodels.fr
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            Je signai le papier comme on m'y invitait et le notaire l'emporta. Ce singulier incident fit sur moi, comme pouvez l'imaginer, l'impression la plus profonde, et j'y songeai longuement, je le tournai et le retournai dans mon esprit, sans pouvoir rien y comprendre. Pourtant je n'arrivais pas à me débarrasser du vague sentiment de terreur qu'il me laissait, mais l'impression devenait moins vive à mesure que les semaines passaient et que rien ne venait troubler le train-train ordinaire de notre existence. Toutefois, mon oncle changeait à vue d'oeil. Il buvait plus que jamais, et il était encore moins enclin à voir qui que ce fût. Il passait la plus grande partie de son temps dans sa chambre, la porte fermée à clé de l'intérieur. Mais parfois il en sortait et, en proie à une sorte de furieuse ivresse, il s'élançait hors de la maison et courait par tout le jardin, un revolver à la main, criant que nul ne lui faisait peur et que personne, homme ou diable, ne le tiendrait enfermé comme un mouton dans un parc. Quand pourtant ces accès étaient passés, il rentrait avec fracas et fermait la porte à clé, la barricadant derrière lui en homme qui n'ose regarder en face la terreur qui bouleverse le tréfonds de son âme. Dans ces moments-là j'ai vu son visage, même par temps froid, luisant et moite comme s'il sortait d'une cuvette d'eau chaude.
            Eh bien ! pour en arriver à la fin monsieur Holmes et pour ne pas abuser de votre patience, une nuit arriva où il fit une de ses folles sorties et n'en revint point.  Nous l'avons trouvé quand nous sommes partis à sa recherche, tombé, la face en avant dans une petite mare couverte d'écume verte qui se trouvait au bout du jardin. Il n'y avait aucune trace de violence et l'eau n'avait que deux pieds de profondeur, de sorte que le jury, tenant compte de son excentricité bien connue, rendit un verdict de suicide. Mais moi qui savais comme il se cabrait à l'idée de la mort, j'ai eu beaucoup de mal à me persuader qu'il s'était dérangé pour aller au-devant d'elle. L'affaire passa toutefois et mon père entra en possession du domaine et de quelque quatorze mille livres qui se trouvaient en banque au compte de mon oncle.
            - Un instant, intervint Holmes, votre récit, je le vois déjà, l'un des plus intéressants que j'ai jamais écoutés. Donnez-moi la date à laquelle votre oncle a reçu la lettre et celle de son suicide supposé.
            - La lettre est arrivée le 10 mars 1883. Sa mort survint sept semaines plus tard, dans la nuit du 2 mai.
            - Merci, je vous en prie, continuez.
            - Quand mon père prit la propriété de Horsham, il fit, à ma demande, un examen minutieux de la mansarde qui avait toujours été fermée à clé. Nous avons découvert la boîte en cuivre, bien que son contenu eût été détruit. À l'intérieur du couvercle se trouvait une étiquette en papier portant les trois initiales K.K.K. et au-dessous " Lettres, Memorandums, Reçus et Registre ". Ces mots, nous le supposons, indiquait la nature des papiers que le colonel Openshaw avait détruits. Quant au reste, il n'y avait rien de bien important dans la pièce sauf, éparpillés ça et là de nombreux journaux et des carnets qui se rapportaient à la vie de mon oncle en Amérique. Quelques-uns dataient de la guerre de Sécession et montraient qu'il avait bien fait son devoir et s'était acquis une renommée de brave soldat. D'autres dataient de la refonte des États du Sud, concernaient pour la plupart la politique, car il avait nettement pris position contre les politiciens d'antichambre que l'on avait envoyés du Nord.
            Ce fut donc au début de 1884 que mon père vint demeurer à Horsham, , tout alla aussi bien que possible jusqu'à janvier 1885. Quatre jours après le Nouvel An, comme nous étions à table pour le petit déjeuner, j'entendis mon père pousser un vif cri de surprise. Il était là, avec dans une main une enveloppe qu'il avait ouverte et dans la paume ouverte de l'autre cinq pépins d'orange desséchés. Il s'était toujours moqué de ce qu'il appelait mon histoire sans queue ni tête à propos du colonel, mais il paraissait très perplexe et très effrayé, maintenant que la même chose lui arrivait.
            - Eh, quoi ! John ! Qu'est-ce que cela veut dire ? balbutia-t-il.
            Mon coeur devint soudain lourd comme du plomb.
**            - C'est K.K.K., dis-je.
            Il regarda l'intérieur de l'enveloppe.
            - C'est bien cela, s'écria-t-il. Voilà les lettres, mais qu'y a-t-il d'écrit au-dessus ?
            Je lus en regardant par-dessus son épaule : " Mettez les papiers sur le cadran solaire ".
            - Quels papiers, quel cadran solaire, demanda-t-il ?
            - Le cadran solaire du jardin, il n'y en a pas d'autre. Mais les papiers doivent être ceux qui ont été détruits.
            - Bah ! dit-il faisant un effort pour retrouver du courage. Nous sommes dans ici dans un pays civilisé, et des niaiseries de ce genre ne sont pas de mise. D'où cela vient-il ?
            - De Dundee, répondis-je en regardant le cachet de la poste.
            - C'est une farce absurde, en quoi les papiers et le cadran solaire me concernent-ils ? Je ne veux tenir aucun compte de pareilles sottises.
            - J'en parlerais à la police, à ta place, dis-je.
            Il se moqua de moi pour ma peine. Pas de ça !
            - Alors, permets-moi de le faire.
            - Non, je te le défends. Je ne veux pas que l'on fasse des histoires pour une pareille baliverne.
            Il était inutile de discuter, car il était très entêté. Je m'en allai, le coeur lourd de pressentiments.
            Le troisième jour après l'arrivée de cette lettre, mon père quitta la maison pour rendre visite à un de ses vieux amis, le commandant Forebody, qui commandait l'un des forts de Portsdown Hill. J'étais content de le voir s'en aller, car il me semblait qu'il s'écartait du danger en s'éloignant de notre maison. Je me trompais, le second jour de son absence je reçus un télégramme du commandant qui me suppliait de venir sur-le-champ. Mon père était tombé dans une des profondes carrières de craie, si nombreuses dans le voisinage, et il gisait sans connaissance, le crâne fracassé. Je me hâtai de courir à son chevet, mais il mourut sans avoir repris connaissance. Il revenait, paraît-il, de Farham, au crépuscule, et comme le pays lui était inconnu et que la carrière n'était pas clôturée, le jury n'hésita pas et rapporta un verdict de " mort accidentelle ". Bien que j'aie soigneusement examiné les circonstances dans lesquelles il mourut, je n'ai rien pu trouver qui suggérât l'idée d'un assassinat. Il n'y avait aucune trace de violence, aucune trace de pas, rien n'avait été volé, et on n'avait signalé la présence d'aucun inconnu sur les routes. Et pourtant, je n'ai pas besoin de vous dire que j'étais loin d'avoir l'esprit tranquille et que j'étais à peu près certain qu'il avait été victime d'une infâme machination.
            Mon pauvre père mourut en janvier 1885. Deux ans et huit mois se sont écoulés depuis. Pendant tout ce temps j'ai coulé à Horsham des jours heureux et j'avais commencé à espérer que cette malédiction s'était éloignée de la famille et qu'elle avait pris fin avec la précédente génération. J'avais tort, toutefois, d'éprouver ce soulagement. Hier matin le coup s'est abattu sur moi sous la même forme qu'il s'est abattu sur mon père.
            Le jeune homme tira de son gilet une enveloppe chiffonnée et la renversa au-dessus de la table, il la secoua et en fit tomber cinq pépins d'orange desséchés.
            - Voici l'enveloppe, reprit-il, le cachet de la poste est de Londres, secteur Est. A l'intérieur on retrouve les mêmes mots que sur le dernier message reçu par mon père, " K.K.K., puis, " Mettez les pépins sur le cadran solaire ".
            - Qu'avez-vous fait, demanda Holmes ?
            - Rien.
            - Rien !                                                                                                                 myartmag.com
Résultat de recherche d'images pour "londres 19è sc"            - A vrai dire, expliqua-t-il en enfonçant son visage dans ses mains blanches, je me suis senti impuissant. J'ai ressenti l'impression que doivent éprouver les malheureux lapins quand le serpent s'avance vers eux en zigzaguant. Il me semble que je suis la proie d'un fléau inexorable, irrésistible et imprévisible dont nulle précaution ne saurait me protéger.
            - Taratata ! s'écria Sherlock Holmes, il faut agir mon brave ou vous êtes perdu. Du cran ! Rien d'autre ne peut vous sauver. Ce n'est pas le moment de désespérer.
            - J'ai vu la police.
            - Ah !
            - Mais ils ont écouté mon histoire en souriant. Je suis convaincu que l'inspecteur pense que les lettres sont de bonnes farces et que la mort des miens fut réellement accidentelle, ainsi que l'ont déclaré les jurys, et qu'elle n'avait rien à voir avec les avertissements.
            Holmes agita ses poings en l'air.
            - Incroyable imbécillité ! s'écria-t-il.
            - Ils m'ont cependant donner un agent pour habiter, si je veux, la maison avec moi.
            - Est-il venu avec vous ce soir ?
            - Non, il a ordre de rester dans la maison.
            De nouveau, Holmes furieux, leva les poings.
            - Pourquoi êtes-vous venu à moi, dit-il ? Et surtout, pourquoi n'êtes-vous pas venu tout de suite ?
            - Je ne savais pas. Ce n'est qu'aujourd'hui que j'ai parlé à Prendergast de mes ennuis, et qu'il m'a conseillé de m'adresser à vous.
            - Il y a deux jours pleins que vous avez reçu la lettre. Nous aurions déjà agi. Vous n'avez pas d'autres renseignements que ceux que vous nous avez fournis, je suppose, aucun détail qui pourrait nous aider ?
            - Il y a une chose, dit John Openshaw, une seule chose.
            Il fouilla dans la poche de son habit et en tira un morceau de papier bleuâtre et décoloré qu'il étala sur la table.
            - Je me souviens, dit-il, que le jour où mon oncle a brûlé ses papiers j'ai remarqué que les petits bouts de marge non brûlés qui se trouvaient dans les cendres avaient tous cette couleur particulière. J'ai trouvé cette unique feuille sur le plancher de sa chambre, et tout me porte à croire que c'est peut-être un des papiers qui, ayant volé loin des autres, avait de la sorte échappé à la destruction. Sauf qu'il y est question de " pépins ", je ne pense pas qu'il puisse nous être d'une grande utilité. Je crois, pour ma part, que c'est une page d'un journal intime. Incontestablement, l'écriture est celle de mon oncle.
            Holmes approcha la lampe et tous deux nous nous penchâmes sur la feuille de papier dont le bord déchiré prouvait en effet qu'on l'avait arrachée à un carnet. Cette feuille portait en tête : " Mars 1869 " et en-dessous :
             " 4   Hudson est venu. Même vieille discussion.
                7   Envoyé les pépins à Mac Cauley, Taramore et Swain, de St-Augustin.
               9    Mac Cauley disparu.
              10  John Swain disparu.
              12  Visite Taramore. Tout bien.
            - Merci, dit Holmes en pliant le papier et en le rendant à notre visiteur. Et maintenant, il ne faut plus, sous aucun prétexte, perdre un seul instant. Nous ne pouvons même pas prendre le temps de discuter ce que vous m'avez dit. Il faut rentrer chez vous tout de suite et agir.
            - Mais que dois-je faire ?                                                                bakerstreetdiorama.com
Résultat de recherche d'images pour "baker street sherlock holmes"            - Il n'y a qu'une seule chose à faire et à faire tout de suite. Il faut mettre ce papier que vous nous avez montré dans la boîte en cuivre que vous nous avez décrite. Il faudra aussi y joindre un mot disant que tous les autres papiers ont été brûlés par votre oncle, et que c'est là le seul qui reste. Il faudra l'affirmer en des termes tels qu'ils soient convaincants. Cela fait, il faudra sans délai mettre la boîte sur le cadran solaire, comme on vous le demande. Est-ce compris ?
            - Parfaitement.
            - Ne pensez pas à la vengeance, ou à quoi que ce soit de ce genre, pour l'instant. La vengeance nous l'obtiendrons, je crois, par la loi, mais il faut que nous tissions notre toile, tandis que la leur est déjà tissée. Le premier point c'est d'écarter le danger pressant qui vous menace. Après on verra à élucider le mystère et à punir les coupables.
            - Je vous remercie, dit le jeune homme en se levant et remettant son pardessus. Vous m'avez rendu la vie en même temps que l'espoir. Je ne manquerai pas d'agir comme vous me le conseillez.
            - Ne perdez pas un moment et surtout prenez garde à vous en attendant, car je ne pense pas qu'il y ait le moindre doute que vous ne soyez sous la menace d'un danger réel imminent. Comment rentrez-vous ?
            - Par le train de Waterloo.
            - Il n'est pas encore neuf heures. Il y aura encore foule dans les rues. J'espère donc que vous serez en sûreté, et pourtant vous ne seriez trop être sur vos gardes.
            - Je suis armé.
            - C'est bien. Demain je me mettrai au travail sur votre affaire.
            - Je vous verrai donc à Horsham ?
            - Non, votre secret se cache à Londres. C'est là que je le chercherai.
            - Alors je reviendrai vous voir dans un jour ou deux pour vous donner des nouvelles de la boîte et des papiers. Je ne ferai rien sans vous demander conseil.
            Nous échangeâmes une poignée de main, et il s'en fut. Au-dehors le vent hurlait toujours et la pluie battait les fenêtres. On eut dit que cette étrange et sauvage histoire nous avait été amenée par les éléments déchaînés, que la tempête l'avait charriée vers nous comme un paquet d'algues qu'elle venait maintenant de remporter.
            Sherlock Holmes demeura quelque temps assis sans mot dire, la tête penchée, les yeux fixant le feu qui flamboyait, rutilant. Ensuite il alluma sa pipe et, se renversant dans son fauteuil il considéra les cercles de fumée bleue qui, en se pourchassant, montaient vers le plafond.
            - Je crois, Watson, remarqua-t-il enfin, que de toutes les affaires que nous avons eues, aucune n'a jamais été plus fantastique que celle-ci.
            - Sauf peut-être le Signe des Quatre.
            - Oui, sauf peut-être celle-là. Et pourtant ce John Openshaw me semble environné de dangers plus grands encore que ceux que couraient les Sholto.
            - Mais êtes-vous arrivé à une idée précise de la nature de ces dangers ?
            - Il ne saurait y avoir de doute à cet égard.
            - Et quels sont-ils ? Qui est ce K.K.K. et pourquoi poursuit-il cette malheureuse famille ?
            Sherlock Holmes ferma les yeux et plaça ses coudes sur les bras de son fauteuil, tout en réunissant les extrémités de ses doigts.
Résultat de recherche d'images pour "violon sherlock holmes"***         - Le logicien idéal, remarqua-t-il, quand une fois on lui a exposé un fait sous toutes ses faces, en déduirait non seulement toute la chaîne des événements qui ont abouti à ce fait, mais aussi tous les résultats qui s'ensuivraient. De même que Cuvier pouvait décrire exactement un animal tout entier en examinant un seul os, de même l'observateur qui a parfaitement saisi un seul maillon dans une série d'incidents, devrait pouvoir exposer avec précision tous les autres incidents, tant antérieurs que postérieurs. Nous n'avons pas encore bien saisi les résultats auxquels la raison seule est capable d'atteindre. On peut résoudre dans le cabinet des problèmes qui ont mis en défaut tous ceux qui en ont cherché la solution à l'aide de leurs sens. Pourtant pour porter l'art à son sommet, il est nécessaire que le logicien soit capable d'utiliser tous les faits qui sont venus à sa connaissance, et cela implique en soi, comme vous le verrez aisément, une complète maîtrise de toutes les sciences ce qui, même en ces jours de liberté de l'enseignement d'encyclopédie, est un avantage assez rare. Il n'est toutefois pas impossible qu'un homme possède la totalité des connaissances qui peuvent lui être utiles dans ses travaux et c'est, quant à moi, ce à quoi je me suis efforcé d'atteindre. Si je me souviens bien, dans une certaine circonstance, aux premiers temps de notre amitié, vous avez défini mes limites de façon assez précise.
            - Oui, répondis-je en riant. C'était un singulier document. La philosophie, l'astronomie et la politique étaient notés d'un zéro, je me le rappelle. La botanique, médiocre. la géologie, très sérieuse en ce qui concerne les tâches de boue de n'importe quelle région située dans un périmètre de cinquante miles autour de Londres. La chimie, excentrique, l'anatomie, sans méthode, la littérature, passionnelle et les annales du crime, uniques. Je vous appréciais encore comme violoniste, boxeur, épéiste, homme de loi et aussi pour votre auto-intoxication par la cocaïne et le tabac. C'étaient là, je crois, les principaux points de mon analyse.
            La dernière remarque fit rire mon ami.
            Eh bien ! dit mon ami, je répète aujourd'hui, comme je le disais alors, " qu'on doit garder sa petite mansarde intellectuelle garnie de tout ce qui doit vraisemblablement servir et que le reste peut être relégué dans les débarras de la bibliothèque, où on peut le trouver quand on en a besoin ". Or, dans un cas comme celui qu'on nous a soumis ce soir, nous avons certainement besoin de toutes nos ressources ! Ayez donc la bonté de me passer la lettre K de l'Encyclopédie américaine qui se trouve sur le rayon à côté de vous. Merci. Maintenant, considérons la situation et voyons ce qu'on en peut déduire. Tout d'abord nous pouvons, comme point de départ, présumer non sans de bonnes raisons que le colonel Openshaw avait des motifs très sérieux de quitter l'Amérique. A son âge, les hommes ne changent pas toutes leurs habitudes et n'échangent point volontiers le charmant climat de la Floride pour la vie solitaire d'une cité provinciale d'Angleterre. Son grand amour de la solitude dans notre pays fait naître l'idée qu'il avait peur de quelqu'un ou de quelque chose. Nous pouvons donc supposer, et ce sera l'hypothèse d'où nous partirons, que ce fut la peur de quelqu'un ou de quelque chose qui le chassa d'Amérique. Quant à la nature de ce qu'il craignait, nous ne pouvons la déduire qu'en considérant les lettres terribles que lui-même et ses successeurs ont reçues. Avez-vous remarqué les cachets postaux de ces lettres ?
Résultat de recherche d'images pour "voilier ancien"****        - La première venait de Pondichéry, la seconde de Dundee, et la troisième de Londres.
            - De Londres, secteur Est. Qu'en déduisez-vous ?
            - Ce sont tous trois des ports. J'en déduis que celui qui les a écrites était à bord d'un vaisseau.
            - Excellent, Watson. Nous avons déjà un indice. On ne saurait mettre en doute qu'il y a des chances, de très fortes chances, que l'expéditeur fût à bord d'un vaisseau. Et maintenant, considérons un autre point. Dans le cas de Pondichéry, sept semaines se sont écoulées entre la menace et son accomplissement. Dans le cas de Dundee, il n'y a eu que trois ou quatre jours. Cela ne vous suggère-t-il rien ?
            - La distance est plus grande pour le voyageur.
            - Mais la lettre a aussi un plus grand parcours pour arriver.
            - Alors, je ne vois pas.
            - Il y au moins une présomption que le bateau dans lequel se trouve l'homme, ou les hommes, est un voilier. Il semble qu'ils aient toujours envoyer leur singulier avertissement ou avis avant de se mettre eux-mêmes en route pour leur mission. Vous voyez avec quelle rapidité l'action a suivi l'avis quand celui-ci est venu de Dundee. S'ils étaient venus de Pondichéry dans un steamer, ils seraient arrivés presque aussi vite que leur lettre. Mais, en fait, sept semaines se sont écoulées, ce qui représentait la différence entre le courrier postal qui a apporté la lettre et le vaisseau à voiles qui en a amené l'expéditeur.
            - C'est possible.
            - Mieux que cela. C'est probable. Et maintenant, vous voyez l'urgence fatale de ce nouveau cas, et pourquoi j'ai insisté auprès du jeune Openshaw  pour qu'il prenne garde. Le coup a toujours été frappé à l'expiration du temps qu'il faut aux expéditeurs pour parcourir la distance. Mais, cette fois-ci, la lettre vient de Londres, et par conséquent nous ne pouvons compter sur un délai.
            - Grand Dieu ! m'écriai-je, que peut signifier cette persécution impitoyable ?
            - Les papiers qu'Openshaw a emportés sont évidemment d'une importance capitale pour la personne ou les personnes qui sont à bord du voilier. Il apparaît très clairement, je crois, qu'il doit y avoir plus d'un individu. Un homme seul n'aurait pu perpétrer ces deux crimes de façon à tromper le jury d'un coroner. Il faut pour cela qu'ils soient plusieurs et que ce soient des hommes résolus et qui ne manquent pas d'initiative. Leurs papiers, il les leur faut, quel qu'en soit le détenteur. Et cela vous montre que K.K.K. cesse d'être les initiales d'un individu et devient le sigle d'une société.
            - Mais de quelle société ?
            - Vous n'avez jamais entendu parler du Ku Klux Klan ?
            Et Sherlock se pencha et baissant la voix :
            - Jamais.                                                                  
            Holmes tourna les pages du livre sur ses genoux.            gasc.e-monsite.com
Résultat de recherche d'images pour "violon"            - Voici, dit-il bientôt. " Ku Klux Klan, nom dérivé d'une ressemblance imaginaire avec le bruit produit par un fusil qu'on arme. Cette terrible société secrète fut formée par quelques anciens soldats confédérés dans les États du Sud, après la guerre civile et elle établit bien vite des branches locales dans différentes parties du pays. particulièrement dans le Tennessee, la Louisiane, la Californie, la Géorgie et la Floride. Elle employait sa puissance à des fins politiques, principalement à terroriser les électeurs nègres et à assassiner ou à chasser du pays ceux qui étaient opposés à ses desseins. Ses attentats étaient d'ordinaire précédés d'un avertissement à l'homme désigné, avertissement donné d'une façon fantasque mais généralement aisée à reconnaître, quelques feuilles de chêne dans certains endroits, dans d'autres des semences de melon ou des pépins d'orange. Quand elle recevait ces avertissements, la victime pouvait, ou bien renoncer ouvertement à ses opinions ou à sa façon de vivre, ou bien s'enfuir du pays.
            Si, par bravade, elle s'entêtait, la mort la surprenait infailliblement, en général d'une façon étrange et imprévue. L'organisation de la société était si parfaite, ses méthodes si efficaces, qu'on ne cite guère de personnes qui aient réussi à la braver impunément, ou de circonstances qui aient permis de déterminer avec certitude les auteurs d'un attentat.
            Pendant quelques années, cette organisation prospéra en dépit des efforts du gouvernement des EtatsUnis et des milieux les mieux intentionnés dans la communauté du Sud. Cependant, en 1869 le mouvement s'éteignit assez brusquement, bien que, depuis lors, il y ait eu encore des sursauts spasmodiques. "
            Vous remarquerez, dit Holmes en posant le volume, que cette soudaine éclipse de la société coïncide avec le moment où Openshaw a quitté l'Amérique avec leurs papiers. Il se peut fort bien qu'il y ait là un rapport de cause à effet. Rien d'étonnant que lui et les siens aient eu à leurs trousses quelques-uns de ces implacables personnages. Vous pouvez comprendre que ce registre et ce journal aient pu mettre en cause quelques personnalités de tout premier plan des États du Sud et qu'il puisse y en avoir pas mal qui ne dormiront pas tranquilles tant qu'on n'aura pas retrouvé ces papiers.
            - Alors, la page que nous avons vue...
            - Est telle qu'on pouvait l'attendre. Si je me souviens bien elle portait : " Envoyé les pépins à A., B. et C. " C'est-à-dire l'avertissement de la société leur a été adressée. Puis viennent les notes, indiquant que A. et B. ont ou disparu, ou quitté le pays, et enfin que C. a reçu une visite dont, j'en ai bien peur, le résultat a dû lui être funeste. Vous voyez, je pense, docteur, que nous pourrons projeter quelque lumière dans cet antre obscur et je crois que la seule chance qu'ait le jeune Openshaw, en attendant, c'est de faire ce que je lui ai dit. Il n'y a pas autre chose à dire, pas autre chose à faire ce soir. Donnez-moi donc mon violon et pendant une demi-heure, tâchons d'oublier cette misérable époque et les agissements plus misérables encore des hommes, nos frères.
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Résultat de recherche d'images pour "violon sherlock holmes"            Le temps s'était éclairci le matin et le soleil brillait d'un éclat adouci à travers le voile imprécis qui restait tendu au-dessus de la grande ville. Sherlock Holmes était déjà en train de déjeuner quand je suis descendu.
            - Vous m'excuserez, dit-il de ne pas vous avoir attendu. J'ai devant moi, je le prévois, une journée copieusement occupée à étudier le cas du jeune Openshaw.
            - Quelle marche allez-vous suivre ?
            - Cela dépendra beaucoup des résultats de mes premières recherches. Il se peut qu'en fin de compte je sois obligé d'aller à Horsham.
            - Vous n'irez pas en premier lieu ?
            - Non, je commencerai par la Cité. Sonnez, la servante vous apportera votre café.
            En attendant je pris sur la table le journal non déplié encore et y jetai un coup d'oeil. Mon regard s'arrêta sur un titre qui me fit passer un frisson dans le coeur.
            - Holmes, m'écriai-je, vous arrivez trop tard !
            - Ah ! dit-il en posant sa tasse. J'en avais peur. Comment ça c'est-il passé ?
            Sa voix était calme, mais je n'en voyais pas moins qu'il était profondément ému.
            - Mes yeux sont tombés sur le nom d'Openshaw et sur le titre : " Une tragédie près du pont de Waterloo ". En voici le récit :
            " Entre neuf et dix heures du soir, l'agent de police Cook, de la Division H, en service près du pont de Waterloo, entendit crier " Au secours ", puis le bruit d'un corps qui tombait à l'eau. La nuit extrêmement noire, et le temps orageux rendaient tout sauvetage impossible, malgré la bonne volonté de plusieurs passants. L'alarme, toutefois, fut donnée, et avec la coop&amperation de la police fluviale, le corps fut trouvé un peu plus tard. C'était celui d'un jeune homme dont le nom, si l'on en croit une enveloppe trouvée dans sa poche, serait John Openshaw, et habiterait près de Horsham. On suppose qu'il se hâtait afin d'attraper le dernier train qui part de la gare de Waterloo et que, dans sa précipitation et dans l'obscurité, il s'est trompé de chemin et s'est engagé sur l'un des petits débarcadères fluviaux, d'où il est tombé. Le corps ne portait aucune trace de violence et il ne fait pas de doute que le défunt a été la victime d'un malencontreux accident qui, espérons-le, attirera l'attention des autorités sur l'état fâcheux des débarcadères tout au long de la Tamise.
            Nous restâmes assis quelques minutes sans proférer une parole. Holmes était plus abattu et plus ému que je ne l'avais jamais vu.
            - C'est un rude coup pour mon orgueil, Watson, dit-il enfin. C'est là un sentiment bien mesquin, sans doute, mais c'est un rude coup pour mon orgueil ! J'en fais désormais une affaire personnelle et si Dieu me garde la santé, je mettrai la main sur cette bande. Penser qu'il est venu vers moi pour que je l'aide et que je l'ai envoyé à la mort !
            Il bondit de sa chaise et, incapable de dominer son agitation, il se mit à parcourir la pièce à grands pas. Ses joues ternes s'empourpraient en même temps que ses longues mains maigres se serraient et se desserraient nerveusement.
            - Ces démons doivent être terriblement retors, s'écria-t-il enfin. Comment ont-ils pu l'attirer là-bas ? Le quai n'est pas sur le chemin qui mène directement à la gare. Le pont, sans doute, était encore trop fréquenté, même par le temps qu'il faisait, pour leur projet. Eh bien ! Watson, nous verrons qui gagnera la partie, en fin de compte. Je sors.
            - Vous allez à la police ?                                                              
Résultat de recherche d'images pour "punch dessins sherlock holmes"            - Non, je serai ma propre police. Quand j'aurai tissé la toile, je leur laisserai peut-être capturer les mouches, mais pas avant...
            Toute la journée je fus occupé par ma profession et ce ne fut que tard dans la soirée que je revins à Baker Street. Sherlock Holmes n'était pas encore rentré. Il était presque dix heures quand il revint, l'air pâle et épuisé. Il se dirigea vers le buffet et, arrachant un morceau de pain à la miche il le dévora, puis le fit suivre d'une grande gorgée d'eau.
            - Vous avez faim, constatai-je.
            - Je meurs de faim. Je n'y pensais plus. Je n'ai rien pris depuis le petit déjeuner.
            - Rien ?
            - Pas une bouchée. Je n'ai pas eu le temps d'y penser.
            - Et vous avez réussi ?
            - Fort bien.
            - Vous avez une piste ?
            - Je les tiens dans le creux de ma main. Le jeune Openshaw ne restera pas longtemps sans être vengé ! Watson, nous allons poser sur eux-mêmes leur diabolique marque de fabrique. C'est une bonne idée!
            Il prit une orange sur le buffet, l'ouvrit et en fit jaillir les pépins sur la table. Il en prit cinq qu'il jeta dans une enveloppe. A l'intérieur du rabat il écrivit : " S.H. pour J. C. " Il la cacheta et l'adressa au capitaine James Calhoun. Trois-mâts Lone Star Savannah, Géorgie.
            - Cette lettre l'attendra à son arrivée au port, dit-il en riant doucement. Elle lui vaudra sans doute une nuit blanche. Il constatera que ce message lui annonce son destin avec autant de certitude que ce fut avant lui le cas pour Openshaw.
            - Et qui est ce capitaine Calhoun ?
            - Le chef de la bande. J'aurai les autres, mais lui d'abord.
            - Comment l'avez-vous donc découvert ?
            Il prit dans sa poche une grande feuille de papier couverte de dates et de notes.
            - J'ai passé toute la journée à suivre sur les registres de Lloyd et sur des collections de journaux tous les voyages postérieurs des navires qui ont fait escale à Pondichéry en janvier et en février 1883. On en donnait comme y ayant stationné au cours de ces deux mois, trente-six d'un bon tonnage. De ces trente-six le Lone Star attira tout de suite mon attention, parce que, bien qu'on l'annonçât comme venant de Londres, son nom est celui que l'on donne à une province des EtatsUnis.
                                                                 - Le Texas, je crois.
            - Je ne sais plus au juste laquelle, mais je savais que le vaisseau devait être d'origine américaine.
            - Et alors ?
            - J"ai examiné le mouvement du port de Dundee et quand j'ai trouvé que le trois-mâts Lone star était là en janvier 1883, mes soupçons se sont changés en certitude. Je me suis alors informé des vaisseaux qui étaient à présent à l'ancre dans le port de Londres.
            - Et alors ?
            - Le Lone Star est arrivé ici la semaine dernière. Je suis allé au Dock Albert et j'ai appris que ce trois-mâts avait descendu la rivière, de bonne heure ce matin, avec la marée. J'ai télégraphié à Gravesend d'où l'on m'a répondu qu'il venait de passer et, comme le vent souffle d'est, je ne doute pas qu'il ne soit maintenant au-delà des Goodwins et non loin de l'île de Wight.
            - Qu'allez-vous faire, alors ?
             - Oh ! je les tiens. Lui et les deux seconds sont, d'après ce que je sais, les seuls Américains à bord. Les autres sont des Finlandais et des Allemands. Je sais aussi que tous trois se sont absentés du navire hier soir. Je l'ai appris de l'arrimeur qui a embarqué leur cargaison. Au moment où leur bateau touchera Savannah, le courrier aura porté cette lettre et mon câblogramme aura informé la police de Savannah qu'on a grand besoin de ces messieurs ici pour y répondre d'une inculpation d'assassinat.
            Mais les plans les mieux dressés des hommes comportent toujours une part d'incertitude. Les assassins de John Openshaw ne devaient jamais recevoir les pépins d'orange qui leur auraient montré que quelqu'un d'aussi retors et résolu qu'eux-mêmes était sur leur piste. Les vents de l'équinoxe soufflèrent très longuement et très violemment, cette année-là. Longtemps nous attendîmes des nouvelles du Lone Star. Elles ne nous parvinrent jamais. A la fin, pourtant, nous avons appris que quelque part, bien loin dans l'Atlantique, on avait aperçu, ballotté au creux d'une grande vague l'étambot fracassé d'un bateau. Les lettres L.S. y étaient sculptées, et c'est là tout ce que nous saurons jamais du sort du Lone Star.


*        trictrac.org
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***     sherlock-holmesdetective.jimdo.com
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                                                                                Arthur Conan Doyle
                                     
                                                                             

                   
         

jeudi 3 septembre 2015

Alyah Eliette Abecassis ( roman France )

Alyah

                                        Alyah

            Le livre est un questionnement. L'absurde histoire d'une injustice flagrante, connue, malheureusement trop bien admise par ceux qui refusent de plonger dans l'histoire des peuples et notamment du peuple juif. Et cela Eliette Abecassis le raconte fort bien, professeur de littérature, fille d'enseignants, ses parents ont fui le Maroc, Mogador, lorsqu'apparurent les premiers signes de haine, alors que tous vivaient en parfaite communauté, la chaleur du Sud pour reconstruire une vie, avec pour tout bien leur valise et leur bagage intellectuel, et sous le ciel plus froid et pluvieux de l'Alsace, à Strasbourg ils passent leurs examens et enseignent le français. Cachée derrière son héroïne, Esther, professeur à Argenteuil, raconte : " Je suis une Alsacienne du Sud, une sépharade de l'Est de la France et aussi une vraie Parisienne..... " La vie quotidienne d'une jeune mère divorcée, qui conduit ses enfants à l'école, leur recommande de ne porter aucun signe qui signale leur judéité. Esther professeur tente d'apprendre les lois de l'" Amour courtois ", se plaint de ne pouvoir parler de Madame Bovary à ses élèves. Autour d'elle " Quitter la France ? " devient un leitmotiv. L'Alyah n'est pas facile pour qui aime la culture de son pays, et son pays c'est la France. Des siècles de présence juive de Carpentras à Lyon, Paris, l'Alsace et ailleurs, de femmes et d'hommes malmenés, brûlés, obligés par Saint-Louis à porter la rouelle, bien avant l'étoile jaune. Tout ceci Eliette Abecassis le raconte après avoir, comme chacun, connu les meurtres d'Ilan Halimi, de Charlie Hebdo, de Toulouse et d'autres. ".... Je voudrais décider de quand et où je vais partir plutôt que d'attendre le moment ou cela me sera imposé ou proposé...." Ruth, professeur, et son mari ouvriront peut-être une école française à TelAviv, la demande est forte, Julien s'exilera-t-il jusqu'à Londres ? " ..... La vie est un exil.... " Julien et Esther séparés ? Rendez-vous dans dix ans "..... Pourquoi pleures-tu ?.... - Dans dix ans, je ne serai plus en France. - Alors dans dix ans ce ne sera plus la France. "

lundi 31 août 2015

Guirlande de Lou Guillaume Apollinaire ( Poème France )


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                                         Guirlande de Lou

            Je fume un cigare à Tarascon en humant un café
            Des goumiers en manteau rouge passent près de
                       l'hôtel des Empereurs
            Le train qui m'emporte t'enguirlandait de tout mon
                       souvenir nostalgique
            Et ces roses si roses qui fleurissent tes seins
            C'est mon désir joyeux comme l'aurore d'un beau
                       matin

                                                 ~

            Une flaque d'eau trouble comme mon âme
Résultat de recherche d'images pour "heliotrope du perou"            Le train fuyait avec un bruit d'obus de 120 au terme de
                       sa course
            Et les yeux fermés je respirais les héliotropes de tes
                      veines
            Sur tes jambes qui sont un jardin plein de marbre
            Héliotropes ô soupirs d'une Belgique crucifiée

                                                   ~                                                                  

            Et puis tourne tes yeux ce réséda si tendre
            Ils exhalent un parfum que mes yeux savent entendre
            L'odeur forte et honteuse des Saintes violées
            Des sept Départements où le sang a coulé

                                                    ~

            Hausse tes mains Hausse tes mains ces lys de ma fierté                              
            Dans leur corolle s'épure toute l'impureté
            Ô lys ô cloches des cathédrales qui s'écroulent au nord
            Carillons des Beffrois qui sonnent à la mort
            Fleurs de lys fleurs de France ô mains de mon amour
            Vous fleurissez de clarté la lumière du jour
                                                                                                                 aujardin.info
                                                     ~

            Tes pieds tes pieds d'or touffes de mimosas
            Lampes au bout du chemin fatigues des soldats
            - Allons c'est moi ouvre la porte je suis de retour enfin
            - C'est toi assieds-toi entre l'ombre et la tristesse
            - Je suis couvert de boue et tremble de détresse
            Je pensais à tes pieds d'or pâle comme à des fleurs
            - Touche-les ils sont froids comme quelqu'un qui                      
              meurt.

                                                      ~

             Les lilas de tes cheveux qui annoncent le printemps
             Ce sont les sanglots et les cris que jettent les mourants
             Le vent passe au travers doux comme nos baisers
             Le printemps reviendra les lilas vont passer

                                                      ~
                                                                                                                    1jardin2plantes.info
Résultat de recherche d'images pour "tubéreuse rose"            Ta voix ta voix fleurit comme les tubéreuses
            Elle enivre la vie ô voix ô voix chérie
            Ordonne ordonne au temps de passer bien plus vite
            Le bouquet de ton corps est le bonheur du temps
            Et les fleurs de l'espoir enguirlandent tes tempes
            Les douleurs en passant près de toi se métamorphosent
            - Ecroulements de flammes morts frileuses
               hématidroses -
            En une gerbe où fleurit La Merveilleuse Rose


                                                                                        Tarascon, 24 janvier 1915

                                                                                Apollinaire

vendredi 28 août 2015

Je suis né un jour bleu Daniel Tammet ( autobiographie Grande Bretagne )


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                                                      Je suis né un jour bleu

            Autiste, auteur et surtout amoureux des chiffres qui lui racontent des histoires en bleu, en rouge etc... sous diverses formes. Né le 31 janvier 1979, un mercredi ( bleu, toujours les mercredis de même que le 9 ) dans une famille anglaise, modeste. "..... Un besoin obsessionnel d'ordre et de routine.... " Et ainsi son récit est une longue histoire de sa naissance à ce vingt-huitième anniversaire, détaillée avec une minutie rare. Aîné de neuf enfants, les symptômes de sa différence furent très vite perçus. La description de ses malaises lors des variations dans l'ordre des gestes de la vie quotidienne, grosse colère, la merveilleuse découverte des nombres. Il compte tout, les cailloux, les points des coccinelles, et devient un calculateur émérite, capable de retenir les nombres visualisés, il tente et réussit de réciter 22514 décimales de " pi 3,14 "en 5 heures, défi relevé un 14 mars, journée internationale de pi, jour de naissance d'Einstein, et des dons au profit de NSE. Car à 4 ans, première crise d'épilepsie. Si l'autisme était connu et suivi ".... il n'était pas du tout étonnant pour moi de ressentir des moments de déconnexion totale, des périodes d'absorption en moi-même - où j'étudiais de près les lignes de mes paumes ou regardais les évolutions de mon ombre quand je me balançais d'avant en arrière, avec des mouvements lents et rythmés. Mais ça c'était quelque chose d'autre..... je faisais une très grosse crise d'épilepsie..... " Les difficultés de l'enfant, puis de l'adolescent à l'école. Mais très suivi par ses parents (  il écrit : " Mes parents sont mes héros " ) gros lecteurs, il aime tôt les livres et les bibliothèques .....
" Les bibliothèques ont toujours eu le pouvoir de m'apaiser. Il n'y a pas de foule, juste de petits paquets d'individus en train de lire, d'aller d'une étagère à une autre...... " A 12 ans reconnu atteint du syndrome d'Asperger, puis d'autisme savant, " ...... J'aime tout particulièrement le calcul des puissances...... Les mathématiciens aiment tout particulièrement les nombres premiers..... " Et les nombres triangles. Des anecdotes, la vie quotidienne, ses difficultés. Très tôt comparé à Raymond Babbitt héros de Rain Man, il rencontre Dustin Hoffman qui l'admire beaucoup et le pousse à rendre publique ses connaissances. L'auteur reconnait avoir des difficultés avec les sentiments. Lecture agréable. Les matheux, les parents, les compagnons, les fratries, rien n'échappe à Daniel Tammet, il parle sept langues a appris l'islandais en sept jours, a un site internet où il propose des cours de langue.

jeudi 27 août 2015

Correspondance Proust Cocteau ( Lettres France)


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                                                                                                à Jean Cocteau

                                                                                                                 fin mars 1911

            Cher Jean j'ai retrouvé une lettre adressée à vous par moi au Cap Martin, je vous en copie quelques passages.      
            Dans ton Midi, pour ces raisons, je t'écris, Jean :
            Le silence est de plomb, la parole d'argent
            Et les mots font du bien où l'on voit l'effigie
            De l'Amitié, ou de Minerve, ou bien... d'Hygie
            Donc reçois tous ceux-ci comme maigre salaire
            De ton charme vivant qui sait si bien me plaire
            D'abord prose ; tu sais,  homme talentueux.
            M'imaginant Verlainien et fastueux
            Tu m'as écrit sur du papier de Mercure
            Pour joindre aux boulingrins un faune dont n'a cure
            Ton ami qui n'est pas si féru de Verlaine
            Et grogne s'il lui faut ouvrir son bas de laine.
            Aussi je n'envoyai, Jean, que cinquante francs.
            Mais j'ai honte. Faut-il doubler, tripler ? Sois franc.
            Autre chose, j'irai voir Maman Colibri
            Parmi les jeunes gens...                                                                      
            Qu'ils sont intéressants ( j'entends, intéressés )                                      *
            En dehors du classique et charmant
            Vu par Forain pour moi dans sa... légende.  
            Peut-on sentir de près les roses et les lys
            De celui dont le nom hélas est Cazoli.
            Et recuire cela de matins Jean Ken
            Que j'appelais confit de fromage à la Krême.

            Cher Jean, je n'ai pas la force d'en copier plus et j'ai beaucoup sauté. Inutile de répondre puisque Madame Colibri est finie. Et d'ailleurs tout cela, il faudra bien vous l'avouer, c'est de la blague.
( Pas mon amitié, elle est vraie ). Adieu Cher Jean                                                  

    
                                                                                                 Marcel

            Excuser le tutoiement qui était " poétique " et dont vous excuserez la familiarité et la licence en lui appliquant la même épithète atténuante.
            Tendresses à Lucien si vous le voyez.
            Si vous étiez fort secret, je vous raconterais mille choses ( inutile de vous dire que bien que cela vienne après le nom de Lucien, ces choses n'ont aucun rapport avec lui dont je n'ai à raconter rien sinon combien je l'aime et l'admire ).
                                                                                 
yves-cass.com            



       
              















                                                           

mardi 25 août 2015

Mr Mercedes Stephen King ( roman policier EtatsUnis )



                                       Mr Mercedes

            Un jour d'avril 2009, pluvieux et froid un homme va tuer. Il est au volant d'une Mercedes 12 cylindres 500 SL. Devant le City Center longue file d'attente depuis l'aube. Des hommes et des femmes avec enfant parfois, attendent une proposition de travail. Plus tard, Hodges, policier retraité, divorcé, s'ennuie dans sa maison aux fenêtres dénudées. Il joue avec son Smith & Wesson et regarde la télévision. Un moment encore il relève sa boîte aux lettres et reçoit la lettre de celui qui a tué et jouera tout au long du livre au chat et à la souris. Il promet d'autres meurtres. L'ex-policier Hodges se sert assez mal de son ordinateur, mais une aide précieuse et un conseiller est prêt à lui apporter son aide, Jérome, étudiant et fils de voisins. Jérome est intelligent et sympathique, il garde sa petite soeur et achète des glaces au marchand qui passe dans sa voiturette. Très vite nous savons qui est cet assassin, nous suivons l'enquêteur et les préparatifs du meurtrier. La propriétaire de la Mercedes, l'une des plus belles du comté, habite dans un quartier sécurisé. Dans ses lettres celui qui s'appelle le Joker ou l'homme à la Mercedes, nargue l'inspecteur. Il cumule deux emplois, vendeur de glaces et réparateur d'ordinateurs. Il écrit : " La plupart des gens portent des Chaussures de Plomb depuis leur plus jeune âge et sont condamnés à les garder aux pieds toute leur vie......
C'est ce qu'on appelle la Conscience. " De plus il pense : "..... S'il y avait un Dieu comme les hommes du dimanche le disaient à la télé...... ne croyait pas en Dieu mais il croyait au destin, et parfois l'homme de la maison se doit d'être le bras droit du destin. " Une jeune femme se révèle aussi sinon plus douée que Jérome. Au grand dam de sa famille, sous des allures de vieille jeune femme elle cache des connaissances en informatique. Quel dénouement ce jour d'été parfait en plein coeur de l'Amérique, au MACC, aussi appelé le " Louvre du Midwest ", l'auditorium construit au milieu de deux hectares ? Nuits blanches assurées. La peur, non pas comme dans les livres de la série " Fantastique " de Stephen King, mais pour connaître la suite et la fin des personnages, les pervers, les gentils, les morts et les rescapés.

            

            

lundi 24 août 2015

Le trésor d'Istanbul Jason Goodwin ( roman Grande Bretagne )



                                                 Le Trésor d'Istanbul

            De Pera à Galata, à Üsküdar, les caïques longent les rives du Bosphore et les muezzins lancent leur mélopée qui passe au-dessus de la Corne d'Or. 1838 à Istanbul, un meurtre est commis ( dès la 1è page ). Un peu plus tard dans la matinée Hachim sort parcourt la rue des Libraires, entre chez Goulandris le libraire "... Les livres en eux-mêmes ne l'intéressaient pas. Mais en fixer le prix c'était une autre affaire..... " Et il observe Hachim, l'eunuque, de " belle prestance ", âgé d'environ 40 ans. Il feuillette les livres en toutes langues, grecs, turcs, arméniens, hébreux, livres rares aussi et ces livres français qu'il aime tant. Jouant l'indifférence il achète quelque livre qui provoquera bien des morts, outre un livre de cuisine " L'art de la cuisine française au XIXè siècle. Plus tard un archéologue français, Lefèvre lui demande asile, il dit avoir rencontré Byron à Missolonghi. Troublant personnage. Mais Hachim est un Lala. Son rôle auprès du sultan Mahmud II qui se meurt, sa grande proximité avec " La Valide ", la reine-mère ( ils partagent un goût fort pour la lecture ), les femmes nombreuses du harem, font de lui le personnage averti, curieux, ami aussi de l'ambassadeur et du médecin, bien en cours auprès des logeuses. Mais le grand intérêt du livre, outre le rôle des porteurs d'eau, le rôle de l'eau dans la ville aux sept collines, tient à l'histoire de l'ex-Byzance, de Sainte-Sophie, aux rues, au marché d'Istanbul, l'intrigue offre au détective Hachim le prétexte, et pour le lecteur, de parcourir une ville du 19è siècle bien vivante. Ville d'intrigues, au passé turbulent. Livre d'histoire mais roman, par l'auteur qui étudia l' " Histoire de Byzance " à l'Université de Cambridge. Et roman policier, Jason Goodwin a obtenu le prix Edgar Poe pour les précédentes aventures de Hachim dans Le Complot des Janissaires.












Correspondance Proust Gide 4 ( lettres France )


fawsy.com

                                                                                                                Sans date

            Cher ami,
            Si jamais vous avez eu le désir d'enchanter un enfant ( fût-ce un très vieil enfant ), je ne dis même pas en bourrant ses souliers de Noël ( car c'est trop peu la saison et nous sommes plus loin des neiges de la Nativité que des soleils de la Résurrection ) mais en lui envoyant un énorme, un miraculeux oeuf de Pâques, jamais vous n'avez si bien réussi qu'en écrivant les pages dont Rivière m'envoie les " bonnes feuilles ". J'aurais voulu attendre, non pas d'être guéri ( ce qui voudrait dire d'être mort ) pour les lire, mais au moins que fût tombée la terrible fièvre rhumatismale que m'a donnée un refroidissement. Car je sentais le cadeau si beau, si inespéré, que je le gardais près de moi, comme, quand j'avais cinq ans, les trop belles choses que je ne voulais regarder qu'en état de réceptivité parfaite. Ce qui m'a décidé à ne pas être sage, c'est Venise. J'y arrivai jadis dans un tel état de souffrance que je ne pus ressentir aucune impression ; mais Venise ne s'en est pas moins inscrite en moi et je goûte encore, à me souvenir d'elle, un plaisir prorogé.
            Cher ami, chaque phrase fut pour moi un émerveillement. Je n'ai pas tant de vanité qu'être l'objet de toutes altérât mon sens critique. Heureusement les Pauvres, si à certaines heures votre pureté vous semble pauvreté. Elle passe les trésors de la terre. Dès le début, quel accent qui ne fut pas retrouvé depuis
Malherbe !                                                                                                        
            Je veux qu'on m'ignore si... etc. Les illusions de votre amitié me prêtent en dehors de tout ce que vous possédez d'autre, ce côté d'enchantement qui vous fait mettre de la féérie dans la simple promenade de mes parents, et quelles fraîches délices, que je n'eusse pas trouvées, dans la disjonction des gerbes. A chaque ligne, je me disais ! " Ce n'est pas possible qu'il y ait encore quelque chose de charmant pour moi. " Mais la ligne suivante, l'enchantement m'apportait un nouveau présent, et sous quelle forme ! la plus belle, la plus savante, la plus naturelle que je sache.
            Cher ami, je ne puis encore me fatiguer à écrire une longue lettre ( bien que votre billet ait été pour moi plus que l'oeuf de Pâques, mais Pâques même : " Dic nobis Maria quid vidisti de via. Madeleine croira que c'est le jardinier Thomas ( mon médecin ), s'obstinera à douter et nier. Mais mes deux pieds percés le forceront de croire ? "
           Gaston et Jacques Rivière ont dû vous dire combien ces temps-ci j'avais prié pour avoir votre préface à Baudelaire, que je ne connais pas. En tout temps elle m'eût été précieuse comme étant évidemment ce qu'on a écrit de mieux sur Baudelaire. Mais il y avait une raison spéciale. On m'avait demandé pour le prochain numéro un " Baudelaire ". La fièvre m'empêchait de faire autre chose que de rapprocher des vers, avec le contexte le plus trivial et le plus lâche ( quand je pense à votre admirable " informer " si savant, si beau, dans le billet à Angèle ). De quel secours votre préface m'eût été ! Mais sans doute ni Gallimard, ni Rivière, ne le possédaient, puisque, malgré mes multiples réclamations, je ne l'ai pas reçue. A propos de Baudelaire, avez-vous lu sur lui deux - très beaux - articles de Léon Daudet ? Je n'aurai pas l'occasion de les citer, ne citant personne puisque je ne pouvais parler de votre préface. Mais ils mériteraient que vous les lisiez. Dans L'Action française de ce matin ( samedi ), il a fait un article sur les peintres hollandais, inférieur aux deux sur Baudelaire, mais tout de même bien. Croyez, cher ami, à toute mon admiration et à mon affection pleine de gratitude. C'est votre billet, bien plus que mon livre, qui me fait retrouver le Temps perdu.


                                                         
                                                                                                            Marcel Proust


                                                                  *********************

wikipedia.org  

                                                               102, Boulevard Haussmann

                                                                                       Sans date

            Cher ami,
            J'ai bien reçu votre livre, mais je vois hélas que vous ne recevez pas mes lettres. Et je finis par me demander si celle pour vous remercier des Nourritures terrestres est la seule qui ne vous soit pas parvenue    
De sorte qu'il y a certaines demandes que j'hésite à renouveler, si c'est en connaissance de cause que vous n'y avez pas donné suite - et à ne pas renouveler, si vous les avez ignorées et si, en me taisant, je risque de perpétuer par ma seule faute d'évitables malentendus. Par exemple, vous persistez à me dire " mon cher Proust ", et jamais ( à défaut du prénom que je n'ose demander ) " cher ami ". Et vous avez mille fois raison si vous trouvez que le mot d'amitié excède un peu vos sentiments. - Pour revenir au petit volume immense, vous pensez bien que je vous ai remercié, sinon aussitôt, du moins une huitaine après les avoir reçues, ces Nourritures terrestres qui ont déjà alimenté un génération et sur lesquelles bien d'autres vivront. Car le grand écrivain, et plus particulièrement vous, est comme la graine qui nourrit les autres de ce qui l'a nourrie d'abord elle-même. C'est une des choses qui m'ont toujours le plus touché, dans le règne végétal et dans le coeur humain, que cette distribution des éléments qui ont été tirés de la terre et de la vie, qui ont permis la germination et ensuite, du même albumen sur lequel la plantule a vécu, nourri les peuples. Et cette idée, qui est une de celles que je me fais le plus volontiers de l'écrivain, prend, quand il s'agit de vous, quelque chose de si adéquat que c'est vrai comme à un degré de plus et sans comparaison. D'ailleurs vous ignorerez probablement la substance, mais vous ne pouvez pas en entendre l'accent. Et la nouveauté - durable, bien entendu, puisque le nouveau en art n'est jamais dans l'ordre du temps - de ce livre, nouveauté qui vous saisit davantage si on l'a délaissé quelques années, est avant tout dans l'accent. Je ne veux pas rabaisser, parce qu'il a écrit dans " Parole " une Belle Hélène plus prétentieuse, plus scolaire, et au moins aussi fragile que l'autre, un écrivain que j'ai autrefois admiré. Mais qu'est-ce que c'est que les intentions artificielles de vers libre, ou je ne sais comment on appelle cela, de Claudel, à côté de cet accent des Nourritures. Vous vivrez car vous vous êtes laissé nourrir et vous avez nourri. Cher ami, je crois, contrairement à la mode de quelques-uns de nos contemporains, qu'on peut se faire une très haute idée de la littérature, et sourire avec bonhomie. Je ne crois donc pas vous fâcher en vous racontant que ma femme de chambre, qui est d'une ignorance invraisemblable. " Je lui ai appris récemment que Bonaparte et Napoléon étaient une même personne ". Je n'ai pas pu arriver à lui apprendre un peu d'orthographe et elle n'a jamais eu la patience de lire une demi-page de moi, mais qui est remplie de dons extraordinaires, a eu dernièrement ( comme j'avais trop mal aux yeux et toujours pas de verres ) à me lire haut quelques pages des Nourritures. Dès le lendemain, tout ce qu'elle avait à me dire de désagréable ou d'ironique, elle me le disait dans une forme que je ne saurais appeler " pastichée " des Nourritures terrestres, car je me fais du pastiche une idée plus littéraire, et elle serait incapable d'en faire un, mais enfin, qui prouvait combien elle avait été frappée. Aussi, toutes les personnes qu'elle connaît ont eu leur tour. Si j'allais voir la princesse Soutzo et que je priais Céleste de lui téléphoner, Céleste commençait par me dire :
            " Nathanaël, je te parlerai des amies de Monsieur. Il y a celle qui l'a fait ressortir  après des années, taxi vers le Ritz, chasseurs, pourboires, fatigue. "
            Si on sonnait :
            " Nathanaël, je te dirai les amis de Monsieur "
et des choses assez jolies dont je ne veux pourtant pas vous fatiguer. J'espère que vous écoutez avec bienveillance ces enfantillages que je vous rapporte sans manquer au respect que j'ai pour ce chef-d'oeuvre, comme c'est sans en manquer non plus que la princesse Soutzo m'écrit tout naturellement ( pour me dire que mon absence se prolonge )
            " Céleste devra réviser ses Nourritures terrestres et ne pourra plus dire : Je sais la dâme, etc. "
*            Je voudrais retrouver un vieux livre de moi, écrit presque tout entier pendant que j'étais encore au collège, et imprimé vers 1893. Vous trouveriez çà et là une phrase, par exemple sur les " grottes vertes que sont les feuilles des arbres ", qui a quelque analogie, avec une phrase seulement hélas, des Nourritures terrestres. Et sans doute je ne crois pas qu'il en soit du monde de l'intelligence comme de celui des triangles, et qu'un même angle ou côté de deux esprits suffit pour qu'ils ne soient non pas même égaux mais semblables. Mais je crois pouvoir trouver quelquefois certaines consolations, et peut-être la possibilité de relations amicales qu'il me serait fort doux d'entretenir avec vous. Vous n'aurez qu'à me dire quand vous serez à Paris et je m'arrangerai, le premier jour de santé, pour aller vous voir ou dîner avec vous. Cher ami, je ne sais pas si je vous ai parlé de ce qu'a été pour moi une visite de vous, quand tout d'un coup, à un certain sourire que vous avez eu, j'ai vu se répandre en nappes sur votre visage ( que j'aime d'ailleurs tant sans cela ) ce que je croyais un mot vide de sens, au moins au point de vue physique et matériellement perceptible, la Beauté Morale. J'ai mieux compris alors le sens d'une phrase que le peintre Denis a écrite sur vous et qui ne me satisfait pas du reste entièrement. Mes yeux trop fatigués ne me permettent pas de poursuivre plus longtemps cette causerie où vous m'avez peut-être, depuis pas mal de minutes déjà, laissé parler dans le vide sans plus m'écouter... Je voudrais pouvoir me dire que j'ai suivi les prescriptions que vous avez formulées avec une beauté définitive d'oracle delphique ( je veux dire : suivi dans mon oeuvre, vous pensez bien que je ne parle pas de ma lettre ! )
            " Ce qu'un autre aurait écrit aussi bien que toi, ne l'écris pas. "
            Hélas, je sens que j'y ai trop souvent désobéi. Et pourtant les mots resteront comme une louange pour vous et un enseignement pour les autres.
            Votre reconnaissant


terresdefemmes.blogs.com

                                                                              Marcel Proust                                                                                                                                                                                                                                   

vendredi 14 août 2015

Flash extraits Lettres de Proust à Marie Nordlinger et Lucien Daudet ( correspondance France )

vincent 
                                                                               à Marie Nordlinger

                                                                                                                   mars 1900

            .......Le Savoir dans le sens d'une chose qui est toute faite en dehors de nous et
qu'on peut apprendre comme dans les Sciences, est nul en art....... 
            Victor Hugo dit.......
                                     Car le mot, qu'on le sache, est un être vivant
            .......Vous aimez les mots vous ne leur faites pas de mal....... vous leur confiez vos secrets....... et votre horreur du jaune est une symphonie en jaune. C'est Dieu qui semble avoir voulu donner un échantillon de tout ce qu'il possède de jaune....... On ne pourrait pas écrire cela en peinture,  et vous l'avez peint en écrit......


                                                                                       Marcel Proust



                                                         ****************************

            
     van gogh                                                                                                  à Lucien Daudet

                                                                                                         mi-mars 1915

            ........ Imaginez-vous que lisant sept journaux tous les jours et relisant dans les sept le même sous-marin coulé, ce qui fait que je crois qu'on en a coulé sept et ensuite rectifiant mon tir grâce à cette expérience que quand on en a coulé plusieurs je crois que c'est toujours le même..........


                                                                                                              Marcel
                                      

mercredi 29 juillet 2015

Ispahan Guillaume Apollinaire ( Poème France )

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                                   Ispahan

            Pour tes roses
            J'aurais fait
            Un voyage plus long encore

            Ton soleil n'est pas celui
            Qui luit
            Partout ailleurs
            Et tes musiques qui s'accordent avec l'aube
            Sont désormais pour moi
            La mesure de l'art
            D'après leur souvenir
            Je jugerai
Résultat de recherche d'images pour "roses d'ispahan"            Mes vers les arts
            Plastiques et toi-même
            Visage adoré

            Ispahan aux musiques du matin
            Réveille l'odeur des roses de ses jardins

            J'ai parfumé mon âme
            A la rose
            Pour ma vie entière

            Ispahan grise et aux faïences bleues
            Comme si l'on t'avait
            Faite avec
            Des morceaux de ciel et de terre
            En laissant au milieu
            Un grand trou de lumière
            Cette
            Place carrée Meïdan
            Schah trop
            Grande pour le trop petit nombre
            De petits ânes trottinant
            Et qui savent si joliment
            Braire en regardant
            La barbe rougie au henné                                                            
            Du Soleil qui ressemble
            A ces jeunes marchands barbus
Résultat de recherche d'images pour "ispahan"            Abrités sous leur ombrelle blanche

            Je suis ici le frère des peupliers

            Reconnaissez beaux peupliers aux fils d'Europe
            O mes frères tremblants qui priez en Asie        *                  
                                 
            Un passant arqué comme une corne d'antilope
            Phonographe
            Patarafes
            La petite échoppe


editionsdelamartiniere.fr
                                                                                      Guillaume Apollinaire

samedi 25 juillet 2015

Portraits 2Proust - Musiciens Mozart, Schumann ( Poèmes France )


culturebox.fr

                                              Mozart

            Italienne aux bras d'un prince de Bavière
            Dont l'oeil triste et glacé s'enchante à sa langueur
            Dans ses jardins frileux il tient contre son coeur
            Ses seins mûris à l'ombre, où téter la lumière.
            Sa tendre âme allemande, - un si profond soupir ! -
            Goûte enfin la paresse ardente d'être aimée,
            Il livre aux mains trop faibles pour le retenir
            Le rayonnant espoir de sa tête charmée.
            Chérubin, Don Juan ! loin de l'oubli qui fane                              
            Debout dans les parfums tant il foula de fleurs
            Que le vent dispersa sans en sécher les pleurs
            Des jardins andalous aux tombes de Toscane !                                
Résultat de recherche d'images pour "mozart"            Dans le parc allemand où brument les ennuis,
            L'Italienne encore est reine de la nuit.
            Son haleine y fait l'air doux et spirituel
            Et sa Flûte enchantée égoutte avec amour                                
            Dans l'ombre chaude encor des adieux d'un beau jour
            La fraîcheur des sorbets, des baisers et du ciel.


                                                                   Marcel Proust



                                                  Schumann

            Du vieux jardin dont l'amitié t'a bien reçu,
            Entends garçons et nids qui sifflent dans les haies,
            Amoureux las de tant d'étapes et de plaies,
            Schumann, soldat songeur que la guerre a déçu.
            La brise heureuse imprègne, où passent des colombes,
            De l'odeur du jasmin l'ombre du grand noyer,
            L'enfant lit l'avenir aux flammes du foyer,
            Le nuage où le vent parle à ton coeur des tombes.
            Jadis tes pleurs coulaient aux cris du carnaval
            Ou mêlaient leur douceur à l'amère victoire
            Dont l'élan fou frémit encor dans ta mémoire ;
            Tu peux pleurer sans fin : Elle est à ton rival.
            Vers Cologne le Rhin roule ses eaux sacrées.
            Ah ! que gaiement les jours de fête sur ses bords
            Vous chantiez ! - Mais brisé de chagrin, tu t'endors...
            Il pleut des pleurs dans des ténèbres éclairées.
            Rêve où la morte vit, où l'ingrate a ta foi,
            Tes espoirs sont en fleurs et son crime est en poudre...
            Puis éclair déchirant du réveil, où la foudre                                
            Te frappe de nouveau pour la première fois.
            Coule, embaume, défile aux tambours ou sois belle !
            Schumann, ô confident des âmes et des fleurs,
            Entre tes quais joyeux fleuve saint des douleurs,
            Jardin pensif, affectueux, frais et fidèle,
            Où se baisent les lys, la lune et l'hirondelle,
            Armée en marche, enfant qui rêve, femme en pleurs !


                                                                        Marcel Proust      

                    

jeudi 23 juillet 2015

L'inconnue de Bengalore Anita Nair ( roman Inde )

L'Inconnue de Bangalore


                                             L'Inconnue de Bengalore

            Dans Bengalore devenue cité high-tech ces dernières années, les rituels des musulmans côtoient ceux des Hindous, des Chrétiens et d'autres. En ce premier jour de Ramadan, la ville se transforme, les rickshaws sont pris d'assaut à l'heure où le jeûne s'achève et des foires improvisées attirent les passants. Les transsexuels s'exhibent côtoient les eunuques, des hommes piégés par un regard, une natte et un sari qui couvrent une fausse poitrine et laissent découvert le nombril, vont mourir. Ils aiment les bijoux, une boucle d'oreille perdue et ce sera peut-être une piste pour les inspecteurs confrontés à des assassinats perpétrés à l'aide de fils semblables à ceux qui servent aux cerf volants. Dans Bengalore l'indienne, les habitants croient, nombreux, aux esprits. Mais les inspecteurs des commissariats sont des hommes avec l'un de l'intuition mais maladroit et embarrassé par une épouse docteur partie pratiquer la médecine ailleurs le temps des études de leur fils, un autre jeune encore. Ils circulent en moto, en jeep Tata, dans les rues encombrées. En ce mois d'août la population boit beaucoup de thé, et l'auteur cite nombre de plats cuisinés dans les échoppes. Les meurtres sont de plus en plus fréquents, certains portent en plus la marque d'un gang précis, les moustiques nombreux excités peu avant la mousson, un député excessivement trouble, ".... les moustiques, on va tous mourir de la dengue. - .... Les moustiques se fichent que vous soyez policier ou maquereau, ils veulent du sang pour se remplir le ventre comme nos politiciens pourris. Personne, grand ou petit, n'échappe à leur vampirisme.... " Arrivent les derniers jours du Ramadan, oubliés les problèmes de caste pour l'inspecteur prêt dans sa solitude à retomber amoureux d'une ancienne amie, les déductions d'un profileur, mots sur son intuition, et la folie du meurtrier trop sûr, signent la fin d'une traque sous l'orage qui éclate un jour de procession où tous portent des vêtements safran. Livre curieux intéressant par tout ce qu'il nous dit sur une société aux multiples croyances.