mardi 21 décembre 2021

El Eden Eduardo Antonio Parra ( Roman Policier Mexique )

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                                                          El Eden

            A El Eden, petite ville au nord du Mexique, la vie était douce et chaleureuse. Jusqu'à l'arrivée des premiers gangs, demandes de rançons à des commerçants, épiciers, artisans et autres. Le non-paiement entraînait massacre et destruction. Certains parvinrent à quitter la ville et s'établirent ailleurs, notemment à Monterrey. A Monterrey où se retrouvent deux habitants d'El Eden, Dario et son ancien professeur de lettres, dix ans après le jour funeste où deux bandes rivales fortement armées, circulant dans des pickups, des camions aux vitres teintées dont les bennes portaient des mitrailleurs cagoulés. Dans la cantine, Dario commande des seaux remplis de glaçons et de six bouteilles de bière, plusieurs fois renouvellés au cours de cette nuit de souvenirs. Ce sont des verres frais de rhum qui raviveront la mémoire du professeur. La particularité du roman tient dans la faculté qu'a l'auteur à entrer dans le sujet qu'il va traiter, tous liés à cette nuit de massacres et à raconter, mot à mot, détails en pointillés, chaque sentiment, chaque rue, l'atmosphère, les odeurs. Et le lecteur reste enfoui dans l'histoire de Norma, jeune amoureuse de Dario, et si les scènes de tueries que se rapportent les deux consommateurs sont détaillées, acharnement à tuer tout ce qui bouge, même sur les chiens et les cadavres, les amours naissantes des deux jeunes étudiants, dans un parc, dans un cinéma entre autres sont aussi minutieusement décrites, ce qui donne des scènes assez crues. Mais pour débuter cette soirée on apprend que le jeune couple se pose d'abord chez Dario, où sa mère, sa grand'mère et sa soeur s'inquiètent de l'absence du jeune frère, Santiago, car, sans que l'on sache vraiment comment, l'arrivée des gangs est annoncée par des haut-parleurs sur des camions qui parcourent les rues : rentrez chez vous, ne bougez pas, fermez les volets, si vous regardez à l'extérieur vous serez exterminés. Et la coupure d'électricité intervient. La ville est obscure, la nuit est tombée, peu étoilée. La mère convainc Dario et Norma d'aller à la rencontre, la recherche de Santiago. Et ainsi les deux hommes partis de deux points différents de la ville raconteront leur désarroi, l'epreuve que fut cette nuit de tuerie. Des cadavres amoncelés dans des bennes, croiser des personnes connues, par exemple au cinéma, gisant dans la rue, des camions roulant sur des corps, les deux équipes de narcotraficants s'entretuant pour prendre le pouvoir dans la ville. " Le couloir se remplissait rapidement de fumée...... une vague odeur de viande rôtie a atteint mes narines...... un autre cadavre était en train de griller. " Des centaines de morts, de maisons brûlées, même deux écoles. Certains restés chez eux n'ont pas été épargnés. Plus tard " la plupart.... nous installer dans les grandes villes, à Nuevo, Reynosa ou Monterrey ou de l'autre côté de la frontière, au Texas ". Tuer ne suffisait pas, les têtes de cadavres : " Les assassins avaient tenu promesse, au pied du kiosque..... deux ou trois se regardaient .... semblant sourire... " Dans le café, l'histoire s'achève bientôt, racontée à la première personne, le professeur " ... Les clients étaient calmes, vaincus par l'alcool, par la nuit. Vaincus par la vie. " Très bon livre pour qui ne craint pas les scènes un peu dures, pas très long. L'auteur Eduardo Parra, a été primé par ailleurs, et a reçu le prix Antonin Artaud. Bonne lecture. 












mardi 14 décembre 2021

Le Blog de Frantico - Frantico ( Trondheim ? ) ( Bande dessinée France )

 








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                                               Le Blog de Frantico

            Réfrigérant, drôlatique, sympathique, c'est un troublion. Paru en 2005 d'abord sur le web, un quotidien qui couvre seulement les 5 premiers mois de l'année. Il devient vite évident que la plus grande préoccupation de Frantico illustrateur par ailleurs, est l'" exploration de l'anantomie féminie " surtout intime. Chaleureux, en chaleur, il accommode ses besoins sans trop de sentimentalité. Dans l'une des vignettes une fan de notre héros " Je me demande pourquoi tu te donnes une telle image d'obsédé sexuel. " Mais nous sommes en 2005, juste un an après le tsunami de décembre 2004, et nous sommes tous déroutés par trop d'événements lourds et inattendus, alors le blog libératoire est accueilli, bienvenu. Pas de poursuites inapropriées, d'ailleurs la vie quotidienne d'un dessinateur d'une future bédé, est faite aussi de plomberie en panne, d'où kit de dépannage, de grammaire, une boulangerie " chausson au pomme, " erreur ! Frantico fera rectifié l'orthographe. Ainsi, détendant, applaudi, le petit ( est-il petit ? ), gros et chauve, contraint à faire des pompes, skie cependant l'oeil égrillard. Il ne faut bien sûr pas être pudibond, mais accepter l'éclat de rire d'étonnement que vous laissez éclater au long des pages ( 296 ). Févier une semaine à la montagne, payée par papa, oui mais se pose le problème des chaines. Enfermé des jours pour un travail inattendu, le bloggeur raconte son retour à la vie une fois par jour, le soir, dans quelques vignettes sur fond bleu " Bonjour Dehors ! - Bonjour les poubelles ! - Bonjour les gens ! -  Bonjour les voitures ! - Bonjour le pigeon qui a une patte cassée et qui......  - Salut Nathan; c'est François; ça te dirait une bonne mousse ? " Certains portent un papillon sur l'épaule ( film ) Frantico a pour compagnon un chat, sa bonne ( ? ) conscience et elle l'accompagne, plus obsédée sexuelle que lui. Alors prudence, BD pour adulte. Quant aux médecins, catégorie, parce que trop proche de la morbidité, la plus obsédée. Bonne bédé. ouverture d'esprit par effraction, une voix éphémère un blog, mais une grosse BD pour nos journées d'enfermement. Bonne lecture. 😈 MB






samedi 11 décembre 2021

Tant qu'on est tous les deux Gaël Tchakaloff ( Document France )

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                                                  Tant qu'on est tous les deux

            Une histoire à deux voix, et plus. Gaël Tchakaloff, journaliste, amie de Brigitte Macron raconte un quotidien présidentiel, au départ sans l'accord d'Emmanuel Macron, mais son épouse conseille son amie Gaël, " Insiste, il cède toujours ". Mais il fallut commencer par l'entourage, qui, où, quand, comment, car ce couple atypique surprit puis le travail, les événements lourds qui ponctuèrent le quinquénat d'Emmanuel Macron, effacèrent les problèmes ou plus exactement l'absence de problèùe du couple présidentiel. Et donc des portraits : " Comme beaucoup de mères, Françoise est persuadée d'avoir enfanté un génie..... " Trois femmes ont adoré et adorent notre Président selon l'auteur : " Mâle adoré par deux femmes puissantes qui s'effacent devant lui, allient leurs forces pour lui. L'une l'appelle Manu, l'autre Emmanuel. La troisième sa grand'mère a disparu. " Un peu plus loin, Gaël Tchakaloff insiste sur le chagrin du Président lors de la mort de cette dernière qui fut son soutien, loua un logement pour, quittant Amiens, laissant momentanément sa famille et Brigitte, poursuivre ses études d'abord au lycée Henry IV puis les Grandes Ecoles. Attachée à son amie l'auteur donne quelques détails " Tu n'enseignes pas la littérature, tu es Mme de Rénal, Julien Sorel, Mme Bovary. Elle était l'amoureuse de tous les romans, l'héroïne de tous les drames, écrivait Flaubert." Détails d'une visite dans une salle de classe du campus de l'école Live qu'ella a créée. Moderne et attachante. Discussion avec Pierre-Olivier son directeur de cabinet alors que Brigitte Macron bavarde plus loin avec des élèves. " Un jour un élève demande à Brigitte, " c'est quoi la poésie ? " Elle a répondu, Vous mettez dans le métro un aveugle avec une pancarte " aveugle de naissance ", personne ne s'arrête. Le lendemain si vous changez sa pancarte pour inscrire : Le printemps arrive, je ne le verrai pas. Tout le monde vient lui parler. C'est ça la poésie."
Et le Président, qui est-il Jean-Paul Sartre vient à la resccousse. Et l'amie et journaliste acceptée dans le groupe des accompagnants du président, suit les déplacements. La vie présidentielle est un tourbillon, les rendez-vous se suuccèdent, et Emmanuel Macron est... toujours en retard, une demi-heure au moins. Par monts et par vaux, le Président sans prudence se jette dans la foule. Dans un sms envoyé à Gaël Tchakaloff celui-ci écrit : " J'ai toujours eu mille ans. " Portraits, portraits, petits quotidiens, grands émois, être l'amie de l'épouse d'un président est un rôle et quelque part nous lisons " tout est théâtre ". Mais aussi l'aveu de Brigitte Macron, ils ont eu la chance d'être acceptés par la famille, famille proche qui soupire et attend la fin de cet épisode présidentiel. La mère, l'épouse pensaient, aimeraient qu'il soit écrivain. Dans un an, dans cinq ans.... Livre court, nerveux. Bonne lecture.







mardi 7 décembre 2021

Son fils Justine Lévy ( Roman France )


 

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                                                  Son fils

            Antonin Artaud a vécu malade mais créatif, sa vie durant. Né à Marseille en 1896, de Antonin-Roi Artaud, capitaine au long cours, trop souvent absent écrit Euphrasie Nalpas sa mère née à Smyrne, sous la plume de Justine Lévy qui, pour des raisons personnelles, voir ses précédents ouvrages, s'est fortement attachée à cette mère, étouffante certes, mais qui ne lâche pas son enfant alors qu'il sombre dans un monde parallèle. 1920 Antonin quitte Marseille pour Paris. Son père l'accompagne, pas sa mère. Et c'est le début du journal d'Euphrasie, journal fictif, inventé par Justine Lévy. Et des mots, des phrases et des sentiments ravageurs courent le long des pages. Tombé à quatre ans sur la tête il souffre de terribles maux de tête, suite d'une méningite peut-être. Euphrasie avoue " Il est mon préféré " mais aussi il était si petit, avait de si beaux yeux bleus, et enfin elle qui fut mère de neuf enfants n'a pu en sauver que trois. Arrivé au bachot Antonin refuse de se présenter à l'examen. Peu importe déjà il écrit, est publié dans quelques revues et a déjà quelques contacts à Paris. Il joue au théâtre pour Dullin, Et Euphrasie nous décrit tout, Euphrasie qui a quitté Marseille, prend une chambre mansardée rue Guynemer pour veiller sur son petit. Elle écrit dans son <journal " il est le plus grand poète ", mais lucide elle voit la dégradation, les bizarreries de celui qu'elle nomme Nanaqui. Antoine-Roi est mort, " Et moi, se rend-il compte que je suis seule désormais et qu'il me fait une réputation ? Elle ne me quitte plus la colère. " Puis après ses débordements, il fait la manche du côté de Caulaincourt, Justine Lévy qui tout au long du livre n'apparaît pas et on croit vrai ce journal écrit d'après de très nombreux documents, lettres, Nanaqui est récupéré par sa mère, " Je lui ai coupé les cheveux. " Un fait noté en passant. Antonin a quatre ans lorsqu'il assiste à la mort de sa petite soeur, étranglée par une bonne. Longtemps il demandera des nouvelles du bébé. Antonin voyage avec son amie, au Mexique, expérimente des drogues, champignons toxiques, revenu il repart en Irlande. Après un différend grave, et c'est peu dire il faut lire le passage, Antonin Artaud entre dans un asile. Il restera, à Ville Evrard et à Rodez neuf ans et subira cinquante huit électrochocs. Euphrasie ne l'abandonne pas, lui apporte des paniers de victuailles, toujours diserte dans ce journal écrit avec une force et une férocité à l'égard des amis, certains docteurs, Lacan, des surréalistes. Breton, Eluard, Nin sa compagne un temps, " Antonin m'a chassée aujourd'hui encore : - Vous n'êtes pas ma mère, Madame, Euphrasie est ma fille et je n'ai d'autre mère que la Vierge Marie. "Antonin passe par des périodes religieuses, à Rodez, messe tous les matins, communion trois fois par semaine. Puis changement d'humeur et il invective tout. Antonin implore ses amis qui viennent le voir, car il n'est pas oublié, d'obtenir la suppression des électrochocs, mais Euphrasie ne se résout pas, étrange amour maternel : " Cette nuit c'est mon mal de tête qui m'a réveillée, en sursaut, ou plutôt le sien, celui de Nanaqui, passé de lui à moi............ Mon Nanaqui ne guérira pas. Il dit qu'il souffre......... qu'un cyclone magnétique va s'étendre sur Paris. " Ceci en 1939. L'histoire est contée d'une année l'autre depuis 1920. Chapitres et paragraphes courts, 1945 " Antonin n'en finit pas de rameuter ( de manipuler ) ses amis, qui maintenant s'appellent < le comité des Amis d'Antonin Artaud >. Il en parle comme de ses " âmes choisies ". Il y a là Raymond Quenau, Roger Blin, Jean-Louis Barault, Marthe Robert, un certain Adorno, Jacques Prévert, Jean Paulhan, Picasso..... Et à tous il se plaint de son internement et exige qu'on l'aide à sortir de Rodez...... Ca gronde à Saint-Germain-des-Prés..... Je sais qu'on m'incrimine........ " Puis 1948 et le faux-vrai Journal d'Euphrasie s'achève. Plus vrai qu'écrit par la véritable mère d'Antonin Artaud, des mots qui déchirent, un phrasé brûlant. Livre réussi. A lire aussi Artaud. Bonne lecture.
MB

vendredi 3 décembre 2021

Gino Bartali Julian Voloj Lorena Canottiere ( BD Italie )

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                                         Gino Bartali

                                  Un champion cycliste parmi les Justes

            Gino Bartali né près de Florence, à Ponte a Ema, en juillet 1914. l'un des champions cyclistes italiens les plus connus. Pourtant les dernières années de sa carrière furent hâchées par la guerre et les liens de l'Italie mussolinienne avec l'Allemagne et pourtant c'est alors qu'il montra sa bravoure et son amitié sans mesu e. Dès 7 ans Gino Bartali aima les vélos et pédaler. Fils de parents affectueux il reçut un vélo et une éducation, mais passé la 6è il dut suivre la 5è près de Florence et se rendre au nouvel institut en vélo et un jour faire réparer ce vélo par Giacomo Goldenberg " Giacomo avait fui la violence en Russie et ........ il était devenu plus italien que beaucoup d'entre ceux nés ici.... " Giacomo, qui avait un foyern une famille offrit à Gino fasciné par le parcours de son nouvel ami d'écrire son nom en russe, en yiddish. Et l'enfant peu porté  vers les études se passionna comme beaucoup pour les coureurs et les courses. Il s'inscrivit, gagna, rencontra sa future, gagna si bien sa vie au fil des courses souvent gagnées, qu'il offrit une nouvelle maison à ses parents, ce qui vexa son père maçon. Gino gagnait bien sa vie, mais les drames, les assassinats, les déportations, les dénonciations accumulées il dut interrompre une carrière prometteuse, Giacomo et les siens durent se cacher, des prieurs dans leurs couvents arrivaient à sauver des enfants, parfois des familles, avaient des passeurs de messages et Gino put en cette période sans course se marier, fut un messager, clandestin sur vélo, il s'entraînait disait-il. Sa réputation de champion à l'époque encore pauvre en champions cyclistes l'aida lorsque l'une des polices voulut démonter son vélo. La guerre finie il gagna un deuxième tour de France alors qu'apparaissait un nouveau champion, en Italie, Fausto Copi, un champion et sa romance, mais une autre vie, une autre histoire. Gino Bartali est mort en 2 000, aujourd'hui auréôlé du titre de " Juste parmi les Justes ", pour son rôle de résistant, sauveur, discret. Bonne BD, dessins ocrés, parfois bleus, bulles courtes.  

mardi 30 novembre 2021

Quatrains et autres poèmes Emily Dickinson 6 ( extraits ( Poèmes Etats-Unis )








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                                               Poèmes  brefs

               Frère des Lingots - Ah Pérou -
               Vides les cœurs qui t'acquirent -
                                                    
                                      *

            Sœur d'Ophir - Ah Pérou -
            Pour t'acquérir subtil le Débours -

                                       *

            Frère d'Ophir
            Clair Adieu -
            Honneur, route vers toi
            La plus courte -

************************

            Brother of Ingots - Ah Peru -
            Empty the Hearts that purchased you -

                                           *
            Sister of Ophir - Ah Peru -
            Subtle the Sum that purchase you -

                                            *
            Brother of Ophir
            Bright Adieu -
            Honor, the shortest route
            To you -

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            De ce Laurier ceignez un Être
            Pour la Gloire trop intrinsèque -
            Laurier - voile ton Arbre immortel -                                                    pinterest.fr
            C'est Lui, que tu mortifies !

                                    *
              Lay this Laurel on the One
              Too intrinsic for Renown -
              Laurel - vail your death Tree -                                                  
              Him you chasten, that is He !

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            Une fossette dans la Tombe
            Fait de cette Chambre féroce
            Un Chez-soi
                                         
                                    *
            A Dimple in the Tomb
            Makes that ferocious Room
            A Home -


                                              Emily Dickinson     

                    in Quatrains col. Poésie éd. bilingue Gallimard  Extraits 





               






Des souris et des hommes John Steinbeck - Rébecca Dautremer ( BD EtatsUnis France )

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                                                   Des souris et des hommes

            Ce beau volume nous conte l'histoire d'un petit homme, George, et de Lennie Small, grand, gros homme resté simplet, souriant et attendrissant sauf... Célèbre histoire racontée par John Steinbeck, publiée en 1937 ( 1939 en France ), maintes fois traduite et mise en scène dans le monde. Notre regard s'adapte assez rapidement aux dessins étranges, parfois même un peu excessifs de la dessinatrice, mais coloriste jusque dans le choix des couleurs des pages différentes suivant le cours de l'histoire on entre et on reste attaché à l'univers de ce couple d'hommes bientôt entouré des quelques travailleurs du ranch sis à Soledad en Californie, ranch où pour 50 dollars par mois ils ont aussi gîte, une chambrée pour plusieurs, et couverts à conditions d'arriver assez rapidement à la distribution des repas. Tout cela sous la coupe rude du père de Curley, homme dur et méfiant avant d'engager George et Linnie. Pourquoi ont-ils donc quitté le précédent ranch. 1930, la grande dépression, les hommes poursuivent leur quête de travail et venant du nord descendent vers le sud, Certains rêvent d'un lopin de terre et d'une vie de rentiers. C'est le cas de George qui raconte tout haut ce qui le fait poursuivre ce chemin. Et Linnie croit, sourit à l'idée d'une ferme avec de la luzerne pour nourrir les lapins si doux à caresser. Car Linnie aime caresser la fourrure si douce des animaux, chiens, lapins, souris, ces dernières blotties contre lui. Mais Linnie est simple et ne connait pas sa force, force et tendresse et il étrangle les souris, et Linnie demande pardon encore et encore à George bien incapable d'abandonner ce fardeau que lui a fait un jour la tante de Linnie. Et les deux hommes prennent leur place auprès de Slim, Carlson, Crooks. Ils jouent au fer à cheval, pas Linnie réfugié près de nouvelles peluches, des chiots, auprès des chevaux qui hennissent et agitent leur licou, dans le hangar, alors que Curley courant ici et là, soupçonneux apercevant un homme un peu costaud, interroge : " Vous avez vu ma femme ? " Car Curley petit mais ancien champion de boxe a épousé une pécore qui voulait faire du cinéma et, à défaut, a épousé le fils du propriétaire du ranch. Ainsi tous les personnages s'installent dans une vie quasi commune. Et je laisse découvrir le décor, pas de longues descriptions, les sentiments et la vie d'un ranch où un couple étrange, un petit homme et un grand innocent aux grosses, grandes mains risquent leur vie et leur rêvedans l'incertitude d'un drame latent. Livre, épais, lourd, au moins deux kilos, plus de 400 pages, prix peut-être un peu élevé, mais la qualité du texte à l'édition en fait un beau cadeau pour soi ou pour les autres. Un classique de la littérature américaine, roman graphique aujourd'hui.
MB 





 Crooks



lundi 29 novembre 2021

Anecdotes et Réflexions d'hier pour aujourd'hui 151 Samuel Pepys ( Journal Angleterre )

       

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                                                                                                                         15 Octobre 1665                                                                                                         Jour du Seigneur
            Levé et, en attendant le barbier, m'essayai à composer un duo contrapuntique qui, je crois, sera d'un bel effet, car il a été composé selon la règle de Mr Birchensha, puis, sur rendez-vous, arriva le carrosse de Mr Povey qui était, et c'est plus que je n'espérais, venu lui-même me chercher pour me conduire à Brentford. On parla aussitôt, après avoir lampé du xérès chaud, et on fit route le plus noblement du monde dans sa voiture fort élégante et bien pourvue de divers équipements nouveaux qui, il y a deux jours n'y étaient point encore installés.
            Parlâmes de notre affaire de Tanger, du manque d'argent, du laisser-aller des affaires publiques dont personne ne se soucie alors que chacun pense à soi et à ses propres désirs. On arriva bientôt chez lui, je mangeai un peu puis, avec un nouvel attelage, ces magnifiques chevaux, assurément les plus beaux d'Angleterre, le roi lui-même n'en possède pas d'aussi beaux, il me conduisit chez sir Robert Vyner que je rencontrai revenant de l'église. Après avoir passé près d'une demi-heure à admirer l'attelage, entouré d'un groupe de gentilshommes, allâmes lui et moi parler d'argent dans son jardin, mais il fut impossible d'en obtenir, car il m'avoua être dans l'embarras, et je veux bien le croire. Fort de cette réponse et voyant que je n'en obtiendrai point de meilleure, l'entretins des affaires du pays, et on en vint à se demander avec quel argent la flotte et les matelots allaient être payés.
            A mon avis la chose n'est point concevable, étant donné l'état du pays. Le commerce ne fait rentrer aucun argent, et ceux de la Cité qui en ont refusent de s'en démunir. Il semblerait que le Parlement ait octroyé par vote 1 250 000 £ au roi au moyen d'un impôt mensuel  de 50 000 £ pour la guerre, et qu'il a également voté son soutien au roi dans sa lutte contre les Hollandais et leurs alliés, et qu'en outre on lui sait gré de l'aide qu'il a apportée au duc d'York qui vote témoignage de la grande popularité du Duc.
            Il m'apprit que les impôts correspondant à la dernière imposition n'avaient point encore été mis en recouvrement, alors qu'ils auraient dû être en grande partie perçus, ce qui est souvent le cas même dans la Cité de Londres, que l'apport du fourrage est quantité négligeable, qu'enfin tout va à vau-l'eau.
           Sur quoi je pris congé, l'esprit guère apaisé, n'ayant point trouvé l'argent mais au moins satisfait de m'être acquitté de mon devoir envers le roi.
            Revînmes par une fort belle soirée, souper chez Mr Povey. Ensuite on causa, on chanta, avec la femme de son valet Dutton qui chante à ravir, une fort grosse dame. Je transcrivis l'une de ses chansons et en notai la mélodie fort jolie. Jamais je n'ai entendue quiconque prendre autant de plaisir à chanter que cette dame qui s'en donnait à coeur joie, et ce fut fort plaisant.


                                                                                                                      16 octobre

            Levé vers 7 heures. Après avoir bu et constaté à quel point Mr Povey faisait pénitence s'agissant du boire, du manger, de ses équipages, outre ses chevaux dont il veut vendre les meilleurs, comme de tout le reste, y compris son mobilier, il m'accompagna à pied à Syon où je pris une barque après qu'il m'eût entretenu, chemin faisant, des manières dissolues de la Cour qui ne songe à rien d'autre qu'à la bagatelle. Comme je fis la réflexcion que la chose finirait par achever le roi d'ici peu s'il n'y mettait fin, il me répondit :
            " - Non, car le roi se contente de passer la plupart de son temps à caresser et baiser leurs corps nus allongés sur son lit, sans faire l'autre chose, à moins de s'y sentir enclin. Mais jamais il ne perdra ce goût de la luxure. "
   *         Le laissant là pris une barque pour descendre à la Tour où on me dit que se trouve le duc d'Albemarle. M'arrêtai à Lombard Street sans pouvoir y trouver d'argent. A la Bourse, Dieu sait si elle est vide ! et on n'y voit plus guère que de petites gens. On raconte avec certitude que les Hollandais et leur flotte sont en vue de Margate, et que certains de leurs matelots ont essayé de venir à terre après le départ de la sentinelle, sans doute pour voler des moutons. Et Seigneur ! avec quelle emportement Colvill s'en prend aux affaires du Trésor public, et je ne doute pas qu'il ait raison, disant que nul ne s'en soucie et que d'ici peu ce sera la ruine assurée du roi et du royaume. Il invective aussi contre milord à qui il reproche l'affaire des prises, sans savoir, je crois, quelle relation j'ai avec lui.
            A la Bourse fis tout mon possible pour rassurer les gens au sujet des lettres de change de Tanger, mais ils durent se contenter de bonnes paroles car, pour ce qui est de l'argent je n'en ai point, ni ne peux en obtenir. Dieu seul sait ce qu'il adviendra d'ici peu des affaires du roi qui, de jour en jour, sombre davantage dans les dettes, sans se soucier du moyen de les payer.
            De là, à pied, à la Tour. Seigneur ! comme les rues sont désertes et lugubres, que de pauvres gens errent par les rues, couverts de plaies, et que de tristes histoires j'entends raconter en chemin, chacun parlant d'un tel qui est mort, d'un tel qui est malade, de tant de morts ici, de tant d'autres ailleurs. Et j'apprends qu'il ne reste plus aucun médecin, qu'il y a un seul apothicaire à Westminster, tous les autres étant morts et qu'on a bon espoir d'une forte régression de la peste cette semaine, ce que Dieu veuille !
            A la Tour trouvai milord le duc d'Albemarle et la duchesse en train de dîner, si bien que je me joignis à eux. Bonne chère avec le lieutenant et sa dame ainsi que d'autres officiers de la suite du duc. Mais, Seigneur ! la conversation était d'une sottise à vous en faire perdre la raison, le duc n'étant entouré que de sots ou presque. On parla beaucoup du débarquement des Hollandais que, dit-on, certains auraient vus, et du vol du mouton. Et on accusa ceux qui ont la charge de la flotte, mais Seigneur vienne en aide au duc ! Ni lui, ni personne au monde ne pourra prendre la mer tant que les subsistances viendront à manquer, car nous n'aurons pas de quoi faire notre devoir. Et comme il eût été préférable de suivre le conseil du duc, à savoir de faire repartir immédiatement la flotte ! Dien vienne en aide au roi quand on entend de pareils conseils et quand ceux qu'on donne ne sont pas mieux suivis ! Après le dîner, ayant reçu de nombreuses consignes du duc, me rendis à notre bureau de Tower Hill où j'ai réglé quelques affaires, puis revins chez Colvill et pris donc une barque à la Tour. Rencontrai le capitaine Cocke si bien que nous descendîmes à Greenwich. Je venais de recevoir des lettres de milord Sandwich. Il me donnait les plus vifs encouragements au sujet des prises de guerre, disant qu'il ne voulait pas nous voir craindre qui que ce fût, mais que nous devions avoir tout à fait bonne conscience à propos de ce que nous avions pris et de ce que nous avions fait, sans avoir à admettre la moindre faute, ni à éprouver la moindre crainte, car le roi a donné son autorisation et l'a confirmée et, ajoute-t-il, a envoyé des ordres afin qu'il ne soit contrevenu à rien de ce que milord a décidé en ce qui concerne la répartition de ces marchandises parmi les officiers de la flotte, voilà qui nous rassure.
            Mais milord me dit aussi que cette affaire nous aura beaucoup appris. Mon plus grand plaisir fut pourtant d'apprendre par le capitaine Cocke qu'il avait compris que Fisher avait été lancé à dessein dans cette entreprise par des hommes du duc d'Albemarle, Warcupp et d'autres, qui lui avaient avancé de l'argent afin de le convaincre d'aller de l'avant, et Warcupp a dépensé une somme considérable à cet effet, mais qu'à présent Fisher se fait maudire et traiter de fourbe pour avoir accepté 100 £, alors qu'il aurait pu tout aussi facilement en gagner 1 500, qu'il s'en est suivi une violente querelle et que l'affaire ne saurait tarder à s'ébruiter.
            Mais, ce qui me tracassa derechef, aussitôt après que je fus arrivé à mon bureau de Greenwich, fut d'apprendre que nous n'étions pas au bout de nos ennuis, car la maison du capitaine Cockje était assiegée de part et d'autre par des gardes. En outre, je crains qu'ils ne viennent ici, à mon bureau, chercher les marchandises de Cocke et trouver diverses choses appartenant à mes commis. Je les aidai ainsi à supprimer toute trace de leur petit commerce. Mais j'appris bientôt qu'il ne s'agissait que des agents de l'hôtel des Douanes venus saisir ce qui se trouvait chez Mr Granville, pour quoi ils n'avaient pas encore vu de l'laissez-passer et dont je n'avais pas encore entendu parler. Mes craintes se sont alors envolées, car on leur fit préparer un laissez-passer
            Aujourd'hui Cocke est parvenu à faire livrer à Londres la majeure partie de ses marchandises, à la taverne de Steelyard, fermée pour cause de peste, mais j'y suis allé et cette affaire est à présent réglée.
            On ne parle plus que des discours du chancelier et du roi lors de la session parlementaire, dont on dit le plus grand bien et qui, à n'en pas douter, nous vaudront bientôt une brouille avec la France et avec les Hollandais. Voilà qui nous occupera. Rentrai tard à mon bureau afin de rédiger les huit derniers jours de mon journal, que je n'ai pu écrire au jour le jour à cause de mon surcroît de travail. Ce que je fis dans le plus grand souci de vérité et de détails, espérant revenir à mes ancienndes habitudes de rédaction quotidienne.
            Regagnai mes appartements où j'eus pour souper un bon poulet puis, au lit, par le plus grand des froids, Dieu merci !


                                                                                                                         17 octobre

            Levé et fort occupé toute la matinée à mon bureau. Passai seulement chez moi à midi pour dîner d'une volaille. Le soir, ma femme et Mercer vinrent chez moi, ce qui me contrarie un peu, car demain je serai fort occupé toute la journée à faire mes comptes sans discontinuer. Rentrai tard du bureau retrouver ma femme, souper et, au lit.

                                                                                                                      18 octobre

            Levé et, après avoir plaisamment devisé avec ma femme, bien que l'esprit fort préoccupé, je sortis et la laissai regagner Woolwich tandis que je me rendis au bureau et, par le fleuve, chez le duc d'Albemarle, ma femme étant repartie. A mon cabinet, dans mes appartements, où je me mis à mes comptes de Tanger, non sans rencontrer de graves difficultés, mes calculs récents ne correspondant pas à mes anciens calculs, car j'ai eu l'occasion de mélanger mon propre argent, comme cela s'est produit avec mes finances de Tanger en d'autres occasions, avec d'autres rentrées d'argent. Quoiqu'il en soit, travaillai fort tard et m'en acquittai presque. Petite collation puis, au lit, l'esprit débarrassé de tant de chiffres et d'additions.


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        Levé et me remis à mes comptes que je parvins enfin à apurer. A midi dîner chez moi avec comme convives Mr Hayter et Will Hewer. Je suis parvenu hier à un accord avec ma logeuse, fixant à 6£ par mois pour un nombre convenu de pièces dont j'aurai l'usage ainsi que ma femme, des commis ainsi que la servante quand elle viendrait, étant convenu par ailleurs que je paierai moi-même mes repas. Après dîner je leur donnai la rédaction des comptes et du courrier devant, quant à moi, me rendre chez le duc d'Albemarle dans la soirée. Je lui suggérai entre autres de prendre Balty, le frère de ma femme, dans sa garde, à quoi il me répondit aimablement qu'il le ferait. Mon affaire de ravitaillement va à ma guise et je n'ai plus à présent à l'esprit que la manière d'en tirer quelque profit pour moi-même ou quelqu'un d'autre. Ecrivis à cette fin à Mr Coventry où je me proposai d'occuper les fonctions de surintendant des subsistances, poste auquel j'ai quelque raison d'espérer qu'il me recommandera. Mais je n'y compte point trop, encore que cela m'aiderait considérablement.
             Derechef à mon bureau sans parvenir à achever la rédaction de ces lettres et papiers avant une heure du matin passée, ce qui me contraria. Les expédiai sans grand espoir qu'elles partent avec la prochaine poste, puis rentrai chez moi et, au lit.


                                                                                                                       20 octobre 1665

            Levé. On vient de me rapporter mes lettres d'hier soir, ce qui m'ennuie fort au cas où on demanderait à voir mes comptes avant qu'ils ne soient parvenus. L'idée m'est insupportable, car je suis bien plus pressé de les leur envoyer qu'eux de me les réclamer. Je les envoyai donc par messagerie express à Oxford, et adressai un double de ma lettre à Mr Coventry concernant les subsistances à Portsmouth, craignant qu'il ne s'y soit rendu, comme il en avait l'intention. 
            Fus ainsi occupé toute la matinée. A midi dîner chez Cocke, seuls lui et moi, fâchés de n'être point encore débarrassés de nos soucis au sujet de ces marchandises. Mais tout sera bientôt terminé.
           Après midi revins à mes appartements où je passai tout l'après-dîner ainsi que la soirée avec Mr Hayter, à parler de nos affaires du bureau. Entre autre il m'apprend que Thomas Wilson lui a laissé entendre de temps à autre que j'entreprends trop de choses à la fois, plus que je n'en puis faire, au point d'en négliger certaines, ce qui est vrai, je le confesse, à mon vif regret. Mais la cause en est que je dois prendre en charge un grand nombre d'affaires, au-delà de ce qui incombe à ma fonction. Sur quoi je finis par lui conseiller de prendre un autre commis s'il jugeait la chose utile, que je veillerais à faire rémunérer. Je m'entretins avec des personnes qui conviendraient pour traiter des affaires de subsistances et dont je puis prélever une partie du salaire, mais je ne vois guère de manière simple de résoudre ce problème, car il faudrait que Thomas Wilson refusât le meilleur poste à Londres, et qui rapporte 200 £ l'an, que j'avais l'intention d'attribuer à Tooker, et que je fusse en mesure de prélever sur cette somme 50£ l'an pour aider Mr Hayter. Quoi qu'il en soit, je m'efforcerai de leur proposer un arrangement de ce genre.
            Ayant achevé de m'entretenir avec lui à une heure tardive, entrepris de recopier au propre mes comptes de Tanger, puis souper et, au lit.


                                                                                                                                21 octobre

            Levé et à mon bureau fort affairé toute la matinée puis, accompagné de mes deux commis, rentrai dîner chez moi, puis derechef au bureau, fort occupé très tard, rentrai souper et, au lit.


                                                                                                                                    22 octobre
                                                                                                                    Jour du Seigneur
            Levé puis, une fois prêt, me rendis chez le capitaine Cocke où j'apprends qu'une autre partie de nos marchandises a été mise en sûreté. Puis à l'église. Après avoir trouvé, chemin faisant, diverses lettres qui m'ont fait prendre la résolution d'aller, après l'office, à Lambeth avec la voiture de Cocke. Mais je mis tant de temps à m'y rendre, à passer le fleuve et à traverser Whitehall, que le duc avait presque fini de dîner. On me fit cependant apporter de nouvelles victuailles. Et on parla beaucoup et fort plaisamment. On reparla des prises, milord disant haut et clair que milord Sandwich et Penn devraient faire ce qu'ils voudraient et en assumer la responsabilité, mais que pour sa part il dirait tout au roi. Il ajoute que l'ambassadeur de Hollande à Oxford a été emprisonné, mais depuis j'ai appris que c'était inexat. Revins peu avant le soir chez moi, d'où Cocke n'y étant point, je me rendis avec Mr Salomon chez Glanville où on trouva Cocke, et restâmes souper, fort plaisamment, avec comme seule autre convive, Mrs Penington, dame fort jolie et pleine d'esprit. Nous restâmes tard le soir, fort gais, puis chez moi et, au lit.


                                                                                                                          23 octobre

            Levé, fis quelque travail, puis par le fleuve rendis visite à ma femme avec qui je me divertis fort une dizaine de minutes. A Erith où milord Brouncker et moi avons tenu réunion et travaillé, comme convenu, à bord du Bezan, entre autres au sujet des marchands de hardes qui, depuis si longtemps, nous ont fait crédit ce qui, selon toute attente, ne saurait durer, et je crains fort que cette raison mineure n'ait raison de notre flotte cet hiver. Puis on se rendit à bord du bateau de la Compagnie des Indes orientales où Sa Seigneurie avait fait préparer un magnifique dîner auquel se joignirent bientôt sir John Mennes précédé de sir William Warren puis un fabricant de téléscopes à qui nous achetâmes chacun une longue-vue de poche.
            Je fus agacé par la jactance et le ton rogue de Mrs Williams et son impudence, à supposer qu'elle ne fût pas l'épouse de milord. Ils se préparent à confier la totalité des marchandises à la Compagnie des Indes orientales, qui les aura donc en sa possession. En échange elle avancera les deux-tiers de leur valeur estimée, et les vendra du mieux qu'elle pourra, le roi lui versant 6% pour la jouissance de l'argent ainsi avancé. Ainsi la Compagnie ne pâtira pas de la baisse du prix des marchandises qui résultera de la vente de celles du roi.
            Le soir revins avec sir William Warren et le capitaine Taylor à bord de mon bateau. Ce dernier m'accompagna au bureau où nous fîmes nos comptes, et je crois que les services que je lui ai dernièrement rendus me vaudront 100 livres, ce qui est une excellente chose. Puis chez moi, trouvai, à ma grande satisfaction, milord Rutherford. Soupâmes et restâmes tard à bavarder. Il se conduisit le plus coquinement du monde avec la belle-fille de ma logeuse, qui était joliment vaniteuse et grosse d'enfant. Il voulut entreprendre de lui caresser les seins, mais elle lui opposa un chaste refus.
            Elles parties, milord et moi nous mîmes au travail. Il me demanda d'ajourner le paiement dû à l'échevin Backwell, ce que je ferai, espérant que cela me vaudra quelque bénéfice, encore que je ne crois pas que milord ira au-delà des bontés qu'il a déjà eues pour moi, ni que j'obtiendrai plus que dernièrement en lui offrant de toucher des intérêts sur ses 7 700 £. Ce qui fut fait, et à son plus grand avantage. Notre entrevue terminée il alla dormir dans ma chambre, et moi dans une autre.


                                                                                                                           24 octobre
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            Restai couché tard, enrhumé. Puis allé dire au revoir à milord en partance pour Oxford. A mon bureau, arriva sir William Batten rentré depuis peu d'Oxford. Je ne puis rien apparendre de lui concernant milord Sandwich ni l'affaire des prises, car il est des plus réservés. Mais il me fit voir un projet de loi lu à la Chambre, disant que le fait de s'emparer des marchandises d'un navire constituera désormais un acte de félonie. C'est une loi bien sotte et qui n'aura guère de poids, élaborée tout exprès pour le cas de milord. Il me fit aussi lire une belle lettre imprimée adressée par l'évêque de Munster aux Etats de Hollande, contre qui étaient formulés ces griefs.
            Après avoir travaillé on se sépara et me rendis à un dîner chez Cocke où était aussi convié Mr Evelyn. Fort plaisant malgré notre chagrin de voir l'état des affaires publiques et le peu d'attention portée aux prisonniers, aux malades et aux blessés de guerre.
            Puis à mon bureau où, à peine arrivé, j'apprends à ma grande surprise que milord Sandwich est de retour en ville, allai donc chez Boreman le retrouver. Il se montra plein d'amabilité, mais nous n'eûmes pas l'occasion de l'entretien qu'il me dit vouloir avoir avec moi dans le privé. Il éprouva brusquement le besoin de se rendre auprès de la flotte afin de faire sortir en mer quelques navire pour effrayer les Hollandais. Le laissai à son entrevue avec sir William Batten et d'autres, et à mon bureau jusqu'à vers 10 heures du soir puis, mon courrier terminé, revins le trouver chez le capitaine Cocke, chez qui il soupait et dormait. Jamais je ne le vis aussi gai. Il y avait aussi Charles Harbord que le roi vient de faire chevalier. A ma grande satisfaction, milord déclara devant eux, que jamais texte n'avait été lu devant le roi, le Conseil et en présence de tous les ministres d'Etat, avec autant de succès que ma lettre sur les subsistances, dont chacun des termes ne reçut que pleine approbation, et ordre fut donné que mes recommandations fussent suivies et dûment mises en application. Force réjouissance puis milord, qui avait voyagé toute la nuit, alla se coucher. On prit congé et je rentrai.


                                                                                                           25 octobre 1665

            Levé et chez milord Sandwich en compagnie de plusieurs officiers auprès de qui je m'informai de l'état de nos navires. Je m'aperçois que quatre tout au plus sont en état de reprendre la mer, en vérité. Le manque subsistances est notre grande faiblesse, cette année, que ce soit en mer ou maintenant dans l'estuaire de la Tamise et à Portsmouth où toute la flotte est au mouillage. Puis milord descendit et nous eûmes une heure durant un entretien en privé. Il me dit que Mr Coventry et lui sont devenus ennemis jurés et irréconciliables. L'unique cause de cette brouille étant, me dit-il, l'outrage qu'il lui fît lors de la première bataille et dont il ne s'excusa point. Voilà, me semble-t-il de bien mauvaises raisons, car je jurerais sur ma conscience que tel n'était pas le dessein de Coventry. Quoi qu'il en soit, lorsque j'ai demandé à milord, s'il ne valait pas mieux, quitte à témoigner des marques de condescendante, se raccommoder avec lui, il me dit que la chose était impossible, si bien que je renonçai.
            Il me dit, en grande confidence, que la Cour est déchirée entre diverses factions, entre le parti du roi et celui du duc d'York, et que le roi, ce qui est une situation difficile, soutient milord contre le parti du Duc, que milord le chancelier étant, à n'en pas douter, le protecteur du Duc, la raison pour laquelle il considère Mr Coventry comme l'un de ses ennemis est fort mystérieuse. Que s'il désirait renoncer à ce rôle, ce qu'à son avis souhaite Mr Coventry, et d'ailleurs lui et moi sommes enclins à le souhaiter aussi. Pourtant, à son avis, il n'y parviendra pas car le roi persiste à vouloir le maintenir exprès dans le camp opposé. Que le prince Rupert et lui sont les meilleurs amis du monde, que milord a exagéré outre mesure l'affaire des prises, alors que lui-même ne s'est jamais autant livré au pillage que quand il accompagnait le Duc en mer, que du temps de sir John Lawson, il capturait, pillait, coulait un navire entier en Méditerranée, sans que Coventry trouvât rien à redire. Que milord Arlington lui voue une solide amitié et que le chancelier lui bat froid et bien que je lui eusse dit que chacun, moi inclus, pensant que milord le chancelier avait dit de lui tout le bien possible dans son dernier discours, il persiste à croire le contraire............ ajoutant à son avis, et au mien, que la nation sera d'ici peu la proie de la confusion.
            Il me fit part du récent dessein du duc d'York de lever dans le nord du pays une armée dont il aurait été le général, sans en aviser le duc d'Albemarle et sans son conseil, qui l'apprenant fut si fâché que le projet dut être abandonné afin de le rasséréner. Il ajouta que son alliance avec la famille de sir George Carteret accroît davantage encore le différend qui l'oppose à Coventry, car ils sont ennemis, que le chancelier, comme tout le monde, avait parlé de moi en termes élogieux, mais que, néanmoins lors de la séance de la commission de Tanger il s'était mis en colère apprenant que j'avais suggéré qu'on accepte d'enregistrer le non-paiement d'une lettre de change. A cela milord me pria de prendre garde car il devait me sembler clair que je n'avais aucunement besoin d'ennemis, pas plus que quiconque. En bref il me parla en toute sincérité et en toute affection, avec la plus grande confiance en mes paroles et mes actes.
            Notre entretien terminé on se mit à table, fort réjouis, entre autres, par ce projet de loi soumis à la Chambre par lequel le fait de s'emparer des marchandises d'un navire passe pour félonie, projet qui, comme le dit fort bien milord, aura pour conséquence qu'il n'y aura plus aucun prise de guerre ou que, si prise il y a, elle sera coulée aussitôt navire pillé. On se gaussa aussi de cette loi, à présent votée, permettant de prélever 1 250 000 £, et sur la manière dont on fera rentrer l'argent, loi entachée des pires imperfections.   
            Après dîner milord descendit en ketch à Erith, où le Bezon était amarré, car il fait grand vent ces deux derniers jours et, à présent, un vent de terre souffle nuit et jour vers le sud, si bien que les Hollandais  ont certaibement été repoussés de le côte.
            Milord parti me rendis à mon bureau, trouvai le capitaine Ferrer. Il m'apprend que sa femme est venue le voir en ville et qu'elle ne l'a pas vu depuis quinze semaines, soit depuis son dernier départ en mer. Elle est en ce moment dans une taverne où elle passe toute la nuit, si bien que je me sentis obligé de laisser à Ferrer ma chambre et mon logis pour la nuit, ce qu'il finit par accepter, après force protestaions et non sans insistance de ma part. Fis donc conduire sa femme dans la voiture de Mr Evelyn, sur quoi, au retour de la voiture, me rendis avec Mr Evelyn à Deptford où nous travaillâmes quelque temps puis, dans sa voiture, revins chez moi où je passai deux heures à bavarder avec Mrs Ferrer et ma jeune amie Mrs Frances Tooker, ce qui fut fort plaisant. Le capitaine arriva bientôt, on soupa fort gaiement, puis je les conduisis à leur chambre et allai moi-même me coucher, après avoir raccompagner ma jeune et jolie amie chez elle, à la maison voisine.


                                                                                                                                       
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            Levé puis, laissant mes invités à leur toilette, me rendis au bureau, où vinrent me voir sir Jeremy Smith et sir Christopher Myngs de retour de Portsmouth où ils sont allés rendre visite à la flotte. Restai un bon moment à bavarder avec eux, puis on se quitta et nous descendîmes, sir Christopher Myngs et moi par le fleuve à la Tour. L'homme m'a paru d'une grande finesse d'esprit et fort beau parleur et n'a point fait mystère de ses ascendants, il est fils de cordonnier et se rend à présent chez son père. Quant à moi, à la Bourse. J'apprends que les Français ont capturé deux de nos navires marchands et coulé un autre en Méditerranée, et qu'ils ont conduit ces navires à Toulon si bien, qu'à n'en pas douter nous devrons les attaquer.
            Il y avait assez grande presse à la Bourse et la ville commence à revivre, encore que les rues sont désertes et les boutiques fermées pour la plupart. Repartis, pris une barque et me rendis chez sir Christopher Myngs, à Sainte Catherine, où il était entouré de petites gens de ses amis dont, me dit-il, il tire grande fierté. On descendit à Greenwich, par grand vent, voile dehors jusqu'à ce que je la fisse amener. Comme il était 3 heures je l'invitai chez moi et lui fis servir un bon dîner, puis on se quitta.
   
        En ce qui concerne les affaires de la Marine, il est désormais l'un de mes prochez associés et sait que je suis le serviteur de milord Sandwich. Lui parti me rendis au bureau jusqu'au soir où mes gens me vinrent dire que ma femme était arrivée en ville, si bien que j'allai la retrouver, mécontent de sa visite, mais elle n'avait qu'un objet anodin, si bien que je m'en réjouis et la priai de rester, le capitaine Ferrer et sa dame étaient encore là. Je les abandonnai donc à leurs danses et me rendis au bureau jusqu'à 9 heures du soir passées. Revins trouver mes invités que je vis danser de belle manière, le capitaine Ferrer et d'autres......... On soupa puis on se remit à danser, avec Golding comme violoneux, qui joue très bien et connaît tous les airs, jusqu'à plus de minuit, puis on se quitta et tout le monde au lit. On trouva où loger tous nos invités. Mrs Tooker était rentrée chez elle.


                                                                                                                               27 octobre

            Levé puis, après avoir plaisamment conversé avec ma femme, je sortis et la laissai en compagnie de Mrs Ferrer. Me rendis chez le capitaine Cocke pour affaires, puis nous prîmes sa voiture et on vit en passant, dans Kent Street, quartier pauvre, miséreux, pitoyable, des gens assis par terre, couverts de pansements toutes les quatre ou cinq maisons. 
            A la Bourse puis de là me rendis par le fleuve chez le duc d'Albemarle où il y avait grand monde. Mais je restai dîner et il fit grand cas de moi. Il m'apprit que les Hollandais étaient repartis après avoir perdu près de 160 filins et ancres lors de la dernière tempête. Sur quoi il m'offrit, de la part de Mr Coventry, comme je le lui avais demandé, d'être nommé surintendant des subsistances, ce que j'acceptai. Mais j'avoue que les termes dont usa Mr Coventry pour me recommander à ce poste sont des plus élogieux, au bas mot, car il dit que je suis l'homme le plus compétent qui soit et qu'il ne doute pas que, si j'accepte cette tâche, elle sera menée à bien et, qu'en outre, il est fort à souhaiter que je sois ainsi aiguillonné, car l'encouragement que j'ai au bureau de la Marine n'est nullement en proportion avec mon mérite ou mes capacités.
            Voilà qui, venant s'ajouter à la lettre que j'ai reçue de Mr Southern il y a trois jours, où il me laisse entendre que le duc d'York avait, en l'absence de son maître, ouvert ma lettre et l'avait chargé de me dire qu'il approuvait sans réserve ma nomination, me transporta de joie au-delà de ce que je puis exprimer. Je me réjouis de ce que, au vu de mes peines, Dieu me bénisse et m'ait confié à des maîtres capables de remarquer le mal que je me donne.
            Lorsque tout fut dit, revins par le fleuve à Londres où m'attendait derechef la voiture du capitaine Cocke et me rendis à Greenwich d'où je fis ensuite reconduire ma femme à Woolwich. Puis à mon bureau d'où je rentrai tard le soir avec le capitaine Taylor. Avons mis alors nos comptes et je constate que les services que je lui ai rendus ces six derniers mois me valent 120 £ de sa part. Ce qui nous occupa jusqu'à près d'une heure du matin, puis il repartit après souper et j'allai au lit fort satisfait de tout ceci, ainsi que de la décision que j'ai prise ce soir conjointement avec Mr Hayter, de proposer que Thomas Wilson soit nommé aux subsistances du port de Londres, car il y sera des plus compétents, et quant à moi je serai à l'abri de ses protestations. Au lit.


                                                                                                                           28 octobre

            Levé, envoyai quérir Thomas Wilson que je mis au fait de l'affaire des subsistances, ce dont il est fort content, et moi de même de l'avoir choisi pour ce poste. Puis chez Mr Boreman où loge sir William Batten, afin de lui faire part de l'offre que j'avais faite à Thomas Wilson et de la nouvelle que j'ai apprise ce matin de sir William Clarke, à savoir que, malgré tous les efforts du duc d'Albemarle pour remettre les marchandises venant des prises et provenant des Indes entre les mains de la Compagnie des Indes orientales, et en dépit du fait que milord Brouncker et sir John Mennes firent décharger une grande partie des marchandises, ordre nous parvint de la Cour de tout arrêter et de confier ces marchandises aux soins de la sous-commission des prises. Voilà qui me réjouit, car la chose ne manquera pas d'irriter ce triple niais, ce qui sera pour nous une petite compasation pour la disgrâce encourue par milord Sandwich. Il me dit que le Parlement a accordé 120 000 £  au duc d'York  qui lui seront payées une fois que seront collectées des 1 250 000 £  de l'impôt qui sera levé pour le roi. Il ajoute que les Hollandais ont récemment entrepris de construire 16 nouveaux bateaux, nouvelles ô combien importantes.
            Puis à cheval avec Mr Deane à Erith d'où on alla voir milord Brouncker à son bord. Dînâmes gaiement, eux deux discutant de façon intéressante de la construction des navires. Après ce dîner et quelque agréable conversation nous repartîmes et derechef à Greenwich. Là à mon bureau, fort tard, occupé à nommer mes hommes aux ports de ravitaillement, à ma grande satisfaction, et aussi maintes autres besognes, à mon grand contentement, puis, las, regagnai mes appartements où, après avoir mangé et bu sobrement, au lit.
            On raconte que le Roi et la Cour viennent de prendre enfin la résolution de n'acheter aucun vêtement qui ne soit produit par l'Angleterre, ce qui, si la décision est respectée, fera grand plaisir au peuple et lui sera fort profitable.


                                                                                                                         29 octobre
                                                                                                       Jour du Seigneur
            Levé et une fois prêt, pris la voiture du capitaine Cocke, avec lui pour Erith, Mr Deane chevauchant à nos côtés. Dînâmes fort gaiement, après quoi on se mit à parler des Hollandais, Cocke s'évertuant à nous prouver qu'ils étaient capables de nous faire la guerre pendant trois ans d'affilée, ce qui est peut-être vrai, mais milord et moi pas satisfaits de ses arguments, nous les réfutâmes avec vigueur, ce qui eut pour conséquence de nous échauffer tous. Cocke est plein de suffisance, mais dénué de toute logique, ce qui nous amusa. On prit congé puis on s'en retourna sans qu'un mot ou presque fût prononcé de tout le voyage, tant il était fâché de voir que nous n'étions pas gagnés à ses arguments. Il me déposa à l'autre bout de Woolwich et je dus traverser la ville à pied dans l'obscurité, la nuit étant tombée. Dépassai et manquai de bousculer dans la rue deux femmes en pleurs qui, à elles deux portaient un homme dans un cercueil, sans doute le mari de l'une d'elles, ce qui est bien triste.
           Arrivé chez Sheldon, je trouvai mes gens dans le noir, au milieu de la salle à manger, occupés à s'ébaudir et à rire, et je crois en train de folâtrer, ce qui, Dieu me pardonne, excita aussitôt mon envie. Je vins dans le noir et, l'une d'entre elles m'ayant frôlé, je m'aperçus après qu'il s'agissait de Sue, lui fis pousser un cri, puis me retirai à l'étage, tandis qu'elles s'enfuirent après avoir allumé une bougie. Je ressortis fort contrarié, jusqu'à ce qu'on me dise que ma femme était sortie aujourd'hui avec Mr Hill et Mercer afin de me rendre visite à Greenwich où ils étaient restés souper. Soudain la bougie tomba du chandelier, ce que je vis en sortant dans la cour, mais Mrs Barbara étant là, je fus aussitôt rassuré, et hésitai alors entre rester ou me rendre à Greenwich. J'irais, ma décision était prise. Aussi, avec une lanterne et accompagné de trois ou quatre personnes, dont Mr Browne, on se mit en route, moi tenant la lanterne, nous parlâmes tous deux de peinture et des différents styles.
            Arrivai bientôt à Greenwich, rencontrai Mr Hill ainsi que ma femme, eus grand plaisir à la voir. On soupa, on parla musique puis, au lit. Partageai le même lit que lui, si bien qu'on parla jusqu'à plus de minuit des règles de composition de Birchensha dont je lui appris, à sa grande joie, l'existence, puis on s'endormit.


                                                                                                                                 30 octobre 1665

            Levé et à mon bureau, travailler. A midi dîner, parler musique avec Hill, puis revins à mon bureau quelque temps tandis qu'il allait prier Mr Coleman de venir, s'il était libre, ce soir. Revins bientôt chez moi où je trouvai Hill revenu avec Mr Coleman, sans sa femme malade, et Mr Lanier. Ils jouèrent de leur luth et, en leur compagnie nous nous divertîmes fort et chantâmes plaisamment jusqu'à minuit, après que je leur eus servi un bon dîner. Mais la voix de Coleman a perdu son timbre, et quand il commence à être saoul il est de la meilleure compagnie qui soit, puis une fois sobre devient vite pénible et impertinent. Lanier chante fort bien, d'un phrasé mélancolique et il m'a paru homme de grande réserve. Eux partis, au lit.
            Le capitaine Ferrer revenu aujourd'hui de chez milord dut dormir ici. Je lui fis partager la chambre de Mr Hill.


                                                                                                                              31 octobre

            Levé et au bureau, après que le capitaine Ferrer fut reparti tôt chez milord. Au bureau rencontrai sir William Batten qui me dit que le nègre du capitaine Cocke est mort de la peste. Je le savais déjà mais n'y avais guère prêté attention. Le capitaine Cocke arrivant bientôt au bureau, sir William et moi lui firent dire qu'il devait s'abstenir de venir, et même s'abstenir de se rendre à son propre bureau. Certes, j'ai rencontré hier les enquêteurs revenant de chez lui baguette à la main et les entendis dire qu'il n'était point mort de la peste. Mais je sais qu'il était malade depuis longtemps et, à ce qu'on me dit, Jack son valet est malade aussi.                                                                               laquintejuste.com     
            A midi chez moi, dîner et derechef au bureau, laissant le soin à Mr Hill d'inviter Mrs Coleman ce soir, s'il le peut.  Vers 9 heures du soir rentrai à la maison où je trouvai Mrs Pearse, la petite Frances Tooker, Mr Hill et de nombreux autres, en train de danser. Puis arriva Mrs Coleman et son mari et Lanier. Après la danse on chanta, ce que Mrs Coleman fait à merveille, encore que sa voix ait perdu de son volume, mais bien que faible elle est fort mélodieuse, outre que c'est une femme charmante et drôle et de fort joyeuse humeur ce soir. Entre autres choses Mr Lanier avait apporté ce soir, à la demande de Mr Hill, deux ou trois fort belles gravures afin de les montrer à ma femme, les plus belles que j'aie jamais vues.
            Pour ce qui est de chanter on demanda à Mrs Coleman de nous chanter, entre autres, l'un des airs de son opéra, encore qu'elle ne veuille pas admettre en avoir jamais chanté une partie sans livret quand elle répétait pour la scène, mais ce qu'elle fit le plus excellemment du monde fut de parodier le rôle du capitaine Cocke lorsqu'il traite ses hommes de traîtres, de lâches et de vils esclaves etc. On chanta jusqu'à minuit, puis on se sépara et, au lit. Dormis derechef avec Hill, mais comme nous avions sommeil tous les deux on parla moins longtemps qu'hier soir.
            Ainsi avons-nous gaiement achevé ce mois, d'autant qu'après avoir redouté une extension de la peste cette semaine, j'apprends, de source certaine, qu'il y a eu 400 morts de moins, le chiffre total étant de 1 388, dont 1 031 de la peste.
            La Marine est dans le plus grand désordre par manque d'argent. Les hommes sont enclins à se mutiner, et je suis seul ici à devoir m'occuper des affaires de la Marine, du moins sir William Batten n'a-t-il rien fait durant les quelques jours qu'il a passés ici. J'espère le plus grand bien de mon poste de surintendant des subsistances qui me rapportera 300 livres l'an.


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                                                                à suivre............

                                                                                                                                                                                                                                                                                    1 er Novembre 1665

            Me suis attardé...........



























      












jeudi 25 novembre 2021

Le réveil en voiture Gérard de Nerval ( Poème France )

 




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                                 Le Réveil en voiture

            Voici ce que je vis : -  Les arbres sur ma route
             Fuyaient mêlés, ainsi qu'une armée en déroute ;
             Et sous moi, comme ému par les vents soulevés,
             Le sol roulait des flots de glèbe et des pavés.

             Des clochers conduisaient parmi les plaines vertes                         sainttropeztourisme.com
             Leurs hameaux aux maisons de plâtre, recouvertes
             En tuiles, qui trottaient ainsi que des troupeaux
             De moutons blancs, marqués en rouge sur le dos. 

             Et les monts enivrés chancelaient : la rivière
             Comme un serpent boa, sur la vallée entière
             Etendu, s'élançait pour entortiller...
              - J'étais en poste, moi, venant de m'éveiller !


                                             Gérard de Nerval