lundi 4 mai 2020

Anecdotes et Réflexions d'hier pour aujourd'hui 117 Pepys ( Journal Angleterre )

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                                                                                        16 mai 1664

            Obligé de me lever pour aller chez le Duc à St James pour nos travaux habituels. Puis allâmes, sur invitation, chez le chirurgien Mr Pearse. Je vis sa femme que je n'avais pas vue depuis plusieurs mois. Elle garde son joli teint, mais pour le reste même dans cette nouvelle maison et dans les plus belles pièces et dans son cabinet que son mari m'emmena voir avec quelque vanité, c'est toujours la plus grande souillon que j'aie jamais rencontrée.
            Un peu plus tard nous allâmes voir une expérience où l'on tue un chien en lui injectant de l'opium dans une patte arrière. Avec le Dr Clarke il ne réussit pas bien à trouver la veine et procéda à l'opération après plusieurs tentatives. Mais le peu qu'ils injectèrent endormit bientôt le chien, et il resta ainsi jusqu'à la dissection. Ils agirent de même sur un petit chien à qui on fit avaler de l'opium. Lui aussi chancela d'abord, puis s'endormit et resta inerte. Je ne sais s'il se réveilla après mon départ, mais c'est un effet étrange et soudain.
            Puis me rendis à pied à Westminster où le roi devait venir proroger le Parlement, mais il semble, d'après ce que j'ai ouï dire, qu'il ne soit pas venu.
            J'avais promis de retourner chez Mr Pearse, mais ma douleur devint si vive, outre une contusion apparue aujourd'hui à mon testicule droit qui, maintenant, me gêne autant que l'autre, que j'étais très mélancolique, je rentrai donc en carrosse et pris un autre clystère, mais n'y trouvai pas grand soulagement. Mais en restant assis sans bouger, la douleur de la contusion s'estompa et donc, après souper, allai au lit, après une conversation avec ma femme où nous avions décidé de proposer à mon père de faire venir Pall chez nous pour son avancement, si je peux réussir à lui trouver un mari ici, bien que cela nous gêne un peu, cette solution vaut mieux que de la laisser vivre là-bas jusqu'à ce que plus personne ne veuille d'elle, et qu'alors elle nous retombe sur les bras.


                                                                                                                      17 mai

            Bien dormi toute la nuit et fait grasse matinée, puis je me levai et écrivis à mon père au sujet de Pall, comme décidé la veille au soir. Dîné ensuite puis au bureau, me trouvant mieux et capable d'uriner un peu, sans encore lâcher grand vent. Ce qui me surprend car je ne puis me sentir bien que je ne l'aie fait. Après le bureau, à la maison, souper et, avec grand aise, au lit. Essayé de m'attacher les mains de façon que je ne puisse les sortir du lit, par quoi je pense que je prends froid, mais je ne pus le souffrir.


                                                                                                                            18 mai

            Levé et chez moi toute la matinée, car je veux rester à l'intérieur autant que je le puis. Mais au reçu d'une lettre de Mr Coventry qui me mit en alerte sur l'équipement de navires, ce qui annonce sans doute quelque chose à faire, je partis pour le bureau afin de prendre des dispositions. Et après dîner m'en fus à Whitehall pour la commission de Tanger, mais ne fis rien qui vaille. De retour chez moi puis chez sir William Penn qui, entre autres choses urgentes en rapport avec cette demande toute nouvelle de navires, a l'ordre de partir sur-le-champ pour Portsmouth afin de veiller aux travaux. Je restai causer avec lui, puis rentrai chez moi pour souper d'une couple de beaux pigeons, un bon souper. Et je trouvai ici un joli secrétaire envoyé par Mr Shales, que je donnai à ma femme. C'est la première fois que j'ai cette sorte d'article et il vient à point nommé pour son petit salon. Veillé tard pour chercher les tiroirs secrets, mais ne pus en ouvrir certains. Et sur ce, au lit, avec la crainte d'avoir été téméraire aujourd'hui en sortant au froid.
            Je commence ce jour à boire du babeurre et du petit-lait en espérant m'en trouver fort bien.


                                                                                                                        19 mai

Portrait De Femme Assise Dans Un Fauteuil by Pierre Auguste Renoir ...            Lever par temps très pluvieux, ce qui le rend plus frais, et en voiture jusqu'à Charing Cross, avec sir William Penn qui part aujourd'hui pour Portsmouth. Le quittai quand il allait à St James prendre congé du Duc, et moi à Whitehall pour la commission de Tanger, où Dieu nous pardonne la manière dont notre rapport sur les comptes de lord Peterborough a été lu et approuvé par Leurs Seigneuries, sans qu'un seul y comprît goutte ! Quel qu'il fût, il serait passé et, en outre, il n'y était fait mention de rien qui eût trait aux bénéfices du roi.
            Rentré à la maison en voiture. Tout le matin assis au bureau et tout l'après-midi jusqu'à 9 heures du soir, m'étant remis à l'ouvrage. J'espère que ma santé me permettra de poursuivre.
            A la maison souper et, au lit, me sentant assez bien. Assez bien allé à la selle, ce que j'attribue à mon petit-lait d'aujourd'hui, aussi lâché des vents.


                                                                                                                    20 mai 1664

            Levé et à mon bureau. Arrive bientôt Mr Cholmley, et en attendant le reste de la compagnie il me raconte que Mr Edward Montagu est renvoyé de la Cour, pour n'y plus jamais paraître. A ce que je comprends, il a péché par orgueil et surtout en affectant d'être au mieux avec la reine. Il paraissait, en vérité, avoir son oreille mieux que quiconque et causait souvent seul avec elle deux ou trois heures d'affilée. A tel point que les lords entourant le roi, lorsqu'il les plaisantait au sujet de leurs femmes, disaient au roi de surveiller aussi la sienne qui avait maintenant un galant. Et l'on dit que le roi lui-même, un jour, demanda à Montagu comment allait sa maîtresse, voulant dire la reine. Il devint si fier, méprisant tout le monde et de plus ne souffrant que personne, homme ou femme, approchât la reine ni ne fît quoi que ce fût auprès d'elle, que tout le monde se mit en peine de lui jouer un bon tour. On dit aussi qu'il a offensé de quelque manière le duc de Monmouth, ce dont le roi lui-même lui a parlé.
            Mais c'est étrange que cet homme, qui était le plus négligent du monde, soit devenu un prodige d'assiduité, de façon à prendre à tous, hommes ou femmes, tous les offices auprès de la reine, à telle enseigne qu'il était considéré comme un prodige. Mais, et c'est là le pire, ce qui, accompli d'une manière avisée, eut tourné à son grand avantage fut, ainsi considéré, employé pour sa perte, le monde se persuadant qu'il devait y avoir quelque cause sortant de l'ordinaire pour le faire agir ainsi.              Le voici donc parti, personne ne s’apitoyant mais tous se gaussant de lui. Et il prétend être seulement allé voir son père en province.
            Sur ces entrefaites arrivent Povey, Creed et Vernatty. Voyons donc leurs comptes, ceux de Povey étant source d'un surcroît de tracas et de contrariété. Cela fait je me mis au travail jusqu'au dîner, chez moi fort agréablement.
            L'après-midi au bureau et de nouveau au travail et bientôt arrive une lettre de mon père, si remplie de soucis par suite de différends entre ma mère et les domestiques là-bas, et de tant de soucis pour mon père à cause de Cave, ici, qui garde le bâtard de mon frère, que je ne sais vraiment que faire. Mais, grandement chagriné à la nuit tombante, passai quelque temps à me promener et à chasser les tracas de ma tête autant que je le pouvais, en compagnie de ma femme, dans le jardin. Puis à la maison, souper et, au lit.


                                                                                                                          21 mai

            Lever, visite de Mr Cholmley, promenade avec lui dans le jardin en attendant l'arrivée des autres, à nouveau pour la commission de Tanger, puisque nous nous sommes réunis comme d'ordinaire pour en voir davantage de la sottise de Povey. La séance levée, tout le monde assis dans mon bureau, ainsi que Mr Coventry. Et c'est vivement que nous préparons des navires.
            A midi à la Bourse pour quelques affaires, rentré dîner, puis sortis en voiture avec ma femme, et allai à la nouvelle Bourse où j'ai dépensé presque 40 shillings pour elle. Rendu visite à lady Sandwich que nous avons trouvée dans la salle à manger, ce qui nous a  fort réjouis, mais elle paraît très maigre, la pauvre, étant fort affaiblie. Elle nous a rapporté que Mr Mongagu allait revenir à la Cour, à ce qu'on lui a dit. Cela me surprend et je n'y crois guère.
            A la maison, puis au bureau où me suis attardé, puis rentré souper et, au lit.


                                                                                                                       22 mai
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L'Estaque par Pierre Auguste Renoir | Renoir, Peintures renoir et ...            Lever puis par le fleuve à Whitehall chez milord et à pied avec lui jusqu'à Whitehall, sans guère parler. Il n'a pas du tout l'air de s'intéresser aux affaires. Là le duc d'York m'appela pour me demander si je comptais ou non le suivre à Chatham. Je lui répondis que s'il l'ordonnait, mais que je pensais avoir affaire ici et il répondit qu'alors il valait mieux rester, ce qui lui plaira davantage, je suppose, que si j'avais été empressé à l'accompagner.
            Parti après m'être attardé à regarder la multitude qui accompagne le roi à la chapelle. Mais mon Dieu ! quelle affligeante compagnie d'oisifs ! Allai à pied jusqu'à St James avec le colonel Reymes. Restai un moment avant de repartir pour Whitehall avec Mr Coventry en causant affaires. Rencontré Creed, le ramenai chez moi pour dîner, un bon dîner. Par le fleuve à Woolwich, reçus fort aimablement par Mrs Falconer et son mari maintenant assez bien rétabli. C'est la première fois que j'y amène ma femme. Je m'en fus à pied jusqu'au bassin où je trouvai Mrs Acworth seule chez elle. Dieu me pardonne les pensées que j'eus, mais je n'eus pas le courage de rester. Allai chez Mr Pett, et me promenai de long en large dans le chantier avec lui et Deane à parler des navires à terminer d'urgence. Bientôt Creed, ma femme et un ami de Mr Falconer arrivèrent par le bateau et m'appelèrent, et nous partîmes par le fleuve à Deptford, où je débarquai. Après avoir causai avec d'autres, à la taverne de la Demi-Etape en compagnie de Mr Waith en lui parlant de la toile qu'il doit nous fournir et, dans la conversation il me donna plusieurs exemples des fourberies de sir William Batten.
            Rejoint à la Demi-Etape, où ma femme et les autres étaient déjà arrivés. Après avoir bu nous nous promenâmes et rentrâmes par le fleuve, renvoyant Creed et son compagnon chez eux par le bateau.
            J'écrivis à Mr Coventry. Bien soupé ensuite de petits pois, les premiers que je mange cette année, et au lit.


                                                                                                                    23 mai

             Levé et au bureau où sir John Mennes, sir William Batten et moi nous réunîmes pour travailler, car le temps presse. Le roi est descendu ce matin à l'aube à Chatham, accompagné du Duc et de toute une troupe. Vers midi, parti avec ma femme par le fleuve pour Woolwich où laissé ma femme chez Mr Falconer et Mr Hayter et moi ainsi que quelques officiers des chantiers sommes montés à bord pour voir l'état de préparation de plusieurs navires.
            Puis un bon dîner chez Mr Falconer à qui j'ai moi-même apporté une terrine d'esturgeon et un pâté de lemproie. Retour au chantier et, entre autres, obtenu chez Mr Acworth la preuve que c'est un filou. Mais j'attendis pour le dévoiler un moment unpeu plus opportun. Retour à la corderie, ramené ma femme et Mr Hayter, car il se mit à pleuvoir soudain très fort, mais nous sommes restés au sec sous la bâche. A Deptford. Mon Dieu ! quelle pitié de voir comment aux deux endroits les affaires du roi risquent d'être traitées si l'on en vient à la guerre : il n'y a pas là un seul homme qui ait la mine ou les paroles de quelqu'un qui se donnera de la peine, usera de prévoyance pour servir le roi, ce qui m'inquiète au fond du coeur. Nous rentrons chez nous sous une pluie battante, mais toujours au sec. Tard à mon bureau, conversai avec sir John Mennes et sir William Batten qui, comme deux sots, écoutent tout ce que je dis, mais cela ne sert de rien.
            Rentré tard, souper et, au lit.


                                                                                                                          24 mai

            Lever puis au bureau. Sir John Mennes et moi siégeons toute la matinée. Après dîner retour au bureau et travail jusqu'au soir, et puis fatigué, rentré à la maison, souper et, au lit.
            J'ai appris aujourd'hui la mort de mon oncle Fenner, ce qui m'attriste un peu, de voir de quel train tant de mes parents s'en sont allés et tant d'autres, je le crains pour mon père, vont s'en aller bientôt.


                                                                                                                        25 mai

            Pris ma purge de bonne heure, puis me rendormis. Levé ensuite et elle fit son effet toute la matinée. Dîné à midi, passé l'après-midi dans mon cabinet de travail à parcourir pendant deux ou trois heures quelques lettres déplaisantes, choses fâcheuses sur lesquelles il faut répondre à mon père au sujet des affaires de Tom et d'autres qui me chagrinent. Mais j'en vins à bout et je recouvrai ainsi beaucoup de tranquillité d'esprit. Cet après-midi aussi vinrent Tom et Charles Pepys que j'avais envoyé quérir. Ils reçurent de moi 40 livres en acompte du legs de 70 livres que leur fait mon oncle. Passé la soirée à causer avec ma femme puis, au lit.


                                                                                                                          26 mai
                                                                                                          akg-images.fr 
akg-images - Portrait de la mère de Renoir
            Au bureau. En réunion j'eus une prise de bec avec sir William Batten à propos de toile à voile, le contredisant, lui et toute son expérience, sur les coutures en plein milieu et l'avantage qu'il y a d'avoir des laizes nombreuses et étroites. Et j'eus gain de cause, toute l'affaire ayant été rejetée.   
            Chez moi pour dîner, puis en voiture emmené ma femme pour aller voir lady Sandwich, et moi Tom Trice afin de discuter de la cession par mon père de sa charge d'administrateur à mon frère. Ensuite chez sir Robert Bernard, où je reçus 19 livres en espèces et repris le billet de 21 livres de mon pères. Ce qui fait 40 livres en acompte des 209 livres que nous doit Pigott. Il paie ces 40 livres pour un arpent et 70 perches de prairie à Portholme.
            Retrouvé ma femme à l'Old Bailey où l'on nous conduisit vers la salle d’enquête près de l'église. C'est là que toute la famille se tenait rassemblée à l'écart pour l'enterrement de mon oncle Fenner.
            Mon Dieu, quelle piteuse assemblée cela faisait ! Mais, dans l'ensemble, ce fut un très bon service et une agréable compagnie. De ce pas à l'église pour entendre un très bon sermon, puis retour à la maison. Après avoir laissé mes 19 livres entre les mains de William Joyce pour plus de sûreté.
            Souper et, au lit. Ne me sentait pas très bien pour avoir, sans doute, pris froid la nuit dernière à dormir sans rien sur les pieds.


                                                                                                                        27 mai

            Levé, non sans me sentir mal à cause d'un coup de froid. Ce qui m'attriste fort de penser à mon mauvais état de santé.
            Au bureau je travaille à diverses affaires, à en avoir la tête prête à éclater. Chagrin malgré tout de voir que le service risque de souffrir par la négligence des autres. Chagriné aussi par une lettre de mon père à laquelle sont jointes deux autres qui me contrarient, de Cave et Noble, de sorte que je ne sais que faire.
            Rentré dîner à midi. Mais, pour me réconforter, le capitaine Taylor m'a apporté aujourd'hui les 20 livres qu'il m'avait promises pour l'aide que je lui avais accordée au sujet de ses mâts.
            Retour au bureau après dîner et, avec Mr Waith allé à St Katharine voir un assortiment de toiles qui vraiment valaient la peine d'être vues. Si ce n'est que je me sentais assez mal et ne pris pas le plaisir que j'aurais eu autrement. De retour au bureau et au travail jusque tard, puis à la maison, souper et, au lit.
            Ce matin, mon tailleur m'amena une très grande jeune fille pour être ma cuisinière. Elle demandait 5 livres, mais ma femme ne lui offrit que 3 livres 10 shillings. Je ne saurai que demain si elle accepte ou non, mais j'ai bien peur qu'elle n'ait trop de prétentions pour nous, ayant été femme de chambre dernièrement, et elle redresse la tête, comme ma petite Sue le fit remarquer.


                                                                                                                         28 mai

            Levé, me sentant assez bien pour ce qui est de mon coup de froid et de mes vents, et au bureau. Nous conférons à huis-clos et abattons beaucoup de besogne. A midi à la Bourse, puis chez Mr Cutler où on m'avait dit qu'était sir William Rider. Les trouvai dînant et dîner avec eux. Il a eu hier et aujourd'hui une crise de douleurs pareilles à la goutte, pour la première fois de sa vie. Bon dîner, bonne conversation, sir William, en particulier, craignant beaucoup l'issue d'une guerre avec la Hollande, en quoi je l'approuve fort. Rentré à la maison, puis un moment au bureau, puis revenu chez moi pour ma seconde leçon de charpenterie de marine avec Mr Deane, ce que je poursuis avec grand plaisir. Lui reparti, je retourne tard au bureau, puis chez moi, souper et, au lit.
            Mais mon Dieu ! quelle pitié de voir comme d'aller seulement à la Bourse sans manteau m'a aussitôt fait me sentir mal et avoir des vents, jusqu'à ce que je rentre chez moi pour me remettre. J'en suis au point de ne plus savoir que faire de moi-même. Mais j'incline à penser que ce n'est que par les jambes que je prends froid, du fait que je porte constamment un manteau depuis si longtemps.


                                                                                                                      29 mai 1664
                          Dimanche de Pentecôte. Anniversaire du Roi et de la Restauration.
  
            Lever. Ayant reçu hier soir une lettre de Mr Coventry, qui me le demandait, j'allai à pied à St James, et là nous discutâmes longuement  des affaires du bureau et de la guerre contre les Hollandais. Et il me parut plaider avec beaucoup de force contre le peu de raison qu'il y a pour tout cela.
            D'abord, pour ce qui est du tort que nous prétendons qu'ils nous ont fait dans les Indes orientales en ne nous remettant pas Pulo Run, On ne sait pas encore s'ils y ont failli ou non. Qu'ils aient arrêté  le Léopard, si c'est vrai, ne peut avoir coûté plus de 3 000 livres. Dans l'affaire de la Compagnie de Guinée, il me dit qu'à la vérité tout ce qu'ils nous avaient fait ne se montait pas au-dessus de 2 ou 300 livres. Et maintenant ce qu'a fait Holmes, sans en avoir reçu l'ordre, en leur prenant une île et deux forts, nous a grandement endettés à leur égard. Et il pense que Holmes aura été si gonflé de vanité par tout cela qu'à présent, ayant reçu des renforts qu'il n'avait pas alors, à présent, dis-je, il leur a fait bien plus de tort.
            En ce qui concerne l'effet de la guerre, il me dit clairement que ce n'est pas l'habileté des Hollandais qui peut entraver notre commerce puisque, si nous voulons, nous avons sur eux tant d'avantages pour ce qui des vents, des bons ports et des hommes. Mais c'est notre orgueil et l'indolence des marchands.
             Il semble penser qu'il pourrait y avoir une négociation pour empêcher la guerre cette année, mais il en parle d'une manière vague, comme peu désireux, à ce que je comprends, que l'on croie qu'il discute de ces choses.
            Ce dont il voulait surtout me parler, c'était de savoir si je suis au fait des intentions de lord Sandwich quant à prendre la mer avec cette flotte, disant que le Duc, s'il le lui demandait, y est tout à fait favorable. Mais il pense que douze navires ne font pas une flotte assez importante pour que milord accepte d'en prendre le commandement, et il n'est pas disposé à le lui proposer avant de savoir ce qu'il compte faire. Il dit tout cela sur le ton du plus grand respect pour milord, quoique cela me paraisse bien étrange qu'ils ne se connaissent pas assez aujourd'hui, pour pouvoir se passer de l'entremise de quelqu'un d'autre.
            Traversé le parc jusqu'à Whitehall avec Mr Povey, surpris par une forte averse au milieu du parc de telle sorte que nous fûmes tout trempés. Montâmes jusqu'à l'oratoire du roi où tantôt arrive le roi, lord Sandwich portant l'épée. Un évêque prêcha, mais comme il parlait trop bas pour que je l'entendisse du fond de l'oratoire, sortis me promener pour discuter avec le colonel Reymes qui semble très désireux d'être éclairé sur le marché de fourniture de toile qu'il s'engage à conclure avec nous pour le service de la marine.
            Lord Sandwich sortit et m'appela. Nous eûmes une longue conversation sur ses tâches, en quoi il semble très ouvert avec moi et recevoir mon avis comme devant. J'espère lui redevenir nécessaire. Il m'a demandé de réfléchir, s'il conviendrait ou non qu'il s'offrit à prendre la mer et de lui dire ce que j'en pense, dans un jour ou deux.
            Après le sermon, parmi les dames du côté de la reine où je vis Mrs Stuart, tout à fait aimable et bien faite, mais très au-dessous de lady Castlemaine.
            Allé dîner chez Mr Povey où nous fîmes une chère extraordinaire. Ensuite visite de la maison. En un mot, je crois bien que cette perspective en trompe-l’œil sur le mur de son jardin et les jets d'eau qui jaillissent, la perspective encore du petit cabinet, sa chambre à l'étage parquetée de bois de diverses couleurs, comme la meilleures ébénisterie que j'aie vue, mais en mieux, sa grotte artificielle et le cellier où sont ses bouteilles de vin et un puits pour les tenir au frais, ses meubles de toutes sortes, son bain tout en haut de la maison, ses beaux tableaux, sa façon de boire et de manger, cela surpasse tout ce que de ma vie j'ai vu chez un homme.
            Rentré chez moi, trouve mon oncle Wight et Mr Rawlinson. Ils soupèrent avec moi. Eux partis, je me mets au lit, ne me sentant pas très bien après être tant sorti aujourd'hui. C'est chose bien étrange, que par un temps si tiède le moindre courant d'air me fasse prendre froid et me donne des vents. J'avoue que cela me rend fort chagrin et m'ôte toute satisfaction au monde.


                                                                                                                         30 mai 1664
 ohmyprints.com   
Auguste Renoir sur toile, poster, aluminium, xpozer ou tirage encadré            Grasse matinée. les cloches sonnent puisque c'est jour de fête, puis levé et toute la journée chez moi à ma table de travail à étudier la charpenterie de marine avec grand plaisir jusqu'au soir, puis arrive Mr Howe. Il s'assit et soupa avec moi. Il est un peu fat mais ce sera un homme avisé. Lui parti quelque temps au bureau et retour à la maison et, au lit. Me sentant très mal d'être sorti la veille, ce qui me cause bien du tourment quand j'y pense.


                                                                                                                              31 mai

            Lever. Rendu visite à Mr Hollier, lui demandai conseil afin de trouver le moyen de faire quelque chose au sujet de mes vents, cette maladie qui empire en moi de jour en jour.
            Puis chez milord Sandwich et, tandis qu'il s'habillait je restai en bas et causai avec le capitaine Cooke. Je crois que, si je trouve bon de prendre un petit laquais à mon service, il pourrait aussi bien me le procurer qu'un autre.
            Je monte tantôt chez milord pour discuter de son départ en mer et du message que Mr Coventry m'a laissé pour lui. Il s'étonne, et il y a bien de quoi, que l'on s'y soit pris de la sorte, alors qu'il rencontre tous les jours le Duc, qui se montre néanmoins fort amical avec lui, mais qui n'a pas encore dit un mot à milord de son désir de lui voir prendre la mer. Milord me dit clairement que si ce n'était qu'il est exposé aux reproches, comme tous ceux qui étaient du parti du Parlement, et qu'il est donc forcé d'endurer ce qu'autrement il ne supporterait pas, il ne souffrirait pas que l'on fît tout dans la marine sans jamais le consulter, et il paraît que pour la désignation de tous les commandants de cette flotte on ne lui a posé aucune question.
            Mais nous avons conclu que son honneur ne saurait permettre qu'il ne partît point avec la flotte, non plus que l'opinion qu'a le monde de son crédit à la Cour. Il me chargea donc de dire à Mr Coventry qu'il était tout disposé à prendre les ordres du Duc quant à cette flotte, fût-elle moins considérable qu'elle n'est, et ceci en particulier pour la présente mission.
            Avec ce message je pris congé et me rendis au bureau en voiture, trouvai Mr Coventry et lui relatai tout ceci. J'avoue qu'à ce qu'il m'a semblé, il n'en fut point aussi satisfait que je l'eusse cru, ou du moins l'eusse souhaité. Il me demanda si j'avais rapporté à milord que le Duc n'escomptait pas qu'il parte, je lui répondis que oui. Mais quant à savoir s'il veut réellement laissé entendre que le Duc, comme il le déclara l'autre jour, trouve la flotte trop peu importante pour milord, ou qu'il ne veut pas le voir partir, ma foi, je ne saurais le dire. Mais on eût pu, ce me semble, user d'autres moyens pour le mettre à l'écart sans s'y prendre de cette manière. J'espère que c'est vraiment par bienveillance.
            Dîné chez moi, puis au bureau longtemps seul, sans personne alentour, avec l'épouse de Bagwell, de Deptford. Mais cette femme semble si honnête que je n'ose point essayer de lui faire la cour, alors que c'est ce que j'avais en tête quand je la fis entrer. Mais je suis résolu à rendre service à son mari qui, je pense, est un homme fort méritant.
            Sorti en voiture avec ma femme jusqu'à St James, chez une certaine lady Poulteney, où je trouvai milord se livrant, j'en ai peur, à quelque vain plaisir. Je lui rapportait brièvement ce que j'avais fait avec Mr Coventry et, sur ce, le quittai pour rejoindre ma femme dans la voiture et aller au parc avec elle. Mais la reine étant allé à Kensington par le parc nous ne restâmes point et rentrâmes souper, puis au travail à mon bureau et enfin mes compte du mois. Et, à mon grand réconfort, je me vois mieux pourvu que je ne l'étais encore le mois dernier et arrivé à 930 livres.
            On m'a dit aujourd'hui que, dimanche dernier au soir, anniversaire du roi, le roi fut dans les appartements de lady Castlemaine, au-dessus de la porte de ce côté, là où logeait Lambert, à danser au son des violons toute la nuit, au vu et au su de tous ceux qui passaient par là, ce qu'il m'a chagriné d'entendre.
            Il n'est bruit en ville que de savoir si nous allons vers une guerre avec la Hollande. Et nous nous préparons du mieux que nous pouvons, ce qui n'est guère.
            Pour moi, je suis davantage que de coutume sujet à souffrir de vents, ce qui m'attriste fort, de même que les soucis que j'ai à présent pour mon père, en raison de la mort de mon frère, qui sont grands et nombreux. Plût à Dieu qu'ils fussent passés !


                                                                 à suivre..........
                                                         
                                                                                                                      1er juin 1664

            Levé après...........
                                                                                                                                   

            

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