vendredi 29 juillet 2022

Autopsie d'un drame Sarah Vaughan ( Policier Angleterre )

 

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                                                 Autopsie d'un drame

            Il y a Liz, médecin en pédiatrie, Charlotte avocate, Mel travaille dans un bureau et Jess mère de famille au foyer par choix de vie. Toutes quatre se sont rencontrées à travers leurs enfants soit au cours d'accouchement, soit à l'école des petits. Londres, quatre foyers en crise et un bébé, une petite fille de onze mois, Betsey. Betsey est au centre de l'ouvrage d'environ 400 pages. Betsey est tombée, son crâne de bébé n'a pas résisté et elle souffre et le hurle. Ed, financier à la City, est très peu présent et délègue tout le travail d'une maisonnée à sa jolie épouse Jess. Il a voulu ce 3è enfant, pensant consolider leur couple où visiblement Jess perdait pied, même s'il apportait toute l'aise matérielle nécessaire. Seulement il y a deux aînés, deux garçons Kit, 10 ans et Frankie 8 ans, sensible, nerveux, mince, tous deux très attachés à leur mère qui étouffe un peu, très méticuleuse, jusqu'à l'excès. Et le drame provoqué par la chute du bébé, mais par qui et comment sera le départ de situations qui affleuraient avant l'effroi de l'accident, un bébé conduit à l'hôpital en urgence, et Liz contrainte d'accepter l'enquête obligatoire après le traumatisme crânien d'un enfant. Enquête, police, assistante sociale, imbroglios dans les réponses de Jess et de Frankie. Et l'auteur dissèque les sentiments des parents amis, ils ont chacun un ou deux enfants et alors que les mères se sentaient débarrassées des couches, ne comprennent pas pourquoi le couple Jess Ed a voulu ce nouveau bébé, cependant bien accepté par les deux garçons. Ces quatre mères sont-elles des amies de surface, surtout après l'entrée en scène de la police à qui Jess paraît suspecte, Le couple Liz Nick, lui est enseignant, fait face aux horaires lourds d'une médecin d'hôpital, ce qui n'empêchera pas la pédiatre touchée par le bébé qu'elle connaît et par Frankie, troublée, de  revoir des scènes-énigmes de son passé. L'auteure dissèque, à son habitude, les moments cruciaux des acteurs de ce drame. Mère parfaite ou, atteinte d'une dépression post-partum, est-elle dangereuse pour sa petite fille plus particulièrement. La jalousie est peut-être le sentiment inattendu et manipulateur qui a manqué détruire cette famille outre la saturation qu'éprouva Jess enfermée avec ses enfants, Betsey bébé hurleur, couple peu attiré par les mondanités, replié autour des problèmes de l'enfance. Jess travaillait dans l'événementiel. Roman sur quelques femmes en crise, d'un bon niveau social où l'enfant est roi. Chaleureux et glaçant, vivant. Bonne lecture. MB . 






dimanche 24 juillet 2022

Anatomie d'un scandale Sarah Vaughan ( Roman Angleterre )



                                            Anatomie d'un scandale

            Holly a obtenu le privilège d'étudier à Oxford. Venue de la région de Liverpool, elle est un peu empruntée, ronde et à peine jolie selon sa description puisque les chapitres passent de l'un à l'autre des principaux héros, et de ce passé 1993 à nos jours. Aujourd'hui Holly devenue Kate est avocate, ambitieuse et perfectionniste jusque dans le port de sa perruque et la robe de son rôle. Elle est célibataire, divorcée, mélancolique ou angoissée, selon son humeur du jour et aujourd'hui elle a perdu un procès mais reçoit avec joie un nouveau dossier. James Whitehouse est accusé de viol par une jeune femme, belle, Olivia. Il est sous-secrétaire d'état dans l'équipe de Tom premier ministre, et député, elle était sa principale aide. Il est marié à Sophie et père de deux enfants. Tous deux étaient élèves à Oxford. Et de chapitre en chapitre vont être dressés les portraits, les sentiments, ils seront disséqués, encore et encore. L'accusé, bel homme, champion d'aviron, contient difficilement une sexualité débordante, Sophie subira lors du procès le récit détaillé du viol, échange peut-être moins subi qu'accepté, de l'élastique de la petite culotte à la morsure. Détaillé au prétoire mais aussi dans la presse, à la BBC. Moeurs et coutumes des élèves des grands collèges anglais. James et Sophie n'ont pas reconnu Holly-Kate sous sa perruque et ses lunettes et sa silhouette amincie, Kate froide et déterminée dans ses accusations, sachant que les procès pour viol sont très difficiles à gagner. La position de Kate est délicate, et son amie Alistaire à Oxford la même année, a découvert le point litigieux qui pourrait nuire à la résolution du procès. Un épisode reste obscur jusque le dernier quart du livre, le rôle du club des Libertins au collège, il donne droit aux excès en tous genres. Holly-Kate se réfugiait, élève, à la bibliothèque :
             " Il y avait dix bibliothèques......... Holly s'émerveilla pour la énième fois, de la beauté exquise de cet endroit et de ses mystères : toutes ces vies......... le réfectoire et les clubs nautiques, les bars et les boîtes de nuit, les musées, les jardins.........
             Si l'université était un lieu de découverte, alors ici des milliers d'existence se réinventeraient ou trouveraient leur sens : histoires écrites puis réécrites, sexualités expérimentées puis rejetées, allégeances éprouvées, amendées puis abandonnées, le tout au fil d'un trimestre de huit semaines......"
            Sarah Vaughan était journaliste politique au Guardian. Le doute s'installe chez le lecteur, l'auteur semble pourtant avoir pris ses distances avec l'un des personnages et parti pour un autre.
Une dissection, répétitif trop appuyé parfois, mais bonne lecture.
             


            

            

vendredi 22 juillet 2022

Lucien Létinois Paul Verlaine ( Poèmes France )

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                                         Lucien Létinois       

            Puisque encore déjà la sottise tempête,
            Explique alors la chose, ô malheureux poète.

            Je connus cet enfant, mon amère douceur,
            Dans un pieux collège où j'étais professeur.
            Ses dix-sept ans mutins et maigres, sa réelle
            Intelligence, et la pureté vraiment belle
            Que disaient et ses yeux et son, geste et sa voix  
            Captivèrent mon cœur et dictèrent mon choix
            De lui pour fils, puisque, mon vrai fils, mes entrailles,
            On me le cache en manière de représailles
            Pour je ne sais quels torts charnels et surtout pour
            Un fier départ à la recherche de l'amour
            Loin d'une vie aux platitudes résignée !
            Oui, surtout et plutôt pour ma fuite indignée
            En compagnie illustre et fraternelle vers
            Tous les points du physique et moral univers,
            - Il paraît que des gens dirent jusqu'à Sodome, -
            Où mourussent les cris de Madame Prudhomme !

            Je lui fis part de mon dessein. Il accepta.

            Il avait des parents qu'il aimait, qu'il quitta
            D'esprit pour être mien, tout en restant son maître
            Et maître de son cœur, de son âme peut-être,
            Mais de son esprit, plus.
                                                    Ce fut bien, ce fut beau
            Et c'eût été trop bon, n'eût été le tombeau.
            Jugez.
                       En même temps que toutes mes idées,
            ( Les bonnes ! ) entraient dans son esprit, précédées
            De l'Amitié jonchant leur passage de fleurs,                                                 whosdatedwho.com    

            De lui, simple et blanc comme un lys calme aux couleurs
            D'innocence candide et d'espérance verte,
            L'Exemple descendait sur mon âme entrouverte
            Et sur mon cœur qu'il pénétrait, plein de pitié,
            Par un chemin semé des fleurs de l'Amitié :
            Exemple des vertus joyeuses, la franchise,
            La chasteté, la foi naïve dans l'Eglise,
            Exemple des vertus austères, vivre en Dieu,
            Le chérir en tout temps et le craindre en tout lieu,
            Sourire, que l'instant soit léger ou sévère,
            Pardonner, qui n'est pas une petite affaire !

            Cela dura six ans, puis l'ange s'envola,
            Dès lors je vais hagard et comme ivre. Voilà.


                              Paul Verlaine 
            
                 















mercredi 20 juillet 2022

Beate et Serge Klarsfeld Pascal Bresson Sylvain Dorange ( BD France )

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                         Beate et Serge Klarsfeld 

                                                          Un combat contre l'oubli

            Allemande luthérienne Beate rencontre Serge Klarsfeld, juif, à Paris, sur le quai du métro Porte de Saint-Cloud, un mercredi 11 mai à 13h 15. Serge achève ses études à Sciences PO, Beate est jeune fille au pair. " Il faut que tu saches...... j'ai perdu mon père à Auschwitz..... " Le 30 septembre 1943 Serge, sa mère et la petite sœur sortent de leur cachette, alors que le père a été embarqué par la police, comme tant de juifs. Beate écoute avec attention, élevée à Berlin elle n'avait qu'une perception négative des juifs. Mais face à la violence et à la cruauté des nazis, leur conviction est telle que, malgré leurs difficultés ils combattront les hommes coupables des atrocités trop connues. Beate de retour à Berlin pour dire haut et fort le passé noir du président Kissinger. Beate et Serge vont tout au long de leur vie lutter pour retrouver les principaux chefs nazis. Serge trop impliqué socialement perd son travail à l'ORTF.  C'est grâce à un jeune couple de résistants allemands que Serge avait pris la décision de lutter contre la nazisme. L'argent vient à manquer, mais pas le courage  Recueillis  par la mère de Serge, ils reçoivent des menaces, jets de pierres. Mais ne renoncent pas. Sur un renseignent Beate, enceinte, vole vers l'Amérique du Sud, (son billet payé par des bienfaiteurs ) où les bourreaux ont trouvé refuge dans l'un ou l'autre pays de cette partie du monde, en Bolivie en l'occurrence.  A Paris Serge classe, vérifie tous les renseignements. C'est ainsi qu'ils retrouveront l'un des plus cruels, homme froid, Barbie. Sans argent, avec leur seule conviction, ils ont organisé la traque et l'arrestation de quelques auteurs de criminelles actions. Une Bande dessinée historique, simple et condensée. Bonne BD et bonne lecture.  M









A Victor Hugo Paul Verlaine ( Poème France )






           

                                     A Victor Hugo

                              En lui envoyant " Sagesse "
            Nul parmi vos flatteurs d'aujourd'hui n'a connu
            Mieux que moi la fierté d'admirer votre gloire :
            Votre nom m'enivrait comme un nom de victoire,
            Votre oeuvre, je l'aimais d'un amour ingénu.

            Depuis, la Vérité m'a mis le monde à nu.
            J'aime Dieu, son Eglise, et ma vie est de croire
            Tout ce que vous tenez, hélas ! pour dérisoire,.
             Et j'abhorre en vos vers le Serpent reconnu.                                        

            J'ai changé. Comme vous. Mais d'une autre manière.
            Tout petit que je suis j'avais aussi le droit
             D'une évolution, la bonne, la dernière.

            Or, je sais la louange, ô maître, que vous doit
            L'enthousiasme ancien ; la voici franche, pleine, 
            Car vous me fûtes doux en des heures de peine.


                                            Verlaine
              

mardi 12 juillet 2022

Jean Gabin Noel Simsolo Vincenzo Bizzarri ( BD france )

glénat.fr 





                                                            Jean Gabin

                                                    L'homme aux yeux bleus

            Né à Paris en 1904 du côté de Pigalle, dans une famille de sept enfants, mais trois meurent tôt, Jean Gabin Alexis Moncorgé perd sa mère à 14 ans. Il est récupéré par deux tantes à Mériel, obtient son certificat d'études, mais pas attiré par les études, il se fabrique une petite vie faite de divers petits boulots. Son père outre son café est chanteur d'opérette, sa mère fut chanteuse fantaisiste. A 18 ans, poussé par son père lié d'amitié avec le directeur des Folies Bergères, il entre par la petite porte dans le monde du spectacle. Devenu chanteur d'opérette, remarqué par Mistinguett, il engrange les succès. Et premiers pas au cinéma tout juste parlant. De son adolescence à Mériel il a gardé le goût de la terre, des animaux de la ferme. Prudent Jean Gabin prend une participation dans un garage, part qu'il garde jusqu'à la consolidation de sa ou ses fermes normandes. Il tourne beaucoup, ce qui lui permet de consolider son magot avec des lingots d'or, selon les auteurs de l'épaisse bande dessinée. Chanteur d'opérette il a épousé Gaby, mais ".... l'amour ne fait pas toujours le bonheur.... " Divorce. Remariage avec celle qui discute ses contrats et, patriote, à qui il abandonne ses lingots et tous ses biens sur la route, en 40, pour s'engager et défendre son pays. Gabin n'aime pas l'avion, il a néanmoins travaillé à Hollywood et rencontré Marlène Dietrich. Leur liaison est connue, mais elle lui refuse le mariage, lui remarque que les acteurs français installés là-bas ont plus de succès que lui, Dalio, Charles Boyer, alors qu'il arrivait auréolé de ses succès, surnommé en France Gueule d'Amour, succès avec Michèle Morgan, Simone Simon et tant d'autres. Dans cet ouvrage, plus de 200 pages, terminé par la filmographie de Jean Gabin, où le survol de la vie du comédien fait apparaître une courte période sans contrat, mais bientôt les affaires reprennent pour Gabin vedette nationale, qui tourna un certain nombre de films en Allemagne, et toujours il achète des terres, toujours en Normandie, et des vaches avant de concrétiser plus tard avec des chevaux, une écurie de coureurs avec couleurs. Gabin croise une femme qui lui donne ce qu'il veut, trois enfants. Deux filles et un fils. Père de famille comblé il regarde les événements de mai 68 depuis sa ferme normande, puis plus tard il retrouve la scène où il joue La Soif. Monsieur Gabin devient producteur, la Gafer, avec Fernandel, achète les droits de certains livres, choisit ses réalisateurs Grémillon, Duvivier et d'autres, son dialoguiste Audiard quand c'est possible, il lui met en bouche les mots qui lui viendraient dans la vie courante. Survol certes, mais la vie du comédien paraît absorbée par son métier, 95 films, dans le désordre : Remorque, La grande Illusion, Le quai des Brumes, Deux hommes dans la ville, La bête humaine, Pépé le Moko, Le chat apprécié pour un rôle pratiquement sans texte à apprendre et avec  Simone Signoret, et La Vérité avec Brigitte Bardot. Il y eut les policiers où apparaissent Pauline Dubost et Jeanne Moreau, Nicole Courcel, courte liaison, le temps d'un tournage avec Simone Simon. sur scène il joue La Soif d'Hehry Bernstein. Sur d'autres films Audiard se voit préférr Doucement Gabin partage la vedette avec Delon, Belmondo apprécié, " érudit en sport ". Une lampe pour mieux éclairer ses yeux, bleus. La vedette nationale, Jean Gabin meurt à l'Hôpital Américain un jour de novembre 1976. Bonne lecture, Bonne BD.  M

            

lundi 11 juillet 2022

Prologue supprimé à un livre " d'Invectives " Verlaine ( Poèmes France )










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                                        Prologue supprimé

                                   A un Livre " d'Invectives "

            Mes femmes, toutes ! et ce n'est pas effrayant :
            A peu près, en trente ans ! neuf, ainsi que les Muses,
            Je vous évoque et vous invoque, choeur riant,
            Au seuil de ce recueil où, mon fiel, tu t'amuses.

            Neuf environ ! Sans m'occuper du casuel,
            Des amours de raccroc, des baisers de rencontre,
            Neuf que j'aimais et qui m'aimaient, ceci c'est réel,
            Ou que non pas, qu'importe à ce Fiel qui se montre ?

            Je vous évoque, corps si choyés, chères chairs,
            Seins adorés, regards où les miens vinrent vivre
            Et mourir, et tous les trésors encore plus chers,
            Je vous invoque au seuil, mesdames, de mon livre :

           Toi qui fus blondinette et mignarde aux yeux bleus,
           Vous mes deux brunes, l'une grave et grande, et l'autre
           Imperceptible avec, toutes deux, de doux yeux
           De velours sombre, d'où coulait cette âme vôtre ;

            Et ô rouquine en fleur qui mis ton rose et blanc                                    
            Incendie ès-mon cœur, plutôt noir, qui s'embrase                                           pinterest.fr
            A ton étreinte, bras très frais, souple et dur flanc,
            Et l'or mystérieux du vase pour l'extase.

            Et vous autres, Parisiennes à l'excès,
            Toutes de musc abandonné sur ma prière
            ( Car je déteste les parfums et je ne sais
            Rien de meilleur à respirer que l'odeur fière

            Et saine de la femme seule que l'on eut
            Pour le moment sur le moment ) et vous, le reste
            Qu'on, sinon très gentil, très moralement, eut
            D'un geste franc, bon, et leste, sinon céleste.

            Je vous atteste, sœurs aimables de mon corps,
            Qu'on fut injuste à mon endroit, et que je souffre
            A cause de cette faiblesse, fleur du corps,
            Perte de l'âme, qui, paraît-il, mène au gouffre,

            Au gouffre où les malins, les matois, les " peinards "
            Comme autant de démons d'enfer, un enfer bête
            Et d'autant plus méchant dans ses ennuis traînards,
            Accueillent d'escroquerie âpre le poète...

            Ô mes chères, soyez mes muses, en ce nid
            Encore bienséant d'un pamphlet qui s'essore.
            Soyez à ce pauvret que la haine bénit
            Le rire du soleil et les pleurs de l'aurore.

            Donnez force et virilité, par le bonheur
            Que vous donniez jadis à ma longue jeunesse,
            Pour que je parle bien, et comme à votre honneur
            Et comme en votre honneur, et pour que je renaisse

            En quelque sorte à la Vigueur, non celle-là
            Que nous déployions en des ères plus propices,
            Mais à celle qu'il faut, au temps où nous voilà,
            Contre les scélérats, les sots et les complices.^

            Ô mes femmes, soyez mes muses, voulez-vous ?
            Soyez même comme un petit lot d'Erynnies
            Pour rendre plus méchants mes vers encore trop doux                               actualitte.com
            A l'adresse de ce vil tas d'ignominies :

            Telle contemporaine et tel contemporain
            Dont j'ai trop éprouvé la haine et la rancune,
            Martial et non Juvénal, et non d'airain,
            Mais de poivre et de sel, la mienne de rancune.

            Mes vers seront méchants, du moins je m'en prévaux,
            Comme la gale et comme un hallier de vermine,
            Et comme tout... Et sus aux griefs vrais ou faux
            Qui m'agacent... Muses, or, sus à la vermine !

              24 septembre 91.

                                      Paul Verlaine

            

           








vendredi 8 juillet 2022

Propriétaires Cesare Pavese ( Poèmes Italie )









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                                               Propriétaires

            Mon curé qui est né à la campagne, a passé toute sa vie 
            à veiller
            jour et nuit les moribonds, en ville, et pendant tant
            d'années
            il a amassé un petit héritage qu'il lègue à l'hôpital.
            Seuls les enfants et les femmes perdues ne devaient pas
            payer
            et au nouvel hôpital - petits lits blancs de fer - 
            il y a toute une section pour les femmes et les enfants
            perdus. 
            Mais les mourants qui en ont réchappé viennent encore
            le voir                                                                                                    pinterest.fr
            et veulent des conseils en affaires. Le zèle l'a rendu
            maigre
            à force de vivre dans l'odeur des lits, de parler avec des gens
            qui râlent,
            et de suivre au cimetière ses morts, quand il en a le temps,
            et de prier pour eux, en les aspergeant et en les bénissant.

            Un soir de mars où il faisait déjà chaud, mon curé
            a enterré
            une femme couverte de plaies qui avait été sa mère.
            La vieille était morte au village parce qu'elle avait peur
            d'aller à l'hôpital et elle voulait mourir dans son lit.
            Ce jour-là, mon curé portait la même étole
            que pour ses autres morts, mais il aspergea longuement
            le cercueil d'eau bénite et il pria plus longtemps.
            Dans le soir déjà chaud, la terre remuée répandait
            son odeur        
            sur le cercueil où ce n'était que pourriture : la vieille était
            morte
            de s'être tant rongée en voyant s'évanouir les terres
            qu'unique survivante, elle aurait dû sauver.
            Sous terre, un chapelet enveloppait ses mains recouvertes 
            de plaies
            qui, vivantes, par trois ou quatre croix sur des bouts
            de papier
            avaient fait sa misère. Et mon curé priait
            pour que fût pardonnée la veuve téméraire
            qui, pendant que son fils était au séminaire,
            sans demander conseil, s'était crue si capable.

            L'hôpital a un jardin - arrangé avec peine
            pour donner de l'air pur aux malades- qui a une odeur                                pinterest.fr
            de terre.
            Mon curé connaît bien les buissons et les plantes
            mieux encore que ses morts, car ils se renouvellent
            tandis que les buissons et les plantes ne changent jamais.
            Plongé dans la verdure, il marmonne - comme il fait
            sur les tombes -
            quand il vole un instant aux malades, et toujours il oublie
            de s'arrêter devant la grotte de la Nativité
            qu'ont arrangée les sœurs dans l'allée. Il se plaint
            quelquefois que sa tâche l'a toujours empêché d'aller
            de temps à autre soigner ses arbres secs, et qu'en
            trente ans,
            Jamais, il n'a pu se soucier du repos de son âme.


                                             Pavèse
                                                          ( 1933 )
            

            

            

lundi 4 juillet 2022

Le bal en robe de chambre Labiche ( Théâtre France )

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                                            Le bal en robe de chambre

            Episode de la vie du grand monde - Eugène Labiche et Marc-Michel 

                                                                Décor
             Un petit salon richement meublé - Au fond de la scène trois grandes portes s'ouvrent sur un                     grand salon - A droite deux portes - A gauche une porte en arrière-plan - Au premier-plan une                 cheminée - Des fauteuils, un tapis - A droite et à gauche des girandoles avec des bougies.

                                                               Scène 1ère  

            Félix seul tenant un bougeoir. - Mam'zelle qui vient de me dire d'allumer ; depuis trois jours elle me fait porter des lettres à toutes les connaissances de M. Vertgazon, son papa... Est-ce qu'elle voudrait donner une soirée ? Que je suis bête ! une enfant de six ans qui fait ses dents de sept.
                                                 
                                   ( Musique ) Air de La Colonne

                                                   C'tte enfant pas plus haut que ma botte
                                                   Depuis trois jours me fait trotter...     
                                                                                  Avec sa bonne elle complote...
                                                   Quoi donc qu'elle peut comploter ?
                                         Monsieur lui-même n'a pas l'air d'sen douter.
                                         Pourquoi ce soir veut-elle donc que j'éclaire ?
                                         J'ai beau m'creuser, ma foi j'n'y comprends rien ;
                                         Mais éclairons, c'est le meilleur moyen
                                                 Pour y voir clair dans ce mystère.

            ( Il allume ) Après ça... qu'est-ce que ça me fait ? On m'a dit d'allumer, j'allume... ( il allume le côté droit du salon et passe au côté gauche ) Je ne serai pas fâché de savoir ce que monsieur dira en rentrant. ( Il allume à gauche )

                                                                    Scène II 
                                                            
                                                               Félix, Vertgazon

            Vertgazon, entre par le fond, ne voit pas Félix. - Je ne suis pas à mon aise... Je me fais une fête de me coucher de bonne heure. ( Il aperçoit les bougies allumées à droite ) Tiens ! qu'est-ce qui a donc allumé mes bougies ? ( Il souffle toutes les bougies du côté droit )
            Félix, il a allumé le côté gauche et repasse à droite ) Là... voilà qui est fait. ( Il aperçoit les bougies éteintes ) Tiens !... le vent qui vient d'éteindre. ( Il rallume à droite pendant que Vertgazon souffle à gauche )
            Vertgazon - Là... ( Il passe à droite et aperçoit les bougies rallumées ) Ah !
             Félix, aperçoit le côté gauche éteint - Oh !
             Vertgazon - C'est toi, imbécile, qui brûle mes bougies.
             Félix -Monsieur... ce sont les ordres de mademoiselle.
             Vertgazon - Ma fille ! c'est ma fille qui t'a dit d'allumer ? Pourquoi ça ?
             Félix - Je n'en sais rien.
             Vertgazon - Fais-la venir... Je vais lui laver la tête.
             Félix - La voici. ( Il sort )                                                                   youtube.com

                                                                   Scène III

                                                             Vertgazon, Cécile

            Cécile - Bonjour, mon papa.
            Vertgazon - Approchez, mademoiselle... je suis très mécontent, je suis fort surpris...
             Cécile - Tu veux faire comme si ru étais en colère, mais tu ne l'es pas.
             Vertgazon - Comment ?
             Cécile - Non, ton nez remue. 
             Vertgazon - C'est vrai ! mon nez remue... alors embrasse-moi. ( Il s'assied )
             Cécile - Avec plaisir. ( Elle se met sur ses genoux ) Dis donc, mon petit papa, as-tu réfléchi à ce que je t'ai demandé ?...
              Vertgazon - Quoi ?
              Cécile - Tu sais bien, M. Roquentin, mon pauvre vieux maître de danse... il a attrapé une entorse... il paraît que ça l'empêche de danser... de donner des leçons.
            Vertgazon - Oui... les entorses produisent cet effet, dit-on, sur les maîtres de danse.
            Cécile - Alors il ne peut plus payer son loyer, et son propriétaire veut le mettre à la porte... dans la rue... c'est bien froid !
            Vertgazon - L'hiver, je n'en disconviens pas, mais en été...
            Cécile, câline - Mon petit papa, tu ne veux donc pas me donner ces huit cents francs... pour payer le loyer de M. Roquentin ?
            Vertgazon - Non, ma fille, pour la vingtième fois non ! M. Roquentin est un vieux sauteur auquel je ne m'intéresse nullement... il t'a donné des leçons de danse, c'est vrai ; mais je lui ai payé ses cachets... donc je ne lui dois rien, donc, laisse-moi tranquille.
            Cécile, le quitte en boudant - C'est bien... je m'y attendais ; aussi j'ai trouvé un moyen.
            Vertgazon - Qu'est-ce que c'est ?
            Cécile - C'est mon secret... mais, puisque tu ne veux pas payer... je paierai, moi.
            Vertgazon - Avec quoi ?
            Cécile - Tiens, avec ma bourse... J'ai quinze francs... papa, combien me manque-t-il ?
            Vertgazon - Plus tard, ma fille, vous apprendrez les mathématiques. ( A lui-même ) Il ne faut pas fatiguer les enfants.
            Cécile - Une fois... deux fois... tu ne veux pas ?

                                                              Vertgazon
                                                        Air : Du haut en bas
                                                             Je suis de roc !
                                                                  Cécile
                                                    Ce pauvre homme est dans la misère !
                                                                Vertgazon
                                                              Je suis de roc !
                                                    Je suis plus têtu qu'un vieux coq !
                                                                    Cécile ( le câline et lui tapote la joue )
                                                            Allons ! écoute ma prière...
                                                            Je t'aimerai bien, p'tit pépère !

            Vertgazon - Je suis de roc !
            Cécile, sérieuse - Alors, c'est toi qui l'auras voulu... Je ne me repens pas de ce que j'ai fait.
            Vertgazon - Qu'as-tu fait ?
            Cécile - Tu le verras.
            Vertgazon - Dis-le moi... je t'en prie.
                                                                    Cécile ( même air )
                                                                 Je suis de roc !
                                                                    Vertgazon
                                                           Cède à la voix de la nature !...                                                                                                                                     Cécile
                                                                     Je suis de roc !
                                                                      Vertgazon
                                                             Eh bien ! voyons !... faisons un troc :
                                                             Dis-moi ton secret, j't'en conjure...                                                                                                                 Et j'te donne... un pot de confiture !

            Cécile, après un moment d'hésitation - Je suis de roc !
            Vertgazon - Ah ! elle me prend mes mots ! est-elle spirituelle !
            Cécile - Tout ce que je puis te dire... c'est que je paierai... avec mon travail... avec mes talents... et il ne t'en coûtera rien du tout.
            Vertgazon, riant - Avec ses talents... 800 francs !... Ah ! je rirais... si je n'avais pas envie de dormir... Bonsoir, ma fille.
            Cécile - Bonsoir, papa. J'ai idée que tu ne dormiras pas bien cette nuit !
            Vertgazon - Pourquoi ?
            Cécile - Parce que tu as été méchant avec ta petite fille.
            Vertgazon, à part - C'est un prodige !... Madame de Staël !

                                                                            Ensemble
                                                                   Air de L'homme aux Souris.
                                                                       Va te coucher, ma chère ;
                                                                        Je vais chercher par là
                                                                        Un livre qui, j'espère,
                                                                         Bientôt m'assoupira.
                                                                                  Cécile
                                                                          Bonne nuit, méchant père,
                                                                          Va donc chercher par là
                                                                           Un livre qui, j'espère,
                                                                           De peu te servira.
                                                                                                                  Vertgazon sort à droite.

                                                                                     Scène IV

                                                                                  Cécile, Félix    

            Cécile sonne, Félix portant sur son bras une robe de chambre et un bonnet de coton.                              Cécile - Allumez lez bougies.
            Félix - Mais, Mamz'elle, Monsieur votre père m'a défendu...
            Cécile - Mais allumez donc, quand on vous le dit ! - Dieu ! qu'on est mal servi
aujourd'hui ! - Qu'est-ce que vous tenez là ?
            Félix - C'est Monsieur qui m'a dit de lui donner sa robe de chambre...
            Cécile - Vous lui donnerez son habit noir... et son claque.
            Félix - Pour se coucher.                                                                     pinterest.fr
            Cécile - Dieu ! que vous êtes raisonneur ! Voilà un vilain défaut...
            Félix, à part - Faut pas lui en vouloir... elle fait ses dents.
            Cécile - Vous direz à Dominique de prendre dans la salle à manger un plat d'argent...
            Félix - Dominique prendre un plat d'argent ! C'est un honnête garçon, mademoiselle !                             Cécile, avec impatience - Mais écoutez-moi donc !... il se tiendra toute la nuit à la porte de l'antichambre avec son plat.
             Félix - Ah ! Ah ! elle est bonne celle-là !
             Cécile - Je n'aime pas qu'on rie de ce qu'on ne comprend pas... Mais allumez donc ! il faudra peut-être que j'allume moi-même !
            Félix - Voilà, mademoiselle, voilà.
            Cécile, elle sort - Dieu qu'on est mal servi aujourd'hui !
                                                                                                   Elle sort au fond.                

                                                                         Scène V

                                                            Félix seul, puis Vertgazon

           Félix - Mademoiselle me dit de rallumer... moi je veux bien... rallumons. ( Il rallume )
           Vertgazon, rentrant sans voir Félix, montrant le livre qu'il tient. - J'ai fait choix d'un narcotique efficace et puissant... des tragédies ! ( Il voit les bougies allumées à droite. ) Hein ! Encore  cette illumination a giorno ! ( il souffle à droite, pendant que Félix allume à gauche. ) Cet anima de Félix s'entend bien certainement avec le marchand de bougies. ( Il passe à gauche. )
            Félix, à droite - Tiens ! c'est r'éteint ! ( Il rallume )
            Vertgazon , à gauche - Tiens ! c'est rallumé ! Ah ! ça mais, sapristi !... ( Il souffle )
            Félix, l'aperçoit - Vous resoufflez, monsieur ?
            Vertgazon - Imbécile ! butor!... ça ne va donc par finir ?
            Félix - C'est mam'zelle qui me l'a dit...
            Vertgazon - Va te promener.
            Félix - Oui, monsieur. (  Fausse sortie )
            Vertgazon - Arrive ici.
             Félix - Oui, m'sieu.
             Vertgazon - Allume la veilleuse.
             Félix, obéissant. - Bien, m'sieu !... ( A lui-même ) Moi, j'veux bien !
             Vertgazon - Ce garçon-là est stupide ! ( A Félix qui va sortir ) Eh bien ! Où vas-tu ?
             Félix - Nune part, m'sieu.
             Vertgazon -Nune part ! Donne-moi ma robe de chambre... ( Il ôte son paletot )
              Félix, apportant un habit noir -Votre robe de chambre ; c'est-à-dire... Voilà... ( Il lui passe son habit )
            Vertgazon - Qu'est-ce que c'est que ça !
             Félix - Mam'zelle m'a dit de vous mettre votre habit noir.
             Vertgazon - Mais tu m'ennuies, mais tu m'agaces... mais tu me portes sur les nerfs ! Ma robe de chambre, drôle !
            Félix, la lui passant - Voilà, m'sieu. ( A part ) Moi, je veux bien.
            Vertgazon - Prends ma perruque et donne-moi mon bonnet de coton.
            Félix, lui offrant son claque - Non, m'sieu, votre claque.
            Vertgazon - Des claques ; en voilà, animal ! ( Il lui donne une tape ).
            Félix - Mam'zelle m'a dit...
            Vertgazon - Mon bonnet de nuit !
            Félix - Voilà ! ( A part ) Qu'est-ce que ça me fait ! 
            Vertgazon, met son bonnet de coton - Emporte ma perruque... Va bassiner mon lit... et prépare-moi mon jus d'herbe... pendant que je vais lire quelques scènes de ce volume de tragédies... Morphée s'en trouvera bien. ( Il s'assied au coin du feu ) Eh bien ! va donc !
            Félix - Qu'est-ce que ça me fait !... moi, je veux bien !... ( Il sort )

                                                                     Scène VI

                                               Vertgazon, puis Le Baron et la Baronne de Rochepot
                                                                                 en grande toilette de bal
            Vertgazon, lisant - La Veuve du Malabar ou l'Empire des Costumes, ( il se reprend ). Non, des coutumes.                                " Un illustre indien a terminé sa vie... "
             Un domestique, ouvrant la porte du fond et annonçant - Monsieur le baron et la baronne de Rochepot.
              Vertgazon - Hein ? Une visite ? Je n'y suis pas. ( Il appelle ) Félix, ma perruque, Félix ! ma...   ( il se trouve devant la baronne ) Madame, j'ai l'honneur de vous présenter mes hommages... ( A part )
Sapristi !                                                                                                        pinterest.fr
              La Baronne, à part - En robe de chambre !                                                                                   
              Le Baron, de même -En bonnet de coton !
              Vertgazon, s'efforce d'être aimable - Monsieur le baron... je suis bien aise... oh ! mais bien aise... de vous voir... ( A part ) Que le diable les emporte !
              Le Baron - Nous venons trop tôt, n'est-ce pas ?
              Vertgazon, très galant - Comment donc, madame... Il n'est jamais trop tôt !...  ( A part, il s'arrête tout court ) Sapristi ! je suis en bonnet de coton  !... ( Il y met la main pour l'ôter ) Et pas de perruque !... ( Renfonçant son bonnet ) Laissons-leur croire que j'ai des cheveux !
              Le Baron - C'est la baronne qui m'a pressé... Elle craignait d'être en retard.
              Vertgazon, étonné - Ah ! madame craignait ? Quelle heure est-il donc ?...
              Le Baron - Onze heures...
              Vertgazon, vivement - Vous retardez...
              Le Baron - Vous croyez ? ( Bas, à la Baronne ) Ah çà, rien n'annonce les préparatifs d'un bal.
              La Baronne, bas - Je n'y comprends rien. 
              Vertgazon, à part - Mais quel motif peut les amener ?...
              Le Baron - Vicomte, c'est bien aujourd'hui jeudi, n'est-ce pas ?
              Vertgazon - Oui... sans doute... ( A part ) Si c'est pour me demander ça...
              Le Baron - Ah ! c'est que madame la Baronne craignait que ce ne fût pas aujourd'hui jeudi...
              La Baronne - Oui... en entrant...
              Le Baron - Mais du moment que d'est aujourd'hui jeudi, très bien... très bien !... Nous sommes tranquilles.
                                                                                                   Ils s'asseyent
            Vertgazon, à part - Comment, ils s'installent !...
            La Baronne - J'ai dit à mon cocher de revenir me prendre à trois heures...
            Vertgazon - Comment !
            Le Baron - Oui... Nous nous retirons de bonne heure !
            Vertgazon, très aimable - Ah ! tant pis ! Ah ! tant pis ! ( A part, en s'asseyant ) Il faut avoir la rage des visites !... Je ne connais que les chauves-souris pour se faire des politesses à pareille heure...
            La Baronne, bas, au Baron - Dites donc est-ce qu'il ne va pas aller s'habiller ?
            Le Baron, de même - J'espère bien que si ! ( Haut ) Nous vous gênons, peut-être ?
            Vertgazon - Moi, pas du tout...
            La Baronne - Si vous avez quelque chose à faire...
            Vertgazon - Non... je n'ai rien à faire... rien du tout... J'ai ma soirée.
            La Baronne, à part - Elle est jolie sa soirée !

                                                                    Le Baron

                                                         Air : Un homme pour faire un tableau
                                        
                                                              Cher vicomte, pas de façons !
                                                               Agissez sans cérémonie.
            Vertgazon - Je n'en fais pas.
            La Baronne - Nous vous gênons !...
            Vertgazon - Pas du tout.
            Le Baron - Allez, je vous prie...
            Vertgazon - Que j'aille... où çà ?...
            Le Baron - S'il vous plaisait de faire un tour dans votre chambre ?
            Vertgazon - Non !
            La Baronne, étonnée - Plaît-il ?
            Le Baron, bas, à la baronne - Je vois ce que c'est... C''est un bal en robe de chambre.
            Le Baron, bas - Je suis fâché d'avoir mis des gants neufs.
            La Baronne, bas - C'est mal éclairé !... ( Vertgazon s'endort )
            Le Baron ( de même ) - Je crois bien... deux bougies... et une veilleuse.
            La Baronne - Aujourd'hui les riches boudent.
            Le Baron, à part - Ce n'est pas possible, nous nous sommes trompés de jour.
            La Baronne, bas - Regardez votre lettre d'invitation.
            Le Baron, parcourant sa lettre, bas - " De venir passer la soirée chez lui, le jeudi 16 mars... "
            La Baronne - C'est inconcevable.
            Le Baron, à Vertgazon qui dort - Pardon, vicomte, c'est bien aujourd'hui jeudi... 16 mars ? 
            Vertgazon, s'éveillant - Oui, 16 mars, le marronnier des Tuileries fleurit dans quatre jours. ( A part ) Nous allons recommencer.
            Le Baron - C'est que la baronne craignait que ce ne fût pas aujourd'hui le 16 mars ; mais du moment que c'est aujourd'hui le 16 mars, très bien, très bien... nous sommes tranquilles.
            Vertgazon, à part - Qu'est-ce que je disais ?... Nous recommençons ; ça va aller comme ça jusqu'à trois heures du matin.

                                                                      Scène VII
                                                        Les Mêmes, Un Domestique annonce

            Le Domestique - M. et Mme Farruch de Pontcastor.
            Vertgazon, à part - Hein ! ( Grandes salutations de tout le monde ) Encore une visite ; ils se sont donné le mot.
            Mme de Pontcastor, bas - Quelle singulière toilette !
            M. de Pontcastor - Seriez-vous indisposé, cher vicomte ?
            Vertgazon - Mille fois trop bon ! au contraire. ( Ils s'asseyent )
            Mme de Pontcastor - Pardon ! c'est bien aujourd'hui jeudi ?
            Vertgazon - Oui ! ( A part ) Qu'est-ce qu'ils ont donc avec leur jeudi.
            La Baronne - Aurez-vous Levassor... l'acteur ?
            Vertgazon - Moi ! Pourquoi faire ? Je ne crois pas.
            Le Baron - Ah ! fâcheux, fâcheux ! je l'aime beaucoup... je l'ai vu dans Robert le Diable... il joue le rôle du diable comme un ange.                                                                 pinterest.fr
            La Baronne - C'est Levasseur, mon ami.
            Le Baron - Qu'est-ce que ça fait ? Levassor... Levasseur ils se ressemblent, n'est-ce pas ?
            Vertgazon  Parbleu !
            Le Baron, à part - Drôle de bal ! ça manque d'entrain... et de sirop... je suis bien fâché d'avoir mis des gants neufs... je les ôte !

                                                                         Scène VIII
               
                                                                      Les mêmes, Félix
            Félix, entre avec une tasse de tisane à la main et une bassinoire sous le bras 
            - Voilà, Monsieur, voilà.
            Le Baron, se levant - Enfin, voici des rafraîchissements !
            Félix, s'arrête - Tiens, des visites !
            Le Baron, prend la tasse - Qu'est-ce que c'est que ça ? du chocolat ?
            Félix - C'est du jus d'herbes.
            Le Baron - Hein ?
            La Baronne - Et une bassinoire !
            Le Baron, à part - Quel drôle de bal !
            Vertgazon - Je vous demande pardon... c'est cet imbécile... 
             Le Baron - Non ! C'est impossible ! ce n'est pas aujourd'hui jeudi !
             La Baronne - 16 mars.
             Vertgazon, à part - Nous recommençons... très bien !

                                                                          Scène IX
                                                              Les mêmes, Invités, Musiciens
            Un domestique ouvre la porte du fond et annonce les invités qui entrent successivement.

            Le Domestique - Monsieur, Madame et Mademoiselle Olivarès de la Moselle !
            Vertgazon - Pristi ! ( A Félix ) Ma perruque !
            Le Domestique - Madame la chanoinesse de Criqueboeuf.
            Vertgazon - Corneboeuf  ! ( A Félix ) Ma perruque !
            Félix - Elle est par là !... Voici votre claque.
            Vertgazon, ôte son bonnet de coton et met son claque - Messieurs... Mesdames... enchanté... ravi...
                                                                           Choeur
                                                               Air : Valse de Satan 
                                                                      
                                                                           Vertgazon
                  
                                                                Ah ! morbleu ! c'est une gageure !
                                                                Qui diable à l'heure que voici,
                                                                 Peut donc, je m'y perds, je le jure.
                                                                 Amener tout ce monde ici ?

                                                                               Les Invités
                                                          
                                                                    Ah ! vraiment ! c'est une gageure !
                                                                   Rien n'est plus plaisant que ceci ;
                                                                   Quel costume ! et quelle coiffure !
                                                                    Pourtant c'est aujourd'hui jeudi.
            Tous - Ce costume !
             Vertgazon - Je vous demande un million... mais je ne m'attendais pas à l'honneur !
             Le Baron - Comment ! Et votre invitation de bal ?
            Vertgazon - Mon invitation ?
            Le Baron - Parbleu ! la voici... ( Chacun lui donne sa lettre )
            Vertgazon - C'est un peu fort ! ( Il lit ) " Monsieur le vicomte de Vertgazon vous prie de lui faire l'honneur de venir passer la soirée chez lui le jeudi 16 mars. Prix d'entrée : un cavalier, 5 francs... un cavalier et une dame, 7 francs. "
            Le Baron - Ca met les dames à 40 sous.                                      
            Vertgazon - Mais qu'est-ce que cela signifie ?
            Le Baron - Dam ! il y a dans l'antichambre un grand escogriffe avec un plat d'argent, et qui reçoit le prix des places.
            Vertgazon - Comment !
            Le Baron - Entre nous... je crois que vous couvrirez vos dépenses...
                                                                                     Les trois portes du fond s'ouvrent
            Vertgazon - Mais c'est affreux ! faire payer à ma porte ! je suis déshonoré. ( Il se retourne et aperçoit le salon éclairé, garni de guirlandes de fleurs ) Hein ! qu'est-ce que c'est que ça ? ( Apercevant des musiciens ) Un orchestre !... c'est un rêve ! je deviens stupide ! qu'est-ce qui m'expliquera tout ça ?

                                                                              Scène X 

                                                          Les mêmes, la petite Cécile habillée en hussarde
            Cécile - Moi, papa !
            Vertgazon - Ma fille !
                                                                          Choeur                                                   pinterest.fr

                                                                Air : La belle fille 

                                                                       La belle fille !  
                                                                       Qu'elle est gentille !
                                                                       La grâce brille
                                                                       Dans tous ses traits.
                                                                       Qu'elle est jolie !
                                                                        L'âme attendrie !
                                                                        Se sent ravie 
                                                                        Par tant d'attraits.

            Vertgazon - Mademoiselle, me direz-vous ?
            Cécile - C'est un bal que je donne au profit de mon maître de danse... vos amis sont venus à mon invitation, je vous disais bien qu'il aurait ses 800 francs !
            Vertgazon - Ah ! petite coquine !... mais pourquoi ce costume ?...
            Cécile - Pour danser au profit de mon professeur de polka hussarde qu'il m'a apprise...
            Tous - Oui ! oui!
            Cécile - Vous avez payé en entrant... mais si vous êtes contents... personne ne vous empêchera de recommencer en sortant.
            Vertgazon, à part - Ah ! elle est pétrie d'esprit !... Madame de Staël ! Je la mettrai dans le commerce.
            Les personnages se rangent des deux côtés de la scène, la petite danse une polka hussarde. -
            Après la danse, tous les personnages applaudissent et crient bravo ! - Le rideau tombe

                                                                                     FIN

                                                             Eugène Labiche - Marc-Michel

                             Première Représentation le 12 octobre 1850 au Théâtre du Palais Royal.