ç_
pinterest.fr
Une Génération
Un enfant allait jouer dans les prés où maintenant
les boulevards s'étendent. Là-bas il retrouvait
des gamins aux pieds nus et gambadait de joie.
C'était beau d'aller pieds nus dans l'herbe, avec eux.
Un soir de lumières lointaines, des coups de feu claquaient
dans la ville, et dominant le vent parvenait effrayante
une clameur brisée. Tous se taisaient.
Les collines égrenaient sur les pentes
des points lumineux que le vent avivait.
La nuit s'assombrissant éteignait tout enfin
et dans le sommeil seules restaient des bouffées de vent
frais.
( Demain matin, les enfants repartent en vadrouille,
ils ont tous oublié les clameurs. En prison,
il y a des ouvriers silencieux et certains sont déjà morts.
Dans les rues, on a recouvert les taches de sang.
La ville lointaine s'éveille au soleil et les gens
sortent dans la rue. Ils se regardent tous. )
Les enfants pensaient aux prés sombres du soir
et regardaient les femmes.
Les femmes elles-mêmes laissaient faire sans rien dire.
Les enfants pensaient aux prés sombres du soir
où venaient des fillettes. C'était beau
les enfants.
Le jour, la ville nous plaisait : mais le soir, en silence
écouter les clameurs et regarder au loin les lumières.
Les enfants vont toujours jouer dans les prés
où arrivent les boulevards. Et la nuit est la même.
Quand on passe par là, on sent l'odeur de l'herbe.
En prison, il y a toujours les mêmes. Et puis il y a les
femmes
comme alors, qui font des enfants et qui ne disent rien.
Cesare Pavese
( 1934 )
( in Travailler fatigue )
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire