mardi 19 mars 2019

Lettres à Colette Sido ( Document France )

Lettres a colette Lettres à Coletteidosujet

            Adèle Eugénie Sidonie Landoy, épouse d'un premier mari qui la rend très malheureuse, mère de quatre enfants, Achille, médecin époux de Jane, père de deux petites filles, Juliette mère d'Yvonne et souffre-douleur d'un mari médecin Roché, ils vivent éloignés de Sido clairvoyante et triste de la situation de sa fille. Et veuve elle épouse le capitaine Colette et naîtront Léo pas très vaillant assez proche de Colette, tous deux habitent Paris. Active, très vive, intelligente, tout l'intéresse, les gens, la nature, les animaux, la culture, elle lit, séances de cinéma, et nous sommes en 1910, les journaux sont lus dans le détail. Elle et Achille vivent à Châtillon-sur-Loing non loin de Saint-Sauveur où Colette l'auteur a passé son enfance. Et cette maison sera l'objet de nombreux conseils. Dans ses lettres adressées à sa fille, Sido est le personnage, ou la personne comme dit l'auteur de la préface, de très nombreux romans à commencer par les Claudine. Ces Claudine sont tout au long des lettres un sujet brûlant car, comme on le sait aujourd'hui Colette est l'auteur que Willy - Gauthier-Villars, épousé parce que sans dot et pour d'autres raisons, a publié sous son nom la frustrant de revenus et de reconnaissance. Le procès, le divorce, les mesquineries et les bassesses racontées sous la plume alerte de cette fascinante septuagénaire, féministe, est un plaisir de lecture. De 1903 à 1912 Sidonie écrit presque quotidiennement à celle qui écrit, comédienne joue sur scène, assez dénudée, quitte Willy pour vivre avec Missy, et alors que Sidonie nous quitte, épuisée, le coeur soutenu par la digitaline, soignée sans répit par son " cher grand ", Achille, Colette vit une nouvelle histoire d'amour turbulente avec Henry de Jouvenel directeur du " Matin " où elle écrit entre autres. Sidonie se plaint :
            " 3-04-07 - Minet chéri................. Toi mon trésor tu n'as pas d'enfant et c'est une souffrance en moins parce que tu n'as pas le souci de leur avenir.......... Achille est très occupé parce qu'il a en ce moment des malades très malades.......... Au revoir bijou chéri, je t'embrasse comme je t'aime. " 
            Achille consulte, accouche et parcourt les routes en voiture De Dion, fréquemment accompagné de Sidonie qui pense que les automobiles sont des objets dangereux et ruineux.
            " Minet chéri.............. j'ai eu grand plaisir à lire L'homme qui assassina de Claude Farrère......
.......... Au revoir mon toutou chéri............ "
            " 27-08-07 - Ô Minet chéri !...... J'air reçu aussi les herbes marines, c'est très bon avec le bouilli et le boeuf rôti...........  Au revoir mon toutou chéri. J'ai lu ton article de La Vie Parisienne.Il m'a plu et à Achille aussi. Fais-en beaucoup comme cela mon Minet et on t'en redemandera.......... "
            En 1910 Sidonie raconte les très importantes inondations qui recouvrent champs et villages et qui ont fait date.
            Sidonie, femme ruinée, femme au foyer occupée avec la lingère à réparer draps et vêtements, cuisine la galette, gourmande de chocolats et de thés parisiens qu'elle réclame à Colette. Mais l'attitude de celle-ci lors de la mort de sa mère a offusqué Achille qui aurait brûlé toutes ses lettres.
            



            

dimanche 17 mars 2019

Anecdotes et Réflexions d'hier pour aujourd'hui 93 Samuel Pepys ( Journal Angleterre )

         
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                                                                                                                         16 mai 1663

            Levé de bonne heure inquiet et hanté par mes soupçons.
            Je mériterais d'être battu pour cela, si ma femme ne me fait pas ce que je crains d'être, d'autant plus que Dieu sait que je ne trouve pas dans mon propre coeur tant de droiture, et qu'à la moindre tentation je pourrais lui être infidèle et, par conséquent, ne devrais pas attendre d'elle plus de vertu. Mais que Dieu pardonne mon péché et ma folie !
            A mon bureau réunion toute la matinée, à midi dîner à la maison. Après retour de Pembleton. Comme j'étais de mauvaise humeur je refusai de le voir, prétextant du travail. Mais Seigneur ! avec quelle jalousie j'arpentai mon cabinet de travail, l'oreille tendue pour entendre s'ils dansaient et ce qu'ils faisaient. Nonobstant le fait, confirmé par la suite, et que je croyais vrai alors, que Miss Ashwell était avec eux. Puis un peu à mon bureau et, toujours sous l'empire de ma jalousie, je rentrai à la maison et, non que j'y prisse le moindre plaisir, mais pour cette seule raison, je montai les rejoindre pour m'exercer. Je finis d'apprendre La Duchesse et je pense qu'avec un peu d'effort je devrais très bien la danser. Puis il partit.
            Ensuite, le capitaine Cocke vint me parler de l'apparente discourtoisie dont j'aurais fait preuve à son égard lors de l'affaire de son chanvre, je l'emmenai au bureau où nous devisâmes longuement et je crois qu'il fut satisfait.
            Puis écrivis des lettres, entre autres, jusqu'à une heure avancée de la soirée, puis à la maison, souper et, au lit, l'esprit un plus en paix, car j'ai résolu d'empêcher autant que faire se peut qu'il arrive quoi que ce soit à l'avenir, puisqu'il ne sert à rien de me tourmenter pour ce qui s'est déjà passé, et dont ma propre folie avait fourni l'occasion.


                                                                                                                    17 mai
                                                                                               Jour du Seigneur
            Lever et à mon cabinet de travail toute la matinée à préparer mes grandes lettres à mon père, où je lui présente la description complète de l'état de notre domaine. Ma femme et Miss Ashwell à l'office, et après dîner elles y retournèrent et je passai tout l'après-midi à terminer le travail du matin
que j'achevai vers le soir, et devisai avec ma femme jusqu'après le souper, ensuite au lit, après une autre petite querelle. J'étais tourmenté par un accès de ma jalousie habituelle à l'endroit de son maître à danser, mais je suis bien sot de m'être emporté. Puis au lit alors qu'il faisait encore jour. J'ai un très gros rhume et je doute que je pourrai parler demain à notre réunion avec le Duc, tant je suis déjà enroué.


                                                                                                                                                   18 mai
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Portrait Of An Unidentified Young Lady de Thomas Hudson (1701-1779, United Kingdom) | Reproductions D'art Sur Toile | WahooArt.com            Lever et après avoir pris congé de sir William Batten, parti aujourd'hui pour Portsmouth - Dieu sait qu'il n'y fera pas grand-chose - pour visiter l'arsenal, retour à la maison où passai la matinée à danser. A midi, après dîner............ en fiacre à Westminster et laissai me femme chez Mrs Clarke et moi à St James. Comme le Duc a descendu le fleuve aujourd'hui avec le roi, je me rendis aux appartements de lord Sandwich où je me promenai un moment avec Mr Howe et, alors que je traversais le jardin en direction de Whitehall, le Dr Clarke et Creed me hélèrent depuis l'autre côté du jeu de boules, je les rejoignis, restai un peu avec eux et montai chez Mrs Clarke qui était en train de s'habiller pour sortir avec ma femme. Mais Seigneur ! sa plus belle pièce et les choses qui l'entourent étaient dans un si piètre état, en dépit de toutes les apparences qu'elle se donne et de toutes les manières qu'elle fait, que je vois bien qu'elle est exactement comme Mrs Pearse, contrairement à ce que je croyais, au point que cela me dégoûte et me désole de voir cela.
            Je sortis et pendant une heure Creed et moi nous promenâmes jusqu'à Whitehall puis nous entrâmes dans le parc et vîmes la reine et les dames d'honneur traverser le palais pour entrer dans le parc. Vraiment, la beauté de Mrs Stuart surpasse celle de toutes les autres, et l'on dit à présent qu'elle est une maîtresse attitrée du roi, comme l'est milady Castlemaine. Ce qui est bien regrettable.
            Pris ensuite un fiacre et passai chez Mrs Clarke pour l'emmener avec ma femme, Miss Ashwell et un Français, qui chante bien. De là à la maison nous aussi et causâmes longuement du pauvre ameublement de Mrs Clarke et de tout le bruit qu'elle fait dans le monde, et qui n'est que façade. Et je suis plus satisfait de ma propre maison et de ma façon de vivre que je ne l'ai jamais été, en voyant que je vis tellement mieux et plus richement que les autres.
            Puis souper et, au lit.


                                                                                                               19 mai

            Levé de très bonne heure, mais je remarque que de danser et d'avoir dormi un matin ou deux plus tard que d'habitude à cause de mon rhume, font qu'il m'est difficile de me lever comme à l'accoutumée ou de m'occuper de mon travail comme d'habitude.
            A mon cabinet de travail pour terminer les papiers que je dois envoyer ce soir par la poste à mon père, et en faire des copies, ce qui représentait beaucoup de travail, mais j'en vins à bout ce matin, puis à mon bureau. Me rendis ensuite à la Tour, avec sir John Mennes, où Mr Slingsby et Mr Hoare, le contrôleur de la Monnaie, nous montrèrent, du début jusqu'à la fin, comment l'on fabrique les nouvelles pièces. Cela est si admirable que je pris des notes sur chaque opération et les ai recopiées à part, afin de pouvoir m'en souvenir. Quand nous eûmes terminé, il était l'heure de dîner, et le contrôleur insista pour nous inviter à manger avec lui et ses compagnons, car le roi leur donne à dîner chaque jour. Ce fut très gai et nous devisâmes agréablement de l'affaire qui nous avait occupés. Puis nous nous rendîmes au bureau des essais où nous vîmes comme l'on essaie l'or et l'argent et comment un mélange d'or et d'argent fondus ensemble se sépare à nouveau quand on le place dans l'eau-forte, car l'argent se transforme en eau tandis que l'or reste entier dans la forme exacte qu'il avait lorsqu'il était mélangé avec l'argent, ce qui est un miracle, comme de ne pas voir la moindre trace d'argent, celui-ci s'étant changé en eau. Mais on peut l'extraire de cette eau et le rendre à sa nature première.
            Et là on m'exposa en détail tout ce qui concerne le titre des métaux, et j'ai noté ces explications à la suite de mes autres observations sur le sujet.
            A table on nous parla, entre autres, de deux fraudeurs, les meilleurs dont j'ai jamais entendu parler. La première histoire était celle d'un ouvrier dont on découvrit qu'il emportait les rognures d'argent des pièces de un et trois pence en les avalant, de sorte qu'on ne pouvait le découvrir, bien que tous les ouvriers soient bien évidemment fouillés. Mais comme ils avaient des raisons de le soupçonner, ils l'amenèrent par des menaces et des promesses à avouer, et trouvèrent en une fois pour sept livres de métal dans sa maison.
            L'autre histoire est celle d'un homme qui avait trouvé une façon de fabriquer de la monnaie aussi bonne, acceptable et de la même taille que la monnaie authentique, mais gardait 50 pour cent pour lui. Il s'était procuré des moules pour frapper des pièces imitant les vieilles pièces de quatre pence si parfaitement, et j'ai demandé qu'on m'en donnât deux que je garde comme curiosité, qu'il n'en est pas de meilleures au monde. Et elles sont aussi bonnes, ou plutôt meilleures que celles qui ont officiellement cours, et c'est là l'unique détail qui fit douter de leur authenticité, outre le nombre de ces pièces que l'homme mettait en circulation. Et quand le contrôleur de la Monnaie les eut devant lui il ne put, disais-je, trouver d'autres motifs de soupçon que leur forme d'une rondeur parfaite, ou presque, chose que moi je n'aurais jamais trouvée suspecte. Le fraudeur ne fut ni pendu ni condamné au bûcher, car on le trouva d'une merveilleuse ingéniosité, et c'était la première fois qu'on l'attrapait, de plus il n'avait quasiment lésé personne, car sa monnaie était aussi bonne que celle qui avait cours légal.
            Au bureau jusqu'au soir, réunion puis traversâmes la Tamise en barque, avec Pembleton, pour nous rendre à la taverne de la Demi-Étape, où nous jouâmes aux quilles. Et ma damnée jalousie s'embrasa, car lui et ma femme étaient du même côté et je lui vis lui prendre la main par jeu. Cependant je pense, à présent, qu'il l'a fait seulement en passant et pour s'amuser.
           Retour à la maison et, comme il était plus de 10 heures je dus accoster de l'autre côté de l'hôtel des douanes et rentrer à pied à la maison. Puis à mon bureau et, après avoir envoyé par la poste mes lettres importantes à mon père, dont je conserve des copies pour pouvoir les montrer et mieux m'en souvenir, je rentrai à la maison, souper et, au lit, car il était tard.                                    pinterest.fr
Résultat de recherche d'images pour "jalousie en peinture dessins "            Les choses les plus remarquables que j'aie observées aujourd'hui sont les étapes de la fabrication de la monnaie.
            1- Avant tout on essaie le métal. Cela se fait dans le cas de l'or, en prenant un poids égal d'or et d'argent, une petite quantité de chaque, estimée à 6 ounces ou une demi-livre en poids que l'on enveloppe dans une mince feuille de plomb.
            S'il s'agit d'argent on utilise la même quantité de ce métal seul que l'on enveloppe de plomb. On les met ensuite dans de petits godets en terre cuite faits de la même matière que les pipes à tabac, et que l'on place dans un fourneau brûlant, au bout d'un moment tout le métal est fondu, et à la fin le plomb, dans les deux cas, se mêle à la substance du godet entraînant avec lui tout le cuivre et les impuretés et il ne reste plus que le mélange pur d'or et d'argent............  La façon dont on extrait l'argent de l'eau est tout aussi étrange.
            Mais voici en quoi consiste l'essai.
            Si le morceau d'or qui entre dans le fourneau pèse 12 ounces et ressort en 11 ounces, et si le morceau d'argent pèse à l'entrée 12 ounces et à la sortie 11 ounces et 2 grains le titre de ces métaux est exactement conforme aux normes d'Angleterre. Si l'or en pèse plus de 11 ( ce qui arrive parfois ) ou l'argent plus de 11 et 2 grains ( l'argent fin pèse parfois ounces et 10 grains ou plus à la sortie ), ils sont d'autant au-dessus de la norme. On sait ainsi quelle quantité d'or ou d'argent de qualité inférieure il faut ajouter à une quantité donnée de métal pour l'amener aux normes exactes. Et au contraire si les échantillons ressortent plus légers, alors un tel poids est au-dessous de la norme et requiert donc qu'une proportion donnée de métal fin soit rajoutée au lingot pour atteindre le titre légal. Et voilà ce qui différencie le bon aloi du mauvais, le titre supérieur et le titre inférieur à la norme et aussi les titres officiels, celui de Séville étant le plus élevé et celui du Mexique le plus bas. Et je crois que l'on m'a dit que seul celui de Séville est supérieur au nôtre.
            2 - On fond le métal pour en faire de longues lames, et si le moule prend l'air, alors cette lame n'est pas d'un poids égal partout, comme cela arrive souvent.
            3 - On étire ces lames entre des cylindres..........
            4 - Elles passent ensuite entre une autre paire de cylindres, c'est ce que l'on appelle l'ajustage.........
            5 - On les découpe en morceaux circulaires, ce qui se fait avec la facilité, la rapidité et la précision les plus grandes du monde.
            6 - On pèse ces rondelles et celles trop lourdes sont limées ; on dit alors qu'on les égalise, si elles sont trop légères on les met de côté. Cela n'arrive que fort rarement et leur poids est parfaitement juste..................
            7 - Comme ces rondelles ont été découpées dans les lames qui sont gauchies par leur passage dans les laminoirs elles sont parfois un peu tordues, ou présentent des bosses ou des creux, pour y remédier on les enfourne par cent ou deux cents dans une machine qui, au moyen d'une vis appuie si fort qu'elles en ressortent aussi plates qu'il est possible.
            8 - On les blanchit.
            9 - On y marque les lettres sur la tranche par une méthode dont Blondeau garde le grand secret........
            10 - On les frappe, en d'autres termes on les marque des deux côtés à la fois, avec une grande précision et une grande rapidité, et la pièce est achevée......................
            On dit que cette méthode coûte plus cher au roi que l'ancienne. Mais elle est plus précise et fait qu'il est plus difficile de rogner ou contrefaire les pièces, car il est impossible de graver les mots sur la tranche sans une machine si coûteuse et bruyante que nul faux-monnayeur ne pourrait payer le prix, ni ne se risquerait à l'utiliser. Et elle emploie autant d'hommes que l'ancienne, tout en étant plus rapide
            On frappe à présent des pièces de 16 000 à 24 000 livres par semaine.
            Au dîner nos hôtes nous ont dit des choses fort intéressantes sur la probabilité qu'il y ait une grande quantité d'argent cachée dans le pays en se fondant sur les frais suivants :
            A l'époque du roi Charles on a frappé pour près de 10 millions de livres, ce à quoi il faut ajouter l'argent en circulation frappé sous le roi Jacques et la reine Elisabeth, dont une bonne partie existe encore aujourd'hui. 
            Il n'a été frappé que 750 000 livres de monnaie marquée de la croix et de la harpe dont
500 000 ont été rapportées à la banque lorsque les pièces furent retirées de la circulation et l'on a de très bons arguments pour penser qu'il ne peut y en avoir moins de 100 000 en Écosse et en Irlande, de sorte qu'il ne manque pas plus de 150 000 livres sur lesquelles on suppose qu'il ne doit pas rester plus plus de 50 000 livres, soit fondues, soit cachées, perdues ou thésaurisées en Angleterre, il ne restera donc que 100 000 livres dont on pense qu'elles sont sorties du pays.....................
            Maintenant il est évident que d'après leurs calculs la plus grande partie de cette somme doit être cachée, comme le montre la pénurie qui a immédiatement suivi le retrait de la monnaie de la République......... Il était impossible de se procurer de l'argent dans la Cité, ce qui d'après leurs observations et ce qu'ils savent, est exact. Et donc, quoique je ne puisse le confirmer moi-même, je ne mets pas ce point en doute.


                                                                                                                 20 mai
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Image associée            Levé et à mon bureau. Vers midi à la maison voir danser ma femme avec Pembleton, puis j'allai dîner à Trinity House, et retour à la maison où je retrouvai Pembleton qui, apparemment, avait dîné avec ma femme, ce qu'elle dit trouver tout naturel. Est-ce calcul de sa part ou crainte de me déplaire, je ne sais, mais cela me causa de nouveau un grand trouble, de sorte que je ne pouvais rien remarquer qui ne me contrariât. Je persistai cependant dans ma résolution de descendre par le fleuve à Woolwich et emmenai ma femme et miss Ashwell. En sortant rencontrai Mr Howe. Nous mîmes son cheval à l'écurie et l'emmenâmes avec nous, mais la marée était contraire et j'accostai dans Greenwich d'abord, où mis des choses en ordre à l'arsenal afin que l'on commence la construction du nouveau yacht par Christopher Pett, puis à Woolwich où les autres m'attendent dans une taverne. Nous embarquâmes ensuite de nouveau. Il faisait froid et j'étais en nage d'avoir marché, une très agréable promenade au milieu des prés verts et des pois. Nous chantâmes durant le trajet, lui et moi, et mangeâmes de la viande froide que nous avions apportée et rentrâmes fort contents à la maison, puis il repartit à cheval. Pembleton arriva et nous dansâmes une ou deux danses campagnardes, puis nous interrompîmes et, au lit, l'esprit tourmenté et peu susceptible de retrouver la paix tant qu'elle prendra des leçons de danse. Dieu pardonne ma folie !


                                                                                                               21 mai 1663

            Lever, mais je ne parviens pas à me lever aussi tôt que d'habitude, ni à fixer mon esprit sur mon travail comme je le devrais et comme je le faisais avant ces leçons de danse. Néanmoins à mon bureau où passai la plus grande partie de la matinée à parler avec le capitaine Cox de Chatham du différend qui l'oppose à l'arsenal tout entier, à Mr Barrow le garde-magasin. A ce sujet je lui dis clairement ma pensée, à savoir qu'il serait soutenu contre les machinations de quiconque voudrait sa perte, car nous sommes tous persuadés, sauf sir William Batten, son ennemi mortel, que le roi n'a pas de meilleur serviteur que lui dans l'arsenal.
            Après maints bons conseils et autres conversations, à la maison où je dansai avec Pembleton, et me fis ensuite raser par le barbier, puis dîner et me querellai avec ma femme à propos de ses leçons de danse, au point que je quittai la table et fis le serment de ne plus m'opposer à elle ni de la blâmer ou de la contredire d'aucune façon à ce sujet jusqu'à la fin du mois de leçons, sous peine de payer une amende de 2 shillings et 6 pence à chaque fois. Et je m'y tiendrai, si Dieu m'assiste, car cette friponnerie a davantage troublé mon ménage que quoi que ce fût d'autre depuis bien longtemps.
            Après dîner à mon bureau où restai tard, puis à la maison et, comme Pembleton était de nouveau là, nous dansâmes une ou deux danses campagnardes, puis souper et, au lit. Mais au cours du souper ma femme dit une chose qui me fit la contredire, et elle employa le mot " diable ", ce qui m'irrita, Je dis, entre autres, que je ne tolérerais pas qu'elle employât ce mot, et là-dessus elle me répondit avec grand dédain. Et je ne sais plus maintenant comment la gourmander devant Miss Ashwell et tout le monde, alors qu'avant je l'aurais frappée pour moins que cela. Et donc je crains, si je n'y prends garde d'arriver bien près de perdre mon autorité sur elle. Et rien n'y contribue tant que cette occasion que je lui ai donnée de danser et de se divertir d'autre façon, ce qui détourne son esprit de son devoir et lui fait découvrir d'autres agréments que le souci de me plaire et a pour effet de ne plus du tout prendre plaisir en ma compagnie ni à s'efforcer de me plaire comme auparavant. Si seulement son mois de leçons était terminé ( comme le mien depuis ce soir. J'ai réglé à Pembleton le prix de toutes mes leçons ) ! Quand il le sera j'espère la ramener sans trop d'efforts à ses dispositions de naguère.
            Aujourd'hui, comme Susan, notre ancienne servante a perdu sa place, et c'est je crois une fille bien simple, ma femme la prend à son service quelque temps, à l'essai, au moins jusqu'à son départ pour la campagne. A ce propos je ne crois pas qu'il soit bon pour moi de l'y envoyer, car je crains que loin de ma tutelle, elle ne s'émancipe plus encore, avant que j'aie pu la ramener à de bonnes dispositions.


                                                                                                              22 mai
                                                                                                                             magasindesenfants.hypotheses.org
Résultat de recherche d'images pour "désir en peinture dessins"            Levé de très bonne heure, et suis, je l'espère, redevenu moi-même et m'applique de nouveau à mon travail après m'être un peu laissé aller, car il m'apparaît que mon crédit et mon profit augmentent chaque jour, Dieu en soit loué et me rappelle à mon devoir.
            A mon bureau. J'apprends que Rundell, le charpentier de Deptford, m'a apporté un beau merle. Il me dit que quelqu'un lui en a offert 20 shillings, tant il siffle bien.
            A mon bureau occupé toute la matinée, entre autres, essayé de comprendre le mouvement des marées. Je crois y être maintenant parvenu.
            A midi visite de Mr Creed, et nous rendîmes à la Bourse où m'entretins longuement avec plusieurs négociants, puis avec lui dîner à la maison, et ensuite en barque à Greenwich où, après m'être arrêté à la petite taverne au bout de la ville pour entourer d'un torchon mon petit orteil gauche que la marche rendait douloureux, nous fîmes un agréable trajet jusqu'à Woolwich et entendîmes en chemin chanter les rossignols. Après des affaires réglées à l'arsenal et m'être préparé à une dispute avec sir William Penn au sujet de l'affaire de l'étamine dans laquelle il est coupable de corruption au détriment du roi, nous retournâmes à pied sans avoir rien bu. C'est une chose que je ne fais jamais parce que je ne voudrais déranger personne par ma venue, ni ne voudrais devenir trop l'obligé de quiconque. En chemin nous fûmes rattrapés par Mr Steventon, commissaire de marine et oncle de Will, mon commis. Il me dit avoir été lésé par sir John Mennes lorsque l'on a apuré ses compte, et dans une telle mesure que j'ai honte de l'entendre et suis résolu à arranger l'affaire si je le puis, même si le pauvre homme a renoncé. Cependant je suis assez content que d'autres que moi remarquent sa sottise et son radotage, quoiqu'au fond de moi je pense que l'homme a de bonnes intentions. Embarquai à Greenwich et à Deptford rencontrai Davies, le garde-magasin, qui est un fripon et coupable de malhonnêteté dans l'affaire de l'étamine...........A pied jusqu'à Rotherhite et bûmes à la taverne de la Demi-Étape. A pied et en barque à Whitehall. A l'aller et au retour durant le temps passé sur le fleuve lu un petit livre censé avoir été écrit par une personne de qualité suivant laquelle il est préférable d'appartenir à la gentry anglaise plutôt que de se voir conférer honneurs et titres. Mais il ne s'agit là que de ridicules fadaises, dépourvues de sens..........
            A Whitehall je ne pus trouver sir George Carteret, m'en retournai presque aussitôt, à la maison par le fleuve et, au lit.


                                                                                                                     23 mai

            Réveillé ce matin entre 4 et 5 heures par mon merle. Il siffle mieux qu'aucun que j'aie jamais entendu. Il connaît bien le début de beaucoup d'airs mais pas plus. Puis lever et à mon bureau, réunion. Ai eu une altercation avec sir John Mennes en prenant la défense de mon commis Will dans une affaire où le vieux fat voulait lui imputer une faute dont Jack Davis était responsable, une véritable filouterie consistant à établir deux billets de solde et à se faire régler les faux, tandis que le second était payé à qui de droit. Mais il est apparu très clairement aux membres du conseil que Will n'avait rient à se reprocher.
            Dîner à la maison et ensuite en barque au quartier du Temple où allai chercher mon cahier de musique pour viole de gambe, relié, avec des pages blanches pour les nouveaux morceaux. Puis chez Greatorex. Voyant passer sir John Mennes et sir William Penn en voiture je montai avec eux pour aller avec eux à Whitehall..................wahooart.com
            Retour chez Greatorex qui me montra un vernis de son invention qui me paraît en tout point aussi bon, sur un bâton qu'il a enduit, que le vernis indien, bien qu'il n'ait pas fait très bel effet sur mon papier à musique, car il a été absorbé et ne brille pas Puis à la maison par le fleuve et, après une danse avec Pembleton, à mon bureau. Écrivis une lettre à sir William Batten à Portsmouth, je lui demande d'être de retour mercredi prochain, le jour de notre procès contre Field à l'Hôtel de Ville. Que Dieu fasse qu'il se termine à notre avantage ! Puis à la maison, souper et, au lit.


                                                                                                                      24 mai
     oiseaux.net                                                                                             Jour du Seigneur    
            Comme j'avais pris une des pilules de Mr Hollier hier soir, j'ai eu une selle ou deux ce matin, de sorte que je m'abstins d'aller à l'office et restai à la maison étudier mes papiers sur l'affaire Tom Trice. A midi dîner et comme ma femme me raconta qu'une jolie femme accompagnait Peg Penn à l'office aujourd'hui, j'eus envie, contrairement à mes premières intentions, de me rendre à l'office pour la voir. Ce que je fis, et elle est en effet fort jolie.
            Mais en face de notre galerie j'avisai Pembleton et vis qu'il lorgnait ma femme durant tout le sermon. Je faisais comme si je ne le voyais pas, et ma femme qui lui rendait ses regards. Et je remarquai qu'elle lui fit une révérence en sortant sans rien m'en dire. Cela ajouté au fait qu'elle a tenu ces deux derniers dimanches à aller à l'office, le matin et l'après-midi, me fait réellement soupçonner qu'il y a quelque chose d'extraordinaire, quoique je répugne à envisager le pire.
            Nonobstant, cela me jeta dans une grande confusion, où je suis encore, et me fait maudire le jour où j'ai consenti à ces leçons de danse, et plus encore de les avoir prolongées d'un second mois, alors qu'elle n'en désirait pas tant et que je n'avais que trop vu comme elle se conduisait avec lui.
            Mais je dois m'armer de patience et l'envoyer à la campagne, ou du moins mettre un terme à ces leçons de danse dès que possible.
            Après le sermon, chez sir William Penn avec sir John Mennes pour travailler un peu et envoyer ce soir notre réponse à Mr Coventry. Puis à la maison et descendis avec ma femme et Miss Ashwell au jardin, nous promenant un grand moment et nous demandant qui cette belle fille pouvait bien être d'après son ajustement et son maintien. D'après Mrs Penn elle pourrait être sa dame de compagnie, si ce n'est qu'elle était assise sur leur banc avec Peg, chose qu'à mon avis il ne permettrait pas si c'était le cas.
            Puis à la maison où je lus à ma femme une ou deux fables dans l'Esope, puis d'Ogilby. Puis souper, prières et, au lit.
            Ma femme a parlé ce soir de se faire faire des vêtements pour la campagne, ce à quoi je me suis opposé, disant que je n'avais point d'argent, mais j'en suis content dans une certaine mesure, car ainsi je l'éloignerai de ce gredin et retrouverai ma liberté pour m'occuper de mon travail plus que je ne l'ai fait depuis quelque temps. Prières et, au lit.
            Ce matin, il semble que Susan qui, je crois n'a plus toute sa raison, ou du moins a appris à boire depuis qu'elle nous a quittés, et sort deux ou trois fois de la maison sans permission pour se rendre à la taverne, soit sortie avant 5 heures aujourd'hui, obligeant Griffith à se lever vêtu de sa seule chemise afin de lui ouvrir pour se rendre à la taverne, pour se réchauffer, disait-elle. Mais sa maîtresse l'a querellée à ce sujet, et l'a chassée ce matin. La voilà partie comme une souillon et une paresseuse. J'ai encore pris une pilule ce soir.


                                                                                                                 25 mai

            Lever et, ma pilule ayant fait un peu d'effet, je restai à la maison la plus grande partie de la matinée Arrivèrent le barbier et Sarah Kite, ma cousine. La pauvre femme est venue pour m'emprunter 40 shillings, me promettant de me les rendre à la Saint-Michel. J'étais content qu'elle ne demandât pas davantage, car il m'est indifférent qu'elle me les rembourse ou pas, mais ça sera une bonne raison pour ne plus rien lui donner ou lui prêter. Je m'exécutai donc de bon gré, sans me faire prier et rajoutai même une couronne pour acheter quelque chose à son enfant, car cette malheureuse a un bon naturel et est diligente, et j'aimerais lui venir en aide, dans la mesure de mes possibilités, mais sans qu'elle devint une charge. Ma femme n'était pas prête et à cause de l'heure très matinale elle ne l'a pas vue, ce dont je suis content.
            Après son départ, je montai pour apprendre que ma femme et sa servante, Miss Ashwell, avait  trouvé le moyen de renverser le pot de chambre plein de pisse et merde, sur le sol, la chaise percée, et Dieu sait quoi encore, et s'employait fort joyeusement à tout nettoyer. Je me contentai d'en rire.
             Miss Ashwell vint ensuite me transmettre une commission de la part de ma femme qui désirait de l'argent afin de s'acheter des vêtements pour la campagne. Je lui donnai donc 4 livres et suis persuadé qu'il m'en coûtera 4 de plus pour l'équiper de pied en cap. Mais je suis prêt à employer tous les moyens pacifiques et honorables pour garder les rênes et conserver mon pouvoir sur elle.
            Puis à mon bureau pour retourner bientôt à la maison où ma femme et son maître dansaient. Je restai donc dans mon cabinet de travail jusqu'à ce qu'ils eussent fini et jouai un peu de la viole de gambe. J'avais bien perdu la main mais la retrouvai aisément. Un peu plus tard dîner et emmenai ma femme et Miss Ashwell à St James, mais ne trouvai pas la personne susceptible d'aller voir le Duc......
..... remontai dans le fiacre. Nous fîmes monter avec nous le tailleur de ma femme car il pleuvait fort et je descendis......... chez milord le chancelier tandis que les autres continuaient vers Pater Noster Row. Je restai parler avec milord Sandwich et rencontrai Mr Lewis Phillips de Brampton qui me dit, de même que d'autres ensuite, que l'on a appris hier à la Cour que le roi de France est malade d'une fièvre éruptive mais que les boutons ont disparu, et cet après-midi milord Mandeville est parti sur ordre du roi pour lui rendre visite, ce qui fera grand bruit à travers toute l'Europe. ( nte de l'éd. Louis XIV avait attrapé la rougeole )                                                                                                                              pinterest.fr
Résultat de recherche d'images pour "oiseaux peinture"             Conversai un grand moment avec milord Sandwich à propos de ses émoluments............
           Puis retour à la maison où je trouve Pembleton et montai donc avec eux pour danser jusqu'au soir. Arrivèrent Mr Alsop, le brasseur du roi, et Lanyon de Plymouth. Mr Alsop me dit qu'un de ses chevaux, après avoir souffert 4 jours a récemment évacué par le fondement 4 pierres plus grosses que celle dont j'ai été opéré, fort lourdes et contenant chacune en leur milieu un morceau de fer ou de bois. Le roi en a deux dans son cabinet, et une troisième a été donnée au collège des médecins qui la conserve comme curiosité, et sur ordre du roi il fait chaque jour fouiller le crottin du cheval pour en trouver d'autres.............   


                                                                                                             26 mai
       
           Grasse matinée à causer et prendre mon plaisir avec ma femme. Puis lever, un moment à mon bureau et retour à la maison où je trouve Pembleton et de nombreux détails m'amènent à conclure qu'il y a quelque chose qui n'est pas innocent entre eux. Cela me tourmente au point que je sais à peine si je sais, à la minute où j'écris ceci, ce que j'écris, ce que je fais, ni comment en user avec ma femme, car je répugne autant à lui en parler de crainte de querelles et autres désagréments, qu'à laisser faire de peur qu'elle ne continue à m'offenser et que la situation empire. De sorte que je souffre jusqu'au plus profond de mon coeur, un sentiment pourtant fort déraisonnable.
            J'ai dîné avec Mr Creed et le capitaine Grove, et avant devisai longuement dans mon cabinet de travail avec Mr Deane, charpentier de marine de Woolwich, sur la construction des vaisseaux, mais rien ne pouvait me sortir cette affaire de l'esprit, et je craignais....... qu'elle ne lui eût donné rendez-vous.
            Voilà bien ma jalousie diabolique ! Fasse le ciel qu'il n'en soit rien, mais ces pensées jettent mon esprit dans les tortures de l'enfer ! Que le Dieu du ciel m'en délivre, où je serai fort malheureux ! Puis réunion au bureau.
            Un peu plus tard, l'esprit tourmenté, je rentrai à la maison voir comment allaient les choses et trouve, comme je le craignais, Mr Pembleton avec ma femme, sans personne d'autre dans la maison, ce qui me rendit presque fou. Je montai dans mon cabinet de travail et, après m'être promené un moment de long en large, je ressortis et appelai quelqu'un, prétextant des affaires de bureau que je laissai dans ma petite pièce près de la porte ( c'était le Hollandais, capitaine de l'un des bateaux de plaisance........ ) à qui je dis que j'allais revenir lui parler de son affaire. Puis, au supplice et dévoré de soupçons, au bureau...... J'expédiai rapidement nos affaires et demandai à pouvoir m'absenter, prétendant aller dans le quartier du Temple, mais en réalité à la maison. Montai dans mon cabinet de travail et si, comme je le crois, ils avaient de mauvaises intentions, j'empêchai qu'il se passât quoi que ce fût à ce moment. Mais je demeurai dans mon cabinet toujours fâché et irrité jusqu'à son départ. Il prétendit bien haut, pour que je l'entendisse, qu'il ne pouvait pas rester et, comme Miss Ashwell était absente, ils ne danseraient pas.
            Mais Seigneur ! quand je pense que ma jalousie me travaille au point que je suis monté m'assurer qu'aucun des lits n'était défait ! Aucun ne l'était, mais cela ne m'apaisa point, et je passai toute la soirée à marcher de long en large. Ma femme vint bientôt me trouver désirant me parler de quelque chose, mais je pris cela pour pure impudence et, quoique ayant le coeur prêt d'éclater, je continuai de me taire, ne sachant quel parti choisir.
            La nuit tombée je laissai tout le monde aller se coucher, me mis au lit à une heure avancée, fort mécontent, et m'endormis.


                                                    à suivre.......

                                                                                                    27 mai 1663
                 Puis, vers 3 heures du matin............
           


                     

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mercredi 13 mars 2019

Le poète Alexandre Pouchkine ( Poème Russie )

Alexandre Pouchkine dans un parc
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                              Le Poète


            Le poète qu'Apollon n'appelle
            à son service divin
            reste plongé lamentablement
            dans les vains soucis du monde.
            Sa lyre sacrée demeure muette.
            Habité de songes glacés,
            des pauvres gens que nous sommes
            il est le plus misérable.

            Mais à peine le verbe divin
            effleure-t-il sa fine ouïe
            que, telle une aigle qui s'éveille,
            l'âme du poète frémit.
            Les amusements du monde l'assomment.
            Et les rumeurs le laissent froid.
            Il n'incline plus sa tête fière
            devant les idoles de la foule,
            mais il fuit, austère et farouche,
            empli d'émotions et de sons
            vers des rives aux vagues désertes
            et de bruissantes chênaies.


                                   Pouchkine 

                                                 ( 13. 08. 1827 )

                                                      ( in L'heure de la nuit ed. bilingue )
         


mardi 12 mars 2019

Incidents Daniil Harms extraits 2 ( Nouvelles Russie )



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                                                             I N C I D E N T S

                                                                   ( extraits 2 ) 

                                                                  Quand deux personnes jouent...

            Quand deux personnes jouent aux échecs j'ai comme l'impression que l'une va se faire voler par l'autre. Surtout si elles jouent pour de l'argent.
            D'une façon générale je déteste qu'on joue pour de l'argent. J'interdis de le faire en ma présence.
            Les joueurs de cartes je les ferais fusiller. C'est sans conteste la meilleure méthode pour éradiquer les jeux de hasard.
            Plutôt que de taper le carton, ils feraient bien mieux de se réunir pour se faire mutuellement la morale.
            Du reste, rien de plus ennuyeux que la morale. Faire la cour aux femmes est plus passionnant.
            Les femmes n'ont jamais cessé d'être l'objet de mon intérêt. J'ai toujours été ému par une paire de jambes, particulièrement au-dessus du genou.
            Nombreux sont ceux qui tiennent les femmes pour des créatures vicieuses. Selon moi, c'est absolument faux ! Au contraire, il y a chez elles quelque chose de foncièrement agréable.
            Une jeune femme bien potelée en quoi peut-elle être vicieuse ? Inconcevable !
            Les enfants, c'est tout autre chose.. On les dit innocents. Moi j'estime que même s'ils sont innocents rien n'est plus répugnant qu'eux, surtout quand on les fait danser. Je m'empresse de quitter tout endroit où il y a des enfants.
            Léonide Savéliévitch les abomine aussi, non sans mon influence d'ailleurs..
            En général, tout ce qui sort de la bouche de Léonide Savéliévitch, c'est d'abord moi qui l'ai dit un jour ou l'autre.
            Et pas seulement lui. Tout le monde est prêt à me voler ne serait- ce que des bribes d'idées.     appa.aix.free.fr                                          C'est franchement marrant.
            Hier, par exemple, ne voilà-t-il pas qu'Oleïnikov accourt pour m'annoncer qu'il est empêtré dans les problèmes de la vie. Je lui ai donné deux ou trois conseils et il reparti rayonnant de bonheur.
            On recherche mon aide, on répète partout mes paroles, on s'étonne de mes faits et gestes. Sans que personne ne me paie quoi que ce soit.
            Sots que vous êtes ! Apportez-moi le plus d'argent possible et vous verrez comme je serai aux anges.


                                                           **********************ù**

                                                Il y a eu comme un craquement...

            Il y a eu comme un craquement dans l'horloge, et j'ai reçu la visite de messagers. Je n'ai pas tout de suite compris que c'étaient des messagers. J'ai d'abord cru que l'horloge était cassée, mais voyant que les aiguilles continuaient de trembler et que l'heure indiquée était manifestement la bonne, j'ai pensé qu'il y avait un courant d'air dans la pièce, puis aussitôt je me suis dit : " quel est donc ce phénomène qui pourrait avoir pour cause aussi bien le dérèglement d'une horloge que l'irruption d'un courant d'air ? Assis sur la chaise à côté du divan, je réfléchissais tout en observant l'horloge. L'aiguille des minutes était pointée sur le 9, celle des heures abordait le 4, il devait donc être quatre heures moins le quart. Sous l'horloge il y avait un grand calendrier dont les feuilles s'agitaient comme sous l'effet d'une brise traversant la pièce. Mon coeur battait la chamade, j'avais peur de perdre connaissance.
            " Faut que je boive de l'eau ", me dis-je. Une carafe était posée sur la table près de moi. Je  tendis la main et la pris.                                                                             funfou.com
            " L'eau peut me faire le plus grand bien ", pensai-je en fixant l'eau de la carafe.
            A ce moment je compris que des messagers étaient entrés chez moi, sans que pourtant je puisse les distinguer de l'eau. Et je craignais de la boire cette eau, parce que j'aurais aussi pu avaler un messager par erreur. Qu'est-ce que ça pouvait bien vouloir dire ? Cela n'avait aucun sens. On ne peut boire que quelque chose de liquide, or les messagers sont-ils liquides ? Non, bien sûr. Donc, je pouvais boire sans crainte cette eau. Mais l'eau avait disparu, pas moyen de la retrouver. Je me mis à la chercher dans toute la pièce. J'essayai de boire ma ceinture, mais elle n'était pas liquide. Je mis le calendrier dans ma bouche. Ce n'était pas de l'eau non plus.
            Envoyant l'eau au diable j'entrepris de chercher les messagers. Mais comment les reconnaître? A quoi ressemblaient-ils ? Je me souvins qu'il m'avait été impossible de les distinguer de l'eau et que, par conséquent ils devaient lui ressembler.
            Mais l'eau elle-même à quoi ressemble-t-elle ? Cela demandait réflexion.
            Je ne sais combien de temps je suis resté debout à réfléchir, mais j'eus soudain comme une révélation qui me fit tressaillir :
            " La voici l'eau ! "
            Hélas, ce n'était pas l'eau, simplement une oreille qui me démangeait.
            J'allai fouiller derrière l'armoire et sous le lit dans l'espoir d'y trouver de l'eau ou un messager. Mais derrière l'armoire, au milieu de la poussière, je n'ai trouvé qu'une balle rongée par un chien, et sous le lit il n'y avait que des débris de verre.
            Sous une chaise j'ai aperçu les restes d'une boulette de viande. Je les ai mangés sans que cela m'aide à éclairer l'esprit. La brise avait presque cessé de souffler dans la pièce, l'horloge faisait calmement tic-tac en marquant l'heure exacte : quatre heures moins le quart.
            " Bon, les messagers sont certainement repartis " pensai-je. Et je me rhabillai pour rendre visite à des amis.


                                                             ************************


                                                     Le Cahier bleu ciel
                                       ............

            23 août 1936                                                                          images.n3po.com

            1 - Voici brièvement ce que je pense des voyages :
                 " Quand tu voyages ne t'aventure pas trop loin, sinon tu risques de voir quelque chose que tu ne pourras plus jamais oublier. Or, quand quelque chose s'obstine à siéger dans la mémoire, on commence à se sentir mal, puis il devient tout à fait difficile de garder l'esprit en alerte.

            2 - C'est ainsi, par exemple, que le camarade Bedayev, horloger de son état, ne parvenait pas à oublier cette phrase qu'il avait ouïe un jour :
            " Si le ciel était courbe, il n'en serait pas plus bas pour autant. "
            Cette phrase, le camarade Bedayev n'y avait pas compris grand-chose, elle l'irritait infiniment et il la trouvait absurde, dénuée de sens, voire nuisible, parce que ce qu'elle affirmait était manifestement incorrect. Le camarade Bedayev sentait au fond de lui qu'un physicien aurait su répliquer au sujet de la hauteur du ciel et n'aurait certainement pas laissé passer ce ciel courbe.
            Le camarade Bedayev ne doutait pas que si Perlman était tombé sur cette phrase il l'aurait déchirée en morceaux, comme un chiot déchiquette des pantoufles, franchement hostile à la pensée européenne courante. Si par contre l'affirmation de cette phrase s'avérait fondée ce serait une vérité trop insignifiante et mesquine pour qu'elle mérite qu'on en parle. De toutes façons quiconque l'avait entendue devait l'oublier à l'instant même. Mais c'est précisément ce que le camarade Bedayev ne réussissait pas à faire. Il se rappelait sans cesse cette phrase, et en souffrait terriblement.



...................        ................            ..................              ................            .................          ...............


            10 - Il y avait un homme roux privé d'yeux et d'oreilles. Il n'avait pas non plus de cheveux, en sorte que le qualifier d'homme roux était tout relatif. Il lui était impossible de parler car il n'avait pas non plus de bouche, pas plus que de nez. Il n'avait même ni bras, ni jambes, ni l'ombre d'un ventre ou d'un dos, pas la moindre trace de vertèbres et d'entrailles.
            Il n'avait rien de rien.
            On ne sait même pas de qui il peut s'agir.
            Alors, ne parlons plus de lui, cela vaut mieux.


                                                                         .................................

                                                                                                                       
            7 janvier 1937                                                                                                                                                                                                                                                      narwhaler.com
http://i.imgur.com/uhUoV.jpg
            11 - Une mémé n'avait plus que quatre dents, trois en haut et une en bas.
                   La mémé ne pouvait pas s'en servir pour mâcher quoi que ce soit et, à vrai dire, ces dents lui étaient parfaitement inutiles.
                   Or donc elle décida de se faire arracher ses quatre dents et de faire poser à leur place un tire-bouchon dans la gencive inférieure et une petite pince dans celle du haut.
                  La mémé buvait de l'encre, mangeait des betteraves toutes molles, et se curait les oreilles avec des allumettes.
                  La mémé avait quatre lièvres. Trois lièvres en haut et un autre en bas. Elle les avait attrapés à la main et enfermés dans de petites cages. Les lièvres pleurnichaient et se grattaient les oreilles avec leurs pattes de derrière. Les lièvres buvaient de l'encre et mangeaient des betteraves toutes molles.
                 Parfaitement ! Les lièvres buvaient de l'encre et mangeaient des betteraves !



                                               Daniil Hams

                                                                  .............................................


                                               
            

jeudi 7 mars 2019

Incidents Daniil Harms extraits ( nouvelles Russie )




                                                      I N C I D E N T S
                                                             

            Daniil Harms auteur russe est mort à 36 ans en 1942 dans un hôpital psychiatrique où il avait été interné, considéré comme anti-soviétique. Depuis réhabilité en 1956 ses textes paraissent en Russie et sont traduites dans plusieurs langues. Les membres de l'Oulipo ne le renieraient sans doute pas. Absurdité des petits ou grands moments du quotidien, très courts textes parfois. Extraits d'Incidents.


                                                                    ***
                                                                    
                                                               Alter Ego

                                                       La période d'incubation

            Je suis resté quatre mois dans la couveuse. La seule chose dont je me souvienne, c'est qu'elle était en verre, transparente, avec un thermomètre. J'étais assis à l'intérieur sur un coussin d'ouate. Je ne me rappelle plus rien d'autre.
            Au bout des quatre mois on m'a sorti de la couveuse. C'était justement le 1er janvier 1906,.....
Et c'est le 1er janvier qu'on a pris l'habitude de fêter mon anniversaire..

                                                              ***********

                                                     Je suis né au milieu des joncs

            Je suis né au milieu des joncs. Comme une souris. Ma mère m'a accouché puis elle m'a laissé dans l'eau. Et l'eau m'a entraîné. Un poisson quatre fois moustachu n'arrêtait pas de tourner autour de moi. Je me suis mis à chialer. Le poisson pleurait aussi comme une madeleine. Tout à coup nous avons vu du gruau qui flottait sur l'eau. Nous l'avons mangé et, ensuite, nous avons éclaté de rire. On s'amusait comme des fous. Emportés par le courant nous avons rencontré un crabe. Un crabe énorme, et très vieux, qui tenait une hache entre ses pinces. Et, derrière le crabe, il y avait une grenouille, toute nue.
            - Pourquoi est-ce que tu te balades toujours à poil ? lui a demandé le crabe Tu devrais avoir honte !
            - Et pourquoi ça ? a répondu la grenouille. Pourquoi devrions-nous avoir honte de ce corps si beau que nous a donné la nature, alors que nous n'avons jamais honte de toutes les saletés que nous commettons dans la vie ?
            - Tu as certainement raison, a dit le crabe, et je ne sais pas quoi te répondre. Posons la question à un homme, si tu es d'accord, parce que les hommes en savent beaucoup plus que nous. Nous autres nous ne sommes intelligents que dans les fables qu'ils écrivent sur nous. Si bien que même là l'intelligent c'est lui, l'homme, mais pas nous.
            C'est alors que le crabe m'a aperçu, et il s'est exclamé :                

            - Pas besoin d'aller chercher loin, en voici justement un d'homme !
            Le crabe m'a demandé, en s'approchant de moi :
            - Est-ce qu'il faut avoir honte de son corps nu ? Réponds-nous, puisque tu es un homme.
            - Je suis un homme, c'est vrai, et je vais vous répondre tout de suite : il ne faut pas avoir honte de son corps nu.

 ..................................

                                                      Cher Sacha, dans celle-ci...

           Cher Sacha, dans celle-ci ( je dis " dans celle-ci " par concision, mais je sous-entends " dans cette lettre " ) je ne vais t'entretenir que de moi-même. A proprement parler, je voudrais te décrire mon existence. Vraiment dommage que je ne t'aie pas écrit ma précédente lettre, car je t'y aurais raconté tout ce que j'ai dû omettre ici.
            Essayons de procéder par comparaison. Mettons que tu vis là-bas, à Achkhabad, de telle ou telle façon. Pour faire bref, disons que tu vis " comme cela ". Et moi je vis ici, disons pour abréger
" comme ceci et cela ". C'est moi qui ai choisi cette façon de désigner l'une et l'autre chose, afin que cela soit plus commode d'en parler par la suite. Si tu juges que les expressions " comme cela " et
" comme ceci et cela " sont peu commodes, on peut dire ainsi : tu vis d'une certaine façon, moi je vis aussi d'une certaine façon mais autrement. Si tu veux, restons-en à cette dernière formule.
            Supposons que je ne vive pas " d'une certaine façon mais autrement ", mais que je vive plutôt de la même manière que toi. Que s'ensuit-il ? Imaginons, et pour simplifier les choses oublions tout de suite ce que nous venons d'imaginer. Voyons maintenant ce qui en résulte. Ah, j'ai failli oublier de te dire que j'ai acheté un manteau qui m'est tout à fait inutile. Du reste il vaut mieux que je te le raconte une autre fois. Igor est venu en visite.

                                                               ..........................

                                               Nous logions dans deux pièces...

  
            Nous logions dans deux pièces. Mon ami occupait la plus petite, l'autre était plus spacieuse, avec trois fenêtres. Mon ami restait dehors des journées entières, ne rentrait que pour dormir. Je passais au contraire tout mon temps dans la chambre et, s'il m'arrivait de sortir ce n'était que pour aller à la poste ou pour m'acheter quelque chose à manger. En outre j'avais attrapé une pleurésie sèche, ça ne faisait que me clouer davantage à la maison.
            J'aime être seul. Mais au bout d'un mois j'en eus assez de cette solitude. Aucun livre ne pouvait me distraire, et je restais longtemps assis à ma table sans tracer une seule ligne. Je reprenais un livre, et le papier restait vierge. Et puis, cette fichue maladie ! Bref, je commençais à m'ennuyer ferme.
            La ville où je vivais à cette époque ne me plaisait pas le moins du monde. Elle se dressait sur une grande colline et on y avait de partout des vues de cartes postales. Moi, ces vues me donnaient la nausée, si bien que j'étais content de rester enfermé chez moi. D'ailleurs, à part le bureau de poste, le marché et le magasin d'alimentation, je ne vois pas où j'aurais pu aller.
            Donc, j'étais chez moi comme dans une geôle.
            Certains jours je restais même sans manger. Alors, je faisais tout pour me mettre de bonne humeur. Je m'allongeais sur le lit et je souriais. Je souriais pendant une vingtaine de minutes d'affilée, mais mon sourire se transformait tout à coup en bâillement. C'était vraiment désagréable. J'ouvrais la bouche juste assez pour un sourire, mais elle s'élargissait d'elle-même jusqu'à me faire bâiller. Je me mettais aussitôt à rêver.
            Je voyais devant moi une cruche remplie de lait et des morceaux de pain blanc. Et je me voyais aussi à la table en train d'écrire rapidement. Sur la table, sur les chaises et sur le lit, des tas de feuilles noircies. Je continuais d'écrire en faisant parfois des clins d'oeil et en souriant à quelque pensée secrète. C'était agréable d'avoir près de moi ce pain et ce lait, et une boîte en noyer pleine de tabac !
            J'ai ouvert la fenêtre et contemplé le jardin. Des fleurs jaunes et violettes poussaient juste devant la maison. Plus loin, c'étaient des fleurs de tabac et un grand marronnier d'allure martiale. Et au-delà il y avait un verger.
            Il se faisait un grand silence interrompu seulement par les trains qui chantaient au pied de la colline.
            Ce jour-là je n'ai rien pu faire, je ne pouvais que déambuler dans la pièce, puis je m'asseyais à la table, mais c'était pour me lever tout de suite et aller m'asseoir dans le fauteuil à bascule. Je prenais un livre et le lâchais aussitôt, puis je recommençais à faire les cent pas.
            Il me sembla soudain que j'avais oublié quelque chose, un incident ou un mot important.
            Je voulais à tout prix retrouver ce mot, et je commençais même à croire que la première lettre était un M. Non, pas un M, plutôt un R.
            Raison ? Rabat-joie ? Rame ? Râteau ? Ou bien Mentalité ? Martyr ? Matière ?
            Non, la lettre R, bien sûr, à condition qu'il s'agisse d'un mot !
            Je me suis fait du café en chantant des mots en R. Oh, combien de mots j'ai trouvés qui commençaient par cette lettre ! Peut-être celui que je cherchais était-il parmi eux, sauf que je ne l'ai pas reconnu, croyant qu'il était comme tous les autres. Ou peut-être ce mot n'existe même pas.


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                                                       J'ai entendu cette expression...    
          

            J'ai entendu cette expression : " Saisis l'instant au vol ! "                 

            Facile à dire, pas facile à faire. A mon avis, cette expression n'a pas de sens. On ne peut pas, en effet, appeler à faire l'impossible.
            Je dis cela avec certitude parce que j'ai pu en faire moi-même l'expérience. J'ai essayé de saisir l'instant au vol, mais je n'ai rien saisi, et n'ai fait que casser ma montre. Je sais maintenant que c'est impossible.
            De même il est impossible de " saisir l'époque ", parce que c'est aussi un instant, sauf qu'il est un peu plus long.
            Autre chose est de dire : " Fixez ce qui se passe à cet instant ", c'est tout à fait autre chose.
            Voyez par exemple : un, deux, trois ! Rien ne s'est produit ! Et c'est justement cet instant où rien ne s'est produit que j'ai fixé et gravé en moi.
            Je l'avais dit à Zabolotski. Ça lui a beaucoup plu, tellement même qu'il est resté assis toute la journée à compter : un, deux, trois ! En constatant que rien ne s'était produit.
            Schwartz a surpris Zabolotski en train de s'adonner à cette occupation. Et lui aussi s'est intéressé à cette façon originale de fixer ce qui se produit à notre époque, vu que l'époque est toute constituée d'instants.
            J'attire toutefois votre attention sur le fait que l'inventeur de cette méthode, c'est moi. Encore moi ! toujours moi ! Étonnant n'est-ce pas ?
            Ce que les autres font avec le plus grand mal, j'y parviens sans la moindre peine.
            Je sais même voler. Mais je ne vais pas vous le raconter parce que, de toute façon, personne ne voudra me croire.


                                                                                   Daniil Harms
                                                                                      
                                                                                    ( extraits 1 de Incidents )

 
                                             
         



    

mercredi 6 mars 2019

Vie et Mort de Michael Jackson Marc Lambron ( Document France )


amazon.fr

                                                            Vie et Mort de Michael Jackson

            Michel Jackson, huitième enfant sur 10 monta très tôt sur scène. Le père ouvrier sidérurgiste, la mère travaille dans une chaîne de magasins. Joe Jackson joue de la guitare parfois " dans un combo de rhythm and blues.... " Le père use d'une autorité de fer pour dresser ses enfants, c'est-à-dire la voix. Il les met sur scène très tôt, 1965, les Jackson 5. Nés dans l'Indiana, ils tournent dans le Middle West. Tandis que Michael et ses frères parcourent les routes et gagnent un trophée cachant sous le sourire, la dureté de leur père, à Hollywood une vedette-enfant, Shirley Temple, petite fille aux multiples boucles, tourne des films, très encadrée, un temps pour l'étude puis les jeux ( elle finit ambassadrice à l'ONU ). Et les Jackson 5 passent sous la coupe de Tamla Motown qui dirige une écurie de jeunes chanteurs qui chantent des oeuvres bien huilées...... " les Jackson 5 sont immédiatement équarris en produits.......... Celui que l'on appelait Bambi durant ses trois ans de tournées a maintenant 11 ans et est le leader du groupe. Il perdit alors un peu pied, écrit Marc Lambron, se voyant dans un toon. Chanteurs, danseurs, l'auteur renvoie à You-tube pour voir le numéro dansé "...... Michael Jackson ! Effilé, longues jambes, avec l'aileron de cygne de pattes d'eph; il déréalise la pesanteur......."
Un film avec Diana Ross dirigé par Sydney Lumet, qui fit un flop, permit la rencontre de Quincy Jones et.... se brisa les os du nez, dont les effets furent remarqués. Fred Astaire après avoir assisté au tournage du clip Thriller "..... lui adressa alors ce télégramme : " Je suis un vieil homme. J'attendais la relève. Merci. " Quincy Jones produit trois albums, ".......... incrustait une touche de hard rock dans un écrin d'ivoire...... " Au musicien s'ajoute le réalisateur John Landis, clip de Thriller, Lambron note au passage que " .... Quincè Jones avait été l'élève à Paris de Nadia Boulanger..... " Un chanteur né la même année commence à se faire connaître, Prince, deux mois les séparent, Mais leur sexualité différait, et les démêlés de Michael Jackson sont exposés avec tentative d'explications par l'auteur. Michael père de deux enfants portés par mères porteuses. Marc Lambron déroule la vie et la musique d'une époque, trente ans de vie musicale et s'interroge. Prince mourut peu de temps plus tard. ", Bambi aussi appelé Wacko Jacko, né le 29 août 1958 ....... Disparaissant à cinquante ans, il fut conséquent avec lui-même en s'épargnant les sagesses et les tourments de la maturité. La mort vous évite des questions quand elle survient à la fin de l'enfance...."
Marc Lambron est membre de l'Académie française.


  

mardi 5 mars 2019

Le Caucase Pouchkine ( Poème Russie )



griffa.com


                                              Le Caucase

            Sous mes pieds, le Caucase. Et seul sur les hauteurs
            au-dessus des neiges, je côtoie le précipice.
            Un aigle parti de quelque sommet lointain
            plane, immobile, juste à mon niveau.
            De là je vois le surgissement des torrents,
            le départ des avalanches dévastatrices.

            Tranquillement, sous moi cheminent les nuages,
            on entend au travers le fracas des chutes d'eau ;
            au-dessous viennent les masses lisses des parois
            et plus bas un maigre lichen, des buissons secs ;
            mais tout au fond déjà les bosquets, les prés verts
            où gazouillent les oiseaux et bondissent les cerfs.                                                                   
                                                                                                                                                 

Portrait de Pouchkine par Jean Cocteau            Ici, dans la montagne, les hommes font leur gîte,                       
            les troupeaux de brebis flânent sur les pentes grasses
            et le pâtre descend vers les vertes vallées
            où se rue l'Aragva entre des rives ombreuses.
            Un pauvre cavalier disparaît dans la gorge
            où le joyeux Terek se lance, impétueux

            et mugit et s'ébat ainsi qu'un jeune fauve
            qui, de sa cage de fer aperçoit une proie,
            dans sa rage inutile se jette contre les rives
            et lèche les parois d'une lame affamée.
            En vain ! Il n'y aura pour lui ni proie ni joie,                             
            car les masses muettes l'enserrent férocement.

            Ainsi les lois brisent-elles la fougueuse liberté,
             Ainsi la tribu sauvage soupire-t-elle sous le joug,
            Ainsi le Caucase muet se dresse-t-il aujourd'hui,
            Quand, de même, l'étranglent les puissances étrangères.

culture.gouv.fr

                           Pouchkine
                                        
                                              - 20 septembre 1829 -
                                              ( in L'heure de la nuit - éd. bilingue -


samedi 2 mars 2019

Les livres tiennent tout seuls sur leurs pieds ( extraits ) Virginia Woolf ( Document Angleterre )





                                                   Les livres

                           TIENNENT TOUT SEULS SUR LEURS PIEDS

            Dans la préface l'auteur et traducteur, Micha Venaille, cite Virginia Woolf parlant des critiques-essais qu'elle a consacrés à des centaines de livres, et elle ne se voulait d'ailleurs pas
critique, mais lectrice simplement :
            " ......... avec les livres...... nous avons l'impression d'être plus vigilants. Plus conscients de toutes les subtilités des relations. "
            En fin de volume on trouve les sources qui ont fourni la matière à ce livre. En Post-Scriptum :
            " - Est-ce que l'on écrit et publie trop de livres ?
               - Je ne pense que du bien du développement des livres. Car, au 18è sc, seule la middle class bien éduquée en écrivait. L'aristocratie estimait que c'était au-dessous d'elle, la classe ouvrière, au-dessus d'elle. Conséquence, la littérature était devenue le monopole d'une seule classe, elle reflétait ses goûts, flattait ses opinions. "
            A propos de David Copperfield -
            " De même que les fraises ou les pommes arrivent un jour à maturité, et que rien n'est jamais figé dans la nature, de nouvelles éditions de Dickens, pas chères, d'aspect agréable, bien imprimées, sont mises régulièrement au monde, et elles ne méritent pas plus qu'on les signale que l'arrivée de la saison des prunes et des fraises, sauf si, par chance, la publication d'un chef-d'oeuvre dans sa belle reliure toute neuve suggère que l'on pourrait s'engager dans une entreprise vraiment très particulière, avoir à lire David Copperfield pour la 2è fois...... Car Robinson Crusoe, les Contes de Grimm, Mr Pickwick ou David Copperfield ne sont pas de vrais livres mais des histoires qui ont fait leur chemin toutes seules depuis l'enfance, dans ces années de pure tendresse marquées par la rencontre de la réalité et de la fiction, elles font partie de l'univers des souvenirs et des mythes, et n'on rien d'une expérience esthétique........... Personne n'a jamais lu Dickens comme il aime Shakespeare........ Il a vraiment toutes les qualités que l'on attribue communément au mâle : il est autoritaire, égoïste, indifférent aux autres, énergique jusqu'à l'extrême...........Dickens peut devenir un immense buisson de personnages très différents............... "
             Auteur elle parle vocabulaire dans Les mots -
             " ........ Il est écrit que métier a deux sens, d'abord fabriquer des objets utiles, faits d'une matière solide, par exemple une cruche, une chaise, une table. Mais c'est également savoir-faire qui peut signifier cajoleries, belles paroles..........
            Pour Un roman freudien -
            " ...La .......... Un patient qui n'a jamais entendu un canari chanter sans s'évanouir peut désormais traverser une rue remplie de cages sans ressentir la moindre émotion, depuis qu'il a fait le lien avec sa mère l'embrassant dans son berceau.............. Les personnages de chair et de sang, en devenant des cas, ils ont cessé d'être des individus. "
            Le crocus, Virginia Woolf, le futur écrivain et le lecteur dans Le mentor et le crocus -
            " ......... Et assurez-vous d'avoir choisi le bon mentor, alors que c'est le fond du problème. Car tout livre est écrit pour que quelqu'un le lise, et comme ce mentor est non seulement le payeur, mais aussi, de manière très subtile et insidieuse, celui qui va vous inspirer, vous servir de déclic....... Mais qui est-il, ce protecteur, cet acheteur qui va contribuer à faire naître ce qu'il y a de meilleur dans le cerveau de l'auteur, afin qu'il mette au monde la progéniture la plus riche et variée qui soit ?........ "
            A propos de L'artiste et la politique -
            " ...... Pourquoi l'artiste d'aujourd'hui s'intéresse activement et sincèrement à la politique......... L'historien d'aujourd'hui n'écrit pas sur la Grèce et la Rome du passé mais sur l'Allemagne et l'Espagne........ Le poète introduit le communisme et le fascisme dans ses vers..........."
            De La poésie à La géographie dans la littérature Virginia Woolf inspecte les pensées de quelques littérateurs comme Jane Austen l'apprentie.
            Est-ce que l'on publie trop de livres ? - A cela répond Leonard Woolf -
            La fabrication des livres est devenu un marché, ou plutôt une industrie. Et à mon avis elle n'est pas en très bonne santé, presque aussi mauvaise que l'industrie minière........... On a changé d'époque c'est le triomphe de la mécanique........... " Suit une discussion avec Virginia Woolf            Lire; écrire...... Ecrire, lire.........