jeudi 3 juin 2021

Le Journal du séducteur 18 Sören Kierkegaard ( Essai Danemark )





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            En tant qu'apparence, la femme est marquée par la virginité pure. Car la virginité est une existence qui, en tant qu'existence pour soi est, au fond, une abstraction et ne se révèle qu'en apparence. Abstraction aussi, l'innocence féminine, et c'est pourquoi on peut dire que la femme, dans cet état, est invisible. Il n'y avait d'ailleurs pas, comme on le sait, d'image de Vesta, la déesse qui, comme on le sait, représenta notamment la vraie virginité. Car cette existence est esthétiquement jalouse d'elle-même, comme Jahvé l'était éthiquement, et ne veut pas qu'il existe une image d'elle, ni même une représentation quelconque. 
            Il y a là une contradiction, ce qui est apparence n'existe pas et ne devient visible qu'en devenant apparent. Logiquement cette contradiction est tout à fait dans l'ordre et celui qui sait penser logiquement n'en sera pas gêné, mais s'en réjouira. Par contre, un esprit illogique s'imaginera que ce qui est apparence existe au sens fini, comme on peut le dire d'une chose particulière qui existe pour moi.
           Cette existence de la femme ( existence en dit déjà trop car elle n'existe pas, " ex " elle-même ) est correctement exprimée par le mot " grâce, qui rappelle la vie végétative. Elles ressemblent à une fleur comme les poètes aiment à le dire, et même la spiritualité a en elle un caractère végétatif. Elle se trouve tout à fait sous la détermination de la nature et n'est, par conséquent, qu'esthétiquement libre. En un sens plus profond elle ne devient libre que par l'homme, et c'est pourquoi l'homme demande sa main  et on dit qu'il la délivre. S'il ne se trompe pas d'adresse, on ne saurait parler d'un choix. Certes, la femme choisit, mais si son choix était le résultat de longues réflexions, il ne serait pas féminin. Et c'est pourquoi il est déshonorant d'être éconduit, parce que l'homme en question s'est surestimé, il a voulu délivrer une femme sans en être capable. 
            Une profonde ironie s'y révèle. L'apparence prend l'aspect d'être ce qui prédomine ; l'homme demande, la femme choisit. D'après le concept qu'on se fait d'eux, la femme est la vaincue, l'homme le vainqueur, et cependant le vainqueur s'incline devant ce qui a été vaincu, et c'est même tout naturel et il n'appartient qu'à la grossièreté, à la stupidité et à l'insuffisance du sens érotique de ne pas tenir compte de ce qui résulte ainsi du contexte. 
            On trouve aussi une raison plus profonde de cela, car la femme est substance, l'homme est réflexion. C'est pourquoi elle ne choisit pas sans plus, mais l'homme demande, elle choisit. Mais l'homme en demandant ne fait que poser une question, et le choix qu'elle fait, n'est en fait qu'une réponse. En un sens l'homme est plus que la femme, en un autre infiniment moins.
           Cette apparence est la pure virginité. Si elle essaie de se mettre elle-même en rapport avec une autre existence, qui est existence pour elle, le contraste apparaîtra dans la pruderie absolue qui, en sens inversé est invisible, comme l'abstraction contre laquelle tout se casse, sans qu'elle-même prenne vie. La féminité assume alors le caractère de la cruauté abstraite, qui est le sommet caricatural de la vraie pruderie virginale. Un homme ne peut jamais être aussi cruel qu'une femme. 
            Les mythologies, les contes, les légendes le confirmeront si on les consulte. S'il faut donner un exemple d'un principe naturel qui ne connaît pas de limites à sa rigueur impitoyable, on le trouvera dans un être virginal.
            On frémit en lisant l'histoire d'une jeune fille qui, froidement, laisse ses prétendants risquer leur vie, comme il est souvent dit dans les légendes populaires. Un Barbe-Bleue tue la nuit-même de ses noces toutes les jeunes filles qu'il a aimées, mais il ne prend pas plaisir à les tuer, au contraire, le plaisir a été pris d'avance, ce qui constitue la manifestation matérielle : ce n'est pas une cruauté pour la cruauté.
Un Don Juan les séduit et les lâche, mais tout son plaisir est de les séduire et non de les lâcher. Il ne s'agit donc pas du tout de cette cruauté abstraite. 
            Plus je réfléchis plus je m'aperçois de la complète harmonie qui existe entre ma pratique et ma théorie. Car dans ma pratique j'ai toujours eu la conviction qu'essentiellement la femme n'est qu'apparence. C'est pourquoi, à cet égard, l'instant a une importance capitale, car une apparence est toujours son affaire. Un temps plus ou moins long peut s'écouler avant que l'instant arrive mais, aussitôt arrivé, ce qui primitivement était apparence affecte une existence relative et, du même coup, tout est fini. Je sais bien que les maris disent parfois qu'en un autre sens aussi la femme est apparence : elle est tout pour eux pendant toute la vie. Enfin il faut le leur pardonner à ces maris car, au fond, n'est-ce pas quelque chose qu'ils désirent se faire accroire l'un à l'autre ?     
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            Dans ce monde toute profession a généralement certaines coutumes conventionnelles et surtout certains mensonges de convention parmi lesquels il faut compter cette grosse bourde. S'entendre à l'instant n'est pas une chose aisée et celui qui échoue aura naturellement un tel ennui à traîner avec lui pendant toute la vie. L'instant est tout, et dans l'instant la femme est tout, mais les conséquences dépassent mon intelligence, entre autres celle aussi d'avoir des enfants. Enfin, je me crois un penseur assez logique, mais même fou je ne serais pas homme à penser cette conséquence-là, je ne la comprends pas du tout, il y faut du mari.
            Hier, Cordélia et moi avons été voir une famille à la campagne. On est surtout resté au jardin où on passait le temps à toutes sortes d'exercices physiques, entre autres à jouer aux grâces. Je profitai de l'occasion où un partenaire de Cordélia l'avait quittée pour le remplacer. Quels charmes elle déployait !
l'effort embellissant du jeu la rendait plus séduisante encore ! Quelle harmonie pleine de grâce dans les mouvements si inconséquents ! Quelle légèreté, on dirait qu'elle dansait sur les prés ! Malgré l'absence de toute résistance, qu'elle vigueur à s'y méprendre jusqu'à ce que l'équilibre explique tout, un dithyrambe dans l'attitude, et quelle provocation dans son regard ! Le jeu même avait un intérêt naturel pour moi, mais Cordélia n'y semblait pas prêter attention. Une allusion que je fis à l'une des personnes présentes sur le bel usage d'échanger des anneaux tomba comme un éclair dans son âme.
            Dès ce moment une lumière spéciale illumina toute la situation, l'imprégnant d'une signification plus profonde et une énergie accrue échauffa Cordélia. Je retins les deux anneaux sur ma baguette, m'arrêtai un instant et échangeai quelques mots avec les gens qui nous entouraient. Elle comprit cette pause, je lui relançai les anneaux. Peu après, elle les saisit tous deux sur sa baguette. Comme par inadvertance elle les jeta d'un coup verticalement en l'air, et il me fut naturellement impossible de les rattraper. Elle accompagna ce jet d'un regard plein d'une audace inouïe.
             On raconte qu'un soldat français qui faisait la campagne de Russie fut amputé d'une jambe gangrenée. A l'instant même où cette opération pénible fut terminée, il saisit la jambe par le pied et la jeta en l'air, s'écriant : " Vive l'Empereur ". Ce fut avec un même regard qu'elle aussi, plus belle que jamais, lança les deux anneaux en l'air, disant tout bas : " Vive l'amour ! " Je jugeai cependant imprudent de la laisser s'emballer dans cette disposition, et de la laisser seule en présence d'elle de peur de la fatigue qui, si souvent, en résulte. Je restai donc tout calme et, grâce à la présence des autres je la forçai à continuer le jeu comme si je n'avais rien remarqué. Une telle conduite ne peut qu'accroître son élasticité.
                                                                                                                       wikipedia.fr
            Si de nos jours on pouvait espérer trouver un peu de sympathie pour ces sortes d'enquêtes, j'offrirais un prix pour la meilleure réponse à la question suivante : au point de vue esthétique, qui est la plus pudique, une jeune fille ou une jeune femme, celle qui ne sait pas ou celle qui sait, et à laquelle des deux peut-on accorder le plus de liberté ? Mais ces questions-là ne préoccupent pas notre époque sérieuse. Une telle enquête aurait attiré l'attention générale en Grèce, tout l'Etat s'y serait intéressé et surtout les jeunes filles et les jeunes femmes. On ne le croirait pas de nos jours, mais on ne croirait pas non plus l'histoire de la querelle bien connue entre deux jeunes filles grecques et l'enquête fort scrupuleuse, car en Grèce on ne traitait pas ces problèmes avec légèreté, et pourtant tout le monde sait que Vénus porte un surnom en raison de cette querelle et que l'image de Vénus qui l'a immortalisée est universellement admirée.
            La vie d'une femme a deux périodes intéressantes : sa toute première jeunesse, et enfin quand elle a beaucoup vieilli. Mais elle a aussi, il n'y a pas à dire, un moment où elle est plus charmante encore qu'une jeune fille et où elle commande encore plus le respect, mais c'est un moment qui n'arrive que rarement dans la vie, c'est une image visionnaire qui n'a pas besoin d'être vue et qu'on ne voit peut-être jamais. Je me la figure alors saine, florissante, aux formes épanouies, elle tient un enfant sur son bras, il a toute son attention, elle est perdue dans sa contemplation. C'est une vision, dont il faut l'avouer, on ne trouvera pas la pareille pour la grâce, c'est un mythe de la nature qu'on ne doit contempler que du point de vue artistique, non comme une réalité. Il n'y faut non plus d'autres figures, ni d'entourage qui ne feraient que troubler la vision. Si par exemple on se rend dans une église, on a bien souvent l'occasion de voir paraître une mère avec son enfant sur son bras. Mais, ne serait-ce que l'inquiétant cri d'enfant et les pensées anxieuses des parents au sujet des perspectives d'avenir du petit, basées sur ce cri, l'entourage déjà nous dérange tellement que l'effet serait perdu, tout le reste fût-il parfait. On voit le père, ce qui est une grosse faute, parce que cela supprime le mythe, l'enchantement, et on voit, " horrenda refero, le chœur solennel des parrains, et on voit... mais rien du tout. 
            Comme vision imaginaire il n'y a rien de plus charmant. Je ne manque ni de hardiesse, ni de cran, ni de témérité pour oser une attaque, mais si, dans la réalité, une telle vision apparaissait devant mes yeux, je serais désarmé.


                                                          à suivre....... suite et fin dans le prochain post











                                       

dimanche 30 mai 2021

Nous nous étalons Alphonse Allais ( Poème France )

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                         Nous nous étalons

            Nous nous étalons
            Sur des étalons.
            Et nous percherons
            Sur des percherons !   
            C'est nous qui bâtons,
            A coups de bâtons,
            L'âne des Gottons
            Que nous dégottons !
            Mais nous l'estimons
            Mieux dans les timons.
            Nous nous marions
            A vous Marions
            Riches en jambons.
            Nous vous enjambons
            Et nous vous chaussons,
            Catins, tels chaussons !
            Oh ! plutôt nichons
            Chez nous des nichons !
            Vite polissons
             Les doux polissons !                                                                                        beaux-vins.com  

             Pompons les pompons
             Et les repompons !
             C'est nous qui poissons
             Des tas de poissons.
             Et qui les salons
             Loin des vains salons !
             Tout d'abord pigeons
             Sept ou huit pigeons.
             Du vieux Po tirons
             Quelques potirons !
             Aux doux veaux rognons
             Leurs tendres rognons,
             Qu'alors nous oignons
              Du jus des oignons !
              Puis, enfin, bondons-
              Nous de gras bondons.
              Les vins ?... Avalons
              D'exquis Avalons !
              Après quoi, ponchons
              D'odorants ponchons
              Ah ! thésaurisons !
              Vers tes horizons
              Alaska, filons !
              A nous tes filons, !
             Pour manger, visons
             Au front des visons,
             Pour boire, lichons                                                                                    pinterest.fr

             L'âpre eau des lichons
             Ce que nous savons
             C'est grâce aux savons
             Que nous décochons
             Au gras des cochons
             Oh ! mon chat, virons,
             Car nous chavirons !


                   Alphonse Allais

samedi 29 mai 2021

Le professeur de musique Gabriel Montoya ( Poème France )








            








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                     Le Professeur de Musique

            Ecoutez, et sachez comment,
            L'an passé, j'appris la musique ;
            C'est aussi drôle qu'un roman,
            Plus simple qu'un tour de physique.
            Notez bien que mon professeur
            Était d'abord un tout jeune homme
            A la voix pleine de douceur...
            Peut-être même un Prix de Rome.

            Dès le premier jour il me dit :
            " - Savez-vous bien votre solfège ?
               - Pas trop. " Alors il répondit :
             " - Nous l'apprendrons, prenez un siège. "
             En m'asseyant sur ses genoux
             Sans que j'y fisse résistance :
             " - La musique doit entre nous,
             Dit-il, supprimer la distance ! "

            J'obéis, n'y comprenant rien,
            Songeant : " C'est peut-être la mode. "                                                francetvinfo.fr 
            Lui me dit : " - C'est pour votre bien
            Que j'adopte cette méthode.
            Prenons d'abord la clé de sol
            Puisque vous n'êtes pas très forte, 
            Et sans dièze, ni bémol,
            Nous ouvrirons la bonne porte ! "

            " - Comment fis-je et la clé de fa
            L'apprendrons-nous bientôt ? - Gourmande
            Un peu plus tard sur le sopha, 
            Répondit-il à ma demande.
            Par-dessus les préliminaires ?
            Cette ardeur nous promet beaucoup
            De choses extraordinaires ! "

            Et sur la clé de sol d'abord
            Quelques instants nous appuyâmes,
            Exécutant avec transports
            Une multitude de gammes :
            Tous les tons et les demi-tons,
             Même les gammes chromatiques,
             Dans le fourmillement des sons,
             Dansaient des rondes fantastiques.

            Bref, j'appris, et comme en rêvant,
            Grâce à la nouvelle méthode,
            Des morceaux longs et d'un savant...
            Croyez-moi, l'autre est moins commode,
            Car dans une heure j'avais fait,
            C'est très fort, mais c'est véridique,
            Plus de six fois l'accord parfait...
            Depuis, j'adore la musique !


                                  Gabriel Montoya

                                  Musique de Jules Rotys

vendredi 28 mai 2021

Le Journal du Séducteur Sören Kierkegaard 17 ( Essai Danemark )

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            Jacta est alea. C'est le moment ou jamais de le faire. J'étais aujourd'hui chez elle, tout ravi à la pensée d'une idée qui m'absorbait. Je n'avais ni yeux, ni oreilles pour elle. L'idée en elle-même était intéressante et la captiva. Aussi c'eût été une faute d'engager la nouvelle opération en témoignant de la froideur en sa présence. Après mon départ et, lorsque la pensée ne l'occupera plus, elle découvrira sans difficulté que je n'étais pas le même qu'autrefois. Le fait que c'est dans sa solitude qu'elle découvre le changement rendra cette découverte d'autant plus pénible pour elle. L'effet en sera plus lent mais d'autant plus pénétrant. Elle ne pourra pas s'emporter tout de suite et quand, plus tard, viendra l'occasion elle aura déjà combiné tant de choses qu'elle ne pourra tout exprimer d'un coup et elle conservera toujours un résidu de doute. L'inquiétude augmentera, les lettres n'arriveront plus, l'aliment érotique sera diminué, l'amour sera raillé comme ridicule. Elle tiendra, peut-être, quelque temps encore mais à la longue elle ne pourra pas le supporter. Elle voudra alors me charmer par les mêmes moyens que ceux dont je me suis servi contre elle, c'est-à-dire par l'érotisme.

            Sur les ruptures de fiançailles toutes les tillettes sont de grands casuistes et, quoique dans les écoles il n'y ait pas de cours là-dessus elles savent toutes parfaitement, lorsque la question se pose, dans quel cas elles doivent avoir lieu. 
            En somme, ce sujet devrait régulièrement être proposé aux examens de la dernière classe et, bien que d'ordinaire les dissertations qui viennent des écoles de jeunes filles soient très monotones, je suis sûr qu'ici la variété ne manquerait pas, puisque le problème lui-même offre un vaste champ à la sagacité d'une jeune fille. Et pourquoi ne pas donner à une jeune fille l'occasion de faire briller la sienne ?  ou de montrer justement qu'elle est mûre, pour les fiançailles ? J'ai, autrefois, été mêlé à une situation qui m'intéressait beaucoup. Dans une famille où je venais parfois, un jour, les vieux étant sortis, les deux jeunes filles de la maison avaient réuni dans la matinée plusieurs amies pour prendre le café. Il y en avait huit en tout et toutes avaient entre seize et vingt ans. Elles ne s'attendaient probablement pas à une autre visite, et je pense que la domestique avait même reçu l'ordre de consigner la porte. Toutefois, j'entrai et j'eus bien l'impression d'une légère surprise.
            Dieu sait ce qui en somme fait l'objet de discussion entre huit jeunes dans une ces réunions solennelles et synodales. Parfois, on trouve aussi des femmes mariées dans de telles réunions. Elles exposent alors de la théologie pastorale et s'occupent surtout de questions importantes : quand laisser aller seule une domestique au marché, est-il mieux d'avoir compte chez le boucher ou de payer au comptant, est-il probable que la cuisinière ait un bon ami et comment se débarrasser de ce manège galant qui retarde la préparation des mets ?
            J'eus ma place dans cette belle bande. C'était au commencement du printemps et le soleil envoyait quelques rares rayons en message exprès de sa venue. Dans la pièce elle-même, tout était hivernal, et c'est justement pourquoi les rares rayons jouaient le beau rôle d'annonciateurs. Le café sur la table exhalait un doux parfum et, enfin, les jeunes filles elles-mêmes étaient joyeuses, saines, florissantes et folâtres, car l'inquiétude s'était bientôt calmée et, après tout, qu'avaient-elles à craindre, ayant la force du nombre ? Je réussis à attirer l'attention et la conversation sur les cas de rupture de fiançailles. 
            Tandis que mes yeux s'égayaient en voltigeant d'une fleur à une autre dans ce cercle de jeunes filles et en se reposant tantôt sur une beauté tantôt sur une autre, mes oreilles s'en donnaient à cœur joie et écoutant la musique de leurs voix et en suivant attentivement, du profond de mon âme, ce qu'on disait
Souvent, une seule parole me suffisait pour m'ouvrir une perspective sur le cœur de telle jeune fille et sur l'histoire de ce cœur.
            Que les voies de l'amour sont donc séduisantes et qu'il est intéressant de sonder jusqu'où une jeune fille en particulier peut aller ! Je continuai à attiser le feu, l'esprit, les bons mots et une objectivité esthétique contribuaient à rendre le contact plus libre et, pourtant, la bienséance la plus stricte ne fut jamais outrepassée.  franceculture.fr 
            Tandis que nous plaisantions ainsi dans les régions légères de la conversation, un risque sommeillait, un seul mot eût suffi à jeter ces gentilles fillettes dans un embarras  fatal. Ce mot était en mon pouvoir. Elles ne comprenaient pas ce risque, ne le soupçonnaient guère. Grâce au jeu facile de la conversation il fut tout le temps réprimé, exactement comme lorsque Schéhérazade recule la sentence de mort en continuant de conter. Tantôt je menais la conversation vers les bornes de la mélancolie, tantôt je laissais libre jeu à la folâtrerie, tantôt je les tentais à une joute dialectique. Et quel sujet est bien plus riche, dans tous les sens, au fur et à mesure qu'on l'envisage ? J'introduisais continuellement de nouveaux thèmes.
            Je racontai le cas d'une jeune fille que la cruauté des parents avait forcée à rompre ses fiançailles. Ce malheureux manqua leur tirer des larmes. Je rapportai l'histoire d'un homme qui avait rompu ses fiançailles et donné deux raisons : la jeune fille était trop grande et, en lui faisant l'aveu de son amour il ne s'était pas jeté à genoux devant elle. Quand je lui objectais que ces raisons ne pouvaient vraiment pas me paraître suffisantes, il répondait qu'elles lui suffisaient justement pour obtenir ce qu'il voulait, car personne n'y peut donner une réponse sensée.
            Je soumis à la délibération de l'assemblée un cas très difficile : une jeune fille avait rompu parce qu'elle était persuadée qu'elle et son fiancé n'étaient pas faits l'un pour l'autre. Le bien-aimé voulut la ramener à la raison, l'assurant de la force de son amour, mais elle répondit : " ou bien nous sommes faits l'un pour l'autre, et une sympathie réelle existe, et alors tu reconnaîtras que nous ne nous convenons pas, ou bien nous ne nous convenons pas et tu reconnaîtras alors que nous ne sommes pas faits l'un pour l'autre "
            C'était un vrai plaisir d'observer comment les jeunes filles se cassaient la tête pour comprendre ces propos mystérieux. Cependant, je remarquai fort bien qu'une ou deux les comprenaient à merveille, car, en fait de rupture de fiançailles, toutes les jeunes filles sont des casuistes nées. 
            Oui, je crois vraiment qu'il me serait plus facile de disputer avec le Diable lui-même qu'avec une jeune fille sur les cas de rupture de fiançailles.

            Aujourd'hui j'étais chez elle. Tout de suite, aussi vite que la pensée, je détournai la conversation sur le sujet dont je l'avais entretenue hier, en tâchant à nouveau de la mettre en extase.
            " Il y avait une remarque que j'avais voulu déjà faire hier, je n'y ai songé qu'après mon départ ! "
             J'y réussis. Tant que je suis chez elle, elle trouve plaisir à m'entendre. Après mon départ elle remarque, sans doute, qu'elle est dupée, que je suis changé. C'est ainsi qu'on s'en tire. C'est une méthode sournoise, mais très appropriée, comme toutes les méthodes indirectes. Elle s'explique bien que les choses dont je l'entretiens puissent m'occuper, et même elles l'intéressent aussi sur le moment, et pourtant, je la frustre du véritable érotisme.

            Oderint dum metuant, comme si la crainte et la haine étaient connexes, et la crainte et l'amour étrangers l'un à l'autre, comme si ce n'était pas la crainte qui rend l'amour intéressant ? Qu'est-ce donc notre amour pour la nature ? N'y entre-t-il pas un fond mystérieux d'angoisse et d'horreur, parce que derrière sa belle harmonie on trouve de l'anarchie et un désordre effréné derrière son assurance de la perfidie ? Mais c'est justement cette angoisse qui charme le plus, de même en ce qui concerne l'amour lorsqu'il doit être intéressant. Derrière lui doit couver la profonde nuit, pleine d'angoisse, d'où éclosent les fleurs de l'amour. C'est ainsi que " la nymphéa alba " avec sa croupe repose sur la surface des eaux, tandis que l'angoisse s'empare de la pensée qui veut se prolonger dans les profondes ténèbres où elle a sa racine. 
            J'ai remarqué qu'en m'écrivant elle m'appelle toujours " mon " , mais qu'elle n'a pas le courage de me le dire. Aujourd'hui je lui en fis la prière de façon aussi insinuante et chaudement érotique que possible. Elle commençait mais un regard ironique, plus bref et plus rapide que le mot, suffit à l'en empêcher, en dépit de mes lèvres qui l'incitaient de tout leur pouvoir. C'est quelque chose de tout à fait normal.
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      Elle est à moi. Ce n'est pas pour le confier aux étoiles selon l'usage, et je ne vois vraiment pas en quoi cette nouvelle pourrait bien intéresser ces sphères lointaines. D'ailleurs, je ne la confie à personne, pas même à Cordélia. Je réserve ce secret pour moi-même, et je me le chuchote intérieurement dans mes plus secrets entretiens avec moi-même. Sa tentative de résistance n'était que modérée, mais la puissance érotique qu'elle déploie est admirable. Que cet acharnement passionné la rend intéressante, qu'elle est grande, d'une grandeur presque surnaturelle ! Et avec quelle facilité elle sait se dérober, avec quelle adresse elle sait s'insinuer partout où elle découvre un point faible. Elle met tout en train, mais dans ce concert des éléments, je me trouve juste dans mon élément. 
            Et pourtant, même dans cette agitation elle n'est nullement laide, ni déchirée par les émotions ou par les mobiles. Elle reste toujours une anadyomène, sauf qu'elle ne surgit pas dans une grâce naïve ou un calme non prévenu, mais sous l'impulsion forte de l'amour, tout en étant harmonie et équilibre. Erotiquement elle est tout armée pour la lutte. Elle y emploie les flèches des yeux, le froncement des sourcils, le front plein de mystère, l'éloquence de la gorge, les séductions fatales du sein, les supplications des lèvres, le sourire de ses joues, l'aspiration douce de tout son être. Il y a en elle la force, l'énergie d'une Valkyrie, mais cette plénitude de force érotique se tempère à son tour d'une certaine langueur tendre qui est comme exhalée sur elle. 
            Il ne faut pas qu'elle soit trop longtemps maintenue sur ce sommet, où seules l'angoisse et l'inquiétude peuvent la tenir debout et l'empêcher de s'effondrer. En face d'émotions si intenses elle sentira vite que l'état où la placent les fiançailles est trop étroit, trop gênant. C'est elle-même qui exercera la tentation qui m'entraînera à franchir les limites du général, et c'est ainsi qu'elle en prendra conscience, ce qui pour moi est l'essentiel.

            Plusieurs de ces propos trahissent maintenant qu'elle en a assez de nos fiançailles. Ils ne m'échappent pas mais, dans mes explorations de son âme, ils m'aident à me fournir des renseignements utiles, ils sont les bouts de fil qui me serviront, dans mes projets, à resserrer les mailles autour d'elle.

                                        Ma Cordélia !

            Tu te plains de nos fiançailles. Tu es d'avis que notre amour n'a pas besoin d'un lien extérieur, il n'est qu'une entrave. Je reconnais d'emblée mon excellente Cordélia ! Sincèrement, je t'admire. Notre union extérieure n'est en fait qu'une séparation. Il y a encore une cloison mitoyenne qui nous sépare, comme Pyrame et Thisbé : la connivence gênante des autres. La liberté ne se trouve que dans la contradiction. L'amour n'a son importance que lorsque aucun tiers ne s'en doute, et c'est alors seulement que l'amour trouve son bonheur, quand tous ces tiers pensent que les amants se haïssent l'un l'autre.

                                                                            Ton Johannes.

            Bientôt nos fiançailles vont se rompre. C'est elle-même qui déroulera ce lien afin, si possible, par là de me charmer encore plus, comme les boucles au vent charment plus que les cheveux coiffés. Si la rupture venait de moi, je manquerais le spectacle si séduisant de ce saut érotique si périlleux, critère sûre de sa hardiesse d'âme.
            C'est pour moi l'essentiel. En outre, pareil événement entraînerait pour moi beaucoup de suites désagréables de la part d'autrui. Bien qu'à tort, je serais mal vu, haï, abhorré, car quelle aubaine ne serait-ce pour beaucoup ? Mainte petite demoiselle serait bien toujours assez contente, à défaut d'être fiancée, d'avoir failli l'être. C'est tout de même mieux que rien, quoique, sincèrement, selon mon avis, très peu, car après s'être poussée en avant pour s'assurer une place sur la liste des expectants, l'expectance s'évanouira justement, et plus avance sur la liste, plus on pousse en avant, moins les chances s'affermissent. Car en amour le principe de l'ancienneté ne compte pas pour l'avancement et la promotion. De plus, de telles petites demoiselles s'ennuient de rester dans le statu quo. Elles ont besoin d'un événement qui remue leur vie. Mais rien n'égale alors celui d'un amour malheureux, surtout si par-dessus le marché on peut prendre toute l'affaire à la légère. On fait alors accroire à soi-même et à son prochain qu'on est parmi les victimes et, puisqu'on n'est pas qualifiée pour être admise dans un refuge de filles repenties, on se loge à côté chez les pleurnicheurs.
            Et on se met donc en devoir de me haïr. A elles s'adjoint encore un bataillon de celles qui ont été dupées, à fond, à demi ou aux trois quarts. Sous ce rapport on en trouve de beaucoup de degrés, de celles qui peuvent se prévaloir d'une alliance au doigt à celles qui ne s'appuient que sur un serrement de main dans une contredanse. Cette nouvelle douleur rouvre leurs blessures. J'accepte leur haine comme une gratification supplémentaire. Mais toutes ces porteuses de haine sont naturellement autant de postulantes secrètes à mon pauvre cœur.                                                                               pinterest.fr
            Un roi sans royaume est une figure ridicule, mais une guerre entre prétendants à la succession dans un royaume sans territoire l'emporte sur tous les ridicules. 
            Le beau sexe devrait vraiment m'aimer ainsi et me ménager comme un mont-de-piété. Un fiancé authentique, lui, ne peut s'occuper que d'une seule, mais dans une éventualité aussi compliquée on peut bien se charger, c'est-à-dire plus ou moins, d'autant qu'on veut. 
            Je serai dispensé de toutes ces tracasseries péremptoires et j'aurai de plus l'avantage de pouvoir ouvertement jouer un rôle tout nouveau. Le jeunes filles me plaindront, auront la même tonalité exacte, et voilà encore une façon d'en racoler.


            Que c'est curieux, j'aperçois hélas que j'aurai moi-même le signe dénonciateur qu'Horace souhaite à toutes jeunes filles infidèles : une dent noire, et pour comble, une incisive.
            Comme on peut être superstitieux ! Cette dent me trouble assez, je n'aime pas beaucoup qu'on y fasse allusion, c'est une de mes faiblesses. Tandis qu'autrement je suis armé de pied en cap, le plus grand imbécile, en touchant à cette dent, peut me porter des coups beaucoup plus profonds qu'il ne croit. Je fais en vain tout ce que je peux pour la blanchir...........

            Que la vie est donc remplie de mystères. Une petite chose peut me troubler plus que l'attaque la plus dangereuse, que la situation a de plus pénible. Je veux me la faire arracher, mais c'est altérer mon organe et sa puissance. Et pourtant, je le ferai et la ferai remplacer par une fausse, car elle sera bien fausse pour le monde, mais la dent noire est fausse pour moi.
            Cordélia s'offusque des fiançailles, voilà qui est excellent ! Le mariage sera toujours une institution respectable, malgré l'ennui de jouir, dès ses premiers jours de jeunesse, d'une partie de la respectabilité qui est l'apanage de vieillesse. Les fiançailles par contre sont d'invention vraiment humaine et, en conséquence, tellement importantes et ridicules qu'une jeune fille, dans le tourbillonnement de la passion, passe outre, tout en ayant conscience de cette importance et en sentant l'énergie de son âme circuler par tout son être comme un sang supérieur. Ce qui importe maintenant est de la diriger de sorte que dans son envol hardi, elle perde de vue le mariage et, d'une manière générale, le sol ferme de la réalité, que son âme, dans sa fierté autant que dans sa crainte de me perdre, anéantisse cette forme humaine imparfaite, afin de se hâter vers quelque chose de supérieur à ce qui est commun au genre humain. D'ailleurs, je n'ai rien à craindre à cet égard, car elle plane déjà au-dessus de la vie avec une telle légèreté que la réalité est déjà perdue de vue en grande partie. En outre, je suis continuellement présent à bord avec elle, je peux toujours déployer les voiles.
   
              La femme éternellement riche de nature est une source intarissable pour mes réflexions, pour mes observations. Celui qui n'éprouve pas le besoin de ce genre d'études peut bien s'enorgueillir d'être ce qu'il voudra dans ce monde, sauf d'une chose : il n'est pas un esthéticien. La splendeur, le divin de l'esthétique est justement de ne s'attaquer qu'à ce qui est beau. Pour le fond elle n'a à s'occuper que de belles lettres et du beau sexe. Je peux me réjouir et réjouir mon cœur en imaginant le soleil de la féminité rayonnant dans sa plénitude infinie, s'éparpillant en une tour de Babel, où chacune en particulier possède une féminité, mais de sorte qu'elle en fait le centre harmonieux du reste de son être. En ce sens la beauté féminine est divisible à l'infini. Mais chaque parcelle de beauté doit être mesurée dans son harmonie, sinon un effet troublant en résulterait et on arriverait à la conclusion que la nature n'a pas réalisé tout ce qu'elle avait en vue en s'occupant de telle jeune fille. Mes yeux ne se lassent jamais d'effleurer du regard ces richesses externes, ces émanations propagées par la beauté féminine. Chaque élément, en particulier, en possède une petite parcelle, tout en étant complet en soi-même, heureux, joyeux, beau. Chacune a le sien : le gai sourire, le regard espiègle, les yeux brûlants de désir, la tête boudeuse, l'esprit folâtre, la douce mélancolie, l'intuition profonde, l'humeur sombre fatidique, la nostalgie terrestre, les émotions non avouées, les sourcils qui parlent, les lèvres interrogatives, le front plein de mystère, les boucles séduisantes, les cils qui cachent le regard, la fierté divine, la chasteté terrestre, la pureté angélique, la rougeur insondable, les pas légers, le balancement gracieux, la tenue langoureuse, la rêverie pleine d'impatience, les soupirs inexpliqués, la taille svelte, les formes douces, la gorge opulente, les hanches bien cambrées, le petit pied, la main mignonne.
            Chacune a le sien et l'une a ce que l'autre ne possède pas. Et quand j'ai vu et revu, contemplé et contemplé encore les richesses de ce monde, quand j'ai souri, soupiré, flatté, menacé, désiré, tenté, ri, pleuré, espéré, gagné, perdu, je ferme l'éventail et ce qui était épars se rassemble en une seule chose, les parties se rassemblent en un ensemble. 
            Mon âme alors se réjouit, mon cœur se met à battre et la passion s'enflamme. C'est cette jeune fille-là, la seule dans le monde entier, qui doit être à moi et qui le sera. Que Dieu garde le ciel, si moi je peux garder celle-là. Je sais bien que ce que je choisis est si grand que le ciel même ne trouvera pas son compte dans ce partage, car que restera-t-il pour le ciel si je la garde pour moi?........... Car toute la rougeur des lèvres et le feu du regard et l'inquiétude de la gorge et la promesse des mains et le pressentiment des soupirs et la sanction des baisers et le frisson du contact et la passion de l'étreinte, tout, tout serait réuni en elle, qui me prodiguerait tout ce qui aurait suffi à tout un monde ici-bas et là-haut.                    pinterest.fr     
            Telles sont les pensées que j'ai souvent eues dans cette matière, mais chaque fois que j'y pense ainsi, je m'échauffe, parce que je me l'imagine ardente. Bien qu'en général l'ardeur passe pour un bon signe, il ne s'ensuit cependant pas qu'on attribuera à ma manière de voir le prédicat honorable de solide. Aussi pour faire diversion, je veux maintenant, moi-même froid, l'imaginer froide. J'essaierai de penser la femme sous une catégorie, mais sous laquelle ? Sous l'apparence. 
             Mais il ne faut pas l'entendre en mauvaise part, comme si, destinée pour moi, elle l'était en même temps à un autre. Ici, comme dans tout raisonnement abstrait, il ne faut tenir aucun compte de l'expérience, car celle-ci, dans le cas présent, serait pour ou contre moi d'assez curieuse façon. Ici comme partout ailleurs l'expérience est une personne étrange, car elle a ceci de particulier d'être  toujours pour, aussi bien que contre.
             La femme est donc apparence. Mais ici encore il ne faut pas se laisser troubler par la leçon de l'expérience, qui veut qu'on ne rencontre que rarement une femme qui soit vraiment apparence, car il y en a généralement un très grand nombre qui ne sont rien du tout, ni pour elles-mêmes, ni pour d'autres. D'ailleurs ce destin elles le partagent avec toute la nature et, en somme, avec tout ce qui est féminin.
            Toute la nature n'est ainsi qu'apparence, non pas au sens téléologique où un de ses éléments particuliers le serait pour un autre élément particulier, mais toute la nature est apparence, pour l'esprit.
            Et la même chose en ce qui concerne les éléments particuliers. La vie de la plante, par exemple, déploie tout naïvement ses grâces cachées et n'est qu'apparence. De même une énigme, une charade, un secret, une voyelle, etc. ne sont que des apparences. 
            C'est aussi ce qui explique que Dieu en créant Eve ait fait choir un sommeil profond sur Adam, car la femme est le rêve de l'homme.
            Cette histoire nous apprend d'une autre manière aussi que la femme est apparence. Car il y est dit que Jahvé ôta à l'homme une de ses côtes. Eût-il par exemple ôté une partie du cerveau de l'homme, la femme eût bien continué à être apparence, mais le but de Jahvé n'était pas d'en faire une chimère. Elle devint chair et sang et, en raison de cela, elle tomba justement sous la détermination de la nature, qui est essentiellement apparence. Elle ne s'éveille qu'au contact de l'amour, et avant ce temps elle n'est que rêve.
            Mais, dans cette existence de rêve, on peut distinguer deux stades : d'abord l'amour rêve d'elle, puis elle rêve de l'amour.


                                                                    à suivre.........
                                                                         


   

                                        


mercredi 26 mai 2021

La rencontre avec l'aimée César Vallejo ( Poème Pérou )

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            La rencontre avec l'aimée
            tellement une fois, est un simple détail,
            presque un programme hippique en violet,
            si long qu'on ne peut bien le plier.

            Le déjeuner avec elle qui devait
            dresser le plat qui nous avait plu hier
            et qui est refait aujourd'hui,
            mais avec un peu plus de moutarde ;
            la fourchette pensive, ses avancées radieuses
            de pistil en mai, et sa timidité
            à trois sous, pour un oui pour un non.
            Et la bière lyrique et nerveuse
            que cèlent ses deux mamelons sans houblon, 
            et dont il ne faut pas trop boire !

            Et les autres charmes de la table
            que cette nubile campagne brode
            avec ses propres batteries germinales
            qui ont opéré toute la matinée,
            comme j'en prends acte, moi,
            amoureux notaire de son intimité,
            et avec les dix baguettes magiques
            de ses doigts pancréatiques.

            Femme qui, sans penser plus loin,
            babille et se met à nous déverser
            ses tendres paroles
            comme de lancinantes laitues fraîchement cueillies.
            Un dernier verre et je m'en vais. Et nous partons,
            maintenant oui, travailler.                                                              youtube.com


             Entre-temps, elle se glisse
             entre les rideaux et oh aiguille de mes jours
             déchirés ! elle s'assoit au bord
             d'une couture, pour coudre mon flanc
             à son flanc
             pour recoudre le bouton de cette chemise,
             qui est tombé à nouveau. Ca par exemple !


                           César Vallejo

       

mardi 25 mai 2021

Ma vie avec Apollinaire François Sureau ( Roman France )

     




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                                            Ma vie avec Apollinaire

             " On sait à présent que le père de Guillaume se nommait Francesco Fluigi d’Aspermont. C’était le rejeton d’une famille de la noblesse grisonne. " Sureau interpelle Guillaume Apollinaire à chaque instant de sa vie, de sa naissance à sa mort en 1918 de la grippe espagnole, trépané quelques mois plus tôt après avoir reçu un éclat d'obus dans une tranchée alors qu'il écrivait. Et l'auteur interroge sa grand'mère dont le père vécut ce temps où le futur poète arrivé à Paris " voulait être écrivain et rien d'autre ". Sa mère, dont il porte le nom, donna la meilleure éducation possible à ses deux fils alors qu'elle-même menait une vie assez dissolue, quittant leurs différents logements dans différents pays, parfois à la cloche de bois. Guillaume Apollinaire exerça différents petits métiers avant de rencontrer enfin ceux qui, comme lui, allaient conquérir le monde grâce à une nouvelle vision de leur art. Proche de Picasso avec qui il vécut l'épisode du vol de la Joconde, Braque, Derain, Max Jacob voyant, poète et peut-être le plus pauvre d'entre eux. Poète, Apollinaire connut des femmes, des déboires, Louise de Coligny, Lou, Madeleine, entre autres, restées célèbres par la correspondance échangée et publiée, Marie Laurencin, peintre. Quitté ou séparés par la guerre, le poète écrit La chanson du Mal-Aime. " En avril 1911, Guillaume avait écrit au début d’Anecdotiques : « J’aime les hommes, non pour ce qui les unit, mais pour ce qui les divise, et des cœurs, je veux surtout connaître ce qui les ronge. » Avec Sureau Apollinaire " ......lit Pascal avec passion ". Apollinaire gagne tant bien que mal sa vie alors que la guerre est déclarée. Marié depuis peu il envoie Jacqueline en Bretagne, habite un petit logement boulevard Saint-Germain. Lui qui voulait tellement être naturalisé français, son souhait réalisé depuis peu il est incorporé. Les soldats aiment assez " ......le sous-lieutenant de Kostrowitzky - Ils l’appelaient Kostro-l’Exquis ou Cointreau-Whisky sa gaieté et son courage...... " Pour sa part, François Sureau avoue "..... Apollinaire ne m'a jamais abandonné........ " et rappelle ce conseil du poète : « ........ Portez sur vous quatre stylographes, buvez eau claire, ayez le miroir d’un grand homme et regardez-vous souvent dedans sans sourire.......» Et François Sureau note que le poète s'informait sur les épidémies dans de vieux livres. " Il ne croyait pas à l’absurdité du monde, mais à son mystère. " L'ouvrage est court tout à la gloire d'un poète qui n'a pas eu le temps d'exprimer tout ce que le cours des événements, ses rencontres lui inspiraient. Néanmoins encore une citation que note l'auteur, Sureau, d'un poète qui suivait bien son chemin :
" .......Il faudrait, pour bien travailler, un appartement meublé à la manière futuriste de meubles pneumatiques que l’on gonflerait et dégonflerait après usage. À l’heure de l’inspiration, tous les meubles seraient à plat et juchés au plafond au moyen de poulies. Le champ deviendrait libre pour le travail intellectuel et la marche à pied qui en est le nécessaire complément......... » Lire Sureau et son Apollinaire c'est reprendre pied dans un monde bien écrit, fantaisiste et lucide cependant.


 

            











  






dimanche 23 mai 2021

La colère qui casse l'homme en enfants César Vallejo ( Poème Pérou )

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             La colère qui casse l'homme en enfants

            La colère qui casse l'homme en enfants,
            qui casse l'enfant en oiseaux égaux,
            et l'oiseau, après, en petits œufs ;
            la colère du pauvre
            a une huile contre deux vinaigres.

            La colère qui casse l'arbre en feuilles,
            la feuille en bourgeons inégaux
            et le bourgeon en rainures télescopiques ;
            la colère du pauvre
            a deux fleuves contre nombre de mers.

            La colère qui casse le bien en doutes,
            Le doute, en trois arches semblables
            et l'arche, ensuite, en tombes imprévues ;
            la colère du pauvre                                                                
            a un acier contre deux poignards.

            La colère qui casse l'âme en corps,
            le corps en organes dissemblables
            et l'organe, en huitièmes pensées ;
            la colère du pauvre
            a un feu central contre deux cratères.                                                            swissinfo.ch

                                                   26 octobre 1937
                         César Vallejo
                             
            

samedi 22 mai 2021

Le Journal du Séducteur Sören Kierkegaard 16 ( Essai Danemark )

wikipedia.org                                                 














            Si c'était possible, j'aimerais bien être derrière Cordélia quand elle reçoit une lettre de moi. Il me serait alors possible de vérifier à quel point elle parvient à la comprendre du point de vue érotique. Les lettres, après tout, sont et seront toujours un moyen hors de prix pour faire impression sur une jeune fille. Les mots écrits ont souvent une influence beaucoup plus grande que le verbe vivant. Une lettre est une communication pleine de mystère, on commande la situation, on ne ressent pas la contrainte d'un tiers présent, et je crois qu'une jeune fille préfère être toute seule avec son idéal, à certaines heures tout au moins, à celles justement où l'idéal a le plus de force en elle. Même si son idéal a trouvé son expression complète dans un objet précis et aimé, il y a pourtant des moments où son idéal lui fait sentir quelque chose d'excessif que ne connaît pas la réalité. Et elle a droit à ces grandes fêtes d'expiation, seulement il faut veiller à s'en servir correctement pour qu'à son retour à la réalité elle n'en revienne pas épuisée mais fortifiée. C'est à quoi aident les lettres qui font que, bien qu'invisible on est spirituellement présent à ces instants saints de l'initiation tandis que l'idée que le réel personnage est l'auteur de la lettre forme une transition naturelle et classique à la réalité.  
            Pourrais-je être jaloux de Cordélia ? Mort et damnation, oui ! Quoique en un autre sens, non !
Car si, même vainqueur dans ma lutte contre un autre, je trouvais que sa nature en est troublée, ne reste pas ce que je souhaite, je renoncerais à elle. Un vieux philosophe a dit que si on note exactement ce qui vous arrive dans la vie, on devient, sans s'en douter, philosophe. 
            Depuis assez longtemps je fréquente la communauté des fiancés, il faut tout de même que cela aboutisse à quelque chose. J'ai donc eu l'idée d'accumuler des matériaux pour un ouvrage intitulé : 
" Contribution à la théorie du baiser dédié à tous les tendres amoureux. " Il est d'ailleurs que rien n'existe encore à ce sujet. Si je réussis j'aurai, par conséquent, suppléé à un besoin longuement senti.
            Cette lacune dans la littérature serait-elle due au fait que les philosophes ne pensent pas à ces choses-là, ou est-ce qu'ils ne s'y entendent pas ? Je suis déjà à même de donner quelques indications. 
            Un baiser complet veut que ce soit une jeune fille et un homme qui agissent. Un baiser entre hommes est de mauvais goût ou, ce qui est pire, il a une saveur désagréable. Ensuite, je pense qu'un baiser est plus proche de son idée quand c'est un homme qui le donne à la jeune fille qu'inversement.. Là où avec les années une indifférence s'est produite à cet égard, le baiser a perdu son sens. C'est le cas du baiser conjugal d'intérieur avec lequel des époux, faute de serviette, s'essuient réciproquement la bouche en disant : " Grand bien vous fasse ! " Si la différence d'âge est très grande, aucune idée ne justifie le baiser.
            Je me rappelle une école provinciale de jeunes filles où celles de la dernière classe avaient dans  leur terminologie l'expression : " Embrasser le conseiller de justice ", expression qui se reliait dans leur esprit à une idée rien moins qu'agréable. L'origine en était la suivante : la maîtresse de l'école avait un beau-frère habitant chez elle, il avait été Conseiller de justice, était âgé et prenait la liberté d'embrasser les jeunes filles. 
   estim.france-estimations.fr      
  Le baiser doit exprimer une passion précise. Quand un frère embrasse sa sœur jumelle, le baiser n'est pas un vrai baiser, pas plus qu'un baiser de fortune aux jeux de Noël ou un baiser dérobé. Un baiser est un acte symbolique qui ne signifie rien si le sentiment qu'il doit marquer n'existe pas, et ce sentiment n'existe que dans des circonstances précises.
            Si on désire s'essayer à classer les baisers, plusieurs principes se laissent concevoir. 
            On peut les classer selon le bruit qu'ils produisent. Malheureusement la langue ne suffit pas à couvrir le terrain de mes observations à cet égard. Je crois que l'ensemble des langues du monde n'a pas un assortiment d'onomatopées suffisant pour marquer les différences que j'ai appris à connaître rien que dans la maison de mon oncle. Le baiser est, tantôt bruyant comme un déclic, tantôt sifflant, il y en a qui claquent, qui tonnent, tantôt il est bien rempli, tantôt creux, tantôt de calicot, etc. 
            On peut classer le baiser d'après son contact, le baiser tangent ou le baiser en passant, et le baiser cohérent. 
            On peut les classer d'après leur durée brève ou longue. Mais le temps peut donner encore une autre classification qui est au fond la seule qui m'ait plu.
            On distingue alors entre le premier baiser et tous les autres. La qualité visée ici est incommensurable avec ce qui survient avec les autres classifications, elle est indifférente au son, à l'attouchement et au temps en général. 
            Le premier baiser est cependant qualitativement différent de tous les autres. Il n'y a que peu de gens qui y réfléchissent, et ce serait grand dommage qu'il n'y eût pas quelqu'un au moins pour y penser.

                               Ma Cordélia !
 
            Une bonne réponse est comme un doux baiser, dit Salomon. Tu connais ma curiosité, on m'en fait presque un reproche. C'est parce qu'on ne comprend pas le sujet sur lequel je pose mes questions, car toi, et toi seule, tu le comprends. Toi et toi seule tu sais donner une bonne réponse, car une bonne réponse est comme un doux baiser, dit Salomon.

                                                                               Ton Johannes.

            L'érotisme spirituel se distingué de l'érotisme physique. Jusqu'ici c'est surtout l'érotisme spirituel que j'ai essayé de développer chez Cordélia. Ma présence personnelle doit maintenant se transformer et ne plus être seulement un état d'âme d'accompagnement, elle doit être une tentation. Ces jours-ci, j'ai continué à m'y préparer en lisant le passage bien connu de Phèdre qui traite de l'amour. Il a électrisé tout mon être, et c'est un superbe prélude. Que Platon s'est donc réellement entendu en érotisme

                                         
                                       Ma Cordélia !

            Un latiniste dit d'un disciple attentif qu'il est suspendu aux lèvres du maître. Pour l'amour tout est image et, en retour, l'image est réalité. Ne suis-je pas un disciple assidu et attentif ? Mais tu ne dis rien du tout.

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            Si quelqu'un d'autre que moi dirigeait ce développement, il serait sans doute trop malin pour se laisser manœuvrer. Si j'allais consulter parmi les fiancés quelqu'un de bien initié, il me dirait, je suppose, en y mettant un beau tour d'audace érotique : 
            - " C'est en vain que je cherche dans ces positions de l'amour la figure nodale où les amants causent ensemble de leur affection. "
             Je lui répondrais :
             - " Tant mieux si tu la cherches en vain, car cette figure n'appartient pas du tout à l'extension réelle de l'érotisme, même pas si on y introduit ce qui est intéressant. L'amour est trop substantiel pour se suffire de bavardages, et les situations érotiques sont trop graves pour en être remplies. Elles sont silencieuses, calmes, elles ont des contours nettement tracés, et pourtant elles sont éloquentes, comme la musique du colosse de Memnon. Eros gesticule, il ne parle pas ou, s'il le fait, il s'agit d'allusions mystérieuses, d'une musique imagée. " 
            Les situations érotiques sont toujours ou plastiques ou picturales, mais si deux amants parlent ensemble de leur affection, ce n'est ni plastique, ni pictural. Pourtant les fiancés sérieux commencent toujours pas de tels palabres qui constitueront aussi plus tard le lien d'union de leur ménage bavard. Mais ils seront aussi la cause initiale et la promesse du fait qu'il ne manquera pas à leur mariage la dot dont parle Ovide : dos est uxoria lites ( la dot de la femme est sujet à querelles ) Aussi suffit-il, s'il faut qu'on en parle, qu'il n'y en ait qu'un qui le fasse. C'est l'homme qui doit parler et, par conséquent, posséder quelques-unes des forces de la ceinture dont Vénus se servait pour charmer : la conversation et la douce flatterie ou, pour mieux dire, l'insinuante flatterie. 
            Il ne s'en suit nullement qu'Eros soit muet, ni qu'érotiquement il soit incorrect de faire la conversation, mais que celle-ci doit elle-même être érotique et non se perdre dans des considérations édifiantes sur des perspectives d'avenir, etc., et aussi qu'elle doit, au fond, être considérée comme un repos de l'action érotique, comme un passe-temps et non comme le bien suprême. 
            Une telle conversation, une telle confabulation est en son essence tout à fait divine, et je ne me lasserai jamais de causer avec une jeune fille. Entendons-nous, je peux bien me lasser d'une jeune fille en particulier, mais jamais de causer avec une jeune fille. Ce serait pour moi une impossibilité aussi grande que de me lasser de respirer. Ce qui, au fond, est le propre d'une telle causerie est l'épanouissement végétatif de la conversation. Celle-ci reste peu élevée, sans objet véritable, le hasard la dirige, mais son nom à elle et celui de ses fruits est : mille-joies, ou pâquerettes.
             
                                             Ma Cordélia !

            " Ma " Cordélia - " Ton " Johannes, ces mots enferment le pauvre contenu de mes lettres, comme une parenthèse. As-tu remarqué que la distance entre les signes de cette parenthèse se rétrécit ? Oh ! ma Cordélia ! Il est pourtant beau que plus le contenu s'amoindrit, plus la parenthèse gagne en signification.

                                                                               Ton Johannes.

                                                  Ma Cordélia !

            L'étreinte est-elle une lutte ?

                                                                                     Ton Johannes.

            En général, Cordélia garde le silence et j'y ai toujours été sensible. Elle a une nature féminine trop profonde pour vous fatiguer avec des hiatus, cette figure de rhétorique caractéristique surtout des femmes et qui est inévitable quand l'homme, qui doit fournir la consonne d'appui précédente ou suivante, est de nature féminine aussi. Cependant, parfois, une brève remarque trahit tout ce qu'elle a dans l'âme. Alors je lui prête la main. C'est comme si, derrière quelqu'un qui d'une main mal assurée esquisse quelques traits d'un dessin, se trouvait quelqu'un d'autre qui ne cesse d'en faire sortir quelque chose d'audacieux et d'arrondi. Elle en est elle-même surprise, mais on dirait que tout vient d'elle. C'est pourquoi je veille sur elle, sur toutes ses remarques fortuites, sur tout mot jeté au passage et, en les lui rendant, j'en ai toujours fait quelque chose de plus significatif, dont elle connaît le sens en ne le connaissant pas.                                                                                                                          pinterest.fr
            Aujourd'hui nous étions à un dîner. Nous n'avions pas échangé une parole. En nous levant de table, le domestique entra prévenir Cordélia qu'un messager désirait lui parler.
            C'était moi qui l'avais envoyé porteur d'une lettre contenant des allusions à un propos que j'avais tenu à table. J'avais su l'emmêler dans la conversation générale de façon que Cordélia dût nécessairement l'entendre bien qu'assise loin de moi, et se méprendre sur le sens. Ma lettre était calculée là-dessus  Si, à table, je n'avais pas réussi à donner à la conversation le tour voulu, je me serais bien arrangé pour être présent juste au moment où la lettre arrivait pour la confisquer. Elle rentra au salon et dut mentir un peu.                                                                                                                  
            Ce sont ces choses-là qui cimentent le mystère érotique sans lequel elle ne pourrait pas suivre le chemin tracé pour elle.

                                           Ma Cordélia !

            Crois-tu que celui qui repose sa tête sur la Colline aux elfes en rêve voit l'image de la sylphide ?
Je ne le sais pas, mais je sais qu'en reposant ma tête sur ta poitrine, sans fermer les yeux et en jetant un regard au-dessus, je vois le visage d'un ange. Crois-tu que celui qui appuie sa tête sur la colline aux elfes puisse rester tranquille ? Je ne le crois pas, mais je sais qu'en penchant ma tête sur ton sein, celui-ci s'agite trop pour permettre au sommeil de descendre sur mes yeux.


                                                              à suivre...........