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Reginald et les invitations
L'ennui c'est qu'on ne connaît jamais vraiment son hôte et son hôtesse. On finira par bien connaître leurs fox-terriers et leurs chrysanthèmes, on saura le genre d'histoire qu'on peut leur raconter au salon ou qu'il vaut mieux dire en aparté de peur de choquer l'opinion publique. Mais nos hôtes resteront toujours pour nous une sorte sous-bois ombré qu'on n'a jamais vraiment le temps d'explorer.
J'ai séjourné quelquefois chez quelqu'un dans le Warwickshire qui cultivait ses terres et, à part ça, ne faisait pas de vagues. On ne lui aurait même pas supposé une âme, c'est peu dire. Or, quelque temps après, voilà qu'il enlevait la veuve d'un dompteur de lions et qu'il s'installait comme professeur de golf quelque part le long du golfe persique. Ce qui était parfaitement immoral, je vous l'accorde, car c'était un joueur des plus médiocres, ce qui dénote tout de même un certain culot. Sa femme fut bien à plaindre, car il était la seule personne à venir à bout de la cuisinière, aussi fait-elle toujours désormais suivre ses invitations à dîner de l'expression " Deo volente ". Et même si Dieu ne le veut pas toujours, il vaut mieux perdre un mari qu'une cuisinière, car une maîtresse de maison qui perd une cuisinière ne retrouve jamais tout à fait sa position dans le monde. premiere.fr
* On trouve, bien sûr, des hôtesses prêtes à tout vous pardonner, même vos instincts pavonicides ( si un tel mot existe ), pour peu que vous soyez suffisamment joli garçon et suffisamment insolite pour trancher avec le reste de la compagnie, et il y en a d'autres, comme la jeune fille qui lit Meredith, et qui apparaît aux heures des repas avec une ponctualité inhabituelle dans une robe qu'elle a faite elle-même et dont elle n'a pas fini de se repentir. Elle finira pourtant par se dénicher un mari aux Indes et reviendra admirer les toiles de la Royal Academy en pensant qu'un plat de crevettes au curry constitue le minimum d'un déjeuner digne de ce nom. C'est alors qu'elle peut réellement devenir dangereuse, mais elle ne sera jamais pire que celle qui s'amuse à vous bombarder de questions sans la moindre provocation de votre part.
Ainsi, l'autre jour, alors que je tentais de réfléchir à ce que je disais pour ne pas débiter trop d'âneries ( encore que c'est souvent quand on parle sans réfléchir qu'on en dit le moins ), ne voilà-t-il pas que mon hôtesse commence à me demander combien de poulets peuvent entrer dans un poulailler de trois mètres sur deux, ou quelque chose d'aussi incongru. Des masses, lui ai-je répondu, surtout si vous fermez bien la porte, ce dont elle ne s'était jamais avisée, si j'en juge par le silence méditatif dans lequel elle s'absorba pendant le reste du dîner. lecrayon.net
Evidemment, on prend parfois des risques et l'on commet des erreurs qui peuvent s'avérer fructueuses à long terme. Prenons nos anciennes colonies d'Amérique, par exemple, Si nous ne les avions pas aussi sottement perdues, nous n'aurions jamais eu d'Américains pour venir nous enseigner comment nous habiller ou nous coiffer. Or, il faut bien que les idées viennent de quelque part, n'est-ce pas ? Même les voyous ont une patrie. J'ai, pour ma part, idée qu'ils ont été inventés en Chine il y a des siècles et des siècles, quand nous dormions encore. L'Angleterre doit se réveiller, comme l'a dit l'autre jour le duc du Devonshire. Ah, non ? C'était quelqu'un d'autre ? Non, non, je ne suis pas de ceux qui désespèrent de l'avenir. Il finit toujours bien par arriver. A quoi bon s'en préoccuper ? Et puis il a toujours des choses gentilles à dire sur le passé. Imaginez un peu nos petits s'avisant de me trouver sympathique. J'en ai froid dans le dos.
Tenez, il y a des moments où l'on voudrait être Hérode.
* /aroundthestory.com
Saki
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