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Volupté
Sur une terrasse blanche, la nuit, ils nous laissèrent évanouies dans les
roses. La sueur chaude coulait comme des larmes, de nos aisselles sur nos
seins. Une volupté accablante empourprait nos têtes renversées.
Quatre colombes captives, baignées dans quatre parfums, voletèrent
au-dessus de nous en silence. De leurs ailes, sur les femmes nues, ruisselaient
des gouttes de senteur. Je fus inondée d'essence d'iris.
Ô lassitude ! je reposai ma joue sur le ventre d'une jeune fille qui s'enveloppa
de fraîcheur avec ma chevelure humide. L'odeur de sa peau safranée enivrait ma
bouche ouverte. Elle ferma sa cuisse sur ma nuque.
Je dormis, mais un rêve épuisant m'éveilla : l'iynx, oiseau des désirs
nocturnes, chantait éperdument au loin. Je toussai avec un frisson. Un bras
languissant comme une fleur s'élevait peu à peu vers la lune, dans l'air.
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La Ceinture chaude
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" Tu crois que tu ne m'aimes plus, Téléas, et depuis un mois tu passes tes
nuits à table, comme si les fruits, les vins, les miels pouvaient te faire oublier
ma bouche. Tu crois que tu ne m'aimes plus, pauvre fou ! "
Disant cela, j'ai dénoué ma ceinture en moiteur et je l'ai roulée autour de
sa tête. Elle était toute chaude encore de la chaleur de mon ventre ; le parfum de
ma peau sortait de ses mailles fines.
Il la respira longuement, les yeux fermés, puis je sentis qu'il revenait à moi
et je vis même très clairement, ses désirs réveillés qu'il ne me cachait point, mais,
par ruse, je sus résister.
" Non, mon ami. Ce soir, Lysippos me possède. Adieu ! " Et j'ajoutai en
m'enfuyant : " Ô gourmand de fruits et de légumes ! le petit jardin de Bilitis n'a
qu'une figue, mais elle est bonne ! "
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La danse des Fleurs
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Anthis, danseuse de Lydie, a sept voiles autour d'elle. Elle déroule le voile
jaune, sa chevelure noire se répand. Le voile rose glisse de sa bouche. Le voile
blanc tombé laisse voir ses bras nus.
Elle dégage ses petits seins du voile rouge qui se dénoue. Elle abaisse le
voile vert de sa croupe double et ronde. Elle tire le voile bleu de ses épaules, mais
elle presse sur sa puberté le dernier voile transparent.
Les jeunes gens la supplient : elle secoue la tête en arrière. Au son des flûtes
seulement, elle le déchire un peu, puis tout à fait, et, avec les gestes de la danse,
elle cueille les fleurs de son corps.
En chantant : " Où sont mes roses ? où sont mes violettes parfumées ?
Où sont mes touffes de persil ? - Voilà mes roses, je vous les donne. Voilà mes
violettes, en voulez-vous ? Voilà mes beaux persils frisés. "
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A ses Seins
Chairs en fleurs, ô mes seins ! que vous êtes riches de volupté !
Mes seins dans mes mains, que vous avez de mollesse et de moelleuses
chaleurs et de jeunes parfums !
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Jadis, vous étiez glacés comme une poitrine de statue et durs
comme d'insensibles marbres. Depuis que vous fléchissez je vous
chéris davantage, vous qui fûtes aimés.
Votre forme douce et renflée est l'honneur de mon torse brun.
Soit que je vous emprisonne sous la résille d'or, soit que je vous délivre
tout nus, vous me précédez de votre splendeur.
Soyez donc heureux cette nuit. Si mes doigts enfantent des
caresses, vous seuls le saurez jusqu'à demain matin, car, cette nuit,
Bilitis a payé Bilitis.
Pierre Louÿs
in Les Chansons de Bilitis
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