rivagedeboheme.fr
Les cafés de Montmartre in
Le Piéton de Paris ( 2 )
Ma vie a été vécue de telle façon que je connais tous les cafés de Montmartre, tous les tabacs, toutes les brasseries. Quarante ans de voyages à pied dans ce pays formé par les frontières du dix-huitième et du neuvième arrondissement, m'ont familiarisé avec les établissements de cette sorte de festival permanent qu'est Montmartre, depuis le caboulot sans chaises où, debout, face à face avec le patron, l'on ne peut choisir qu'entre trois bouteilles, jusqu'à la grande machine modern-style, avec inter-urbain, poissons rouges, cireur et fruits de la mer, depuis le café-restaurant de Nine, cher aux ministres radicaux et marseillais de Paris, depuis les bars en couloir d'autobus de la rue de Douai, jusqu'aux tabacs de la rue de Clichy, dont la clientèle se renouvelle dix et cent fois par jour.
Cafés crasseux, cafés pour hommes du Milieu, cafés pour hommes sans sexe, pour dames seules, cafés de tôliers, cafés décorés à la munichoise, esclave du ciment armé, de l'agence Havas, tous ces Noyaux, ces Pierrots, ces cafés aux noms anglais, ces bistrots de la rue Lepic, ces halls de la place Clichy, donnent asile aux meilleurs clients du monde. Car le meilleur client de café du monde est encore le Français, qui va au café pour aller au café, pour y organiser des matches de boissons, ou pour y entonner, avec des camarades, des hymnes patriotiques.
Le soir, Montmartre ne vit que par ses cafés qui entretiennent dans le quartier toute la lumière de la vie. Rangés le long du fleuve-boulevard comme des embarcations, ils sont à peu près tous spécialisés dans une clientèle déterminée. Café des joueurs de saxophone sans emploi, café des tailleurs arméniens, café des coiffeurs espagnols, café pour femmes nues, danseuses, maîtres d'hôtel, bookmakers, titis, le moindre établissement semble avoir été conçu pour servir à boire à des métiers précis ou à des vagabondages qui ne font pas de doute..
Un soir que j'accompagnais chez lui un vieil ami qui avait fortement bu dans divers bars de la rue Blanche, nous fûmes arrêtés par un " guide " qui, nous prenant pour des étrangers, nous proposa un petit stage dans des endroits " parisiens ", et il insistait sur le mot. Nous lui fîmes comprendre que nous étions plus parisiens que lui ; puis, sur sa prière, nous le suivîmes dans des cafés ou, le service terminé, se réunissent des garçons et des musiciens. Ils sont là dans l'intimité, chez eux, car ils veulent aller au café aussi, comme des clients. On nous servit " ce qu'il y a de meilleur ". Au petit jour, mon compagnon, complètement ivre, me disait, tandis que nous longions des rues toujours éclairées : pinterest.com
" - Montmartre est une lanterne aux milles facettes. "
Pour ceux qui se couchent à minuit, dédaigneux du cabaret qu'on abandonne aux " vicieux " ou aux étrangers, le chef-d'oeuvre de cette illumination, c'est le Wepler qui, pendant des années, est resté surmonté d'un mur de planches couvert d'affiches et semblant vivre sous un tunnel.
J'aime cette grande boîte à musique, importante comme un paquebot. Le Wepler de la place Clichy est rempli de merveilles, comme le Concours Lépine. Il y a d'abord à boire et à manger. Et des salles partout, ouvertes, fermées, dissimulées. La voilure amenée, ces salles sont habillées en un rien de temps. Les femmes se distribuent suivant leurs îlots, leurs sympathies, contre le décor et les boiseries 1900. Au milieu, composé de prix du Conservatoire, l'orchestre joue son répertoire sentimental, ses sélections sur Samson et Dalila, la Veuve joyeuse ou la Fornarina, avec de grands solos qui font oublier aux dames du quartier leur ménage et leurs chaussettes.
Cette musique, entrecoupée de courants d'air et de chutes de fourchettes, se déverse en torrents bienfaisants sur la clientèle spéciale qui rêvasse dans les salles : rentiers cossus, vieux garçons sur lesquels la grue tente son prestige, boursiers du second rayon, fonctionnaires coloniaux, groupes d'habitués qui se réunissent pour ne rien dire, solitaires, voyageurs de commerce de bonne maison, quelques journalistes et quelques peintres, qui ont à dîner ou qui ont dîné dans le quartier.
Les virtuosités de l'orchestre filent le long des môles, traversés par les chocs des billes de billard. Célèbres, les salles de billard du Wepler sont immenses, composées et distribuées comme les carrés de gazon d'un jardin. Les hommes du Milieu qui hantent le Wepler ont des postes un peu partout dans ce paysage de verreries. Mais ils se réunissent de préférence au billard, à cause du spectacle... Il en est d'une classe et d'une distinction spéciales...........types confortables, gras et muets, aux joues mates, aux cheveux bien lustrés, aux paupières lourdes de sens.
opera-online.com
" Les amants des prostituées sont heureux, dispos et repus... " Baudelaire dixit.
La grande salle de billard du Wepler a quelque chose d'une Bourse. Des consommateurs se serrent la main sans se connaître, mais il y a des années qu'ils viennent là avec leurs dames, comme pour accomplir une besogne précise et nocturne. Ce sont des confrères, comme les coulissiers ou les mandataires. Leur place entre dix heures et minuit est place Clichy, et les verres absorbés finissent par devenir d'autres articles de bureau. Aventuriers qui ne quittent jamais Paris, commis aux cravates bien alignées, aux épaulettes américaines, bureaucrates qui citent parfois du latin devant de vieux camarades de collège, professeurs de l'Enseignement Secondaire qu'aucun art n'a tentés, neurasthéniques qui n'ont que cette heure pour oublier la vie, l'absence d'épouse et le manque de charme... Le Wepler est doux à toutes ces âmes ; il les abrite, il les couve, il les choie...
Du temps que Jules Lemaîtrre écrivait des préfaces charmantes pour les contes du Chat Noir, Montmartre fut la patrie des cafés dits célèbres, réservés à certains initiés, ou se réunissaient des artistes, poètes et peintres, qui échangeaient des idées et contribuaient à entretenir ce qu'on a appelé l'esprit parisien. On travaillait, on rimait, on composait au café. Des albums paraissaient, qui reproduisaient la peinture de premier choix dont s'ornaient les cabarets. Aujourd'hui, cette peinture a pris le chemin des collections particulières, et les mots d'esprit viennent surtout de la Société des Nations...
Il reste encore de la peinture........ Mais quelle peinture ! Elle est pourtant à l'image de notre époque, romanpolicière et cinématographique............ Le dernier café littéraire et artistique qui survécut à la révision des valeurs après la guerre fut le Franco-Italien, où Béraud, chaque soir, cueillait des grappes d'approbation dans des groupes de journalistes, qui avaient alors tout juste de quoi s'offrir un plat de spaghetti.
Mais le vrai café de Montmartre a changé. Il est parfois aussi accueillant qu'autrefois, et l'atmosphère qui s'y respire est toujours celle d'une vie de bohème. Mais le décor en a subi de profondes transformations. Le café de Montmartre, avec ses grues-loteries à jumelles et à couteaux suisses, ses dixièmes de la Loterie Nationale, ses caramels, ses brioches, ses petits jeux, son billard russe, ses briquets, tient à la fois du garage et du bazar. On y achète autant qu'on y boit, et Boubouroche ne s'y trouverait plus à l'aise.
J'ai demandé un soir à un vieux joueur de manille, à la fois grand liseur de journaux, d'indicateurs, stratège, politicien et cocu, pourquoi il passait maintenant ses journées dans certains buffets de gares au lieu de choisir, comme faisaient ses ancêtres, un café de tout repos, où des ménagères hirsutes et baveuses venaient chercher leurs maris, comme cela se voyait dans les nouvelles de Courteline. toutpourlamusique.centerblog.net
Le Montmartrois moderne, qui a eu tant d'illustrateurs, n'a pas encore trouvé son vrai peintre. Je pense à Chas Laborde, à Dignimont, à Utrillo. Tous en sont encore restés à l'après-guerre immédiate. A ce moment, le café semblait encore réservé, du moins à Montmartre, à une élite de la population artistique et boulevardière. Aujourd'hui, ce sont les représentants de toutes les fractions du peuple français qui ont pris possession du zinc, du velours ou du cuir, à commencer par les propriétaires des petites Renault, achetées d'occasion, qui en ont eu assez un beau jour d'être comme tenus à l'écart des réjouissances. Un vrai café montmartrois, je n'en nommerai aucun, vit en 1938 sous le double " signe " du grouillement et du banal. On y voit une famille de charcutiers fort bien mis et dont les fils sont des bacheliers, un garagiste en compagnie de sa maîtresse, serpentée de renard argenté, un légionnaire en permission, un chansonnier politique en herbe, des champions de vélo, des envoyés spéciaux de grands journaux qui vivotent dans le quartier entre deux enquêteurs, quelques juifs sarrois, un agrégé, un pion, un clown, un boxeur, une lingère, un futur auteur dramatique, et quelques poules de théâtre usées et qui s'assomment à ressembler à des bourgeoises. Qui se lèvera pour détailler une chanson triste, ou quelques couplets qui feront de leur auteur, plus tard, un académicien distingué ? Personne. Celui qui se lèverait ne serait pas pris au sérieux.
Plus loin, le vrai quartier des artistes, avec ses cafés pittoresques, bourrés de Petite Histoire, ce bloc formé par les rues Saint-Vincent, Saint-Rustique ou des Saules, l'ancien village, la rue Lamarck et les Moulins, a été " modernisé " à son tour par la percée de l'avenue Junot. Daragnès, un des princes de cette nouvelle voie, sent très bien que les brasseries montmartroises ont fait leur temps, qu'une autre guerre a passé par là, celle du ciment, du jazz, du haut-parleur et quand il va au café, c'est à l'autre bout de Paris, sur la rive Gauche éternelle, chez Lipp ou aux Deux Magots, qu'il va chercher des vitamines.
Les cafés de Montmartre sont morts. pinterest.fr
Ils ont été remplacés par des débits, des bars ou des grills. Je connais pourtant un petit bistrot, un Bois et Charbon, où le bonheur et le pittoresque se conçoivent encore. Les propriétaires du fonds, Auvergnats de père en fils, ont connu des gens célèbres, jadis, et conservent à l'égard du client une bonhomie qui n'est plus admise ailleurs, chez les émancipés de la ville moderne. Des jambons de province y pendent qui ne sont pas des jambons d'hostellerie. Quelques prostituées s'y réfugient, après avoir abandonné sur le seuil de la porte leurs préoccupations professionnelles. On y reçoit encore des rapins à gibus qui croient encore à la gratuité de l'art et à la misère des peintres ; des affranchis dont la bassesse est maniérée comme celle des gaillards de Steinlen ou de Charles-Louis Philippe.
Enfin, détail exquis, le patron avait préparé, vers 1925, une pancarte qu'il n'ose plus exhiber, une pancarte qui dit bien que la douceur de vivre s'est évaporée comme une rosée, un charmant avis, qu'il se proposait de placer dans sa devanture, entre un pot de géraniums et un jeu de dames, un texte que, seule, la dignité montmartroise autorisait :
" Le patron joue aux cartes... "
Aujourd'hui il est bien obligé d'attendre le règlement des conflits avant de se risquer à provoquer des passants moroses, anxieux et avares.
******************
resmusica.com Le Boeuf sur le Toit
Si j'avais à écrire une histoire de France d'après-guerre, je ferais une place à part au " Boeuf sur le Toit ", sorte d'académie du snobisme qui donne en outre la clef d'une foule de liaisons, de contrats et de mouvements, tant littéraires que politiques ou sexuels.
Le " Boeuf sur le Toit " date de 1920. Moyses, très éprouvé par la guerre, gagnant péniblement sa vie dans les Ardennes, plaçant à droite et à gauche de l'article de Paris, du ruban, du bijou, monté sur sa bicyclette à boîte, arriva à toute vitesse à Paris dans la hâte de trouver une affaire. En rôdant, il dénicha rue Duphot, à deux pas de Prunier, un tout petit bar-lavabo, qui s'appelait " Gaïa ", Gaïa, qui vendait fort mal son porto. Moyses dévissa son stylographe et fit presque aussitôt la connaissance d'un groupe d'artistes : Arthur Rubinstein, Picasso, Germaine Taillefer, Cocteau, dix autres, qui s'emballèrent instantanément sur lui.
Moyses était ce qu'il est resté, grand, costaud, coloré, charnu, cordial, l'amitié grande ouverte, la poignée de main bonne. Il s'agitait, il bafouillait en riant, il était partout à la fois, toujours amical et malin, l'air serviable, au courant, plein de tact, ne manquant pas de l'usage du monde. Le bar était-il plein comme un oeuf, il s'arrangeait pour que l'habitué, l'ami ou l'inconnu qui arrivait tard, trouvât toujours une table, un coin, un renfoncement. En cinq coups de cuiller à pot, Gaïa fut à la mode.
L'endroit faisait jeune. La gaieté y fusait de toutes parts, juteuse, nouvelle, centripète, et Paris de rappliquer.
Un Tout-Paris qui ne dédaignait pas de mettre la main à la pâte. Tour à tour, un peintre, un poète allaient prendre possession du jazz. Les femmes qui lançaient les modes d'alors dansaient comme chez elles, le maquillage franc, le corps secrètement disponible. Ah ! si j'osais m'étendre sur quelques bonnes fortunes de ce bon temps ! Mais déjà les carreaux de la boîte volaient en éclats en même temps que sa renommée s'infiltrait dans les coins les plus barricadés de la capitale. La Compagnie des Six venait de se créer sous le patronage d'Erik Satie, vrai maître, inventeur d'une musique " maisonnière ". Les Six furent Auric, Poulenc, Honneger, Germaine Taillefer, Durey et Darius Milhaud. Groupe délicieux, dans le sillage duquel évoluait une sorte de collégien de génie, when they are so clever, they never live long, Raymond Radiguet. Au-dessus de ce bouillonnement de trouvailles, de sonates, de sauces anglaises et d'adultères rapides, s'élevait le petit soleil de la gloire d'Apollinaire.
Un jour, pourtant, il fallut déménager. Moyses, qui est resté grand sourcier, découvre un beau jour, rue Boissy-d'Anglas, de part et d'autre d'une porte cochère où se tenait provisoirement un campement de... jeunes, une boutique louche à l'enseigne de Paris la Nuit. On commença par la vider comme un mulet, par l'asperger, avant d'y accueillir les gens du monde en état de prurit artistique. Le vrai " Boeuf "était né. Le vrai " Boeuf " fut celui de la rue Boissy-d'Anglas. On y était un peu plus au large, un peu moins serré qu'à Gaïa et l'on y poussait de petits cris en y apercevant ces nouveautés dans le décor qui foisonnent aujourd'hui à Saint-Jean-Pied-de-Port ou à Mareuil-sur-le-Lay : lampes-appliques et abat-jour en parchemin. Dans le domaine spirituel, l'école Dada succédait au groupe des Six, et les belles snobs aux cuisses si douces chantaient :
Buvez du lait d'oiseau,
neufhistoire.fr Mangez du veau !
Le " Boeuf " de la rue Boissy-d'Anglas était constitué par deux boutiques, un restaurant et un dancing, sortes de vases communicants entre lesquels, par la cour obscure, on faisait la navette en s'embrassant ou en se tapant, au sens le plus financier du terme. Le Tout-Paris qui ne peut tenir en place, qui s'ennuie, qui change dix fois de crèmerie dans la soirée pour fuir quelque chose qu'il ne fuira jamais, faisait régulièrement irruption au " Boeuf " et n'en bougeai plus. On voyait là le Bottin Mondain, le Sport, l'Annuaire des Artistes, la Banque, le Chantage qui se faisaient risette. Une belle salle de répétition générale à chaque coup. Marcel Proust s'y risquait souvent, amusé et gentil.
Un soir que je bavardais avec Raymonde Linossier, l'avocate, j'aperçus Proust dans une forme excellente. Je ne sais plus si je voulais lui adresser la parole ou faire un pas vers lui, mais à ce moment ma compagne fut brusquement prise à partie par un vague gigolo du bar, nommé Delgado, qui la traita d'institutrice et l'accusa sans raison de porter des bottines à élastiques. Je me précipitai sur le bonhomme auquel Proust, très gentilhomme, fit immédiatement remettre sa carte. Mais le Delgado se dégonfla piteusement et disparut. Le Lendemain, nous apprenions qu'il avait succombé dans la nuit même à un ulcère à l'estomac.
Le jazz du " Boeuf ", qui fut un des tout premiers de Paris, attirait rue Boissy-d'Anglas les clients les plus divers.......... Henry Torrès celle de Cocteau, Beucler y apprit qu'on lui avait décerné à Hollywood un premier de scénarios, Joseph Kessel y réglait des additions formidables................. Or, toutes les boîtes du quartier, à commencer par Maxim's, et des jaloux de la concurrence,n'allaient pas tarder à porter plainte contre le "Boeuf " sous le prétexte que Moyses n'avait pas la permission de la nuit. Le commissaire divisionnaire, Peyrot des Gachons, homme d'esprit, Berrichon notoire et protégé du président Forichon, fit bientôt une première apparition officielle............ le commissaire revint tous les soirs. Justement, c'était l'époque où le " Boeuf " n'ignorait pas seulement ce que c'était que l'heure réglementaire, mais le petit jour, la mesure, le silence. Un jour............. ce fut pour voir Jef Kessel enfoncer d'un coup de poing, jusqu'à la pomme d'Adam, le haut-de-forme d'un mondain insolent. Celui-ci soudain masqué par une cheminée de locomotive, battait des nageoires au beau milieu du dancing et se faisait guider par sa femme comme un aveugle. Un autre jour, c'était le groupe Picabia qui exposait cer Oeil Cacodylate que la clientèle, un peu estomaquée quand même, admirait sans réserves, soutenue par un bataillon d'esthètes anglais, de sculpteurs monténégrins et de marchands de cocaïne prudents. Ceci est à noter. Le " Boeuf " fut toujours irréprochable : trafiquants de drogue ou de perles, laveurs de chèques eurent généralement le bon goût de garder leur marchandise dans leurs poches.
Les difficultés avec la police ne cessèrent que sur l'intervention de M. Bader, des Galeries Lafayette, et Moyses obtint enfin l'autorisation de la nuit. Mais la maison bourgeoise dans laquelle s'incrustait le bar ne se tint pas pour battue. Après avoir compté sur l'extérieur pour la délivrer, elle se rabattit sur l'intérieur. Cela fit songer aux dernières cartouches de Bazeilles. La veuve d'un notaire fameux groupa les locataires de l'immeuble en un faisceau, se plaignit, au nom d'une association, de ne pas avoir fermé l'oeil depuis des années, et arracha à l'Administration l'expulsion de Moyses.
Une crise allait commencer.
Le " Boeuf " s'installa dans la même rue, en face de ses propres souvenirs, dans une boîte qui portait la guigne, et ne put s'y tenir.
C'est alors que l'on prit le chemin de la rue de Penthièvre, avec le grand Chobillon, ancien saint-cyrien, comme gérant. dadaparis.blogspot.com
Le " Boeuf " de la rue de Penthièvre était encore le " Boeuf ". Mais déjà se mêlait aux habitués du type mondain-artiste une clientèle nouvelle composée de gigolos encore au lycée et d'employés de commerce qui eurent le front d'organiser des banquets corporatifs dans le sous-sol. Bien-sûr, on y vit Damia, et d'autres, à ces fêtes, mais un banquet est un banquet, et le groupe initial ne faisait plus que de courtes apparitions dans le quartier. Il avait horreur de ces jeunes filles à coktails qui conduisent ventre à terre dans Paris, et de ces administrateurs,habitués, depuis qu'il y a des bars à jeter leurs mégots dans les soucoupes des autres.
De la rue dePenthièvre aussi il fallut partir un jour, Moyses, dont la soeur venait de se marier avec Henrion, qui prenait le " Grand Ecart ", se mit à la recherche d'un endroit nouveau et s'arrêta à l'avenue Pierre-Ier-de-Serbie, où fréquentent, me dit-on, des snobs en rupture de smoking, toujours un peu en extase devant les métèques du cinéma qui hantent les hôtels voisins et se hasardent parfois à venir prendre un verre au " Boeuf ", avec le sentiment de s'encanailler et de frôler le vice parisien, et dont Moyses saura bien s'absterger.
Quant à ceux de la bande Boissy-d'Anglas, ils ont des enfants, des dettes, des postes. J'en rencontre parfois au coin d'une rue ou dans le salon de quelque vieille dame. C'est à peine si nous échangeons une poignée de souvenirs...
à suivre...............
Cafés des Champs-Elysées
,
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire