mardi 14 février 2012

Lettres à Madeleine 8 Apollinaire

Lettre à Madeleine
             
                                                                                                               14 juillet ( 1915 )

                        Vous êtes, ma toute chérie, une fille délicieuse et une fée bien attentive, car vous avez deviné ce qui pouvait me faire le plus de plaisir, cette eau de cologne que j'attends comme votre fraîcheur même. Me mettre en colère, maintenant que vous êtes à moi ! Jamais de la vie. Au contraire, je baise votre front et ce pied  et toute votre personne que mentionne votre lettre charmante. Je vous envoie de mon côté un porte-plume et une bague. La mesure est maintenant chez moi à Paris - mais je crois que la bague vous ira. - Le porte-plume est fait avec 2 balles boches. Je ne vous l'envoie que comme un souvenir et une curiosité mais peut-être le trouverez-vous peu pratique. Il suffit qu'il vous amuse un moment et ne réclame rien d'autre.
                         Pensez comme je suis heureux après vos lettres ! Je voudrais pouvoir vous le dire et vous briser de caresses si douces que vous en perdiez tout souvenir de tout autre chose en ce monde. Ma chère petite sorcière jolie, rien de méchant jamais dans mes lettres. Je vous souhaite une bonne fête. Ma lettre arrivera sans doute vers la date. Si elle vient plus tôt tant mieux. Oui - parlez-moi de vous, c'est ce qui m'intéresse le plus - c'est même la seule affaire que j'aie.
                         Vous êtes donc à moi, ma chérie, et moi je suis tout à vous.
                         Vous voudriez bien que je vous obéisse en tout cela, il n'y a que de la tendresse et votre obéissance vis-à-vis de moi doit rester entière. Je veux que la sujétion où vous devez être soit tout amour et toute souffrance, pour que je puisse consoler la petite indomptée que je veux maîtriser. Car si je n'étais point votre maître avec toutes les prérogatives souveraines que peut conférer ce mot, je ne vous aimerais pas tant.
                         Je veux que toujours toutes vos sensations s'éveillent tumultueuses sous mon regard dominateur. Sans quoi seriez-vous femme et moi homme ? - Puisque l'égalité de l'esprit nous met sans doute sur un même rang.
                          Nonobstant quoi, nous sommes si amis, maintenant, ma chérie, que vous pouvez me parler de vous avec toute la liberté que possède votre chère âme.
                          D'autre part, ma chérie, comprenez bien, que s'il s'agit ici de domination, ce n'est point une simple galanterie, mais une réalité profonde et passionnée qui doit toucher l'imagination, l'âme, le corps, jusqu'au bout et jusqu'où peut le vouloir ma volonté.
                          C'est ainsi que je vous veux ma chérie, puisque vous êtes à moi.
                          J e vous ai donné d'autre part, la maîtrise de nos vies de nos coeurs, durant la guerre pour que vous les prépariez à la paix.
                          J'ai encore une réponse à recevoir sur ce sujet.
                          Je termine ma lettre parce que le vaguemestre va partir.
                          Je baise vos jolies mains et votre front que j'adore.

                                                                                                                           Gui

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