Lettre à Madeleine
Marie Laurencin ( suite 21 septembre 1915 )
Marie Laurencin ( suite 21 septembre 1915 )
Tu pourras jouer Phèdre, j'ose défier Vénus à la lutte, ma fougueuse esclave.Tu as raison de tout exprimer, nous nous aimerons davantage à avoir plus de secrets communs. J'envie ma photo qui a tes seins adorables. Dis que je ne me trompe pas non plus sur tes seins et je prends ta bouche aussi longuement et aussi follement que tu me la donnes.
Gui
P.S. Je t'ai envoyé aujourd'hui deux porte-plume, l'un balle boche et balle anglaise, l'autre balle boche et balle belge. La balle belge est arrondie, la balle anglaise est plus longue que la balle boche..Plus 1 balle en fer, clou de cheval à moi, une bague à mes initiales à moi, une bague armoriée - C'est un graveur qui est resté très peu de temps qui les a gravées, je n'ai pas eu le temps de rien lui faire faire pr toi - plus une grosse bague ovale et une bague où j'ai mis un grain de vrai corail trouvé par terre, c'est pour toi.
2è Post-Scriptum. Il y a aussi dans le paquet un carnet ou il y a un cours d'hippologie et un cours de topographie, garde-le moi comme souvenir de ma préparation militaire, plus un foulard anglais avec Tipperary dessus. C'est pr toi et un précieux spécimen de l'imagerie de cette guerre.
( note hors texte : le thème des Neuf portes " apparaît déjà dans le poème destiné à Lou. Celui qui suit adressé à Madeleine est moins détaillé )
LES NEUF PORTES DE TON CORPS
Ce poème est pour toi seule Madeleine
Il est un des premiers poèmes de notre désir
Il est notre premier poème secret à toi que j'aime
Le jour est doux et la guerre est si douce. S'il fallait en mourir !!
*
Tu l'ignores, ma vierge ? à ton corps sont neuf portes
J'en connais et deux me sont célées
J'en ai pris quatre, j'y suis entré n'espère plus que j'en sorte
Car je suis entré en toi par tes yeux étoilés
Et par tes oreilles avec les Paroles que je commande et qui
sont mon escorte
*
Oeil droit de mon amour première porte de mon amour
Elle avait baissé le rideau de sa paupière
Tes cils étaient rangés devant comme les soldats noirs peints
sur un vase grec, paupière rideau lourd
De velours
Qui cachait ton regard clair
Et lourd
Pareil à notre amour.
*
Oeil gauche de mon amour deuxième porte de mon amour
Pareille à son amie et chaste et lourde d'amour ainsi que lui
Ô porte qui mène à ton coeur mon image et mon sourire qui luit
Comme une étoile pareille à tes yeux que j'adore
Double porte de ton regard je t'adore
*
Oreille droite de mon amour troisième porte
C'est en te prenant que j'arriverai à ouvrir entièrement
les deux premières portes
Oreille porte de ma voix qui t'a persuadée
Je t'aime toi qui donnes un sens à l'Image grâce à l'Idée
Castalie - Vénus
Huitième porte de la grande beauté de mon amour
Ô mon ignorance semblable à des soldats aveugles parmi
les chevaux de frise sous la lune liquide des Flandres à l' agonie !
Ou plutôt comme un explorateur qui meurt de faim de soif
et d'amour dans une forêt vierge
Plus sombre que l'Erèbe
Plus sacrée que celle de Dodone
Et qui devine une source plus fraîche que Castalie
Mais mon amour y trouverait un temple
Et après avoir ensanglanté le parvis sur qui veille le charmant
montre de l'innocence
J'y découvrirais et ferais jaillir le plus geyser du monde
Ô mon amour, ma Madeleine
Je suis déjà le maître de la huitième porte
*
Et toi neuvième porte plus mystérieuse encore
Qui t'ouvres entre deux montagnes de perles
Toi plus mystérieuse encore que les autres
Porte des sortilèges dont on n'ose point parler
Tu m'appartiens aussi
Suprême porte
A moi qui porte
La clef suprême
Des neuf portes
*
Ô portes ouvrez-vous à ma voix
Je suis le Maître de la Clef
G.A.
Ce poème est pour toi seule Madeleine
Il est un des premiers poèmes de notre désir
Il est notre premier poème secret à toi que j'aime
Le jour est doux et la guerre est si douce. S'il fallait en mourir !!
*
Tu l'ignores, ma vierge ? à ton corps sont neuf portes
J'en connais et deux me sont célées
J'en ai pris quatre, j'y suis entré n'espère plus que j'en sorte
Car je suis entré en toi par tes yeux étoilés
Et par tes oreilles avec les Paroles que je commande et qui
sont mon escorte
*
Oeil droit de mon amour première porte de mon amour
Elle avait baissé le rideau de sa paupière
Tes cils étaient rangés devant comme les soldats noirs peints
sur un vase grec, paupière rideau lourd
De velours
Qui cachait ton regard clair
Et lourd
Pareil à notre amour.
*
Oeil gauche de mon amour deuxième porte de mon amour
Pareille à son amie et chaste et lourde d'amour ainsi que lui
Ô porte qui mène à ton coeur mon image et mon sourire qui luit
Comme une étoile pareille à tes yeux que j'adore
Double porte de ton regard je t'adore
*
Oreille droite de mon amour troisième porte
C'est en te prenant que j'arriverai à ouvrir entièrement
les deux premières portes
Oreille porte de ma voix qui t'a persuadée
Je t'aime toi qui donnes un sens à l'Image grâce à l'Idée
Daumier - Au théâtre |
*
Et toi aussi oreille gauche toi qui des portes de mon amour est
la quatrième
Ô vous, les oreilles de mon amour je vous bénis
Portes qui vous ouvrîtes à ma voix
Comme les roses s'ouvrent aux caresses du printemps
C'est par vous que ma voix et mon ordre
Pénètrent dans le corps entier de Madeleine
J'y entre homme tout entier et aussi tout entier poème
Poème de son désir qui fait que moi aussi je m'aime
*
Narine gauche de mon amour cinquième porte de mon amour
et de nos désirs
J'entrerai par là dans le corps de mon amour
J'y entrerai subtil avec mon odeur d'homme
L'odeur de mon désir
L'âcre parfum viril qui enivrera Madeleine
*
Narine droite sixième porte de mon amour et de notre volupté
Toi qui sentiras comme ton voisin l'odeur de mon plaisir
Et notre odeur mêlée plus forte et plus exquise qu'un printemps
en fleurs
Double porte des narines je t'adore toi qui promets tant de
plaisirs subtils
Puisés dans l'art des fumées et des fumets
*
Bouche de Madeleine septième porte de mon amour
Je vous ai vue, ô porte rouge, gouffre de mon désir
Et les soldats qui s'y tiennent morts d'amour m'ont crié
qu'ils se rendent
Ô porte rouge et tendre
*
Ô Madeleine il est deux portes encore
Que je ne connais pas
Deux portes de ton corps
Mystérieuses
*
Castalie - Vénus
Huitième porte de la grande beauté de mon amour
Ô mon ignorance semblable à des soldats aveugles parmi
les chevaux de frise sous la lune liquide des Flandres à l' agonie !
Ou plutôt comme un explorateur qui meurt de faim de soif
et d'amour dans une forêt vierge
Plus sombre que l'Erèbe
Plus sacrée que celle de Dodone
Et qui devine une source plus fraîche que Castalie
Mais mon amour y trouverait un temple
Et après avoir ensanglanté le parvis sur qui veille le charmant
montre de l'innocence
J'y découvrirais et ferais jaillir le plus geyser du monde
Ô mon amour, ma Madeleine
Je suis déjà le maître de la huitième porte
*
Et toi neuvième porte plus mystérieuse encore
Qui t'ouvres entre deux montagnes de perles
Toi plus mystérieuse encore que les autres
Porte des sortilèges dont on n'ose point parler
Tu m'appartiens aussi
Suprême porte
A moi qui porte
La clef suprême
Des neuf portes
*
Ô portes ouvrez-vous à ma voix
Je suis le Maître de la Clef
G.A.
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