jeudi 20 février 2020

Poil de Carotte 10 Le Chat - Les Moutons - Parrain - La Fontaine - Les Prunes Jules Renard ( Roman France )

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                                                              Le Chat

                                                                    I

            Poil de Carotte l'a entendu dire : rien ne vaut la viande de chat pour pêcher les écrevisses, ni les tripes d'un poulet, ni les déchets d'une boucherie.
            Or il connaît un chat, méprisé parce qu'il est vieux, malade et, ça et là, pelé. Poil de Carotte l'invite à venir prendre une tasse de lait chez lui, dans son toiton. Ils seront seuls. Il se peut qu'un rat s'aventure hors du mur, mais Poil de Carotte ne promet que la tasse de lait. Il l'a posée dans un coin. Il y pousse le chat et dit :
            - Régale-toi.
            Il lui flatte l'échine, lui donne des noms tendres, observe ses vifs coups de langue, puis s'attendrit.
            - Pauvre vieux, jouis de ton reste.
            Le chat vide la tasse, nettoie le fond, essuie le bord, et il ne lèche plus que ses lèvres sucrées.
            - As-tu fini, bien fini ? demande Poil de Carotte, qui le caresse toujours. Sans doute, tu boirais volontiers une autre tasse ; mais je n'ai pu voler que celle-là. D'ailleurs, un peu plus tôt, un peu plus tard !...
            A ces mots, il lui applique au front le canon de la carabine et fait feu.
            La détonation étourdit Poil de Carotte. Il croit que le toiton même a sauté, et quand le nuage se dissipe, il voit, à ses pieds, le chat qui le regarde d'un oeil.
            Une moitié de la tête est emportée, et le sang coule dans la tasse de lait.
            - Il n 'a pas l'air mort, dit Poil de Carotte. Mâtin, j'ai pourtant visé juste.
            Il n'ose bouger, tant l'oeil unique, d'un jaune éclat, l'inquiète.
            Le chat, par le tremblement de son corps, indique qu'il vit, mais ne tente aucun effort pour se déplacer. Il semble saigner exprès dans la tasse, avec le soin que toutes les gouttes y tombent.
            Poil de Carotte n'est pas un débutant. Il a tué des oiseaux sauvages, des animaux domestiques, un chien, pour son propre plaisir ou pour le compte d'autrui. Il sait comment on procède, et que si la bête a la vie dure, il faut se dépêcher, s'exciter, rager, risquer, au besoin, une lutte corps à corps. Sinon, des accès de fausse sensibilité nous surprennent. On devient lâche. On perd du temps ; on n'en finit jamais.
            D'abord, il essaie quelques agaceries prudentes. Puis il empoigne le chat par la queue et lui assène sur la nuque des coups de carabine si violents, que chacun d'eux paraît le dernier, le coup de grâce.                                                                                                         hitek.fr
Image associée            Les pattes folles, le chat moribond griffe l'air, se  recroqueville en boule, on se détend et ne crie pas.
            - Qui donc m'affirmait que les chats pleurent, quand ils meurent ? dit Poil de Carotte.
            Il s'impatiente. C'est trop long. Il jette sa carabine, cercle le chat de ses bras et, s'exaltant à la pénétration des griffes, les dents jointes, les veines orageuses, il l'étouffe.
            Mais il s'étouffe aussi, chancelle, épuisé, et tombe par terre, assis, sa figure collée contre la figure, ses deux yeux dans l'oeil du chat.

                                                                         II

            Poil de Carotte est maintenant couché sur son lit de fer.
            Ses parents et les amis de ses parents mandés en hâte, visitent, courbés sous le plafond bas du toiton, les lieux où s'accomplit le drame.
            - Ah ! dit sa mère, j'ai dû centupler mes forces pour lui arracher le chat broyé sur son coeur. Je vous certifie qu'il ne me serre pas ainsi, moi.
            Et tandis qu'elle explique les traces d'une férocité qui, plus tard, aux veillées de famille, apparaîtra légendaire, Poil de Carotte dort et rêve.
            Il se promène le long d'un ruisseau, où les rayons d'une lune inévitable remuent, se croisent comme les aiguilles d'une tricoteuse.
            Sur les pêchettes, les morceaux du chat flamboient à travers l'eau transparente.
            Des brumes blanches glissent au ras du pré, cachent peut-être de légers fantômes.
            Poil de Carotte, ses mains derrière son dos, leur prouve qu'ils n'ont rien à craindre.
            Un boeuf approche, s'arrête et souffle, détale ensuite, répand jusqu'au ciel le bruit de ses quatre sabots et s'évanouit.
            Quel calme, si le ruisseau bavard ne caquetait pas, ne chuchotait pas, n'agaçait pas autant, à lui seul, qu'une assemblée de vieilles femmes.                                           cookingout.canalblog.com
Résultat de recherche d'images pour "écrevisses"            Poil de Carotte, comme s'il voulait le frapper pour le faire taire, lève doucement un bâton de pêchette et voici que du milieu des roseaux montent des écrevisses géantes.
            Elles croissent encore et sortent de l'eau, droites, luisantes.
            Poil de Carotte, alourdi par l'angoisse, ne sait pas fuir.
            Et les écrevisses l'entourent.
            Elles se haussent vers sa gorge.
            Elles crépitent.
            Déjà, elles ouvrent leurs pinces toutes grandes.


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            Poil de Carotte n'aperçoit d'abord que de vagues boules sautantes. Elles poussent des cris étourdissants et mêlés, comme des enfants qui jouent sous un préau d'école. L'une d'elles se jettent dans ses jambes, et il en éprouve quelque malaise. Une autre bondit en pleine projection de lucarne. C'est un agneau. Poil de Carotte sourit d'avoir eu peur. Ses yeux s'habituent graduellement à l'obscurité et les détails se précisent.
            L'époque des naissances a commencé. Chaque matin, le fermier Pajol compte deux ou trois agneaux de plus. Il les trouve égarés parmi les mères, gauches, flageolant sur leurs pattes raides : quatre morceaux de bois d'une sculpture grossière.
            Poil de Carotte n'ose pas encore les caresser. Plus hardis, ils suçotent déjà ses souliers, ou posent leurs pieds de devant sur lui, un brin de foin dans la bouche.
            Les vieux, ceux d'une semaine, se détendent d'un violent effort de l'arrière-train et exécutent un zigzag en l'air. Ceux d'un jour, maigres, tombent sur leurs genoux anguleux, pour se relever pleins de vie. Un petit qui vient de naître se traîne, visqueux et non léché. Sa mère, gênée par sa bourse gonflée d'eau et ballottante, le repousse à coups de tête.
            - Une mauvaise mère ! dit Poil de Carotte.
            - C'est chez les bêtes comme chez le monde, dit Pajol.
            - Elle voudrait, sans doute, le mettre en nourrice.
            - Presque, dit Pajol. Il faut à plus d'un donner le biberon, un biberon comme ceux qu'on achète au pharmacien. Ça ne dure pas, la mère s'attendrit. D'ailleurs, on les mate.
            Il la prend par les épaule et l'isole dans une cage. Il lui noue au cou une cravate de paille pour la reconnaître, si elle s'échappe. L'agneau l'a suivie. La brebis mange avec un bruit de râpe, et le petit, frissonnant, se dresse sur ses membres mous, essaie de téter, plaintif, le museau enveloppé d'une gelée tremblante.
            - Et vous croyez qu'elle reviendra à des sentiments plus humains ? dit Poil de Carotte.
            - Oui, quand son derrière sera guéri, dit Pajol : elle a eu des couches dures.
            - Je tiens à mon idée, dit Poil de Carotte. Pourquoi ne pas confier le petit aux soins d'une étrangère ?
            - Elle le refuserait, dit Pajol.
            En effet, des quatre coins de l'écurie, les bêlements des mères se croisent, sonnent l'heure des tétées et, monotones aux oreilles de Poil de Carotte, sont nuancés pour les agneaux car, sans confusion, chacun se précipite droit aux tétines maternelles.
            - Ici, dit Pajol, point de voleuses d'enfants.
            - Bizarre, dit Poil de Carotte, cet instinct de la famille chez ces ballots de laine. Comment l'expliquer ? Peut-être par la finesse de leur nez.
            Il a presque envie d'en boucher un, pour voir.
            Il compare profondément les hommes avec les moutons, et voudrait connaître les petits noms des agneaux.
            Tandis qu'avides ils sucent, leurs mamans, les flancs battus de brusques coups de nez, mangent, paisibles, indifférentes. Poil de Carotte remarque dans l'eau d'une auge des débris de chaînes, des cercles de roues, une pelle usée.
            - Elle est propre, votre auge ! dit-il d'un ton fin. Assurément, vous enrichissez le sang des bêtes au moyen de cette ferraille !
            - Comme de juste, dit Pajol. Tu avales bien des pilules, toi !
            Il offre à Poil de Carotte de goûter l'eau. Afin qu'elle devienne encore plus fortifiante, il y jette n'importe quoi.
            - Veux-tu un berdin ? dit-il
            - Volontiers, dit Poil de Carotte sans savoir ; merci d'avance.
            Pajol fouille l'épaisse laine d'une mère et attrape avec ses ongles un berdin jaune, rond, dodu, repu, énorme. Selon Pajol, deux de cette taille dévoreraient la tête d'un enfant comme une prune. Il le met au creux de la main de Poil de Carotte et l'engage, s'il veut rire et s'amuser, à le fourrer dans le cou ou les cheveux de ses frère et soeur.                                                    francetvinfo.fr
Image associée            Déjà le berdin travaille, attaque la peau. Poil de Carotte éprouve des picotements aux doigts, comme s'il tombait du grésil. Bientôt au poignet, ils gagnent le coude. Il semble que le berdin se multiplie, qu'il va ronger le bras jusqu'à l'épaule.
            Tant pis, Poil de Carotte le serre ; il l'écrase et essuie sa main sur le dos d'une brebis, sans que Pajol s'en aperçoive.
            Il dira qu'il l'a perdu.
            Un instant encore, Poil de Carotte écoute, recueilli, les bêlements qui se calment peu à peu. Tout à l'heure, on n'entendra plus que le bruissement sourd du foin broyé entre les mâchoires lentes.
            Accrochée à un barreau de râtelier, une limousine aux raies éteintes semble garder les moutons toute seule.   


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                                                                       Parrain                                                                                                                                                                                                        pinterest.com  
Résultat de recherche d'images pour "paysan 1900"             Quelquefois, Mme Lepic permet à Poil de Carotte d'aller voir son parrain et même de coucher avec lui. C'est un vieil homme bourru, solitaire, qui passe sa vie à la pêche ou dans la vigne. Il n'aime personne et ne supporte que Poil de Carotte.
            - Te voilà, canard ! dit-il.
            - Oui, parrain, dit Poil de Carotte sans l'embrasser, m'as-tu préparé ma ligne ?
            - Nous en aurons assez d'une pour nous deux, dit parrain.
            Poil de Carotte ouvre la porte de la grange et voit sa ligne prête. Ainsi son parrain le taquine toujours, mais Poil de Carotte averti ne se fâche plus et cette manie du vieil homme complique à peine leurs relations. Quand il dit oui, il veut dire non et réciproquement. Il ne s'agit que de ne pas s'y tromper.
            - Si ça l'amuse, ça ne me gêne guère, pense Poil de Carotte.
            Et ils restent bons camarades.
            Parrain, qui d'ordinaire ne fait de cuisine qu'une fois par semaine pour toute la semaine, met au feu, en l'honneur de Poil de Carotte, un grand pot de haricots avec un bon morceau de lard et, pour commencer la journée, le force à boire un verre de vin pur.
            Puis ils vont pêcher.
            Parrain s'assied au bord de l'eau et déroule méthodiquement son crin de Florence. Il consolide avec de lourdes pierres ses lignes impressionnantes et ne pêche que les gros qu'il roule au frais dans une serviette et lange comme des enfants.
            - Surtout, dit-il à Poil de Carotte, ne lève ta ligne que lorsque ton bouchon aura enfoncé trois fois.
            Poil de Carotte
            - Pourquoi trois ?
            Parrain
            - La première ne signifie rien : le poisson mordille. La seconde, c'est sérieux : il avale. La troisième, c'est sûr : il ne s'échappera plus. On ne tire jamais trop tard.
            Poil de Carotte préfère la pêche aux goujons. Il se déchausse, entre dans la rivière et, avec ses pieds, agite le fond sablonneux pour faire de l'eau trouble. Les goujons stupides accourent et Poil de Carotte en sort un à chaque jet de ligne. A peine a-t-il le temps de crier au parrain :
            - Seize, dix-sept, dix-hui !...
            Quand parrain voit le soleil au-dessus de sa tête, on rentre déjeuner. Il bourre Poil de Carotte de haricots blancs.
            - Je ne connais rien de meilleur, lui dit-il, mais je les veux cuits en bouillie. J'aimerais mieux mordre le fer d'une pioche que manger un haricot qui craque sous la dent, craque comme un grain de plomb dans une aile de perdrix.
            Poil de Carotte
            - Ceux-là fondent sur la langue. D'habitude, maman ne les fait pas trop mal. Pourtant, ce n'est plus ça. Elle doit ménager la crème.
            Parrain
            - Canard, j'ai du plaisir à te voir manger. Je parie que tu ne manges point ton content, chez ta mère.                                                                                                               
            Poil de Carotte                                                                                cuisineaz.com
Résultat de recherche d'images pour "haricots blancs"            - Tout dépend de son appétit. Si elle a faim, je mange à sa faim. En se servant, elle me sert par-dessus le marché. Si elle a fini, j'ai fini aussi.
            Parrain
            - On en redemande, bêta.
            Poil de Carotte
            - C'est facile à dire, mon vieux. D'ailleurs, il vaut toujours mieux rester sur sa faim.
            Parrain
            - Et moi qui n'ai pas d'enfant,je lécherais le derrière d'un singe, si ce singe était mon enfant ! Arrangez ça.
            Ils terminent leur journée dans la vigne, où Poil de Carotte, tantôt regarde piocher son parrain et le suit pas à pas, tantôt couché sur des fagots de sarment et les yeux au ciel, suce des brins d'osier.


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                                                                    La Fontaine

            Il ne couche pas avec son parrain pour le plaisir de dormir. Si la chambre est froide, le lit de plume est trop chaud, et la plume, douce aux vieux membres du parrain, met vite le filleul en nage. Mais il couche loin de sa mère.
            - Elle te fait donc bien peur ? dit le parrain.
            Poil de Carotte
            - Ou, plutôt, moi, je ne lui fais pas assez peur. Quand elle veut donner une correction à mon frère, il saute sur un manche de balai, se campe devant elle, et je te jure qu'elle s'arrête court. Aussi elle préfère le prendre par les sentiments. Elle dit que la nature de Félix est si susceptible qu'on n'en ferait rien avec des coups et qu'ils s'appliquent mieux à la mienne.
            Parrain
            - Tu devrais essayer du balai, Poil de Carotte.      
            Poil de Carotte
            - Ah ! si j'osais ! Nous nous sommes souvent battus, Félix et moi, pour de bon ou pour jouer. Je suis aussi fort que lui. Je me défendrais comme lui. Mais je me vois armé d'un balai contre maman. Elle croirait que je l'apporte. Il tomberait de mes mains dans les siennes, et peut-être qu'elle me dirait merci, avant de taper.
            Parrain
            - Dors, canard, dors !
            Ni l'un ni l'autre ne peut dormir. Poil de Carotte se retourne, étouffe et cherche de l'air, et son vieux parrain en a pitié.                                 
            Tout à coup, comme Poil de Carotte va s'assoupir, parrain lui saisit le bras.
            - Es-tu là, canard ? dit-il. Je rêvais, je te croyais encore dans la fontaine. Te souviens-tu de la fontaine ?
            Poil de Carotte
            - Comme si j'y étais, parrain. Je ne te le reproche pas, mais tu m'en parles souvent.
            Parrain
            - Mon pauvre canard, dès que j'y pense, je tremble de tout mon corps. Je m'étais endormi sur l'herbe. Tu jouais au bord de la fontaine, tu as glissé, tu es tombé, tu criais, tu te débattais, et moi, misérable, je n'entendais rien. Il y avait à peine de l'eau pour noyer un chat. Mais tu ne te relevais pas. C'était là le malheur, tu ne pensais donc plus à te relever ?
            Poil de Carotte
            - Si tu crois que je me rappelle ce que je pensais dans la fontaine !
            Parrain
            - Enfin, ton barbotement me réveille. Il était temps. Pauvre Canard ! pauvre canard ! Tu vomissais comme une pompe. On t'a changé, on t'a mis le costume des dimanches du petit Bernard.
            Poil de Carotte
            - Oui, il me piquait. Je me grattais. C'était donc un costume de crin ?
            Parrain
            - Non, mais le petit Bernard n'avait pas de chemise propre à te prêter. Je ris aujourd'hui, et une minute, une seconde de plus, je te relevais mort.
            Poil de Carotte
            - Je serais loin.
            Parrain
            - Tais-toi. Je m'en suis dit des sottises, et depuis je n'ai jamais passé une bonne nuit. Mon sommeil perdu, c'est ma punition ; je la mérite.
            Poil de Carotte
            - Moi, parrain, je ne la mérite pas et je voudrais bien dormir.
            Parrain
            - Dors, canard, dors.
            Poil de Carotte
            - Si tu veux que je dorme, mon vieux parrain, lâche ma main. Je te la rendrai après mon somme. Et retire aussi ta jambe, à cause de tes poils. Il m'est impossible de dormir quand on me touche.


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            Quelque temps agités, ils remuent dans la plume et le parrain dit :
            - Canard, dors-tu ?
            Poil de Carotte
            - Non, parrain.
            Parrain
            - Moi non plus. J'ai envie de me lever. Si tu veux, nous allons chercher des vers.
            - C'est une idée, dit Poil de Carotte.
            Ils sautent du lit, s'habillent, allument une lanterne et vont dans le jardin.
            Poil de Carotte porte la lanterne, et le parrain une boîte de fer-blanc, à moitié pleine de terre mouillée. Il y entretient une provision de vers pour sa pêche. Il les recouvre d'une mousse humide, de sorte qu'il n'en manque jamais. Quand il a plu toute la journée, la récolte est abondante.
            - Prends garde de marcher dessus, dit-il à Poil de Carotte, va doucement. Si je ne craignais les rhumes, je mettrais des chaussons. Au moindre bruit, le ver rentre dans son trou. On ne l'attrape que s'il s'éloigne trop de chez lui. Il faut le saisir brusquement, et le serrer un peu, pour qu'il ne glisse pas. S'il est à demi rentré, lâche-le : tu le casserais. Et un ver coupé ne vaut rien. D'abord, il pourrit les autres, et les poissons délicats les dédaignent. Certains pêcheurs économisent leurs vers ; ils ont tort. On ne pêche de beaux poissons qu'avec des vers entiers, vivants et qui se recroquevillent au fond de l'eau. Le poisson s'imagine qu'ils se sauvent, court après et dévore tout de confiance.
            - Je les rate presque toujours, murmure Poil de Carotte, et j'ai les doigts barbouillés de leur sale bave.
            Parrain
            - Un ver n'est pas sale. Un ver est ce qu'on trouve de plus propre au monde. Il ne se nourrit que de terre, et si on le presse, il ne rend que de la terre. Pour ma part, j'en mangerais.
            Poil de Carotte
            - Pour la mienne, je te la cède. Mange voir.
            Parrain
            - Ceux-ci sont un peu gros. Il faudrait d'abord les faire griller, puis les écarter sur du pain. Mais je mange crus les petits, par exemple ceux des prunes.
            Poil de Carotte
            - Oui, je sais. Aussi tu dégoûtes ma famille, maman surtout, et dès qu'elle pense à toi, elle a mal au coeur. Moi, je t'approuve sans t'imiter, car tu n'es pas difficile et nous nous entendons très bien.
            Il lève sa lanterne, attire une branche de prunier, et cueille quelques prunes. Il garde les bonnes et donne les véreuses à parrain qui dit, les avalant d'un coup, toutes rondes, noyau compris :
            - Ce sont les meilleures.
            Poil de Carotte                                                                              cache.marieclaire.fr   
Résultat de recherche d'images pour "prunes"            - Oh ! je finirai par m'y mettre et j'en mangerai comme toi. Je crains seulement de sentir mauvais et que maman ne le remarque, si elle m'embrasse.
            - Ça ne sent rien, dit parrain, et il souffle au visage de son filleul.
            Poil de Carotte
            - C'est vrai. Tu ne sens que le tabac. Par exemple tu le sens à plein nez. Je t'aime bien, mon vieux parrain, mais je t'aimerais davantage, plus que tous les autres, si tu ne fumais pas la pipe.
            Parrain
            - Canard ! canard ! ça conserve.


                                                                                 à suivre.............

                                                                  Mathilde


                                                                                  

            

                                                                    

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